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CRISE IVOIRIENNE : Quand le linge sale se lave en famille

Publié le mercredi 9 juin 2010 à 00h23min

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Le processus de sortie de la crise ivoirienne semble aborder un virage d’un type nouveau. Les différents protagonistes, selon toute vraisemblance, ont décidé d’opter pour la solution du linge sale qui se lave en famille. Ouf, dira-t-on, si toutefois cet esprit nouveau devait se concrétiser. Il y a juste quelque temps, le chef de l’Etat ivoirien, Laurent Gbagbo, avait pris l’initiative ô combien surprenante de se rendre en personne aux domiciles de ses adversaires politiques du PDCI et du RDR.

A l’époque, plus d’un observateur de la scène politique ivoirienne n’y avait vu qu’une manœuvre de diversion destinée à désamorcer la bombe de la marche que projetait de faire le Rassemblement des jeunes houphouétistes, et qui était, il faut le reconnaître, de tous les dangers. Surtout que presque concomitamment, devait se tenir l’importante rencontre de la BAD. A l’issue des entretiens qu’il eut avec les deux pontes de l’opposition, on annonça l’imminence d’un calendrier nouveau pour régir tout ce qui doit l’être en vue de la tenue effective de la présidentielle ivoirienne au sujet de laquelle le président Gbagbo himself a promis, juré, qu’on ne sortirait pas de l’année 2010 sans qu’elle ne se tienne.

Et depuis, c’est le premier ministre Guillaume Soro qui est à la bourre. C’est bien lui qui est chargé de l’organisation de la ou des rencontres des trois principaux ténors de la classe politique ivoirienne et, il faut le reconnaître, il se commet à la tâche, et promet quelque chose de tangible pour bientôt. Et c’est tant mieux qu’il en soit ainsi. Si les Ivoiriens ont vraiment fini par comprendre que le plus précieux des accords est celui que l’on obtient en famille, autour d’une table, à l’issue de bien franches discussions, c’est tout gain pour tous.

Car, après tout, aucun mortel, de quelque force qu’il soit, ne sera en mesure de construire la paix en Côte d’Ivoire pour la nation qui l’habite. Pour n’avoir pas accepté ce truisme en temps opportun, les Ivoiriens auront sans doute perdu du temps inutilement. Ils se seront entredéchirés, auront gaspillé de l’énergie et perdu quelque peu de cette joie de vivre qui les caractérisait avant l’éclatement de cette crise désastreuse et bien inutile à tous points de vue. Et il était sans doute temps que survienne cette prise de conscience. Tout le monde avait fini par se lasser de l’équation ivoirienne qui donnait l’impression de multiplier les inconnues dès que l’on entrevoyait une éclaircie pour un essai de résolution.

Reste toutefois que ce nouveau virage, c’est Laurent Gbagbo qui en a eu l’initiative. L’homme est un fin calculateur et à l’instar d’un bon joueur d’échecs, détermine dans sa tête la réponse que l’adversaire portera à son coup, avant même d’avancer son pion. Il fut, en son temps, l’initiateur du choix d’un Médiateur qui conduisit à l’acceptation du dialogue direct et aboutit aux accords politiques difficilement arrachés dans la capitale burkinabè.

Ces fameux accords dont tout le monde finira par comprendre que finalement Gbagbo lui-même et son clan n’en veulent pas. En témoignent les incessantes remises en cause, les atermoiements à répétition et les couacs intempestifs recensés à la pelle. Ils eurent pour tout effet qu’à ce jour aucune date n’est avancée pour la tenue de la présidentielle en Côte d’Ivoire. Tout au plus, devra-t-on se contenter de la promesse faite par Gbagbo que 2010 est bien l’année du désormais fameux scrutin présidentiel. Très vague et franchement insuffisant.

Alors, questions. La classe politique ivoirienne a-t-elle au final décidé de voir plus clair, s’est-elle enfin convaincue qu’il lui fallait faire montre de plus de patriotisme pour sauver une nation qui va à vau-l’eau, ou n’est-elle que la victime ignorante d’une nouvelle ruse de Laurent Gbagbo ? Les Ivoiriens ont-ils compris qu’en réussissant la gageure de lasser Blaise Compaoré -l’exploit est inédit- ils grillaient par le fait même la dernière carte étrangère susceptible de les aider à redresser la barre ivoirienne, et que désormais s’impose obligatoirement la solution par les Ivoiriens, et eux seuls ?

Si oui, on applaudit des deux mains. Mais alors, reste le plus dur à faire. Les contentieux ont toujours cours et concernent le chiffre titanesque de plus de 5 000 000 d’électeurs. Sans compter tous les préalables nécessaires à la bonne tenue d’élections saines, consensuelles et crédibles. Le premier semestre de l’année tire à sa fin. Et si la promesse de Gbagbo tient toujours, les Ivoiriens devront se livrer à une véritable course contre le temps. Peu importe, car ils peuvent le remporter, ce sprint du dernier virage, à la condition cependant que le nouvel esprit qui souffle soit le bon.

Mais s’il ne s’agit là que d’un nouvel avatar d’une prise de "blaguer-tuer" auquel on a habitué les Ivoiriens depuis déjà un certain temps, tôt ou tard, le masque tombera, tout le monde le verra et la désillusion sera sans doute à la mesure de l’espoir que l’initiative aura suscité. Et alors il faudra à nouveau se triturer les méninges pour en extraire quelque idée nouvelle qui pourra elle aussi se révéler un jour fallacieuse. Et il faudra recommencer, puis recommencer. La patience de tout mortel présente un jour des limites. Gageons que nous avons là l’ultime sursaut d’honneur qui redonne un espoir mérité et salvateur à la nation ivoirienne tout entière.

"Le Pays"

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