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PRESIDENTIELLE EN GUINEE : Le récit de notre envoyé spécial

Publié le lundi 28 juin 2010 à 00h32min

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Il aura fallu attendre 52 ans pour que le premier bulletin de vote entre démocratiquement et de façon transparente dans une urne guinéenne. C’était ce dimanche 27 juin 2010, dans 8 424 bureaux de vote répartis sur tout le territoire de Samory Touré. La première étape vers la démocratie est franchie.

Rond-point de Bambeto, la place des revendications de Conakry. Il est 6h30. Dans toutes les rues, des hommes et des femmes empressés, tenant en main leur carte d’électeur biométrique. Les motos et les véhicules sont rares dans les rues, n’étant autorisés à circuler que les engins munis d’un laisser-passer. Brusquement, du virage d’une des routes, qui forme le carrefour de Bambeto, un groupe hétéroclite de femmes, de jeunes et de vieux, foncent vers une sorte de magasin. Là, automatiquement, deux rangs se forment : l’un d’hommes et l’autre de femmes. On est dans un pays fortement islamisé. 6h45. Les membres du bureau de vote sont là. Ils mettent en place les urnes (deux), les bulletins de vote et l’isoloir. Il est opportun de jeter un coup d’œil sur cet isoloir, assez original : il fait de l’espace entre deux bâtiments, espace couvert de part et d’autre par une natte en rotin. Le bureau de vote est à l’air libre. 6h45. On scelle les urnes.

On ne connaît les bureaux de vote que le jour du scrutin

Des électeurs se renseignent sur le lieu où ils doivent voter. A souligner qu’ils ne pouvaient pas le faire plutôt car aucune affiche, aucun signe ne distinguait ou n’indiquait l’emplacement des bureaux de vote. Ce n’est que le jour du scrutin qu’on peut le savoir. Ce qui ne manque pas de créer des désagréments, néanmoins atténués par le fait que chacun sait que c’est dans son quartier qu’il doit voter. Les membres de la FOSSEPEL (Force spéciale pour la sécurisation du processus électoral) se chargent d’ailleurs de cette tâche d’indicateurs. 7h05 : ça y est, le premier électeur vient d’introduire son bulletin dans l’urne sous l’œil des représentants des 24 candidats. Le sort est jeté. La Guinée, va, pour la première fois, depuis sa naissance, élire démocratiquement et de façon transparente son président, parmi 24 candidats.

Parmi ceux-ci, Sidya Touré, de l’UFD, a accompli ce devoir dans son quartier à La Minière à 11h. Voilà ce qu’il a dit ensuite : « A plusieurs fois, ce bureau de vote qui est à côté de moi, je l’ai boycotté. C’est une différence énorme par rapport au passé ». Tout va bien même s’il constate quelques imperfections, comme le cas de Guinéens qui veulent voter sans cependant avoir de bulletin de vote. Quant à savoir pour qui il a voté, ce n’est sans doute pas pour Cellou Dalein Diallo, le leader de l’UFDG, qui, lui, a accompli son devoir civique à Dixinn, pendant que 14h20 sonnait à la place Samory Touré. Il venait de réaliser et avec le peuple guinéen, ce que "personne ne croyait au départ ». Quant au président par intérim du pays du Fouta Djallon, il a montré à ses compatriotes la voie à suivre à quelques pas du palais présidentiel Sékou Toureya. Alpha Condé l’a fait à Mafanko et pour lui, "c’est la victoire de la démocratie."

53 083 Guinéens votent à l’étranger

Au moment où nous traçons ces lignes, il est 15h. Les bureaux de vote ne désemplisssent pas. Même si on n’a pas le taux de participation pour l’instant, sans doute, il s’annonce important. A 18h, 4 224 272 Guinéens, dont 53 083 à l’étranger, auront exprimé leur voix. Ils croiseront alors les doigts. Dans 72 heures, la Guinée aura un nouveau président…ou attendra pour l’avoir le 18 juillet, date du second tour. Pour l’instant, elle entame un tournant historique de … son histoire.

Abdou ZOURE (Envoyé spécial)


Des faits et des gestes à Conakry

• Les militaires ont voté hors des casernes, en civil comme en treillis. Pour les responsables de ces bureaux de vote, cela ne pose aucun problème si tous les militaires ne le font pas en civil. C’est juste que la consigne n’a pas bien circulé.

• Le scrutin de 2010 n’est plus une chasse-gardée du MATAP (Ministère de l’Administration et des Affaires politiques) comme par le passé. L’organisation des élections appartient maintenant à la CENI.

• Plus de seaux à la place des urnes ! Sous les deux républiques passées, des seaux étaient utilisés comme urne ! Mais ce 27 juin, aucun récipient de ce genre n’était dans les bureaux de vote.

• La Fondation Jimmy Carter est de la partie. Et c’est l’ex-président nigérian, Yacobou Gowon, qui a été mandaté comme observateur international et superviseur de cette élection. A Coleya, devant un bureau de vote, il a indiqué que "tout se passe bien" et que "c’est l’occasion pour la Guinée de retourner à une démocratie vraie."

• Preuve de la mobilisation à cette élection, le poumon économique de Conakry, le grand marché de Madina, où dès le matin les gens « marchent coude à coude », était vide. Aucune boutique n’était ouverte et les seuls marchands ou acheteurs potentiels sont les véhicules et les motos marqués des laisser-passer qui y déambulaient.

• Deux électeurs ont été arrêtés dans un bureau de vote de Conakry. Ils détenaient des cartes d’électeurs falsifiés.

• Scrutin certes, mais on n’oublie ni le ventre ni le foot, à Conakry ! Certains sont sortis très tôt pour accomplir leur devoir et revenir suivre les matchs de la Coupe du monde et d’autres sont allés s’aligner, miches de pain (et elles sont longues et grosses, les miches de pain à Conakry !) en main.

• Devant la concession de Alpha Condé à Mafanko, l’un des militants du RPG s’est mis à distribuer des billets de banque. Ce qui n’a pas manqué de créer quelques remous. Mais finalement, tout est rentré dans l’ordre, grâce à l’intervention des forces de sécurité. Mais des choses à ne pas répéter à l’avenir, car elles risquent d’être mal interprétées.

Rassemblés par A.Z


L’appel à la responsabilité du général Sékouba Konaté

A la veille du scrutin, le samedi 26 juin 2010 au palais présidentiel Sékou Toureya, le président par intérim de la Guinée, Sékouba Konaté, a rencontré les 24 candidats, le président de la CENI, la présidente du Conseil national de la transition, Rabiatou Sierah Diallo et le Premier ministre de la transition, Jean Marie Doré. Là, le président Konaté, après avoir pris l’engagement de remettre le pouvoir dès l’investiture du président et après avoir "condamné avec la dernière énergie", les échauffourées qui ont marqué les derniers jours de la campagne, promettant que justice sera faite pour les familles des victimes, il a appelé les Guinéens et les candidats « au calme et à la retenue ».

Afin que, selon les propos de Rabiatou Diallo, "l’enfant qui naîtra de cette élection ne soit ni tué ni étranglé. Cet enfant, c’est la Guinée." Ben Sékou Sylla, le président de la CENI, a dit pour sa part que son institution était prête, pendant que Jean Marie Doré a qualifié l’armée de "glorieuse". Pour traduire l’unité des candidats, pour qui l’essentiel, c’est le bonheur des Guinéens, Alpha Condé a parlé au nom des 24 candidats : « le changement a commencé » pour la Guinée.

A.Z

Le Pays

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