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Evangélisation et résistance des peuples du Sud-Ouest : Un pan d’une riche histoire revisité

Publié le mardi 29 juin 2010 à 01h38min

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Les grandes conférences organisées dans le cadre du cinquantenaire de l’indépendance du Burkina, se sont déportées, le 26 juin 2010 à Gaoua, chef-lieu du Sud-Ouest. A l’occasion, ce sont deux fils de la région, les Dr Pierre Claver Hien et Magtoire Somé, tous deux historiens et universitaires qui ont animé deux panels, portant respectivement sur la « résistance des peuples du Sud-Ouest à la pénétration coloniale », et « histoire de l’évangélisation des populations du Sud-Ouest ».

Les participants à la grande conférence, conduite par le Ministère de la culture, du tourisme et de la communication dans le cadre du cinquantenaire de l’indépendance, samedi 26 juin dernier à Goua, ont découvert un pan de la « riche histoire » de cette partie du Burkina. Ainsi, le Dr Pierre Claver Hien, enseignant-chercheur en histoire a entretenu l’assistance à la vaste salle de l’ENEP de Gaoua sur la résistance des peuples du Sud-Ouest à la pénétration coloniale.

Dans son développement, le conférencier a fait remarquer qu’en 1896, la majeure partie du territoire burkinabè avait été conquise par le colonisateur français suite à la Conférence de Berlin (1884-1885). Mais, les populations du Sud-Ouest avait pu préserver leur indépendance, d’abord face aux conquérants africains. Ce sont les princes Dioula qui tenteront de « prendre » le Sud-Ouest mais cette conquête se soldera par un échec.

A la suite de ceux-ci, les Marka, sous la conduite de Moctar Karantao, entreprendront d’islamiser les populations Dagara, Pougouli, Birifor, Djan. Mais nouvel échec. Après cet épisode, les populations locales se livreront à une guerre de 7 ans. Et face aux menaces de plus en plus grandes de Samory Touré d’annexer aussi cette partie, les populations en guerre ont mis un terme à leur conflit, en signant un pacte de non-agression.

La pénétration française

C’est dans ce contexte que les Français devançant les Anglais et leur ennemi Samory Touré, pénétrent le Sud-Ouest en 1897. Ils parviennent à faire signer par le chef de terre de Diébougou, un traité le 4 mai 1897, faisant de ce dernier, le chef de toute la région et c’est par cette astuce, que les Français arriveront à s’installer. En effet, en septembre 1897, tout le pays Lobi-Dagara est sous domination française.

Mais les populations se signalent par une résistance à cette présence étrangère. Sont citées en exemple, l’insurrection des Dagara en 1904, l’insoumission chronique des Lobi et des Birifor. Les Français utilisent des méthodes fortes pour soumettre la population, en brûlant les greniers et en nettoyant les maisons lobi à la grenade.

Les autres résistances se sont manifestées à travers le refus de scolariser les enfants ou en migrant tout simplement au Ghana, où se trouve souvent une partie de la famille. Le conférencier est arrivé à la conclusion que les populations du Sud-Ouest, se sont farouchement opposées à la pénétration coloniale.

En décortiquant les raisons de cette ferouche opposition aux Blancs, le Dr Hien a évoqué une cause principale : la rencontre entre deux mondes : tradition et modernité.

Dans cette partie du Burkina où chaque chef de ménage est considéré comme un « chef d’Etat », le système colonial a eu du mal à passer. Revenant au contexte actuel, le conférencier Hien a indiqué qu’il faut éviter les superlatifs lorsqu’il s’agit de parler de résistance. Car il s’agit de construire une mémoire nationale de la résistance et non une concurrence des résistances.

Un autre sujet tout aussi intéressant, c’est l’histoire de l’évangélisation des populations du Sud-Ouest du Burkina Faso. Cette deuxième conférence a été animée par le Pr Magloire Somé, spécialiste d’histoire religieuse. Jusqu’au 19e siècle, dira le professeur d’histoire, l’Afrique n’a pas intéressé le Saint siège, dans le domaine de l’évangélisation. Même si des missions étaient installées sur les côtes africaines, leur objectif n’étant pas l’évangélisation des populations africaines. Elles étaient plutôt là, pour porter une assistance spirituelle à des marchands européens.

Le catholicisme, un tremplin à la modernité

Il a fallu attendre la colonisation pour que les missionnaires puissent pénétrer à l’intérieur du continent et après que le Vatican eut adopté un plan d’évangélisation. C’est dans cette dynamique que les missionnaires arrivent au Burkina. Et contrairement à d’autres régions qui ont abrité assez tôt des postes de mission (Koupèla, 1900, Toma 1912), la région du Sud-Ouest n’accueillera sa première mission qu’en 1929. Cette évangélisation du Sud-Ouest est venue à la demande du colonisateur.

En effet, c’est le commandant de cercle de Gaoua, qui a demandé à l’évêque de Bobo, (qui abritait déjà une mission depuis 1927), de fonder une mission à Gaoua, afin de soumettre les populations qui sont rebelles. Finalement, les missionnaires s’installent à Kampti (42 km de Gaoua) où la première mission dans cette région fut fondée en 1929.

Le christiannisme (religion catholique) a gagné le pays Dagara en 1933. Et cela, après que des Dagara se soient rendus au Ghana voisin où leur curiosité les a poussés à aller découvrir un prêtre faiseur de miracles, à travers notamment des guérisons.

Cette évangélisation a atteint son but dans la mesure où les populations ont pu faire la distinction entre le Blanc oppressif (colonisateur) et « le bon Blanc » (missionnaire). Et surtout l’Eglise catholique a remarquablement développé au profit des populations, des œuvres socioéducatives : sanitaire, sociales, école... En définitive, le conférencier est arrivé au constat selon lequel, l’installation des missionnaires dans le Sud-Ouest a permis aux populations de comprendre que le christianisme est un tremplin à la modernité.

Gabriel SAMA

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 29 juin 2010 à 08:54 En réponse à : Evangélisation et résistance des peuples du Sud-Ouest : Un pan d’une riche histoire revisité

    bonne initiative qui permet de garder la memoire de la region. C’est un pan de l’histoire du burkina (entre autres) qui montrent que les peuples africains ne sont pas les larves qu’on veut les faire passer pour. Ils ont restes attachés a leur liberte et ont resisté farouchement à l’envahisseur, qu’il soit africain ou non africain ; et ont su faire leur unité face au danger.
    au dela de cela il faut souligner toute la richesse culturelle dans le sens plein du terme, qui est restée totalement inexploitée (qu’elle soit historique, intellectuelle, traditonnelle, economique, géologique, politique, militaire, etc). Au dela des ruines de Loropeni, il y a bien d’autres sites et autres aspects qui pourraient etre exploités au niveau touristique, psychosociologique, etc. Cette region reste une mine inexploitée (tout comme tout le burkina d’ailleurs). Malheureusement tel n’est point le cas, a commencer de par la negligence et l’egoisme des fils du pays. felicitations aux organisateurs. je connais le Pr Magloire SOME et il connait mes positions depuis les grands debats au sein de l’Association Scolaire de Dano et de l’Association des Scolaires du Lobi qui malheureusement ont été detruites, etc. Alors que les populations sont en proie à d’enormes problemes (qui ne sont point insolubles).
    le probleme des concessions de prospections entrent dans cette question de resistance et de respect des traditions auxquels sont attachées ces populations. S’ils ont resisté et ont defendu leur liberte et le droit au respect de leurs traditions, soyez assures qu’ils vont se defendre contre ces prospections qui tuent les fondements meme de leur société. D’ailleurs le Pr Hien a parlé de la maniere dont la region fut vaincue. Cela se repercute encore aujourd’ui dans les conflits de legitimité traditionnelle, entre chef de terre et chef de village (ce qui est different et pas toujours les memes) que ce soit a diebougou, zambo ou autres... c’est dire que rappeler ces memoires ont l’effet de transmission de celle-ci, qui ne se fait plus dans les familles. Bien merci au pr hien et au BIDIOR il comprendra
    SOME Téonbaore

  • Le 29 juin 2010 à 09:22, par HOUMHOUM En réponse à : Evangélisation et résistance des peuples du Sud-Ouest : Un pan d’une riche histoire revisité

    Bravo aux conférenciers mais je ne suis pas d’accord quand ils donnent l’impression que l’église catholique a été le tremplin du dévéloppement du Sud Ouest. Au contraire je pense que le retard de développement du Sud Ouest est associé à la présence de l’église . Regarder un peu les régions citées par les conférenciers : Toma, Koupela, Sud Ouest etc. Elles sont des régions pauvres d’où proviennent beaucoup d’intellectuels et de prètes mais je ne crois pas qu’on ait un seul milliardaire de ce pays qui viennent de ces régions. Puisque l’église n’a pas appris aux gens de ces zones à faire du business au contraire elle leur a dit qu’il est dangereux de de devenir riche car il est écrit qu’"il sera plus facile pour un cheval de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche de rentrer au paradis".
    Aussi il faut ajouter que l’église a contribué à faire perdre la culture de la région. De nos jours les gens labas ont honte de porter un nom dit "botanique" pourtant paradoxalment chaque parent pensent qu’il est nécessaire de donner un tel nom à à son enfant.
    Tout le monde labas a honte d’aller voir le "wakman" pourtant tout le monde dans cette région pense qu’il est indispensable d’y aller. Alors on se cache finalement pour s’y rendre.En conclusion :
    L’église a amené les gens de cette région à se cacher pour faire ce qui leur appartient, ce qui relève de leur culture.
    Il n’ya pas de "bon blanc ni de mauvais blanc". Le blanc c’est la ruse , c’est les intérets. les blancs ont utilisés la réligion pour aboutir à la colonisation. Allez y voir chez eux s’ils vont à l’église le dimanche.
    Il faut cependant reconnaitre que l’église effectivement a beaucoup joué un role dans le social (scolarisation, santé, paix etc.) mais est ce ça le développement ? Je ne suis pas un économiste donc je m’excuse de m’égarer dans ce domaine. Seulement je voudrais que les conférenciers s’en tiennent au bienfaits sociaux incontestables de l’église mais ne pas faire d’amalgame avec le développement proprement dit qui ne pourrait etre visible sans un grand développement du secteur privé dont la promotion n’a pas été faite par l’église.

  • Le 29 juin 2010 à 16:32 En réponse à : Evangélisation et résistance des peuples du Sud-Ouest : Un pan d’une riche histoire revisité

    slt Mr, je pense que vous ne connaissez pas bien ceux dont il est question dans cette activité intellectuelle de restitution de l’histoire. vous avez aussi, je pense fait un jugement de valeur alors qu’il ne s’agit pas de cela. etez-vous sur d’ailleurs qu’il n’existe pas de millionnaire dans cette zone ou ces zones n’ont-il pas de fils millionnaire ailleurs. la géographie n’est pas le developpement. le developpement e n’es pas le nombre de personne riche. non, je m’inscrit en faut contre vous sur toute la ligne.

  • Le 29 juin 2010 à 17:28 En réponse à : Evangélisation et résistance des peuples du Sud-Ouest : Un pan d’une riche histoire revisité

    Je n’ai pas voulu aller dans le fonds des idées sur le rôle de l’évangélisation et de l’église dans le devenir passé, présent et futur de cette région. C’est pourquoi je disais que Magloire connaît mes positions a ce propos : nous avons eu de grands debats... Les pretres de la region ont beaucoup travaillé sur les traditions dagara, lobi, djan etc. Certains sont lucides sur ce qua été ou aurait pu se faire l’évangélisation dans la région et par delà en afrique. Contrairement l’intervenant Houhoum, je ne serais aussi catégorique : je ne suis pas sur que cela soit le fa it exclusif de l’église meme si elle a certainement un role. C’est bien spécifique a la religion catholique par opposition au protestantisme (voyez la mentalité américaine et la mentalité française, portugaise, etc.. Je ne parle même pas du judaïsme. Max Weber (et autres penseurs) l’ont bien analysé ce phénomène). Je suis d’accord quand Houhoum parle des bienfaits sociaux du fait de l’église, mais pas du tout d’accord quant a sa conception du développement ou plus exactement du processus de développement dévolu au secteur privé. Cette approche est une faux débat qui couve une certaine idéologie qui justement n’a fait qu’envoyer l’Afrique dans des voies qui l’ont menée là où elle est aujourd’hui, a savoir une place pas du tout viable.
    Concernant la région du sud ouest en particulier, la situation catastrophique (a mon humble avis), c’est seulement du a une certaine mentalité des populations et c’est la que les fils de la région tiennent leur part de responsabilité ; La question du conflit entre les villages de Gnamé et son voisin Tovor dans la commune de Zambo en est un exemple patent. Il nous faut accepter de nous regarder en face et aider nos parents à se prendre sérieusement en main dans ce monde en plein bouleversement. C’est pourquoi nous sommes allés à l’école du blanc Je ne fais que reprendre la Grande Royale de « L’aventure ambiguë » (Kane). Et comme Houhoum le dit si bien, il n’y a ni « bons blancs » ni « mauvais blancs », tout comme on peut dire qu’il y a de « bons nègres » et « de mauvais nègres »… Je tendrais même à être moins indulgents entre le nègre. Notre avenir nous appartient : il suffit de l’accepter le voir ainsi et de se prendre en main.
    SOME

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