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DENIS NIKIEMA, SG DE L’UPC : "Même ceux qui votent CDP sont pour la limitation du mandat présidentiel"

Publié le mercredi 16 juin 2010 à 00h24min

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A défaut de la mère, on tête la grand-mère. C’est ce à quoi nous nous sommes résolus lorsque nous avons sollicité une interview du premier responsable du tout nouveau parti politique dénommé UPC (Union pour le progrès et le changement) de Zéphirin Diabré.

Absent du pays au moment de notre sollicitation, c’est donc le secrétaire général du parti, Dénis Nikiéma, qui s’est prêté à l’exercice. Ingénieur en télécommunications à la retraite, conseiller municipal de Kombissiri dans le Bazèga au titre de l’ADF/RDA avant de démissionner de ce parti, le n°2 de l’UPC a répondu, dans l’après-midi du 9 juin 2010, à nos questions. De l’actualité nationale avec des points comme la présidentielle 2010, les velléités de révision de l’article 37 de la Constitution, le désintérêt des citoyens pour la politique, etc. à celle sous-régionale avec les situations en Côte d’Ivoire, en Guinée et au Niger, tout est passé. Voici donc ce que le secrétaire général du bureau politique transitoire de l’UPC nous a confié sur ces différents sujets.

"Le Pays" : Qu’est-ce qui a présidé à la création de l’UPC ?

Denis Nikièma : La naissance d’un parti est toujours le résultat de l’appréciation que ses fondateurs font de la situation de leur pays et du rôle qu’ils entendent jouer. De notre point de vue, trois grandes questions posent aujourd’hui problème au Burkina. D’abord, notre démocratie n’est pas une vraie démocratie. C’est en réalité une démocratie « du faire semblant ». Et la raison fondamentale est liée à la genèse même de notre retour à la démocratie en 1991.

N’oubliez pas que c’est un pouvoir d’exception, celui du 15 octobre 1987, qui a conduit le processus. Or, les vainqueurs du 15-Octobre ont accepté la démocratie parce qu’ils n’avaient vraiment pas le choix. La réalité est que beaucoup d’entre eux ne croient pas en la démocratie libérale. Ils s’en accommodent parce que c’est la mode et que cela fait bien auprès des bailleurs de fonds. Leur principal souci en 1991 était de conserver le pouvoir. Mais comme la pression était forte, ils se sont résolus à offrir un semblant de démocratie avec les attributs visibles. Chaque fois que le rapport de force le leur permet, ils grignotent sur les acquis démocratiques. Regardez l’affaire de l’article 37. Le vrai drame du Burkina, c’est que son processus démocratique a été initié et dirigé par des gens qui n’ont rien de démocrates.

Ensuite, la gestion de notre développement pose problème. Notre développement est mal partagé. En fait, il y a deux Burkina : un tout petit Burkina qui émerge à coûts de marchés octroyés de gré à gré et qui vit comme si on était en Californie. Et puis, un Burkina plus vaste, le Burkina réel, qui lui, doit affronter la pauvreté, le chômage, les bas salaires, les problèmes de logement, d’éducation, de santé, etc. Sortez en province et regardez comment les gens vivent ! On a d’ailleurs l’impression que ce développement séparé est sciemment voulu. Il suffit de voir comment le gouvernement organise notre investissement public. D’abord, on ne peut pas dire que toutes les régions du Burkina sont traitées de la même manière. Certaines zones du pays sont carrément délaissées. On dirait que pour bénéficier de certains investissements, il faut qu’un ressortissant d’une zone occupe un poste politique important.

Ensuite, ce qui intéresse nos dirigeants, ce sont les investissements qui impressionnent les visiteurs étrangers sans vraiment rien apporter au développement. Par exemple, nous dépensons des milliards à construire des échangeurs ou à faire des cérémonies grandioses du genre Kora. Mais juste à côté, les rues ne sont pas bitumées ou le sont mal ; des enfants prennent cours sous des arbres. A l’hôpital Yalgado, les malades dorment dans les couloirs ; à l’université, les étudiants s’entassent dans des amphis bondés. Nos enseignants sont moins bien payés que dans certains pays voisins de niveau de développement comparable et beaucoup d’étudiantes sont obligées de se prostituer pour survivre. Regardez le scandale des délestages. Le prix des quatre échangeurs de Ouagadougou aurait largement suffi à équiper la SONABEL en groupes très puissants pouvant alimenter tout le pays ! C’est même incohérent pour un pays qui se dit émergent.

Les coûts économiques et financiers de ces délestages ne sont pas encore évalués par les services. Autrement, tout le monde aurait été stupéfait de leur montant. Il est vrai que depuis les délestages, l’importation des groupes électrogènes est montée en flèche faisant le bonheur de certaines personnes. Enfin, notre société est à la dérive et les mauvais exemples viennent d’en haut. Regardez le niveau de corruption qui sévit dans le pays ! Même certains ténors du système le déplorent en privé. Regardez comment nos valeurs sont bafouées. La société burkinabè a perdu tous ses repères. Quand je vois certaines images que le gouvernement laisse passer à la télé, je me demande quel genre d’éducation il veut donner à nos enfants ! Ce sont ces analyses et la volonté d’agir qui ont conduit à la naissance de notre parti. Nous avons créé l’UPC parce que nous voulons que les choses changent. Comme tout parti politique, notre ambition est d’être un acteur sérieux et reconnu de notre vie démocratique et d’aller à la conquête et à l’exercice des différents pouvoirs issus du suffrage universel.

Quel est votre positionnement sur l’échiquier politique national même s’il est vrai que vous vous définissez comme un parti en dehors des idéologies ?

L’UPC se veut le parti de l’alternance démocratique. Il se positionne donc dans le camp de l’opposition légale, de l’opposition républicaine. Comme l’a indiqué notre président lors de la conférence de presse du 11 mars 2010, l’action de notre parti consistera à chercher à améliorer ce qui est fait, à corriger ce qui est mal fait et à réaliser ce qui n’est pas encore fait. J’ajoute que pour nous, être opposant, c’est avoir des convictions différentes de celles que partagent ceux qui nous gouvernent et c’est croire qu’une autre manière de gérer le pouvoir et le développement peut faire le bonheur du peuple burkinabè.

Ce n’est pas avoir de la haine personnelle contre tel ou tel dirigeant de notre pays, encore moins rechercher à régler des comptes passés ou je ne sais quelle vengeance ou revanche. Notre parti a proclamé tout haut qu’il refuse tout radicalisme irresponsable ou toute opposition systématique. Et nous avons affirmé que tout n’est pas mauvais au Burkina et que si une action du pouvoir va dans le sens du bonheur de notre peuple, nous allons l’applaudir. Par exemple, nous pensons que la décision de ne pas privatiser la SONABEL et l’ONEA est une bonne décision et nous félicitons le gouvernement pour cela. Notre parti refuse le sectarisme. Nous savons bien que pour avancer dans le contexte de la démocratie pluraliste, il faut savoir tendre la main à d’autres partis politiques. C’est pour cela que nous sommes ouverts à des alliances avec ceux qui partagent les mêmes convictions que nous. Pour nous, il n’y a plus de bloc de l’Ouest, de bloc de l’Est. Nous avons des problèmes à résoudre. Il y a une banque de solutions et que ces solutions aient pour origine le système de l’Est ou celui de l’Ouest, nous les empruntons pourvu qu’elles puissent résoudre nos problèmes.

Néanmoins, il y en a qui disent que vous êtes des libéraux en se référant au président du parti.

Pour nous, l’économie de marché n’est pas une société dans laquelle tout semble être entièrement laissé aux individus. Il faut une petite dose d’Etat. Avec la dernière crise financière, les Américains et les Européens ont été obligés de voler au secours des banques. On ne peut pas dire qu’on est libéral et laisser tout faire. Et nous sommes pour que l’Etat joue son rôle et ne se contente pas uniquement de réguler. C’est pour cela que nous avons été contents que la SONABEL et l’ONEA aient été retirés de la liste des sociétés à privatiser. Nous ne sommes donc pas des libéraux qui disent de laisser faire le marché.

Vous avez également dit que vous êtes de l’opposition républicaine. Qu’est-ce que vous entendez par là ?

Cela veut dire que nous sommes contre la prise du pouvoir d’Etat par la violence, les coups d’Etat. Nous sommes convaincus que l’on peut gagner par la voie des urnes et nous nous battons pour prendre le pouvoir par cette voie. Pour nous, il n’y a pas de bons ou de mauvais coups d’Etat.

Avez-vous déjà entrepris l’implantation du parti ?

L’UPC a obtenu son récépissé le 14 mai 2010. Pour nous, la tâche la plus importante et la plus urgente maintenant est d’organiser le parti et de l’asseoir sur l’ensemble du territoire. Un parti politique sérieux, c’est d’abord son organisation : des structures qui fonctionnent, mobilisent les militants, portent le message du parti et canalisent les électeurs. En s’appuyant sur ces structures, on peut aller aux élections et obtenir peu à peu des conseillers, des maires, des députés, etc. Toute notre énergie est maintenant mobilisée pour cela car pour nous, c’est cela qui fera de l’UPC un parti sérieux. C’est pour cela que le Bureau politique national du parti a rencontré les militants et sympathisants du Kadiogo le 12 juin 2010 afin de marquer le démarrage de ce grand travail d’implantation. Après Ouagadougou, nous ferons une rencontre similaire avec nos militants et sympathisants à Bobo et dans tous les autres chefs-lieux de province.

A propos de votre récépissé, il y a eu toute une péripétie avant de l’obtenir. Qu’est-ce qui s’est passé avec le MATD ?

Je ne vois pas de problème majeur avec le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation autour de la question de l’obtention de notre récépissé. En fait, c’est la pression des militants qui nous a obligés à faire la précision que nous avons publiée dans la presse car les gens étaient convaincus, par je ne sais qui, que lorsque le délai de 60 jours était passé, même sans récépissé, ils pouvaient commencer à mettre en place des comités de base, à tenir des rencontres publiques, etc. Il nous fallait faire le point et en lisant notre communiqué, vous verrez qu’à aucun moment, nous n’avons attaqué ou dit du mal du MATD. Nous avons seulement dit à nos militants que le retard enregistré était dû à des lenteurs administratives et qu’ils devaient continuer à patienter. Nous n’avons pas compris pourquoi le MATD s’est senti offusqué. Bref, tout cela relève maintenant du passé. Maintenant que nous avons notre récépissé, il nous revient le devoir de le valoriser par nos activités et c’est ce que nous nous attelons à faire.

Quelle est votre position par rapport aux velléités de révision de l’article 37 de la Constitution sur la limitation du mandat présidentiel ?

Notre parti, l’Union pour le progrès et le changement, est pour le respect des dispositions constitutionnelles adoptées par consensus. La limitation du mandat présidentiel a été voulue par notre peuple au moment de l’adoption de la Constitution en 1991. D’ailleurs, ceux qui militent aujourd’hui pour la révision sont ceux-là même qui ont battu la campagne référendaire de 1991. Chaque pays a sa culture politique et les us et coutumes qui vont avec. Au Burkina, la limitation des mandats fait partie de notre culture politique parce que c’est la chose sur laquelle s’accordent le plus grand nombre. Si vous faites aujourd’hui un référendum, vous verrez que même les gens qui votent CDP sont pour la limitation. Ensuite, nous sommes pour l’alternance. Nous pensons qu’un pays a plus de chance de stabilité et de progrès quand il y a alternance comme au Ghana ou au Mali. Pour nous, toute tentative de pérennisation au pouvoir ne peut que rencontrer notre hostilité. C’est à ce titre que nous disons non à la révision de l’article 37. La révision de cet article est un recul démocratique sans précédent qu’il faut combattre.

Nos dirigeants oublient que la démocratie burkinabè n’est pas née en 1991. Ce pays a fait la fierté des démocraties africaines dans les années 70, avec un parlement vivant et des élections parfaitement transparentes. Il y a même eu un ballottage en 1978 entre le président Lamizana et Macaire Ouédraogo. C’est la révolution du 4 août 1983 qui est venue nous mettre en retard sur ce plan et qui nous a obligés à recommencer en 1991. Je crois que si cet article venait à être modifié dans le sens d’un mandat à vie, la paix sociale, si chère à tous et qui est souvent brandie par les tenants du pouvoir pour faire la différence avec certains pays, serait menacée. On ne peut d’ailleurs que sourire lorsqu’on entend les champions de la révision nous servir leurs arguments ridicules. En fait, tous ces gens ne pensent pas à Blaise Compaoré. Ils pensent d’abord à eux-mêmes. Ils se disent que tant que le président Compaoré est là, ils sont sûrs d’avoir des postes, des marchés et des privilèges. Et certains se disent qu’on ne viendra pas fouiller dans leur gestion ! Voyez-vous, la génération des hauts cadres administratifs et politiques qui nous gouvernent actuellement est issue de la période révolutionnaire. Elle a vite appris le cynisme politique, notamment depuis le 15-Octobre.

Même quand elle ne croit pas en quelque chose, elle fait semblant. Et puis, beaucoup d’entre eux sont accrochés aux postes parce qu’ils ne peuvent plus vivre à la sueur de leur front ou de leur savoir. Ces gens sont dangereux parce qu’ils sont prêts à défendre les positions les plus bizarres pour sauvegarder leurs postes. Si demain les choses changeaient, ce sont les mêmes qui seront les premiers à se démarquer et à nous expliquer ici qu’eux-mêmes étaient contre la révision mais que Blaise Compaoré ne les a pas écoutés. On les a vus ici au lendemain du 15-Octobre ! Le 16 octobre 1987 au matin, on a vu comment tous ceux qui levaient le poing se sont comportés. L’UPC dit fermement non à toute révision de l’article 37. Je profite de cette interview pour féliciter ceux qui ont initié la pétition contre la révision de l’article 37.

Dans une récente interview accordée à France 24, le président du Faso, interrogé sur le sujet, a répondu que le débat sur la limitation ou non du mandat présidentiel n’est pas au niveau des attentes de la population. Quelle est votre réaction à une telle réponse ?

Nous avons aussi entendu le président malien répondre de la même manière. Il a dit que la Constitution malienne a été revue en 20 articles mais avec la consigne de ne pas toucher à l’article 30 relatif à la limitation du mandat présidentiel. ATT l’a dit haut et fort. Quand la presse en parle, quand toutes les conversations tournent autour de l’article 37, il faut se dire que sa révision est le problème de la population. Celle-ci demande à être rassurée, tranquillisée.

Votre président, Zéphirin Diabré, sera-t-il candidat à l’élection présidentielle du 21 novembre 2010 ?

Comme tout parti politique, l’UPC entend être présente à toutes les élections locales ou nationales. C’est de cette manière qu’on participe à la vie démocratique. Pour ce qui est de la présidentielle 2010, nous sommes en train d’examiner la question. Nous disposons d’un atout de taille en la personne de notre président dont la notoriété est établie au plan national et même international. Cela, même ses adversaires ne le contestent pas même si, pour la forme, il y en a qui en disent du mal. Comme vous le savez, pour mener une bonne campagne, il faut s’appuyer sur une infrastructure politique. Or, notre parti vient de naître. Certes, la naissance de l’UPC a suscité un enthousiasme réel et un engouement très fort. Mais en politique, il faut toujours prendre un peu le temps de vérifier la fiabilité des gens. Tout cela fait que la question de la présidentielle ne se pose pas à l’UPC de la même manière qu’elle se pose aux partis politiques anciens qui disposent déjà d’une infrastructure politique. C’est pourquoi nous prenons le temps d’examiner la question avec une très grande minutie. En son temps, notre position sera clairement publiée. Pour le moment, nous sommes en train de réfléchir.

La présidentielle se prépare dans un contexte de désintérêt de la population pour la politique comme en témoigne le faible taux d’inscription sur les listes électorales. N’avez-vous pas peur que les électeurs se détournent définitivement des urnes ?

Personnellement, je n’ai pas été surpris par cette faible participation aux inscriptions électorales. En fait, les Burkinabè se détournent du processus démocratique. Les gens n’y croient plus. Ils voient que ce sont les mêmes qui gagnent toujours et que leur situation ne change pas. Et ils se disent à quoi bon aller voter ?

Malheureusement, cette situation profite au pouvoir en place. Quand vous regardez les chiffres des inscrits, il y a fort à parier que beaucoup de ces gens ont été mobilisés par les structures proches du CDP. Les gens qui sont contre le régime font l’erreur de ne pas aller s’inscrire et prendre leurs cartes d’électeurs. Or, en démocratie, ce sont ceux qui votent qui comptent, même s’ils ne sont pas nombreux. C’est d’ailleurs ce qui explique parfois que le candidat du CDP obtient des scores de 80% avec des taux de participation faibles. La démocratie burkinabè est animée essentiellement par les électeurs et sympathisants d’un seul camp. Le jour où l’opposition réussira à convaincre tous ceux qui n’approuvent pas ce régime, notamment les jeunes, d’aller prendre leurs cartes et surtout voter et que nous atteignons cinq millions d’inscrits, elle pourra mettre n’importe quel candidat du CDP en ballottage.

Quelles sont vos relations avec le pouvoir en place avec lequel le président de votre parti a composé à un moment donné ?

Nous n’avons pas de relation particulière avec le pouvoir en place, ni avec le parti majoritaire. D’ailleurs, comment voulez-vous qu’on puisse en avoir ? Notre parti vient de naître. En tant que parti d’opposition, notre rôle est de porter la critique sur ce qui va mal et de faire des propositions concrètes. Si ces propositions intéressent le pouvoir, il peut les prendre à son compte.

Et le fait d’avoir été ministre dans un régime donné n’empêche pas de créer son propre parti. Les exemples sont légion en la matière dans la sous-région et dans le monde. Le président Wade du Sénégal a été ministre d’Etat de Diouf. Il avait son parti avant d’entrer au gouvernement. Cela ne l’a pas aussi empêché de se démarquer à un moment donné. Dans notre cas, notre président a quitté le gouvernement il y a plus d’une dizaine d’années. Il a été aussi président du Conseil économique et social (CES) et a démissionné de ce poste pour aller enseigner aux Etats-Unis. Nous n’avons donc pas de relation avec le pouvoir en place à aucun niveau que ce soit. Bien entendu, nous ne sommes pas des ennemis. Ce n’est pas parce que nous sommes UPC qu’on a pas d’amis CDP avec lesquels on peut prendre un pot. Nous oeuvrons tous pour le bonheur du peuple mais c’est la manière qui diffère.

Comment expliquez-vous la faiblesse et la division de l’opposition dont vous avez rejoint les rangs ?

La faiblesse de l’opposition est une réalité. Sur 110 députés, le premier parti d’opposition n’en a que cinq ! C’est peu ! Quand je pense qu’on a eu dans ce pays un rapport majorité/opposition qui se situait entre 29 et 28 ! Mais l’opposition doit s’en prendre à elle-même. Pour nous, le chemin de la réussite passe par la fusion d’un grand nombre de partis d’opposition pour créer une force commune comme au Bénin ou au Gabon. Je ne parle pas d’un parti unique de l’opposition. Même si toute l’opposition actuelle s’unissait en deux ou trois grands partis, ce serait déjà bien. Pour nous, une telle démarche a plus de crédit que les discussions que l’on voit à la veille de chaque élection présidentielle pour soi-disant avoir un candidat unique. Si nous sommes vraiment sincères, nous devons être prêts à renoncer à nos étiquettes et à nos titres et nous mettre ensemble dans le cadre d’un même parti.

Pour que l’opposition espère réaliser l’alternance, il faut d’abord qu’elle ait des élus, des conseillers, des maires, des députés en nombre suffisant, qu’elle soit présente sur tout le territoire et qu’elle ait des structures qui fonctionnent régulièrement. Or, aucun parti d’opposition ne pourra réaliser cela tout seul rapidement. Imaginez même ce que cela coûte de maintenir, animer et faire vivre des structures dans les 45 provinces sans compter qu’il faut à chaque fois s’appuyer sur un enfant du pays qui soit crédible. Le CDP peut le faire parce qu’il a le pouvoir d’Etat et qu’il peut donner des marchés de gré à gré. Mais l’opposition peut le réussir en mettant ses forces ensemble, chacun apportant les zones où il est fort et chaque leader tenant une zone bien définie. L’UPC est prête à discuter de ces questions avec tout parti d’opposition qui le souhaite.

Quel est votre point de vue sur la situation en Côte d’Ivoire qui est toujours empêtrée dans une crise socio-politique interminable ?

La Côte d’Ivoire est un pays qui compte dans notre sous- région et qui est liée au Burkina par beaucoup de choses aux plans historique, politique, économique et culturel. Donc, une crise en Côte d’Ivoire constitue forcément un problème pour le Burkina. Notre président a été choisi, avec bien sûr l’aval de la CEDEAO, par les acteurs ivoiriens pour servir de médiateur. Sous son égide, un accord politique dit de Ouaga a été signé. Mais quand on observe bien les choses, on dirait que cet accord a quelques problèmes. Le président de l’Assemblée nationale de la Côte d’Ivoire a même proclamé il y a quelques jours que l’accord était mort ; il est allé jusqu’à demander la démission du ministre Désiré Tagro qui est un des négociateurs de l’accord. Le message est donc clair ! Pour moi, en définitive, c’est aux Ivoiriens eux-mêmes qu’il appartient de savoir ce qu’ils veulent et de trouver le chemin de leur entente. Qu’ils se parlent et qu’ils s’entendent ! Personne d’autre ne peut le faire à leur place.

D’ailleurs, voyez-vous, ces différentes médiations commencent à poser problème. Certes, en tant que Burkinabè, nous sommes flattés et très fiers que notre président aille faire la paix chez les autres. Mais, je me dis aussi que malgré l’amour que j’ai pour mes autres frères africains, nous avons élu notre président pour qu’il s’occupe d’abord de nos problèmes. Et ceux-ci sont nombreux. Ensuite, il y a certainement un coût à tous ces ballets incessants. Qui paye ? L’ONU ? L’Union africaine ? La CEDEAO ? Il faut que le gouvernement nous rassure que tout cela n’est pas supporté par nos impôts et taxes. Enfin, il y a de l’ingratitude dans ces histoires. Vous allez pour aider les gens chez eux et ils racontent partout que vous êtes là pour des intérêts personnels. Regardez tout ce qui se dit contre le Burkina dans la presse guinéenne !

Un autre pays de la sous-région en crise : la Guinée-Conakry. A la différence de la Côte d’Ivoire, il y a un bout de tunnel qui est perceptible dans ce pays avec l’élection présidentielle du 27 juin prochain. Qu’est-ce que cela vous inspire comme commentaire ?

Après des remous, on a le sentiment que la transition guinéenne va dans la bonne direction. Attendons de voir si les élections annoncées se dérouleront bien. Mais au-delà, je crois que le problème de la Guinée, c’est d’avoir une bonne gouvernance sur le long terme. Car comment avec tant de richesses, les habitants de ce pays peuvent-ils être si pauvres ? Les élections sont importantes, certes, mais j’ai peur qu’elles ne suffisent pas à résoudre le problème de la Guinée.

Après son coup d’Etat, la junte nigérienne a entrepris des réformes politiques pour remettre la démocratie sur les rails. Au nombre de celles-ci, il y a le raccourcissement du mandat présidentiel à 4 ans renouvelable une fois, l’exigence d’un niveau universitaire pour être député. Comment trouvez-vous ces réformes ?

Au Niger, on peut se réjouir que l’ancien président Tandja ait échoué dans sa tentative de modification de la Constitution. Mais c’est dommage qu’on soit retombé dans l’Etat d’exception. Et c’est ce que nous voulons éviter au Burkina. Je pense que Blaise Compaoré a même donné des conseils à Tandja par rapport à son projet. Maintenant, les Nigériens doivent reconstruire une démocratie viable. J’ai lu comme vous dans la presse les propositions faites par les autorités de transition. Mon avis est que chaque pays conduit ses réformes politiques en fonction de ses réalités. Si les mesures proposées rencontrent l’assentiment des Nigériens, tant mieux.

Tout de même ne trouvez-vous pas que l’on va, par exemple, vers une démocratie élitiste avec l’exigence d’un certain niveau d’instruction dans un pays à fort taux d’analphabétisme ?

A notre avis, les élections constituent des examens de passage pour les candidats. Mais il est certain que l’exigence d’un certain niveau d’instruction pose effectivement problème dans les pays à fort taux d’analphabétisme. En tant qu’élu local, je le constate lors des sessions du conseil municipal. Dans le conseil municipal de Kombissiri, vous avez 90% d’analphabètes et il y a des concepts que l’on ne peut pas traduire dans nos langues. Il y a des conseillers qui sont juste présents pour faire le quorum et certains ne savent même pas de quel parti ils sont. Singer la démocratie à outrance conduit aussi à des impasses. On peut améliorer la situation sans forcément exiger le niveau baccalauréat mais un niveau minimum d’instruction pour pouvoir comprendre certaines choses. Jusqu’à preuve du contraire, nos assemblées nationales tiennent leurs sessions en français sans traduction simultanée dans les langues nationales. Mais j’avoue, sur la base de mon expérience au conseil municipal de Kombisssiri, qu’il n’y a pas plus de deux ou trois conseillers qui animent les réunions malgré les traductions en mooré. Les autres applaudissent seulement.

Que pensez-vous du cinquantenaire des indépendances africaines célébré cette année par 17 pays africains ?

En cinquante ans, il s’est passé beaucoup de choses en Afrique. On ne peut pas généraliser car le continent compte malgré tout 53 Etats. Mais on peut tirer quelques leçons. Les progrès en matière de démocratie et de droits humains sont indéniables. Mais le chemin à parcourir reste malheureusement très long. L’un des problèmes de l’Afrique est que les dirigeants africains ne croient pas vraiment à la démocratie. Pour eux, le pouvoir est comme un patrimoine.

Il doit profiter à eux et à leurs proches. Ils ne le conçoivent pas comme un outil pour sortir leur peuple de la misère. C’est l’un des principaux obstacles à l’avancée du continent. Sur le plan économique, les choses ne s’améliorent pas vraiment. .La pauvreté s’aggrave sur le continent. Les richesses du continent ne lui profitent pas. A l’intérieur des pays, ces richesses sont très mal réparties. Et notre place dans le commerce mondial reste dérisoire à moins de 3 %. Enfin, la stabilité et la paix sont très menacées sur le continent. Il y a beaucoup de foyers de tension.

Toutes ces questions auraient dû être au centre de réflexions sérieuses à l’occasion des célébrations du cinquantenaire des indépendances. Malheureusement, on semble privilégier les fêtes et les fastes. La fête doit s’accompagner de réflexions sur par exemple ce que nous devons faire pour les 50 prochaines années, sur l’héritage à laisser à ceux qui vont nous remplacer, etc. Je profite de l’occasion pour dire que la présence de notre président au cinquantenaire du Cameroun n’avait rien à voir avec celle du président du Faso. Il y était en tant que personne de ressource pour donner une communication sur la bonne gouvernance et le développement.

Propos recueillis par Séni DABO

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 16 juin 2010 à 02:40 En réponse à : Courage Zeph et les retraites

    C’est tres intelligent de la part de Zeph d’avoir coopte des retraites pour former son bureau. La realite au pays fait qu’un fonctionnaire en service n’ose pas afficher ouvertement son appartenance a l’opposition de peur d’etre puni, sanctionne et jamais nomme. Si Zeph lui meme n’avait pas l’intelligence de quitter le Burkina et faire sa carriere a l’international, il allait etre mele a ces marches de gre a gre en milliards au conseils des sinistres, aux empoisonnements d’opposants pendant les legislatives, aux assassinats des Clement Oumarou, Norbert Zongo...
    Le changement ne peut venir que de ceux qui ont vecu hors du BF ou des retraites.

  • Le 16 juin 2010 à 09:52, par Naz En réponse à : DENIS NIKIEMA, SG DE L’UPC : "Même ceux qui votent CDP sont pour la limitation du mandat présidentiel"

    Si tous les hommes politiques qui s’opposent au pouvoir actuel etaient comme Denis Nikiema, je dirai que le Burkina est promu à un bel avenir. Voila le vrai débat qu’il pose sur la gestion du pouvoir actuel.Il ya vraiment deux Burkina.L’un vit dans l’abondance et l’autre dans la pauvreté.Les ressources nationales ne sont pas bien partager.Le developpement des régions et des provinces ne sont pas équilibrées. Certaines régions et provinces n’existent que que de nom.C’est pourquoi je dis le plus souvent que le débat ne doit pas etre focalisé sur l’article 37, mais plutot sur la justice sociale.Notre pays a besoin d’une réforme en profondeur et des institutions qui répondent aux aspirations des Burkinabè.Nous ne voulons plus un dévelopement sous un parapluie.

  • Le 16 juin 2010 à 11:18, par pioyipo En réponse à : DENIS NIKIEMA, SG DE L’UPC : "Même ceux qui votent CDP sont pour la limitation du mandat présidentiel"

    Monsieur Dénis NIKIEMA j’ai lu avec un intérêt votre interview mais il y a quelques contrevérités que j’ai relevé vous dites "C’est la révolution du 4 août 1983 qui est venue nous mettre en retard sur ce plan et qui nous a obligés à recommencer en 1991", vous oubliez le coup d’état du CMRPN et du CSP.

  • Le 16 juin 2010 à 11:47, par anatoleledur En réponse à : DENIS NIKIEMA, SG DE L’UPC : "Même ceux qui votent CDP sont pour la limitation du mandat présidentiel"

    si c’est avec des gars du genre qu’on a débauché de l’ADF/RDA !!!, que l’UPC espère avoir du monde, il se gourre. Le monsieur est fatigué, n’a rien de nouveau à proposer. On aurait pu trouver mieux pour un SG qui est un poste sensible dans un parti. Ca risque bien de ne pas aller surtout que le langage est lib-lib : le pouvoir est trop caressé dans le sens du poil ; vous n’avez qu’à repartir là-bas !

  • Le 16 juin 2010 à 13:08, par SAN En réponse à : DENIS NIKIEMA, SG DE L’UPC : "Même ceux qui votent CDP sont pour la limitation du mandat présidentiel"

    Si vous voulez être crédibles évitez les contradictions dans vos propos. Cela donne l’impression que vous pesez pas vos mots. Pour le reste je dirai bon entretien.

  • Le 16 juin 2010 à 16:28, par Okapi En réponse à : DENIS NIKIEMA, SG DE L’UPC : "Même ceux qui votent CDP sont pour la limitation du mandat présidentiel"

    salut à tous
    Je voudrais juste dire à Anatoledur que contrairement à ce qu’ilpe
    qu’il pense ce monsieur n’est pas n’importe qui :
    Sachez juste qu’il fut un haut cadre de l’OPT et de l’ONATEL (Il fut Directeur de la production à l’ONATEL jusqu’en 1992 ; A l’epoque c’etais pratiquement le n°2 de l’ONATEL après le DG Jacques SAWADOGO actuellement ambassadeur à Taipei).
    C’est à la surprise generale Justin Thiombiano a été nommé DG de l’ONATEL après la nomination Jacques Sawadogo comme ministre.
    C’est que Denis Nikiema a fait valoir ses compétences ailleurs en decrochant un haut poste à la BOAD à Abidjan.
    Il y est resté jusqu’à sa retraite prise ces dernièes années.
    Renseigner, vous decrouvrirez un cadre de haut vol, très competent et intègre. le pays a besoin de ces travailleurs de l’ombre monsieur Anatoledur.
    Bon vent à Denis Nikiema et à l’UPC.

  • Le 16 juin 2010 à 16:50, par ismael En réponse à : DENIS NIKIEMA, SG DE L’UPC : "Même ceux qui votent CDP sont pour la limitation du mandat présidentiel"

    Très bonne analyse des situations nationales et internationales. je pense qu’il est tant d’avancer et consolider nos acquis.à quand la prochaine rencontre à bobo.à bientôt.

  • Le 16 juin 2010 à 18:03, par thomas En réponse à : DENIS NIKIEMA, SG DE L’UPC : "Même ceux qui votent CDP sont pour la limitation du mandat présidentiel"

    que ce SG ait été un haut cadre, eh bien heureusement ; un Sg n’est pas n’importe qui ! mais je trouve que l’entretien n’a RIEN apporté de nouveau. tout ce que ce monsieur a dit, c’est du connu. Or, le Faso a besoin de quoi ? De choses nouvelles ! Ce ne fut pas le cas. dommage ! mais bon vent tout de même !

  • Le 16 juin 2010 à 18:12 En réponse à : DENIS NIKIEMA, SG DE L’UPC : "Même ceux qui votent CDP sont pour la limitation du mandat présidentiel"

    OKAPI, c’est encore pire : c’est quelqu’un qui est inconstant puisqu’il vire de l’ODP à un autre parti pour le trahir par la suite. Où était-il même avant ODP ?

  • Le 16 juin 2010 à 18:44 En réponse à : DENIS NIKIEMA, SG DE L’UPC : "Même ceux qui votent CDP sont pour la limitation du mandat présidentiel"

    les échangeurs, moi j’y étais opposé et je me rappelle quand le Père Lacour en parlait. mais à l’usage, je reconnais que c’est très utile ; maintenant, je pense qu’il a dû y avoir des deals mais ça, c’est connu au Faso ! donc, je ne suis pas d’accord avec le SG de l’UPC sur ce point.

  • Le 16 juin 2010 à 18:48, par andré En réponse à : DENIS NIKIEMA, SG DE L’UPC : "Même ceux qui votent CDP sont pour la limitation du mandat présidentiel"

    tout à fait d’accord avec les propos du SG : "Le vrai drame du Burkina, c’est que son processus démocratique a été initié et dirigé par des gens qui n’ont rien de démocrates". et je suis d’accord avec lui sur la Révolution qui n’a pu développer le pays et qui nous a même fait reculer.
    maintenant, je me dis que si ce parti veut vraiment lutter pour que l’alternance ait lieu, que le chef de l’Etat soit bloqué dans son intention de déverrouiller l’article 37, la solution est là : ce n’est ni la pétition, ni les élections, c’est la prise en otage de la présidentielle comme le réclame l’UNDD. J’espère que Zéphirin, qui est un homme très intelligent, partagera comme le professeur Loada qui l’a dit à la dernière conférence de presse des quatre mousquetaires, ce point de vue. Parce que si Zeph veut se présenter en 2015, il faut d’abord que blaise ne triture pas l’article 37. Merci de m’avoir lu.

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