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CHEFFERIE TRADITIONNELLE : Le nécessaire choix entre le statut et le laisser-faire

Publié le vendredi 2 juillet 2010 à 00h42min

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Qu’on se dise la vérité. Il faut que les politiques arrêtent de « fourrer leur nez » dans les affaires coutumières. Comme tout trône, les convoitises ne manquent pas. Mais la compétition avait ses règles qui étaient respectées de tous. Depuis que les politiciens ont décidé de conquérir ce domaine, tout a été déréglé. Que de rancœurs et de haines dans de nombreuses localités du Burkina ! Dans un premier temps, ils ont aussi leur mot à dire quand il faut introniser un nouveau chef. Généralement, ils soutiennent les candidats acquis à leur cause ou ceux qui seront facilement manipulables.

Quand ce n’est pas cela, ils recrutent des militants parmi les bonnets rouges qui sont, bien entendu, des citoyens comme tout le monde. Le contexte de pauvreté et le manque de statut aidant, les chefs coutumiers deviennent des relais efficaces des hommes politiques surtout quand on connaît l’influence qu’ils ont encore dans leur patelin. Ils sont chargés, même quand ils n’animent pas les meetings, de transmettre les promesses des candidats. Alors, celui qui est censé défendre les intérêts de tous ses sujets choisit d’appartenir à un camp. Dans l’hypothèse où les promesses ne sont pas respectées (Dieu seul sait si c’est souvent le cas), le chef fait désormais partie de ces hommes qui n’ont pas de parole et envers qui on a, désormais peu de respect.

A qui la faute alors si aujourd’hui, les dépositaires de nos valeurs ne répondent plus aux aspirations des populations ? Dans ce jeu de poker, force est de reconnaître que le pouvoir actuel semble avoir signé un pacte avec les bonnets rouges et qu’il ne peut rompre avec eux. Si le vide juridique les concernant n’a toujours pas été comblé, c’est assurément que le désordre lui profite grandement. En effet, dans le temps, les chefs traditionnels étaient autosuffisants avec de grands domaines agricoles par exemple. Aujourd’hui, le statut de chef traditionnel ne nourrit pas son homme. C’est cette situation peu enviable qui fait qu’ils sont manipulables, surtout par les politiciens qui n’hésitent pas à les "enfeuiller" surtout pendant les échéances électorales. Ils ressemblent bien malheureusement à des rabatteurs d’électeurs quand leur influence est encore intacte dans leur localité.

C’est pourquoi, il faut un statut pour les chefs traditionnels, qui définisse leur place dans notre société. Si les avantages liés à ce statut peuvent représenter un casse-tête pour l’Etat, il n’en demeure pas moins que toute la société burkinabè en retirera un bénéfice énorme d’abord en termes de paix sociale. Loin de nous l’idée de mettre tous les gardiens de nos traditions dans le même sac. Ceux d’entre eux qui ont su garder leur neutralité, quand les politiciens ne cessaient de leur faire la cour surtout à l’approche des élections, peuvent d’ailleurs s’estimer heureux et dignes et il en existe. L’histoire récente du Burkina regorge d’exemples de bonnets rouges qui ont été traînés dans la boue parce qu’ils ont défendu bec et ongle des chapelles partisanes. Certains ne sont pas loin d’être vomis par leurs populations. Adossés à des politiciens, ils disposent de moyens importants pour imposer leur point de vue et obliger les éventuels contestataires à se terrer.

Une constante se dégage malheureusement. Dans le temps, même si les intrigues politiciennes ne manquaient pas dans la chefferie coutumière, les conflits fratricides n’étaient pas aussi exacerbés que de nos jours. Comment alors se retrouver pour parler du développement de la localité ? Voilà le gâchis en termes de développement que nous impose l’ingérence des politiques dans les affaires coutumières. La morale est bien simple et elle se vérifie un peu partout. La chefferie coutumière a ses lois qui lui sont propres. Il faut les respecter. L’Etat a l’obligation régalienne de ne pas opter pour le laisser-faire, mais de donner un statut juridique aux dépositaires de nos valeurs morales, pour la paix sociale et le développement.

Le Fou

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 2 juillet 2010 à 01:49, par Paris Rawa En réponse à : CHEFFERIE TRADITIONNELLE : Le nécessaire choix entre le statut et le laisser-faire

    Dans la question de l’instrumentalisation politicienne de la chefferie traditionnelle au Burkina, comme dans beaucoup d’autres domaines de la vie politique au Burkina, ce qui est affligeant et insupportable dans le comportement de nos hommes politiques, c’est leur manque de vision, ou pire, leurs attitudes autodestructeurs : ils délaissent ce que le simple bon sens commande de faire, pour investir beaucoup d’énergie et d’argent dans ce qu’il aurait fallu éviter à tout prix de faire. Et après, on s’étonne que ça ne marche pas et qu’on est parmi les derniers de toutes les nations. Si encore, ils avaient l’humilité et la décence de reconnaitre et de réparer leurs nombreuses gaffes par un retour à une politique orthodoxe. Non, ils vont essayer de justifier leur bêtises avec les inepties les plus inacceptables ; et peu importe qu’ils ne soient pas du tout crédibles. Ah si le ridicule tuait...

  • Le 2 juillet 2010 à 05:55, par de toronto En réponse à : CHEFFERIE TRADITIONNELLE : Le nécessaire choix entre le statut et le laisser-faire

    Mon frere les chefs coutumiers sont les premiers vendeurs de parcelles. on aurait beau leur donner des parcelles ils les vendent toutes. ils n’ont qu’apprendre a travailler maintenant. nous sommes republique. pas en monarchie. donner un statut ou aventage a ces geb=ns c’est s’assurer une guerre civile. et a mon avis cela creer plus de probleme pour eux meme (il faudra que les princes aussi aient quelque chose, etc). on sait tous que beaucoup de cheffaillons laissent leur progeniture devenir la racaille du village. sans compter les coups pour remplacer un defunt chef qui vont se multiplier par 100 s’il ya l’argent en vue

    • Le 2 juillet 2010 à 18:59, par Paris Rawa En réponse à : CHEFFERIE TRADITIONNELLE : Le nécessaire choix entre le statut et le laisser-faire

      Monsieur de toronto, je comprends votre réaction, mais il faut approfondir la réflexion.

      1- Si la chefferie coutumière était encadrée par un statut juridique, les chefs ne se comporteraient mal comme vous le dites, car leurs propres coutumes et leur hiérarchie interne allaient pouvoir les reprendre et les sanctionner. En plus, les hommes politiques n’auraient eu aucun intérêt électoral à vouloir les acheter si par exemple une loi leur interdisait de militer ou de prendre position pour un parti politique. La même loi concernant leur statut juridique pourrait leur donner un rôle dans la promotion de la culture au sein des localités, en fonction de l’étendu territorial dont ils sont responsables coutumiers.

      2- Qu’est-ce qu’on exige comme obligations aux chefs coutumiers aujourd’hui pour que dans l’exercice de leur fonction il n’y ait pas de troubles graves au sein de la population ? Rien ! Ce n’est pas normal dans un état de droit ! Par exemple, même l’administration coloniale qui n’était là que pour les intérêts de la France, obligeait les chefs coutumiers à mettre leurs princes héritiers à l’école pour être sûr qu’ils seront formés à la française et qu’ils parleront bien le français ! Pourquoi n’exigerait-on pas par la loi que les princes héritiers soient instruits à l’école de la république ? Pourquoi l’État (par le biais de l’école nationale d’administration par exemple) ne proposerait pas un module adapté de formation civique obligatoire pour tous les prétendants aux différents trônes ? Une espèce de formation civique un peu plus poussé pour que nos têtes couronnées connaissent leurs obligations de chefs coutumiers à l’intérieur d’un état de droit ! Pourquoi pas une loi pour leurs imposer un certain nombre de devoirs de réserve. Pourquoi ne pas aider ces autorités coutumières à procéder à la transcription des procédures coutumières de succession au trône des grandes chefferies majeures du Burkina ?

      3- Oui, c’est vrai que nous sommes désormais dans une République (malgré les tentations monarchiques de nos politiques), raison pour laquelle il faut éviter que ces autorités coutumières se mêlent trop de la politique partisane. Mais cela ne veux pas dire qu’elles n’ont plus aucune utilité pour la nation : elles sont ce qui reste de notre histoire pré-coloniale et aussi les gardiens des cultures traditionnelles de nos peuples. Or la culture est quelque chose de vivante qui évolue sans cesse ! La France est une république plus ancienne que la notre, mais le palais du royal de Versailles a été conservé pour le prestige culturel et architectural de la France : la France a décapité son roi-Soleil Louis 16, mais de nos jours c’est dans son palais à Versailles que les élus de l’Assemblée et du Sénat se réunissent, chaque fois qu’ils ont à voter une modification de la constitution française. Par ailleurs, même la présidence de la république (palais de l’Élysée) et l’Assemblée nationale (palais Bourbon) sont abritées dans des palais qui rappellent le passé impérial et les références culturelles de la France. Les chefferies coutumières chez nous sont héritières d’une très longue histoire de nos peuples, certaines datant du moyen-âge, au moment où Charlemagne et ses descendants régnaient en Europe. Faut-il laisser les petits politiciens et les héritiers inconscients faire disparaitre définitivement la mémoire vivante de nos cultures ; mémoire qui n’est même pas bien enseigné à nos enfants !

      Nous n’avons pas un patrimoine culturel national autre que celui qui nous vient de notre passé. Il faut apprendre à le connaitre, à le respecter et à en être fière, c’est le seul moyen de prendre conscience du destin commun par lequel l’histoire nous a liés pour en faire un seul peuple une seule nation burkinabè, au-delà des diversités culturelles linguistiques et ethniques. Rejeter son histoire, c’est se condamner à ne pas avoir d’identité.

  • Le 2 juillet 2010 à 15:24, par franck dit aspirant Barde En réponse à : CHEFFERIE TRADITIONNELLE : Le nécessaire choix entre le statut et le laisser-faire

    Le Nam ne s’achette pas et le riche ne peu que mourir de jalousie,chefferie par là chefferie par çi.ça ce décrétte pas c’est un patrimoine,que vous aimez ou pas elle vivras jusqu’a la fin de ses temps.Elle n’est ce cedo Démocratie mal géré en Amérique,transplanté en Afrique Qui pronne l’induvudualisme a outrance,l’absortion du plus petit par le plus grand,et sous entendu la loie du plus grand nombre si la polique démocrartique est autre que cela l’on veill bien me le définir.Donc a la plus par de votre gente chercher vos poux ailleurs que sur la tête de nos chefs.Qelle que soit le grade du nam sur tout chez les mossis ilya des degrés fautes,celles donc ont meurt apres trois ans celles qui vous permets pas de faire deux saisons, celle qui ne depassent pas trois moi celles qui ne dépassent pas une semaine et celle que l’on vous ordonne de quittéla surfacede la terre des vivants. A bon entedeur dame censure.

  • Le 2 juillet 2010 à 15:48 En réponse à : CHEFFERIE TRADITIONNELLE : Le nécessaire choix entre le statut et le laisser-faire

    Chaque peuple merite ses dirigeants ; c’est une logique à la limite "mathématique".

  • Le 3 juillet 2010 à 02:31, par Mechtilde Guirma En réponse à : CHEFFERIE TRADITIONNELLE : Le nécessaire choix entre le statut et le laisser-faire

    Je voudrais appuyer Paris Rawa sur ses affirmations et lui dire en effet que des études ont été faites à ce sujet et le rapport livré à la commission nationale de décentralisation. La consultante en question était bel et bien moi Mechtilde Guirma choisie par Joséphine Ouédraogo du bureau ARC. Nous étions trois consultants : Basile Guissou, Pierre Joseph Laurent de l’Université Louvain la Neuve et moi. C’était en 1995. Les termes de référence dans la répartition des travaux, indiquaient que Basile devait s’occuper des administrateurs, Pierre Joseph Laurent les ONG, et moi les coutumiers et l’Église catholique, car ils constituent tous des pouvoirs politiques locaux. Dans mon approche de la question, j’ai envoyé une lettre d’information à son Éminence le Cardinal Paul Zoungrana pour bénéficier de sa bénédiction et de ses recommandations dans tout son diocèse. C’est ce qu’il fit. Ensuite, je suis partie rendre une visite de courtoisie au Moro-Naba Baongho et lui ai parlé de la question en lui demandant de me recommander à son porte-parole pour recueillir son avis sur la question. Il m’indiqua le Larlhé-Naba Tigré. Ce dernier m’envoya le Cassir-Naba, le vieux papa Gabriel et d’autres. Puis nous avons été Basile et moi chez l’archevêque de Bobo Dioulasso qui nous a recommandé à son tour à son curé de paroisse (un juriste très compétent qui n’est autre aujourd’hui que l’évêque de Fada-N’Gourma et à qui les Institutions du Burkina devaient la chambre des représentants lors des assises de l’Assemblée constitutives). Par la suite pour les questions spécifiques de l’Association Nationale de femmes catholiques, je suis retournée au moins deux fois à Bobo discuter de la question avec l’Archevêque surtout en ce qui concernait leur statut et règlement intérieur. J’ai été aussi chez le Roi des Bobo (attention ceux qui ne veulent pas croire que je suis princesse, du moins sachez que je suis la Reine des Bobos, car le roi des bobos, à l’époque sa Majesté Sanou Kollo et tant pis pour les Tansobindamba qui ne savent pas entretenir une femme, rires, m’a donnée à son premier Ministre) Ensuite j’ai été à Fada N’Gourma et chez le roi Yoabli, et chez le Untaani qui était alors le président de la Conférence Épiscopale Burkina-Niger. Je devais par la suite me rendre et à Dori et à Ouahigouya. Mais mystérieusement on mit fin à ma mission sans préavis, oralement par le président de la Commission Nationale de la décentralisation de l’époque. J’ai dû donc la terminer ma mission à mes propres frais, et pourtant le président de la Commission Nationale de la Décentralisation (CND) se fit livrer deux exemplaires de mon rapport final. Et pour avoir mes droits, j’ai dû faire recours au très intègre Médiateur du Faso de l’époque (c’était vraiment une chance pour moi). Sa collaboratrice à laquelle mon dossier fut confié « acheta » comme on dirait en langue africaine ma cause et le dossier aboutit. Bref pour vous dire que les propos de Paris Rawa sont très pertinents, et rentre dans la ligne droite de la refondation car les refondateurs à ce que j’ai remarqué ont reprit sans ambages et avec humilité la même démarche d’écoute auprès des coutumiers, des chefs traditionnels et des religieux. Mais le système de la 4ème République a-t-il intérêt ? En effet,à présent que j’y pense, j’ai comme l’impression (ce n’est seulement qu’une impression), que des coutumiers achetés, ont dû commettre des parricides et des régicides afin d’aiderla 4èmes République à assoir et implanter son système par la corruption, ainsi, ils ont semé la confusion et ont pu étouffer la volonté quasi-totale et le vœu le plus ardent des coutumiers de se dégager de la politique. Je regrette, mais je n’arrive pas à me dégager de cette pensée de la tête quand je fais une rétrospective du déroulement des faits et des évènements. Et j’assure que je sais de quoi je parle pour avoir aussi écouter les coutumiers et les religieux en 1995. Il faudrait réellement à mon sens que toute la classe politique qui se réclame de l’opposition réfléchisse plus d’une fois avant de s’engager dans la course aux présidentielles en novembre prochain. Mais vous savez on avertit jamais assez.

  • Le 4 juillet 2010 à 00:34, par Mechtilde Guirma En réponse à : CHEFFERIE TRADITIONNELLE : Le nécessaire choix entre le statut et le laisser-faire

    Chers amis du forum, surtout les jeunes, je reviens sur l’exhortation de Paris Rawa dans le dernier paragraphe de son numéro trois (3) et qui va mettre en exergue son numéro deux (2) concernant la formation civique et les devoirs coutumiers de nos têtes couronnées. Pour cela je vous fais le compte-rendu de mes entretiens avec le groupe de Larlhé d’abord ensuite de ma visite au Moro-Naba, afin que vous perceviez au mieux que, souvent, nous jugeons trop hâtivement les coutumiers et les religieux sans vraiment les connaître. Avec le groupe de Larlhé, il est ressortit que le Burkina jouit un atout très significatif d’une de ses valeurs positives dans les traditions, les us et les coutumes : le dialogue interreligieux. Et le Cassir-Naba d’expliciter sa pensée par un exemple très rehaussant : Il ôta son bonnet noir de la tête, le posa sur la table et expliqua : Ce que nous coutumiers nous attendons, c’est surtout deux choses en nous mêlant dans la gestion de la cité. Si le gouvernement nous envoyait par exemple ce bonnet et nous demandait comment faire pour qu’il devienne blanc, nous allons rencontrer nos frères catholiques, protestants et musulmans et leur soumettre la question. Puis après délibération, nous verrons où le bonnet pourrait-être envoyé pour être blanchi ». Je parie qu’il ne viendrait pas à l’idée de nos politologues et diplomates de nos jours de croire que les coutumiers possèdent parfaitement le concept ou la notion de la « clause de la nation la plus favorisée » (nous pouvons parler ici, de la clause de la religion la plus favorisée. Ce qui veut dire que quand l’État accorde une faveur à une religion qui en demande, la faveur s’étend d’emblée aux autres sans discrimination). Puis le Cassiri-Naba d’ajouter les vœux les plus ardents des coutumiers, d’abord que le mariage reprenne son sens d’antan du don des femmes. Et il a précisé, « Nous ne sommes pas contre l’autonomie de la volonté, au contraire cela rentre dans notre nature même. Mais nous souhaitons qu’aujourd’hui les jeunes qui se rencontrent où qu’ils soient, si après ils décident de se marier, qu’ils nous contactent afin que nous puissions procéder aux formalités du don comme l’exige la coutume ». Le deuxième vœu du Cassiri-Naba, c’était une réponse à ma question sur une éventuelle interférence du chef qui adhère à un parti politique sur les déroulements des élections. Le Cassiri-Naba a été catégorique. « Si le chef adhère à un parti politique, il le fait à son propre nom, et non au nom de ses sujets ». Mais vous savez dans le système des causeries avec les coutumiers, il faudrait être très attentif. En effet en général le plus vieux, c’est-à-dire l’aïeul se contente d’écouter. Il ne participe pas. Mais la conclusion lui revient. Une conclusion qui fait la part des souhaits et la part de la réalité en cours. Mais avant de parler de la réaction du vieux papa Gabriel, voici comment s’est passée ma visite chez le Moro-Naba. Habituée des cours royales par ma mère que j’aimais accompagner dans mon enfance et adolescence, j’ai adopté la démarche coutumière : d’abord l’habillement africaine. Ensuite je suis rentrée avec ma voiture que j’ai garée près de la cours de la première épouse et des jeunes reines sous le grand arbre face au palais côté Sud-Ouest où le roi reçoit les visiteurs communs des mortels (détail important et vous le verrez). Ensuite je rentrais chez la première épouse pour solliciter l’audience. Elle envoyait alors un serviteur avertir le roi après que je lui eus expliqué d’abord le motif de ma visite. Mais ce jour l’empereur Pangsoba s’est excusé du fait qu’il était occupé. Le deuxième jour le roi me fit dire : Naab t’eb kota wêenga » (ce mot en quelque sorte signifie espace, large. Et moi j’avais compris qu’il voulait que je lui foute la paix). Furieuse, je repartais avec la ferme résolution de ne plus revenir. Mais l’idée me vint d’aller demander l’explication de ces attitudes à mon oncle maternel du village. Il me dit en souriant que si je ne retourne pas je suis idiote, car c’est un hommage que le roi me rend en s’humiliant devant moi pour me solliciter d’abord parce qu’il sait que la parole que je lui amène, est une bonne nouvelle. Aussi il t’a mis au rang de la Reine de la paix (Wêenga, c’est l’espace, le royaume de la Wêemba ou Reine de la paix chez les Mossé de Ouagadougou). Le lendemain je m’y présentais de nouveau, la première épouse envoya le serviteur. Et quand celui-ci revint, c’était pour dire que le roi réclamait son épouse avec le bébé en bas âge. Après avoir accompagné cette dernière, le serviteur revint annoncer que roi attendait celle qui demandait l’audience. Comme d’habitude, je fus accompagnée par une des épouses (en général et quoiqu’on dise, le roi n’a droit qu’à douze femmes chiffre qui correspond au nombre des ordres que compose l’ethnie moagha). J’avais la même attitude courbée genoux à terre et torse replié sur les avants-jambes que l’épouse qui m’accompagnait et côte à côte en face du roi assis canne royale en main. Et pendant que moi je parlais l’épouse frappait les coudes à terre. Mais chose rarissime (car je suis sûre que peu de personnes ont vu cela), il y avait à côté du roi, l’autre épouse, son bébé dans les bras. Mais même avec tout cela, je n’avais pas encore saisi le symbole (la triade : père, mère, enfant). Quand je pris congé après avoir livré mon message, je repartais avec l’épouse accompagnatrice sans nous retourner comme le veut la coutume. Un au revoir rapide à la grande Reine première épouse (c’est un poste politique), je sautai dans ma voiture, fis demi-tour pour reprendre le chemin du retour, et que vois-je sous le hall où le roi venait de me recevoir ? Le roi debout majestueux et son épouse avec son enfant tout à côté de lui : une véritable copie conforme de la statue de la Sainte Famille de Nazareth et qui m’observait repartir. Cette vision m’avait tellement frappée que je suis retournée chez mon oncle maternel pour avoir l’explication. N’étant pas satisfaite, je rappliquai chez ma tante paternelle. Je reçu la même explication que celle de l’oncle et qui, plus tard, corroborait exactement aux vœux des coutumiers sur la question du mariage et de la famille et telle que l’avait expliqué le Cassiri-Naba décrivant et déplorant les difficultés des jeunes à se marier aujourd’hui, le concept même du mariage (sous-entendu en voie de dénaturation) et le délitement de la famille de nos jours. Je disais plus haut que j’allais donner la conclusion du vieux papa Gabriel, une conclusion disais-je, qui faisait la part entre les vœux, les souhaits et la réalité en cours. Après avoir écouté toutes les discussions avec le Cassiri-Naba et ses compagnons et les questions que je posais, papa Gabriel d’un ton grave, conclut de la façon suivante : « tous ces vœux que vous venez d’exprimer, ne sont maintenant que des vœux pieux. Et il poursuivit : vous-mêmes voyez la tournure des évènements et le pli que les enfants ont pris, je doute fort que l’on puisse arriver encore à changer quoique ce soit (en moré : Yam sê pa ne ? Kamba sê n’dik wêenem niinga wâ, m’yam yoada). Indignée, je lui dis « mais papa, ne dites pas ça. Laisse-nous au moins espérer ». Catégorique il répéta sa phrase. Je me disais, « boff les vieux toujours pessimistes ». Ce que je n’avais pas encore compris, c’est qu’à son âge là, parler de « Kamba », c’était viser en droite ligne les gens du pouvoir. En un mot, pour revenir aux propositions de Paris Rawa, le pouvoir coutumier parle avec des signes des temps qu’il faut savoir décoder. Les négliger nous-mêmes, c’est donner l’occasion à des forces occultes étrangères avec des complicités locales de les exploiter à leur fin en les manipulant, en les corrompant. Or c’est là que se trouve le secret de la bonne gouvernance pour une meilleure exploitation de nos potentiels cuturels et surtout du développement. Se les réapproprier de façon moderne est plus qu’une urgence, la seule alternative. En d’autres termes, son Excellence Saye Zerbo l’a également expliqué dans son écrit, en soulignant bien des aspects tels que les corporations etc. Le défis donc est grand et fait appel à une refondation du système republicain.

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