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Togo : De Nana Benz à Nana Toyota

Publié le lundi 30 août 2004 à 07h54min

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Le vendredi 27 août 2004 est morte la doyenne des Nana Benz du Togo, affectueusement appelée Patience. Quand on sait qu’elle est partie à l’âge de 79 ans, il est indéniable qu’elle a répondu vraiment à son nom.

Le départ de cette mammy est assurément une grande perte pour ces dames commerçantes, qui ont le mieux réussi dans la vente du textile en Afrique. Bien avant les années 60, des femmes originaires du sud, analphabètes, mais ayant le sens du commerce, se lancent dans le commerce d’un nouveau genre de tissus, le Wax hollandais. De nos jours, bien des femmes rêvent de toujours s’habiller Wax hollandais. Le vrai en tout cas. Le succès ne s’est donc pas fait attendre par ces togolaises entreprenantes. Dès le début des années 60, c’est le jackpot assuré. Et quand on est riche, il faut un signe extérieur de richesse.

Si aujourd’hui, pour les nouveaux riches du Burkina, c’est la Lexus ou la Ford Lincoln, ces Togolaises avaient choisi la Mercedes Benz. D’où leur nom de Nana Benz. Aujourd’hui, cette marque peut sonner banal. Mais à l’époque c’était la crème des marques dans ce pays. Ni l’Administration, ni autorité n’en possédaient. La preuve, quand Eyadema recevait des hôtes de marque, il leur prêtait ces grosses cylindrées. Ainsi, les visiteurs du marché central de Lomé étaient habitués à voir ces dames au physique imposant et aux bijoux rutilants brasser des billets de banque pleins la corbeille.

Cette richesse ne passera pas inaperçu : d’abord les politiciens vont utiliser la puissance financière de ces commerçantes pour mieux conforter leurs assises politiques. En commençant par le parti-Etat de l’époque, et, plus tard, certains partis de l’opposition, en échange de potentiels avantages commerciaux futurs ; ensuite, un autre genre d’individus va s’intéresser à ces dames dans le but de satisfaire leur libido : les cocos stratégiques, nourris et blanchis par elles, auxquels, au Togo, on a vite fait de trouver un nom, les « bourses Nana ».

Des investissements à perte en somme. D’autres facteurs ont contribué au déclin de ces Nana Benz : La récession économique du Togo, qui a commencé au début des années 80, et les troubles sociaux liés au multipartisme avec son corollaire de violence, de grève illimitée et de couvre-feu. Malgré la régression commerciale des Nana Benz, elles demeurent toujours les maîtresses absolues du tissu à Lomé. Elles sont toujours là comme on aime à le dire. En tout cas, beaucoup de Nana Benz ne s’avouent pas vaincues. La preuve, aujourd’hui elles ont laissé tomber la Mercedes, estimant que cette marque est devenue trop banale, et se sont rabattues sur la marque Toyota (Lexus ?).

Ces mamans africaines attentionnées ont envoyé leurs fils et filles faire les meilleures études à l’étranger. Pour la plupart, dans le secret espoir de voir leurs rejetons moderniser ce commerce. Malheureusement, ces derniers préfèrent s’orienter dans d’autres secteurs, au grand dam de leurs mères. Ce comportement sonne-t-il le requiem de ces commerçantes ? Espérons que non.

Rabi Mitibkiéta
L’Observateur

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