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Maladies cardiovasculaires au Burkina : Elles sont en recrudescence et touchent les jeunes

Publié le jeudi 17 juin 2010 à 00h18min

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Dr Jean Yves Togoyeni, cardiologue au CHUY de Ouaga

Mine de rien elles s’installent dans notre pays. Ce ne sont plus les personnes âgées qui sont les seules victimes. Les services de cardiologie commencent à être débordés par ces "tueuses silencieuses" qui n’épargnent personne et surtout pas les jeunes. Les prévisions ne sont pas optimistes selon l’OMS qui prévoit que les maladies cardiovasculaires fassent dans les années à venir autant de victimes que le paludisme, le SIDA et la Tuberculose.

Les maladies cardiovasculaires concernent les maladies du cœur et des vaisseaux. Selon les cardiologues, il existe plusieurs types de maladies cardiovasculaires. Cependant, les principales sont l’infarctus du myocarde, l’hypertension artérielle et les accidents vasculaires cérébraux.
L’infarctus du myocarde est dû à la formation d’un caillot dans l’une des artères qui irriguent le cœur. Ce caillot de sang bloque instantanément l’apport de sang, donc d’oxygène au muscle cardiaque irrigué par cette artère. Il a été constaté que la formation de ce caillot survient à la suite de dépôt de graisses.

L’hypertension artérielle ou tension élevée qui est la forme la plus connue par les populations se caractérise par une pression trop élevée du sang dans les artères. Ce qui soumet la pompe cardiaque à une surcharge de travail qui la fatigue prématurément et provoque sa défaillance. L’hypertension favorise aussi le dépôt de graisses sur et dans la paroi des artères. Cette obstruction peut entraîner à plus ou moins long terme une angine de poitrine ou un infarctus du myocarde, si elle touche les artères du coeur. Si ce sont les artères rénales qui sont touchées, cela entraîne une insuffisance rénale. L’hypertension artérielle peut conduire à une destruction progressive des cellules nerveuses. Les conséquences sont très graves pour les patients. Les accidents vasculaires cérébraux qui surviennent provoquent plusieurs handicaps et même la mort. Il s’agit entre autres de paralysie, de perte de parole, d’une baisse intellectuelle, de la démence.

Il faut reconnaître toutefois que l’hypertension artérielle est et demeure l’affection cardiovasculaire la plus connue mais aussi la plus répandue. Cette forme plus fréquente est aussi très coûteuse parce qu’elle ne se guérit pas ; elle vous suit toute la vie. On estime à plus d’un million, les personnes hypertendues au Burkina. L’hypertension apparait le plus souvent à l’âge adulte entre 25 et 35 ans pour les pays en voie de développement et subsahariens.

A ces principales maladies, il faut ajouter le rhumatisme cardiaque qui touche les jeunes.
Le plus souvent, le rhumatisme cardiaque débute par une banale angine. "En général, l’individu ne se rend pas compte, seul un examen peut détecter le mal", avertit le docteur Togueyeni. Lorsque la maladie n’est pas correctement traitée, elle évolue vers un rhumatisme articulaire aigu pour attaquer les valves et les artères du cœur. Cette forme causée par des parasites touche surtout les adolescents et les enfants, contrairement aux autres qui frappent les adultes.

Les adultes sont les plus menacés

En 1992, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a consacré la journée internationale de la santé à la problématique des maladies cardiovasculaires et leurs conséquences. Le thème de cette journée était "la santé au rythme du cœur". Une façon d’interpeller le monde sur l’ampleur des maladies cardiovasculaires et des artères. Ces maladies sont devenues une question de santé publique. L’organisation mettait en garde les pays en voie de développement sur la propagation de ces maladies cardiovasculaires et leurs conséquences sur leurs économies. Elle déclarait au même moment que les maladies du cœur représentent la première cause de décès dans les pays en voie de développement et dépassaient le paludisme et le sida réunis. Les maladies du coeur provoquent chaque année un quart de tous les décès, occasionnant ainsi la perte d’environ 12 millions de vies humaines.

Comme on peut donc le constater, ces maladies font des morts, mais elles font aussi des handicapés à vie. Selon le docteur Boubakar Jean Yves Toguyeni, les maladies cardiovasculaires sont chroniques et provoquent des complications. Ces complications sont dangereuses car elles peuvent entraîner la cécité, la paralysie du cerveau et l’insuffisance rénale. "Lorsqu’on y rentre, on n’en sort jamais, on traîne la maladie toute sa vie et les traitements coûtent chers".
Pour le cas de l’Afrique subsaharienne, les maladies cardiovasculaires viennent après le sida et le paludisme. Elles représentent cependant la principale cause de décès pour les populations de plus de 45 ans. Longtemps, on a pensé que les maladies cardiovasculaires concernaient seulement les pays industrialisés et quelques nantis des pays sous développés.

Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui et l’OMS parle même d’une épidémie dans les pays sous-développés. Elles viennent donc s’ajouter aux maladies infectieuses (tuberculose, choléra, etc), le sida. C’est pourquoi le professeur Ali Niankara de la clinique du cœur préfère parler de cumul épidémiologique que de transition épidémiologique comme l’OMS. Ils estiment que les maladies infectieuses demeurent dans nos pays des problèmes de santé publique. Ce qui n’est pas le cas pour les pays industrialisés.
Selon le docteur Toguyeni, le service de cardiologie du centre hospitalier Yalgado Ouédraogo est débordé de patients. Il reçoit en moyenne 40 patients par jour. En dehors des urgences, l’inscription pour les examens se fait trois mois avant.

Les cliniques sont également de plus en plus fréquentées pour des examens de cardiopathies (maladies du cœur et des vaisseaux).
La particularité pour les pays subsahariens, c’est le nombre élevé de patients jeunes. Dans les pays développés, ce sont les personnes dont l’âge est de 65 ans et plus qui sont généralement frappés par ces maladies.
A ce propos, l’Organisation mondiale de la santé, en 1992, avait fait une comparaison qui interpelle les pays pauvres. En effet, elle indiquait que dans les pays développés, les maladies cardiovasculaires tuent mais tard dans la vie, à un âge de moindre productivité économique, généralement l’âge de la retraite. Par contre, dans les 30 ans à venir, les maladies cardiovasculaires "continueront à tuer prématurément des adultes jeunes économiquement productifs dans les pays pauvres".

La prévention reste la solution

Pour les cardiologues, la poussée de l’urbanisation et la transition nutritionnelle (le changement de mode de consommation) sont les principales causes de ces pathologies. Le boom démographique dans les villes a provoqué un changement de comportement de type occidental. La modernisation a eu certes des avantages, mais elle a aussi des inconvénients. Le manque d’activité physique ou la sédentarité est de plus en plus constaté chez les populations. L’apparition des moyens modernes de locomotion et de travail a diminué la pratique de l’activité physique. Le manque de sport affaiblit le cœur. Les cardiologues indiquent que le sport est pourtant indispensable pour le coeur dans la mesure où il contribue à la dilatation des vaisseaux sanguins. Un apport important contre les caillots et toutes les obstructions des vaisseaux par les graisses et les sucres en excès dans le sang.

Le docteur Toguyeni estime que les sociétés des pays en développement sont en transition. La transition épidémiologique se comprend donc aisément. Ce qu’il déplore, c’est l’absence d’une éducation d’hygiène de vie. Il n’y a pas un autre secret pour vaincre ces maladies que la prévention. C’est ce qui a permis aux pays occidentaux de renverser la tendance. Dans les pays développés, la mortalité cardiovasculaire se concentre maintenant dans les groupes les plus âgés de la population. La vieillesse, le sexe, l’hérédité étant de facteurs de risques qui échappent à la prévention. Selon le Pr Niankara, 50% des malades se recrutent parmi les plus de 50 ans.

La prévention primaire et secondaire, les avancées thérapeutiques et l’efficacité de prise en charge des infarctus du myocarde et des accidents cérébro-vasculaires permettent de repousser l’âge de la survenue des décès. 80% des décès surviennent après l’âge de 65 ans. D’ailleurs, les cardiologues précisent que dans ces pays, ce sont les plus pauvres qui sont les plus frappés parce qu’ils n’ont pas une alimentation contrôlée, ni un suivi médical.

Et c’est justement le même problème qui se pose dans les pays pauvres en développement. La pauvreté est un facteur explicatif du comportement, du mode de vie des populations. La plupart des gens ne mangent pas ce qu’il faut, mais ce qu’ils ont sous la main. Il y a surtout la grande majorité des gens qui ne pratiquent aucune hygiène de vie. En effet, les populations consomment de plus en plus d’aliments sucrés, gras et salés. Pour le docteur Jean Jacques Zeba, les régimes alimentaires sont très pauvres en légumes frais et fruits et malheureusement riches en graisses animales : beurre, crème, lait entier, préparations de viandes très salées (saucisses, saucissons, merguez, viandes grillées ou séchées).

C’est la voie tracée pour les maladies cardiovasculaires. L’excès de ces aliments a pour conséquences, le diabète et l’obésité. "L’obésité et le diabète sont actuellement épidémiques, et 140% des diabétiques sont hypertendus", affirme le cardiologue. L’aspect le plus visible reste la consommation excessive des alcools et des cigarettes. Dans ces dernières années, les grandes industries de tabac recrutent plus dans les pays pauvres et surtout dans la couche jeune. L’alcool et le tabac sont pourtant des risques pour le cœur et les vaisseaux. Le tabac favorise le dépôt de graisse au niveau des artères. Ce qui provoque une augmentation de la tension artérielle et peut conduire à la mort subite ou d’autres accidents des vaisseaux du cerveau.


Les mauvaises habitudes alimentaires

Nous devons cesser de fumer

Nous devons changer nos comportements et habitudes alimentaires, en privilégiant les aliments d’origine végétale, à savoir les céréales, les haricots, les légumes et fruits ; la viande blanche (poulet et dindon) ; les poissons et viandes maigres ; les produits laitiers à faible teneur en matières grasses comme la margarine à base d’huile végétale, en lieu et place du beurre qui est trop riche en graisses saturées, le lait écrémé au lieu du lait entier,des saucisses moins grasses et moins salées ; du pain moins salé et plus riche en fibres ; et pour la cuisine, les huiles végétales lipides.
Et n’oublions pas de manger équilibré, c’est-à-dire à chaque repas, il faut manger un peu de tout : protides + glucides + lipides + fruits et légumes (pour leurs vitamines et sels minéraux). Et l’aliment le plus important l’eau. Nous devons aussi boire beaucoup d’eau, au moins 1,5l par jour. Insistons sur le grand verre d’eau du matin à jeûn, au réveil pour hydrater le corps et celui qu’il faut toujours prendre pendant les repas pour faciliter la digestion.

Hygiène sportive

Tous les sports (exceptés les sports de combat) pratiqués régulièrement sont bénéfiques. Seulement à partir de 35 à 40 ans, nous devons privilégier les sports d’entretien. Le plus important dans l’exercice physique n’est pas son intensité mais sa régularité :
7 km trois fois par semaine ou une marche d’une heure par jour. Des trois sports conseillés, la marche est l’exercice physique indispensable que l’on peut pratiquer à tout âge et toute sa vie, régulièrement, progressivement et sans forcer, y consacrant 1 à 7 heures par semaine.

Dr Jean Jacques ZEBA : Médecin hygiéniste

Par Abdoul Razac Napon

L’Evénement

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