Pour autant, faut-il conclure avec notre opposant que le Premier ministre fait « l’affaire de la famille Compaoré », puisque deux ans sont passés et lui, est toujours à son poste ?

Sans verser dans l’accusation facile, faisons, comme nous l’invite d’ailleurs la Primature, une introspection à l’occasion du troisième anniversaire du gouvernement Tertius (1). Plutôt qu’au bilan de ses actions, intéressons-nous aux actes ratés de l’homme du 4-Juin.

Appelé de Washington, où il résidait en qualité d’ambassadeur depuis janvier 2002, pour venir nettoyer, au Burkina, les écuries de Blaise, le successeur de Paramanga Ernest Yonli a été accueilli favorablement par l’opinion publique.

Nonobstant les casseroles, supposées ou réelles, qu’il traînerait depuis son éviction du gouvernement de son prédécesseur en 2001. Ce crédit de sympathie dont a bénéficié le nouveau fusible du locataire de Kosyam tire sa source, entre autres, de ses propos francs et directs.

Arrivé aux commandes de l’équipe gouvernementale en pleine crise de la vie chère, l’ancien professeur d’Economie à l’université de Ouagadougou a suscité beaucoup d’espoir auprès des Burkinabé d’en bas, qui ne pouvaient même plus s’offrir le luxe de manger du « benga ». Trois ans après, l’enchantement a laissé place au désenchantement. Le rédempteur est perçu, depuis, comme un imposteur. Zorro est devenu zéro.

Le Zorro a-t-il fini par épouser les habitudes qui ont pignon sur rue dans la galaxie Compaoré, Confortant ainsi l’idée selon laquelle « c’est le milieu qui crée l’organisme » ?

Homme de rectitude, comme le présentent certains, Tertius Zongo besogne dans un régime corrompu. Dans un environnement résolument tourné vers la prédation, la prébende et la prévarication.

Il a beau revenir des States avec les meilleures dispositions d’esprit, avec l’american way of management, le chef du gouvernement est sans aucune emprise sur un système rompu à toutes pratiques de la triche et champion olympique dans le contournement des règles de la bonne gestion.

Après avoir tenté, sans succès, d’apprivoiser le monstre de la mal-gouvernance par des mesures comme celles sur l’interdiction d’usage des biens de l’Etat à des fins privées, la transparence dans la passation des marchés, la corruption et les détournements de toutes sortes, oui, après toutes ces vaines tentatives, notre PM est devenu, soudain, aphone.

Plus de déclarations d’intention. Plus de promesses solennelles. La triste réalité du pays a fini par s’imposer au kosswéogo venu du pays de l’Oncle Sam : le mal-être du Burkina est si profond que pour, sinon l’enrayer, tout au moins l’atténuer, il faut plus que la seule volonté d’un chef du gouvernement.

Franchement, que peut bien faire Tertius face à un ministre, un DG ou un opérateur économique qui n’a de compte à rendre qu’au président ou à un membre de sa famille ? Pas grand-chose, pour ne pas dire rien.

Tant que le président Blaise Compaoré ne va pas commencer par discipliner ce beau monde qui grenouille autour de sa personne, tant qu’il ne va pas modérer la voracité et la rapacité de certains goinfres du clan, tant qu’il ne va pas se décider à mettre lui-même la main dans le cambouis du régime, tous les discours qu’il nous distillera ou nous fera distiller ne seront que du hoba-hoba, comme le chante le musicien ivoirien Tiken Jah Fakoly.

Plus que des velléités réelles ou supposées du pouvoir de modifier l’article 37, au grand bonheur de tous ces courtisans aux dents limées, c’est de l’accumulation de sentiments d’injustice que nourrissent « ceux qui travaillent à la sueur de leur front et à la force de leur poignet » que viendra le danger contre la 4e République.

Toutes ces petites gens ont les yeux tournés vers vous, Monsieur le président. Elles savent qu’ici au Faso, tout part de Kosyam et tout y revient.

Alain Saint Robespierre

(1) L’équipe gouvernementale a été mise en place le 10 juin, donc il y a de cela trois ans exactement aujourd’hui

L’Observateur Paalga