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Conflit agriculteurs/éleveurs : Ça recommence !

Publié le jeudi 17 juin 2010 à 00h18min

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A peine les premières pluies ont-elles mouillé les sols cramés de notre chère patrie, que les querelles fratricides autour du foncier rural ont commencé. Cette fois, c’est dans la région du centre que les choses ont débuté.

Dans le village de Lefourba, une petite localité de la préfecture de Sapcé, dans la province du Bam, un groupe d’agriculteurs ont organisé une opération de " tabla rasa " contre un quartier des éleveurs. 13 cases ont été brûlées et deux personnes blessées, dont une du troisième âge. Motif de cette opération de punition collective ? Les insurgés sont mécontents de l’arrestation par les autorités de la sécurité de quatre des leurs. Qu’ont-ils fait ? Depuis quatre ans, un différend oppose les agriculteurs et les éleveurs sur un espace rural.

Les premiers veulent le transformer en champs de culture, les seconds refusent parce que depuis des années, c’était réservé au pâturage. Le différend est porté devant les autorités compétentes, préfet, haut commissaire et autorités judiciaires. Faute de trouver une solution satisfaisante pour tout le monde, l’espace objet de litige a été déclaré zone interdite aux deux communautés, par un arrêté du préfet ( arrêté 2006-02/MATD/RCNR/PBAM/BC, portant suspension des activités champêtres).
La justice saisie du dossier semble avoir rendu un verdict à la Salomon. Elle a débouté les éleveurs de leur prétention foncière et s’est dite incompétente à connaître de la demande des agriculteurs à la jouissance de la terre. Ce verdict rendu en première instance à Kongoussi a été confirmé en appel à Ouagadougou.

Les éleveurs se sont pourvus en cassation.
Alors que l’affaire est pendante devant les tribunaux et aucune décision n’est venue abroger l’arrêté à titre conservatoire du préfet, un groupe d’agriculteurs décide, cette année, d’aller labourer l’espace querellé, poussés par des esprits malsains qui croient pouvoir user de cette indécision de la justice en faveur des agriculteurs.
Le conseiller du village des éleveurs saisit les autorités compétentes et les contrevenants sont convoqués par la police. Dans un premier temps, ils ignorent cette convocation. Ils sont (re)convoqués quand ils se présentent, ils sont gardés à vue. C’est la raison de la colère des leurs qui sont allés directement incendier le village des éleveurs et agresser les personnes trouvées sur place.

Comme l’affaire est pendante devant les juridictions, le procureur de Kongoussi a convoqué les parties le 9 juin dernier, nous n’allons pas nous prononcer sur le fonds de cette affaire. Cependant, comment ne pas se poser juste des questions de bon sens. Pourquoi de plus en plus, les gens se sentent-ils fondés à se faire justice eux-mêmes, surtout quand le différend les oppose aux éleveurs ?
Pourquoi à chaque différend, c’est une punition collective qui est infligée aux éleveurs ? Pourquoi toujours, certains sont fondés à croire qu’ils peuvent violer la loi et refuser d’obtempérer aux ordres des autorités ?
Nous l’avons très souvent écrit dans cette page, la question du foncier est trop préoccupante pour que les autorités administratives et politiques continuent à la traiter avec cette désinvolture.

Notre cri d’alarme a été relayé amplement par le rapport du MAEP qui stipule exactement ce qui suit : " …les conflits au Burkina Faso sont d’abord et avant tout des conflits fonciers et il faut craindre que ces derniers ne prennent une dimension plus importante au cours des prochaines décennies en raison de la pression démographique (…) Le MAEP relève qu’en vérité, l’aspect le plus préoccupant réside moins dans les conflits eux-mêmes que dans la relative inefficacité des dispositifs de prévention, de gestion et de résolution des conflits ".
Le MAEP a rendu son rapport depuis 2008. Entre temps, il y a eu le drame de Gaoua et celui qui vient de se produire. Heureusement à Lefourba, on n’a pas déploré de mort d’homme. Mais il s’en est fallu de peu. Si les incendies avaient eu lieu la nuit, on n’aurait pas évité des morts. Si les victimes avaient montré de la résistance, il y aurait inévitablement un drame.
La justice à Kongoussi a fait diligence en initiant dès le 9 juin une procédure contre ceux qui ont enfreint les décisions de justice et de l’administration. L’instruction contre les incendies suit son cours. Normalement, elle relève de la criminelle.
La situation est préoccupante. Mais il faut se féliciter des premières réactions des autorités administratives et politiques de la localité. Cela ne suffit pas évidemment. Le problème doit être adressé à un niveau plus élevé. Est-ce la peine d’ajouter que c’est urgent ?

L’Evénement

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