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Greffiers et agents judiciaires : Plaidoirie devant Blaise (1)

Publié le jeudi 24 juin 2010 à 02h26min

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Les responsables du Syndicat national des agents de la justice (SYNAJ) et des greffiers du Burkina (SGB) ont fait parvenir à notre rédaction un écrit. Un plaidoyer à travers lequel ils demandent au chef de l’Etat, en sa qualité de président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), de se pencher sur deux maux dont souffrent leurs organisations : le vide identitaire et la marginalisation de leurs fonctions.

Excellence,

Aux termes de l’article 2 du décret n°2003-466 du 30 mai 2003 portant statut particulier des Greffiers des services judiciaires » français (version consolidée au 18 janvier 2010), il ressort que :

« AI.1. : Les greffiers sont des techniciens de la procédure. Ils assistent le juge dans les actes de sa juridiction et authentifient les actes juridictionnels dans les cas et suivant les conditions prévues par le Code de l’organisation judiciaire, le Code du travail et les textes particuliers ;

AI.2 : Les greffiers exercent des fonctions d’assistance du magistrat dans le cadre de la mise en état des dossiers et des recherches documentaires. Ils rédigent des projets de décisions et de réquisitions selon les indications des magistrats ;

AI.3 : Ils [les greffiers] exercent des fonctions d’accueil et d’information du public, ainsi que des fonctions d’enseignement professionnel ;

AI.4 :. Les greffiers du premier grade exercent aussi des fonctions d’encadrement en qualité de chef de greffe. Les greffiers peuvent également exercer des fonctions d’adjoint au chef de greffe ou de chef de service. Ils accomplissent les actes de gestion qui s’attachent à ces fonctions ;

AI. 5 : Les greffiers peuvent également exercer, à titre accessoire ou temporaire, des tâches administratives nécessaires au fonctionnement des juridictions notamment en matière de gestion des personnels et des moyens matériels, ainsi que de gestion financière et budgétaire ».

La référence à l’organisation judiciaire française, modèle d’inspiration des situations juridico-administratives de nos Etats africains francophones, rend toute sa pertinence à cette métaphore utilisée publiquement par un magistrat burkinabè : "Entre le greffier et le magistrat, c’est comme le couteau et le fourreau...".

Honorés au quotidien d’entendre et de s’entendre attestés indispensables au fonctionnement effectif et efficace de l’administration judiciaire, les greffiers burkinabè et assimilés, désignés selon une analogie bien connue "la grande muette" de la justice, souffrent de deux crises majeures : le vide identitaire (statutaire) qui les caractérise, et leur marginalisation d’office dans les initiatives de valorisation et de motivation des fonctions judiciaires.

Le vide identitaire : si la question du « statut particulier des greffiers des services judiciaires » est désormais passée et même dépassée dans les organisations judiciaire et administrative françaises, de même que dans celles des Etats membres des espaces communautaires francophones sous-régionaux (Côte d’Ivoire, Bénin, Mali, Sénégal, etc.), elle se présente toujours chez nous, au Burkina Faso, comme un sujet tabou à ne pas évoquer.

Elle tend d’ailleurs à être réduite à un débat d’opinions plutôt que de droit : on tergiverse, encore sur le principe, d’aucuns y versant cyniquement une dose scandaleuse de mauvaise foi intellectuelle. Pourtant, la nécessité d’une harmonisation des services de greffe avec ceux de la sous-région (CEDEAO, OHADA, UEMOA...) a justifié - partout dans l’espace communautaire - l’adoption de lois ayant pour objet la définition des dispositions statutaires devant régir les personnels greffiers, et ce en conformité aux Constitutions respectives des Etats ; Constitutions d’ailleurs semblables, sur cet aspect, tant dans la lettre que dans l’esprit. Dans le cas d’espèce (la situation des greffiers burkinabè), l’argumentation nécessaire disponible - de fait et de droit- fondée à la fois sur l’article 101 de la Constitution de notre pays et sur les organisations judiciaires comparées, a été élaborée, exposée et soumise à qui de droit, à toutes fins utiles.

Cet effort d’interpellation est cependant restée lettre morte jusqu’à nos jours. En effet, les diverses démarches à même de susciter des pourparlers sur une question aussi fondamentale que celle de la régularisation du statut administratif et judiciaire des emplois de greffe, semblent n’avoir rencontré aucune oreille favorable et convaincue dans l’administration judiciaire elle-même ; administration chargée, notons le, de veiller au respect et à la régularité des conditions juridiques et administratives.

De fait, il est à la fois inquiétant et triste de constater que la réticence à faire droit à cette prétention statutaire légitime procède non seulement de la perception approximative de notre organisation judiciaire, mais aussi et surtout du silence ou de la quasi-indifférence des structures et personnes averties de la non-conformité de la situation, bien isolée, du Greffier burkinabè.

La marginalisation des emplois de greffe : il suffit de fréquenter les services judiciaires et juridictionnels pour se rendre à une évidence : il ne saurait y avoir de fonctionnement effectif et efficace de la Justice sans les emplois de greffe et assimilés (interprètes, secrétaires, agents administratifs...). Notons qu’en l’espace d’une décennie, il nous a été donné de constater l’application d’un processus de valorisation conséquente et substantielle des conditions de vie et de travail du personnel magistrat.

Il s’agit, sans nul doute, d’une tentative heureuse et fort estimable de rétablissement du rang économique et social de notre magistrature, et parvenir ainsi à l’objectif d’une justice sereine et efficace. En revanche, il est incontestablement frustrant de remarquer, dans le même temps et dans le même espace, la quasi mise en marge de la plus grande portion des autres personnels judiciaires, pénitentiaires et administratifs prestant laborieusement dans les juridictions et autres services du département judiciaire.

Cet état de fait, à la limite de l’inattention pour ne pas dire de l’oubli, suscite une réelle incompréhension produite par le paradoxe du rôle et de la place propres de ces acteurs dans la chaîne fonctionnelle judiciaire. Il y a donc maldonne, car, la spécificité des emplois et fonctions concourant au fonctionnement régulier, effectif, diligent et optimal de notre institution judiciaire, devrait requérir l’application du « principe de justice et d’équité », chaque fois que l’on se propose de mettre en réflexion et en œuvre des initiatives de valorisation et de motivation dans un système administratif aussi composite que celui de la justice.

Il conviendrait peut-être de signaler ici que ces personnels non magistrats, obligatoires à l’effectivité de la justice burkinabè, ne sont nullement pris en compte dans le dispositif de représentation et de fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), cadre privilégié d’appréhension des conditions de la justice.

Serait-ce donc la justification ou la cause du fait que leurs préoccupations - même les plus légitimes - se retrouvent toujours purement reléguées au rang des « divers », si elles ne sont pas simplement « classées sans suite » ? En tout état de cause, la logique d’incitation financière discriminatoire ne cerne certainement pas la dimension objective et profonde des obstacles réels au bon fonctionnement de la Justice.

Aussi, avons-nous l’avantage, Excellence, de vous interpeller en tant que premier magistrat et premier responsable des institutions de l’Etat, et d’espérer que vous preniez à cœur ce cri du cœur des greffiers burkinabè et assimilés, dans la quête, non seulement de la régularisation de leur identité par l’adoption adéquate du statut particulier des greffiers des services judiciaires burkinabè, mais aussi de l’amélioration de leur conditions de vie et de travail par l’application d’une indemnisation spécifique harmonisée de l’ensemble des Travailleurs de la Justice. Toutes choses devant, assurément, contribuer à répondre au souci constamment évoqué de « renforcement de l’efficacité de la justice burkinabè » ; idéal dont vous êtes le principal garant.

Il nous plaît aussi d’affirmer que les éléments pertinents de démonstration et de défense des chefs de préoccupations objet du présent plaidoyer, ont été mis à la disposition de nos autorités de tutelle, et ce dans l’attente toujours de la mise en place et en œuvre des cadres de concertations et de pourparlers requis. Notre disponibilité au dialogue a pourtant été toujours déclarée et maintes fois affichée. En témoignent les incessants appels officiels ou informels en direction de la hiérarchie judiciaire.

Ce serait un leurre de ne pas consigner dans ce plaidoyer la réalité d’un fort sentiment de délaissement vécu par ces personnels non magistrats des services judiciaires ; sentiment à la base d’une démotivation désormais palpable et grandissante, aggravée par ce besoin profond de justice et d’équité, à l’intérieur même de la « justice ».

Dans l’espoir d’une réception favorable du présent plaidoyer et d’une opportunité d’exposer plus explicitement nos préoccupations, veuillez agréer, Excellence, l’expression de nos sentiments dévoués.

(1) Le titre est de la Rédaction.

Ouagadougou, le 21 juin 2010

Pour le SYNAJ, Moussa Ouattara

Pour le SGB, Daniel Wangrawa

L’Observateur Paalga

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Vos commentaires

  • Le 24 juin 2010 à 17:58, par Poka En réponse à : Greffiers et agents judiciaires : Plaidoirie devant Blaise (1)

    Bonjour. je suis un honnete citoyen étant dans un pays des hommes intègres. Si vraiment les dirigeants sont vraiment justes et intègrent, ils ne devraient pas faire cette discrimination négative à l’endroit des greffiers. Soit ils (greffiers) ils participent à l’oeuvre de la Justice, soit ils ne participent pas. s’ils participent pourquoi donner à un groupe et laisser l’autre. Nous nous voulons une justice juste. si donc celui (Ministre dela Justice) qui devrait dire la justice est lui même partial, il ne faut pas qu’il s’étonne des conséquences négatives qui vont certainement surgir face à cette discrimination.

  • Le 24 juin 2010 à 18:42 En réponse à : Greffiers et agents judiciaires : Plaidoirie devant Blaise (1)

    Quand, l’on est dépassé,souvent les mots nous manquent pour traduire nos pensées. Mais là, je trouve le sort du Greffier et agents judiciaires burkinabè totalement ahurissant, voire même extraordinaire. Je suis un Greffier, partant du cas d’injustice dans lequel je suis, il y a bien longtemp que je ne crois plus à la justice. Comment croire à une oeuvre à laquelle, l’on apporte sa petite contribution et pour laquelle, l’on se reçoit pas en retour le minimum de considération. Avant d’entrer de ce ministère, il m’arriver de critiquer ses actions, mais je n’imaginais pas du tout qu’il faisait subir pire à une catégorie de ses animateurs. Pour me résumer, je dirai ceci : je suis sidéré.

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