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ACCIDENT FERROVIAIRE AU CONGO : L’expression de l’incurie de l’Etat

Publié le jeudi 24 juin 2010 à 02h26min

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Doit-on occulter la part de responsabilité de l’Etat congolais dans le grave accident ferroviaire survenu dans la nuit du lundi au mardi 22 juin 2010 dans le Sud du Congo, sur la ligne Pointe- Noire Brazzaville ? Selon les officiels, l’erreur humaine serait à l’origine de l’irréparable qui s’est produit à une soixantaine de kilomètres de Pointe-Noire, à la hauteur du village Yanga. Une prise de position bien confortable dans un contexte africain où la culture du déterminisme et de l’attentisme l’emporte de loin sur la nécessité de remuer les cendres pour ensuite prendre les dispositions à même de prévenir les catastrophes.

Autant dire qu’une enquête minutieuse menée par un organisme indépendant est nécessaire pour situer les responsabilités et punir les coupables suite à un procès équitable. Malgré ses faiblesses, le Chemin de fer Congo Océan est davantage utilisé par les voyageurs en raison de la cherté des billets d’avion. Et c’est en cela que réside la responsabilité de l’Etat congolais dans l’accident du train Pointe-Noire Brazzaville. D’où vient-il en effet que dans ce pays, géographiquement petit, peu peuplé, mais riche tant au niveau du sol (forêt) qu’au sous-sol (pétrole), des dirigeants au pouvoir depuis des lustres ne soient toujours pas parvenus à résoudre des équations qui ne paraissent pas si insurmontables au plan du développement ?

Le Congo qui sort à peine des séquelles de la guerre civile fratricide des années antérieures, mérite mieux.

En particulier, la région de Pointe-Noire qui en a beaucoup souffert. L’Afrique équatoriale qui souffre le martyr serait-elle maudite ? La question se pose d’autant que les drames qui s’y déroulent, déroutent tant par leur ampleur que par leur rythme : guerre civile, troubles ethniques, viols, etc. Ne pourrait-on pas expliquer la survenue de ce grave accident ferroviaire autrement que par l’erreur humaine ?

Certes, il pleut beaucoup dans cette partie du monde et à certains endroits, le sol est fragile. Comme partout ailleurs en Afrique, indépendamment de l’érosion naturelle des sols, des dégradations sont régulièrement occasionnées par le plus grand prédateur de la nature : l’homme. Sous la pression de l’explosion démographique, de l’urbanisation et de la recherche effrénée des sous, on tend à tout détruire sans pour autant se préoccuper de réparer, d’entretenir ou tout simplement de replanter. Les rails implantés depuis belle lurette tiennent-ils encore ? A l’image de plusieurs autres gouvernements africains, l’équipe de Brazzaville ne semble pas avoir opté pour une politique de développement qui lui permette de répondre aux aspirations des populations de ce pays. Un pays immensément riche en potentialités, mais pauvre et injuste dans la distribution de ses ressources.

Oui, ce mal est bien africain, car l’accident ferroviaire de Pointe-Noire met à nu les insuffisances d’un secteur aussi névralgique que celui des transports sur le continent. Il se caractérise le plus souvent par la déliquescence de l’Etat, des problèmes d’organisation, la vétusté du matériel, le mauvais entretien des infrastructures, les vols de matériaux, l’irresponsabilité des affréteurs aussi bien que l’inconscience d’une frange de la clientèle. On sait qu’une partie des usagers répugne toujours à payer les droits de transport. D’autres passent outre les consignes en matière de surcharge. Il en résulte un manque à gagner qui hypothèque gravement le budget devant permettre le renouvellement des moyens ou même le paiement des salaires et la formation du personnel.

Parmi les autres facteurs explicatifs des défaillances du système des transports sur le continent, on peut relever la méconnaissance générale des textes en matière de sécurité au niveau des usagers lesquels sont constitués pour la plupart d’analphabètes et le non respect des normes par les transporteurs eux-mêmes. On constate aussi un manque patent de ressources pouvant s’expliquer de diverses manières : les structures chargées de transports sont bien souvent à court de moyens financiers, matériels et humains. Cela, du fait de la mauvaise allocation des ressources, de la faiblesse du recouvrement, du non-paiement des droits, de la mauvaise gestion, de la gabégie et de l’incurie qui sévit à des niveaux insoupçonnés de l’appareil d’Etat.

Le secteur des transports est également confronté au laxisme, au népotisme et à l’incompétence : des services importants dont ceux chargés de l’entretien du matériel ou des infrastructures, ne s’acquittent pas toujours de leurs obligations. On y trouve parfois des agents peu motivés pour diverses raisons mais aussi des intouchables, recrutés sur recommandations de hauts responsables du pays. Enfin, il y a la corruption : les services fonctionnent difficilement en général, du fait de l’ampleur de ce mal qui gangrène tout l’appareil d’Etat, ses démembrements et nombre de structures privées. Cela limite considérablement les actions de gens compétents et dévoués mais aussi des services investis des tâches de contrôle, de sécurité et de police.

Finalement, en poussant plus loin l’analyse, on découvre un Etat africain malade de l’incurie généralisée, fruit de la mal gouvernance. Celle-ci se traduit sur le terrain par le choix de politiques erronées, la mauvaise gestion des ressources que même le désengagement de l’Etat n’a pas permis de corriger. L’on semble être passé malicieusement à des privatisations suspectes avec des repreneurs sans scrupules. Ils n’ont aucun respect pour les cahiers de charge, rassurés qu’ils sont du poids politique ou financier de leurs protecteurs et complices bien incrustés dans l’appareil d’Etat.

La culture du déterminisme dans laquelle se trouvent enracinées nos différentes communautés, fait que bien souvent, les familles affectées par des catastrophes du genre de ce qui est arrivé au Congo, s’en remettent le plus souvent à Dieu.

On dit alors que le destin l’aura voulu ainsi, se refusant même à voir mener des enquêtes pour situer les responsabilités et punir les coupables des délits. De leur côté, les gouvernants africains continuent quant à eux de briller par un attentisme inacceptable à l’heure où le progrès technologique permet aux décideurs de gagner du temps et de prendre des dispositions pour prévenir certains types de catastrophes.

Parfois, ces drames sont, malheureusement pour certaines autorités, de véritables opportunités pour se livrer à des opérations de marketing politique et médiatiques. L’Afrique francophone doit prendre exemple sur des pays comme le Ghana qui impressionne par la bonne tenue des infrastructures de transports. Ainsi, l’accident ferroviaire de Pointe-Noire au Congo, traduit l’incurie des gouvernants. Elle se poursuivra tant que le citoyen n’aura pas acquis la conviction qu’il lui revient d’exiger de ceux qu’il élit de lui rendre des comptes.

"Le Pays"

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