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Le CSC et les médias de province : Il se passe des choses…

Publié le mardi 15 juin 2010 à 00h04min

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La présidente du Conseil supérieur de la communication Béatrice Damiba accompagnée de ses techniciens a achevé le vendredi 11 juin dernier une tournée de quatre jours dans les provinces nordiques, afin d’apprécier de près le fonctionnement des médias. Après plus de 1000 km de route, le CSC a pu visiter 27 radios, 02 télévisions et les Editions Sidwaya de Ouahigouya.

Dans la Gnagna, une jeune radio associative convainc les habitués du marché de Pouytenga de déposer l’argent de la vente de leurs bœufs dans des comptes afin d’amoindrir l’ardeur des coupeurs de route. Les médias de l’intérieur vivent à leur manière le développement local. Quant au respect des normes de fonctionnement, c’est un autre débat.

Partie tôt le matin du 8 juin 2010 de Ouagadougou, la présidence du CSC s’est fait séduire par la première radio visitée, « Radio Bassy » du nom du premier habitant de Ziniairé, soigneusement tenue. Puis, elle s’est laissée « épatée » selon ses propres termes par la radio des paysans Kakoabd Yam Vênegré de la même localité. « Je me rends compte à quel point la communication est devenue indispensable aux paysans comme le tô ou l’eau », écrit-elle dans le livre d’or. Les radios rurales de Dori et de Ouahigouya disposent de locaux, de matériels et de personnel fort appréciés par la mission.

D’autres médias ont aussi reçu des félicitations. « Je suis édifiée par ce que je viens de voir à Sanmentenga TV et à radio Manedga de Kaya en ce que les installations et les équipements sont à la pointe du progrès », s’est réjouie la présidente du CSC.

Mais c’est dans les programmes que les médias ont tenté de prouver leur importance. Radio Eveil de Bogandé mise en place par le Réseau africain jeunesse santé et développement (RAJS) explique que tout récemment, elle a diffusé une émission de sensibilisation invitant les paysans à déposer leurs fonds dans des caisses d’épargne ou dans des banques pour leur propre sécurité.

« Beaucoup de gens vont au marché de Pouytenga pour faire des achats ou pour vendre leurs bœufs. Quand ils reviennent, au lieu de déposer l’argent dans des comptes, ils préfèrent voyager avec les sous. L’émission consistait à sensibiliser les populations à ne plus voyager avec de l’argent », a rappelé Francis Lankoandé, le directeur de la radio. Quant à Madi Ouédraogo dit Lokéto de Kaya FM, il s’est battu pour maintenir une émission critique d’expression directe baptisée Sanmentenga Mangasosgua.

« Les gens n’aiment pas qu’on les critique. Alors que quand on gère les affaires de tout le monde, il faut accepter qu’on dise qu’aujourd’hui ça va ou que ça ne va pas », a-t-il dit tout heureux d’avoir convaincu le CSC qu’il identifiait bel et bien les intervenants de l’émission, contrairement aux allégations qui ont failli coûter la vie à cet espace de débat citoyen.

« En gros, c’est largement positif et je vais me faire forte d’envoyer des lettres à tous ses médias visités soit pour les féliciter soit pour leur faire des observations », a indiqué Mme Damiba à l’issue de la mission.

L’indulgence du CSC ou la menace à retardement

L’avis des techniciens confirme l’appréciation de la présidente du CSC. Idrissa Diallo responsable du Service des radiodiffusions et télévisions, est « assez satisfait » de savoir que tous les organes visités disposent d’une grille de programmes.

Mais tout est loin d’être parfait et Mme Damiba n’hésite pas à parler de « cagibi » ou de « poulailler » pour désigner les locaux qui abritent certaines radios. Souleymane Tapsoba, le responsable du Département du service technique donne les détails de ce qui ne va pas : « En production, on se rend compte que les locaux ne sont pas traités, parlant de l’acoustique. En diffusion, certains émetteurs sont installés à la régie.

En matière de sécurité des installations, les radios ne disposent pas en général de paratonnerre, de parafoudre ni d’extincteur. Quant aux équipements de la maintenance, la plupart des médias n’en disposent pas non plus. Ils ont juste des contrats ponctuels avec des prestataires. Ce ne sont pas là des conditions favorables au développement des médias parce qu’exposés à des risques ».

Ainsi on pouvait relevé ici et là des chutes de pylônes comme à Ouahigouya ou à Dori, des murs de studio rafistolés à l’aide de chiffons et de draps de lit ou des régies maintenues dans des conditions de « sauna ». A cela s’ajoute l’absence de professionnels dans bon nombre d’équipes. Certains médias bénéficient visiblement de l’indulgence des responsables du CSC qui les appellent cependant à se mettre à jour. « La radio Walfe Ejef, (la plus délabrée, Gorom-Gorom) quand on regarde ses installations, son cadre de travail par rapport à la réalité de la région, on peut la comprendre.

Elle fait des efforts et nous allons essayer de l’accompagner autant que faire se peut », a confié la responsable du service de la documentation et des archives Mariama Konaté. On laisse aussi le temps d’apprentissage aux nouveaux venus, à l’exemple de Radio Neerwaya (Kongoussi) et SMTV de Ouahigouya. C’est que les conditions de travail au Grand Nord ; chaleur torride, poussière et vent violent, forcent le respect de ceux qui s’y démènent.

La délégation du CSC en a goûté un peu et est loin d’en oublier de sitôt. Allant à Gorom-Gorom, elle est tombée durant plus d’une heure dans un épais nuage de poussière rendant la visibilité absolument nulle. Aucun mot n’a suffit à Mme Damiba pour expliquer plus tard ce qui lui est arrivé : « c’est un tsunami sec », « une tempête de sable », « un ouragan », « c’est l’apocalypse » car dit-elle plaisantant « on ne sait pas comment se manifeste la fin du monde ».

Néanmoins pour ne pas « aller à double vitesse », des sanctions planent sur les organes déjà épinglés de par le passé. « Nous allons faire le point et là où c’est suffisamment grave, nous allons faire des mises en demeure. C’est une sorte d’avertissement pour leur dire de faire attention parce que la mesure qui va suivre peut aller jusqu’à la suspension voire le retrait de la fréquence », a prévenu Mme Damiba. Des fréquences ont déjà été retirées à des organes comme Média Star.

Quand bien même certains organes n’ont pas satisfait à toutes les exigences requises, ils ont marqué quelques points de par leur engagement en faveur des causes nationales. Ainsi, les radios confessionnelles Notre Dame de Kaya, Ahmaddiya de Dori, Radio Evangile et Développement et Natigmzanga de Yako ou encore Radio Solidarité de Ouahigouya dépasseraient dans leurs programmes les 20% d’émissions non religieuses exigées par le CSC, de l’avis de leurs responsables. Certaines n’ont en tout que 40% d’émissions religieuses, le reste du programme étant consacré à des émissions de santé, d’éducation sociale, de culture générale et de musique.

A tel point que le gouverneur de la région du Nord, Viviane Compaoré estime que la radio confessionnelle Solidarité « contribue à faire connaître aux familles musulmanes et non musulmanes le rôle de la femme ». Se référant aux dires des responsables de cette radio, elle soutient que la femme a une place dans le Coran qui est ignorée dans la vie pratique. Les radios limitrophes comme La Voix du Soum et la Radio de lutte contre la désertification (RLCD) de Djibo portent leurs messages au-delà des frontières nationales et créent de ce fait une communauté qui ignore la frontière.

« Je suis sensible aux missions que s’est assignée cette radio (RLCD) », a confié Mme Damiba, ancien ministre en charge de l’Environnement. Enfin, la radio FM Femmes et développement de Arbollé ne pouvait laisser indifférent de par son cadre fleuri et relativement spacieux.

De manière générale, les radios confessionnelles se focalisent sur la paix et la tolérance outre l’enseignement religieux tandis que les radios commerciales entretiennent l’embryon économique et le débat citoyen. Les radios communautaires et associatives pour leur part sont tournées vers les messages de sensibilisation et de soutien à la production agro-pastorale. Mais toutes ou presque se rabattent par synchronisation simultanée sur la radio nationale à l’heure du journal. D’autres relaient les émissions de chaînes internationales.

Le conseiller s’installe dans le rôle de l’avocat

La question financière revient de manière récurrente comme principale difficulté des médias en province. Les recettes viennent des communiqués ; 1 500 à 2 000 francs par jour à la Radio de l’Amitié, un peu moins à Walde Ejef. Les entrées des spots publicitaires sont rares dans les localités reculées et bien souvent, seuls les bonnes volontés et les partenaires comme l’Organisation intergouvernementale de la francophonie (OIF), l’Unicef et Plan Burkina interviennent pour aider ces médias.

Du coup, ils n’ont pas les moyens d’embaucher du personnel qualifié ni de former ceux déjà engagés. Pour alléger leur fardeau, le CSC a déjà négocié la réduction des coûts des redevances des droits d’auteur à hauteur de 100 000 F CFA pour les radios communautaires et de 150 000 F CFA pour les radios commerciales.

En province, les médias en plus des droits d’auteurs, doivent payer chaque année quelques 600 mille F CFA pour l’exploitation de la fréquence radio et 2,8 millions F CFA pour la télévision, d’où cette remarque de la Conseillère avisée, Béatrice Damiba : « Il y a encore beaucoup de charges » pour les radios privées. « Nous allons inscrire cela dans le suivi de cette tournée pour essayer de voir comment nous allons les aider. Après que le BBDA ait fait une bonne action en réduisant ses droits, il faut voir si l’ARCE (autorité de régulation des communications électroniques) ne peut en faire autant et la SONABEL intervenir à certains endroits », ajoute-t-elle.

Elle envisage également engager son collège de conseillers dans une réflexion « approfondie » pour une contribution du CSC en tant qu’institution publique à une meilleure formation des « animateurs » de la presse non formés. En entendant, elle estime que les Radios rurales (publiques) doivent servir de modèles aux autres d’autant plus qu’elles disposent d’équipements performants et de personnel qualifié à tous les niveaux.

Elle a assuré qu’elle jouera pour sa part le rôle de « l’avocat auprès de qui de droit » afin de les aider à assurer pleinement leurs rôles. Au-delà, elle encourage fortement l’établissement de partenariat avec des structures d’appui à la presse.

L’ancienne journaliste s’était déjà engagée au début de son mandat à « aller vers les médias ». Elle vient de boucler le 4e grand périple et il ne lui reste que la zone du Grand sud pour boucler la boucle et amener les médias à « coller au plus près aux textes législatifs et réglementaires, à respecter l’éthique et la déontologie et éventuellement l’équilibre de l’information dans la couverture des campagnes électorales » qui pointent justement déjà l’horizon.

Mouor Aimé KAMBIRE

Sidwaya

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