LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

PRESIDENTIELLE AU BURUNDI : Chronique annoncée d’une victoire sans gloire

Publié le mardi 29 juin 2010 à 01h35min

PARTAGER :                          

Une élection présidentielle peut sans doute en cacher une autre. Des deux présidentielles qui se seront déroulées presque concomitamment, en terre africaine, en cette fin de juin 2010, alors que de façon unanime, on salue la guinéenne qui, pour une première, aura réussi un coup de maître, la raison commande de subodorer que la seconde, burundaise, n’augurera pas de lendemains qui chantent pour le prochain mandat du président sortant Pierre Nkurunziza. Et pour cause : pour une élection qui se veut démocratique, il faut le reconnaître, les dés semblent bien pipés d’avance.

Les six candidats de l’opposition ont tout simplement décidé de se retirer d’une présidentielle qu’ils jugent truquée à l’avance. Nkurunziza se retrouve seul, et ce, après cinq années passées à la tête de l’Etat burundais, à briguer en solitaire un nouveau mandat que sans doute il remportera sans coup férir.

Et ce, après des élections communales remportées, certes, mais très contestées, et qui ont valu à ce petit pays de la région des Grands Lacs de connaître une résurgence de la violence qui engendra morts et blessés par centaines. Ce qui fait d’ailleurs craindre pour l’avenir. Car on n’oubliera pas que le Burundi se trouve à l’heure actuelle, meurtri par une guerre civile qui dura treize longues années (1993-2006) et que ce pays continue de panser les plaies que lui causèrent alors, mésententes, haines et divisions meurtrières.

Et alors, on se dit que le président sortant avait franchement, mieux à faire. Il est vrai, l’élection burundaise se passe en Afrique, un continent où les dirigeants ne font pas vraiment un cas de conscience du boycott de l’opposition et de la société civile. Bien au contraire, leur refus d’aller aux urnes facilite grandement la tâche aux dirigeants, puisque de toute façon, il s’en trouvera toujours des citoyens pour mettre le bulletin dans l’urne. Et puis, l’élection sera validée.

La cérémonie d’investiture se tiendra en grande pompe et aura la caution de tout un aréopage de présidents et têtes couronnées, les fameux « pairs africains », venus porter une onction à l’heureux réélu qui se fera fort d’étrenner son nouveau mandat à la tête de son pays. Et la terre continuera de tourner, le soleil de se lever. Pour la morale, on repassera sans doute. Et les partisans de la saine démocratie auront toujours leurs yeux pour pleurer. Mais une fois de plus, Pierre Nkurunziza aurait pu, aurait dû faire mieux. En choisissant de dialoguer avec son opposition, par exemple. Que les six candidats de l’opposition aient tous opté pour la voie du boycott est signe qu’à tout le moins, existe un malaise.

Ces candidats représentent une bonne partie de la nation burundaise qui mérite que l’on tienne compte de ses aspirations. On ne peut pas la faire passer par perte et profit et clamer plus tard que le président élu sera "celui de tous les Burundais". Ce serait ni moins, ni plus qu’une injure, un pitoyable mensonge. Ou alors, Nkurunziza aura opté pour le désormais fameux adage qui est en passe de régir la philosophie politique de bon nombre de dirigeants de ce continent dont le désir avéré est l’éternité au pouvoir : "les chiens aboient et la caravane passe", disent-ils sans ciller.

Sans doute, mais c’est assurément sans tenir compte que ladite caravane fonce droit dans un ravin. Car, on se demande de quelle utilité s’avèrera un président si mal élu, dans le contexte actuel que vit le Burundi. Il est normal que l’on pense d’une élection présidentielle, qu’elle permette à un pays de se choisir, dans la pluralité démocratique, le candidat que la majorité des électeurs aura trouvé apte à conduire la destinée de la nation. On attend alors d’un tel scrutin qu’il ouvre la voie à un nouveau départ entrepris dans la sérénité, la quiétude et l’espoir justement placé en des lendemains prometteurs. Mais lorsque passe la caravane dans un concert de réprobations , de frustrations et de dénis criards de la justice la plus élémentaire, on ne peut manquer de croire que celui qui conduit la diligence, dans le meilleur des cas, est un inconscient et dans le pire, un cynique impénitent.

Et le plus malheureux, c’est qu’il ne se trouve aucune voix pour oser la protestation. Ni celle des partenaires de ce pays, ni celle des pairs du chef d’Etat burundais. Et pourtant, tous savent à perfection les dangers que court un pays lorsqu’il s’autorise des élections remportées à l’avance. Bien sûr, ces voix pourront toujours s’élever plus tard pour décrier les dérives ainsi que les dérapages constatés, mais elles seront alors parfaitement inutiles, puisqu’en ce moment-là, un mauvais fantôme se sera solidement ancré et barricadé dans la demeure. C’est d’ailleurs ici, peut-être, l’endroit pour décrier le comportement de toutes ces ONG qui, toujours, "supervisent" les élections sur le continent sans jamais rien avoir de plus à redire que la formule consacrée des "petites irrégularités qui ne sont pas de nature à remettre en cause la régularité du scrutin". Plus que cyniques, elles finissent par devenir complices d’un mauvais système en cela qu’elles lui apportent une bien trop précieuse onction qui valorise et légitime souvent de mauvaises pratiques aux mains de mauvais systèmes.

Et une fois de plus, l’ego d’un chef d’Etat du continent africain aura effectué un mauvais passage en force pour se maintenir au pouvoir. Mais la vraie question que l’on craint est bien celle qui concerne l’avenir de tout un pays. Nkurunziza sera déclaré vainqueur, puis "intronisé" pour un nouveau mandat. Certains s’en féliciteront, beaucoup d’autres s’en lamenteront. Le chef d’Etat, fraîchement élu, voudra faire voir à tous que la légalité lui donne la prérogative d’être le président de tous les Burundais. On le voit, cinq années, c’est bien trop long à souffrir pour une nation qui n’a pas vraiment choisi son dirigeant et qui, partant, devra l’endurer et même ployer sous le poids d’un bien lourd fardeau. Déjà, on se demande qui peut sauver la situation, et comment ?

"Le Pays"

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 29 juin 2010 à 04:29, par BANTENIBE En réponse à : PRESIDENTIELLE AU BURUNDI : Chronique annoncée d’une victoire sans gloire

    Je voudrais tout d’abord savoir si cet article est le résultat de votre investigation sur terrain ou si vous l’avez rédigé de votre bureau ? Avec tout le respect que j’ai au journalisme, je me permets de penser que vous avez reproduit les propos de certains gens sans avoir interrogé les Burundais.Je suis burundais et lors des éelections communales je me trouvais au Burundi. Ceux qui parlent haut et fort contre le Président sortant, c’est parce qu’ils ont les moyens de le faire. Mais qu’ont-ils fait pour le paysan burundais ? vous connaisez mal les Burundais. Ils parlent peu, mais ils savent observer et quand l’opportunite leur est offerte, ils parlent par la voie des urnes.
    Qui peut voter pour Agathon RWASA qui a exterminer tous ses compagnons de lutte pour qu’il reste le seul chef sans concurrent ? Savez-vous alors qu’il a accepté avoir exterminé les Banyamulenge ? Qui peut voter pour les menteurs comme Alexis Sinduhije, Léonard Nyangoma le régionaliste et j’en passe ? Nkurunziza a abolit les frais scolaires é l’E.P, Accouchement gratuit pour toutes les femmes, soins médicaux gratuits pour les enfants de 0 à 5 ans, construction des écoles et que sais-je encore. Voilà ce qui lui a value la confiance du peuple.
    La faible participation aux présidentielle est le résultats de la terreur semée par l’opposition.
    Tous ces partis politiques qui se sont retirés souhaiteraient un gouvernement de consentement mutuel à l’instar de ce qui s’est passé au Kenya, ce n’est pas la démocratie.
    Passez au Burundi pour mieux connaitre ce qui s’y passe et ainsi écrire de bons article.

    Bantenibe.

    • Le 29 juin 2010 à 18:30, par Paris Rawa En réponse à : PRESIDENTIELLE AU BURUNDI : Chronique annoncée d’une victoire sans gloire

      Monsieur Bantenibe, vous pouvez dire tout ce que vous voulez, mais vous ne nous ferez pas croire qu’une élection avec un seul candidat est juste et démocratique !!! Il n’y a pas besoin d’argumenter : quelques soient les raisons, personnes n’a le droit de prendre un peuple en otage. Même le fait d’avoir servi efficacement les intérêts d’un peuple ne donne à aucun homme politique le droit de prendre en otage le destin d’un peuple. Peu importe que vous connaissiez mieux votre peuple que nous ou pas ; l’arbitraire est tout simplement inacceptable. Vivement la liberté et la démocratie réelles pour tous les africains sans exception.

      • Le 3 juillet 2010 à 09:34, par NTEZIRIBA Michel En réponse à : PRESIDENTIELLE AU BURUNDI : Chronique annoncée d’une victoire sans gloire

        Excusez moi les politiciens ! Je n’en suis pas un, mais je suis un simple citoyen qui observe. Je pense qu’en compétition les courses se ressemblent. Qu’aurait fait NKURUNZIZA quand ceux qui ne se sentaient pas prêts à courir se sont retirés après le go de l’arbitre qui est le CNI ? Personnelement je pense que le vrai démocrate est celui qui avance mais pas celui qui recule au moment d’avancer. La démocratie est un véhicule dont le moteur n’a pas la vitesse pour reculer."Vivement la liberté et la démocratie réelles pour tous" comme vous le dites. Ces politiciens qui ont choisi de quitter la course sont libres et la population avec leur seul candidat sont aussi libres.

  • Le 30 juin 2010 à 07:26, par KURIKUZOTSINDA En réponse à : PRESIDENTIELLE AU BURUNDI : Chronique annoncée d’une victoire sans gloire

    Je suis extrêmement choqué par la réaction de BANTENIBE, qui prétend être burundais ! Au cas où il le serait, je doute fort qu’il soit un burundais de l’intérieur ! Soit !
    Ce qui me choque le plus, ce sont les insultes qu’il profère à l’endroit des leaders de l’opposition ! On croirait entendre certains tenors du pouvoir au Burundi ! Alexis menteur, Nyangoma régionaliste, etc. Et si on parlais de Nkurunziza ?! Tu penses que les termes menqueraient ?! N’est ce pas lui qui a brûlé des écoles, violé les femmes, et massacré d’autres paysans pacifiques ?! Si tu as des doutes, approches ceux qui l’ont hebergé dans les hauteurs de Bujumbura -Rural, ils t’en iront plus !
    Et je suis désolé, si les gens ont boycotté ce vote, c’est parce qu’ils sont frustrés ! Les quelques grenandes que lancent les agents de la documentations dans les centres urbains, ne devraient pas empecher le paysan d’aller voter !
    Nous faison face à un chef d’Etat qui a toujours gouverné par entêtement !Ce dialogue qu’il rechigne à accepter, il finira par le faire ; c’est sa nature ! Là où je suis d’accord avec l’auteur, c’est le mutisme de tous ces ONG et corps diplômatiques ! Comme ils ont été dupes durant les élections, ils ont du mal à accepter qu’ils se sont fait avoir, au moment même où ils rentraient dans leurs hotel luxueux, croyant que le processus était fini !

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique