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Louis Armand Ouali déchu de son mandat de député : La fin du nomadisme politique a sonné

Publié le mercredi 30 juin 2010 à 00h48min

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Mihyemba Louis Armand Ouali

Le Conseil constitutionnel en sa séance du 4 juin a décidé de la déchéance de Mihyemba Louis Armand Ouali de son mandat de député et de son remplacement par un suppléant de la liste du Rassemblement pour le dévéloppement du Burkina (RDB). Depuis, la décision fait objet de polémique de la part de l’intéressé et de ses alliés du moment. La fin du nomadisme politique vient de sonner.

C’est à la suite d’une saisine du Président de l’Assemblée nationale par lettre n° 2010-039/ AN/PRES/SG en date du 24 mai 2010 aux fins de constater et de prononcer la déchéance de Monsieur Mihyemba Louis Armand Ouali, de son mandat de député conformément à l’article 85 alinéa 2 de la loi onstitutionnelle n° 015-2009/AN du 30 avril 2009 portant modification de la Constitution que le Conseil constitutionnel a été amené à prendre la décision n° 2010-015/CC portant déchéance et remplacement par un suppléant du député Mihyemba Louis Armand Ouali, élu sur la liste du Rassemblement pour le développement du Burkina (RDB) de la province du Poni et présentement secrétaire général adjoint, chargé des affaires politiques de l’Union pour le progrès et le changement (UPC).

D’aucuns ont vite crié à la manœuvre politicienne pour régler des comptes à un adversaire et il s’en est même trouvé quelques-uns pour douter de la recevabilité de cette saisine. L’article 157 de notre Constitution est pourtant claire sur la question : « Le Conseil constitutionnel est saisi par : le Président du Faso ; le Premier ministre ; le Président de l’Assemblée nationale et un cinquième (1/5) au moins des membres de l’Assemblée nationale… ».

La saisine du Conseil constitutionnel dans cette affaire « Ouali » est donc alors régulière. Mieux, le Conseil constitutionnel statuant sur la saisine dans le fond n’a fait qu’interpréter les textes (ce qui fait partie de ses attributions). Lesquelles dispositions stipulent que « les mandats conférés par le suffrage universel prennent fin avant leur terme dans certaines circonstances déterminées par les lois et règlements ; que la constatation de l’existence de ces circonstances est une tâche juridictionnelle confiée au Conseil constitutionnel ». Ce sont les articles 43, 85, alinéa 2 de la Constitution du 11 juin 1991 et l’article 202 du code électoral qui le disent.

L’article 85, alinéa 2 de la loi constitutionnelle n° o15-2009/AN du 30 avril 2009 portant modification de la Constitution dispose précisément que ’’toutefois, tout député qui démissionne librement de son parti ou de sa formation politique en cours de législature est de droit déchu de son mandat et remplacer par un suppléant’’.

Le présent et le passé pour renforcer la loi

Selon les textes donc, le député Mihyemba Louis Armand Ouali a démissionné librement du Rassemblement pour le développement du Burkina (RDB) pour rejoindre l’Union pour le progrès et le changement (UPC). Le Conseil constitutionnel n’a fait que tirer la conséquence de droit en constatant la déchéance de Mihyemba Louis Armand Ouali de son mandat de député. Et, conformément à sa loi organique et sa procédure de saisine, le Conseil a notifié sa décision à qui de droit à savoir au Président du Faso, au Premier ministre, au Président de l’Assemblée nationale et demandé qu’elle soit publiée au Journal officiel du Burkina Faso.

D’ailleurs le conseil n’a aucune obligation de notifier la décision à M. Ouali puisque l’auteur de la saisine a obtenu l’avis demandé et devrait normalement en tirer les conséquences de droit et informer si besoin était le concerné. La loi sur le nomadisme est venue corriger, compléter ou préciser des dispositions constitutionnelles qui faisaient qu’au gré des intérêts individuels, des élus pliaient bagages et armes vers d’autres horizons alors qu’ils avaient été élus sous d’autres bannières. Cela fragilisait les partis politiques et corrompaient le vote des populations. Il est indiscutable que le scrutin est de liste, lesquelles sont soumises par des partis et non par des individus. Ce n’est que justice que de permettre enfin aux partis de conserver la paternité de leurs mandats. Certains députés n’auraient jamais obtenu les faveurs des électeurs s’ils n’avaient pas figuré sur la liste d’un parti… Le législateur a estimé qu’il fallait mettre un terme à cela dès maintenant.

C’est pour cela que le texte de loi adopté dit que « tout député qui démissionne librement de son parti ou de sa formation politique en cours de législature est de droit déchu de son mandat et remplacé par un suppléant ». L’usage du présent « démissionne » et du passé composé « est déchu » indique clairement que cette Loi produit ses effets dès son adoption et sa promulgation. Ce qui est bien sûr différent du cas de la modification de l’article 37 en 2000 où il était clairement indiqué que le changement s’appliquerait pour les mandats à venir. Ces précisions sont aussi des situations élémentaires de droit. Le constat qui se dégage, c’est le respect de l’armature juridique et règlementaire par le Conseil constitutionnel qui est du reste à saluer contrairement au début de polémique que le principal concerné et ses nouveaux alliés ont engagée.

Il n’y a pas de justice à deux vitesses

On se rappelle également que sur la saisine d’un parti politique, le Conseil constitutionnel avait contraint le gouvernement à reporter un scrutin, le temps de revoir la loi sur la CENI et se conformer à la loi. Le Conseil n’avait pas entendu à cette occasion ni le requérant encore moins l’Etat. Pour en revenir au contradictoire, en fait le principe est du reste respecté puisque le Conseil statue à charge et à décharge. Il n’aborde pas dans tous les cas les affaires à lui soumis avec un parti pris puisque même l’Etat subit la rigueur de ses décisions. Enfin sur la mention « est remplacé par un suppléant », traduit une réelle maîtrise des réalités politiques du pays par le Conseil car s’il disait par un suppléant du RDB et que ce dernier n’était pas libre pour venir à l’Assemblée, le siège serait vide à moins que le Conseil délibère à nouveau pour que l’injustice qu’il a voulu corriger ne soit pas remplacée par une autre.

Ce qui est fondamental, c’est que le mandat reste au parti qui l’a gagné de haute lutte et c’est ce dernier qui pourvoit à sa bonne fin si son député venait à aller voir ailleurs volontairement en cours de mandature. Le mot volontaire est important car si Ouali était parti sous la contrainte, les choses se seraient présentées autrement... Alors, il n’y a pas une justice à deux vitesses ; c’est la loi qui est dure mais c’est comme cela. Les jours du nomadisme politique sont comptés et les candidats au départ doivent savoir qu’ils tirent leurs mandats du peuple à travers les partis qui, s’ils sont forts et stables contribuent encore plus à l’approfondissement de notre processus démocratique.

Toussaint TAPSOBA

Le Progrès

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Vos commentaires

  • Le 30 juin 2010 à 09:18, par Traoré En réponse à : Louis Armand Ouali déchu de son mandat de député : La fin du nomadisme politique a sonné

    "Ce qui est bien sûr différent du cas de la modification de l’article 37 en 2000 où il était clairement indiqué que le changement s’appliquerait pour les mandats à venir."

    Merci pour la précision. Simon Compaore a dit en substance : "Je ne suis pas fou pour lorgner le fauteuil de kosyam".
    Le législateur burkinabe a dit, je ne suis pas fou pour dire le mandat de Monsieur Blaise Compaore est fini. "Le Progrès" a dit amen. La messe est dite.

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