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Editorial de Sidwaya : Campagne agricole et campagnes électorales : quelles coïncidences ?

Publié le lundi 7 juin 2010 à 01h01min

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Ibrahiman Sakandé, DG des Editions Sidwaya

Entre fracas et doute, deux saisons s’installent difficilement au Burkina : la saison des pluies et celle des chaudes empoignades propres aux campagnes électorales. Nous avons rarement vu des orages aussi violents aux mois de mai et de juin, comme nous avons rarement dénombré autant de partis politiques dans notre pays.

Les deux saisons et les deux campagnes s’annoncent donc riches en couleur. Bonnes récoltes à nous tous et que les urnes, à l’image des greniers, se remplissent des fruits de notre travail honnête, généreux et profitable à tous les citoyens burkinabé.

Nous l’avons tous remarqué : il y a beaucoup de vent et pas autant d’eau en ce début de saison. Résultats malencontreux : des arbres sont déracinés, des toits de maisons décoiffés. Face à ces déchaînements stériles, les paysans désemparés se demandent toujours s’il faut semer ou non.

Ne serait-ce pas la même abondance nuisible, les mêmes bourrasques verbales qui se produisent en politique ? Ou bien le nombre pléthorique des partis politiques est-il le signe de la vitalité de notre démocratie ? Est-ce vrai qu’il y a autant de projets de société que de partis politiques au Burkina ? Qu’avons-nous fait de l’exemple gabonais, un exemple qui enseigne que l’opposition peut gagner les élections et perdre le trône présidentiel ?

Le doute, nous l’avons dit, s’installe dans le camp des agriculteurs. « Semer ou ne pas semer ? », telle est la question que se posent un bon nombre de nos braves producteurs. On se souvient des saisons passées. On s’adonne à des comparaisons parfois fantastiques. On cite des dates et des périodes. On joue de prudence. Il faut se hâter lentement parce que le temps presse ; toutefois, l’erreur de la précipitation n’est pas permise, il vaut mieux ne semer qu’une seule fois. De même, en politique, le doute des électeurs grandit. Il y a tellement de nouveaux saints dans l’arène politique qu’on ne sait pas à qui se vouer.

Des flots de discours politiques qui nous parviennent des différents états-majors des partis politiques, trois types de discours nous frappent. D’abord, ceux qui n’ont absolument rien de nouveau à proposer, excepté leur refus de rejoindre les rangs du parti au pouvoir. L’essentiel de tels discours se fait avec les « péchés » de la 4e République. Ensuite, il y a des leaders politiques qui présentent des projets en zigzag : il y a tout dans leur vision du Burkina, mais dans un ordre dont ils ont seuls le secret. On trouve surtout et enfin les opposants de routine ; ils n’ont que le mot « alternance » à la bouche.

Comme si la raison d’être de leur engagement politique, c’est de faire du Burkina Faso, un pays à alternance. Ces innombrables impertinences ne jettent-elles pas un discrédit sur les principes mêmes de la démocratie, au-delà de l’alternance ou de la non-alternance ? L’environnement international nous apprend que le nombre de partis politiques et la virulence des joutes oratoires ne sont pas forcément des indicateurs de la démocratie.

Au contraire, plus la démocratie mûrit, moins il faut de partis ou formations politiques pour l’exprimer. La Grande-Bretagne, les Etats-Unis d’Amérique et la France, ensemble, ont bien moins que la moitié des partis politiques burkinabè.

Entre la terre et la démocratie, la campagne agricole et les campagnes politiques, se joue le destin de notre pays. On aimerait pouvoir faire confiance à la démocratie comme on fait confiance à la terre (elle qui ne ment pas…), on aimerait pouvoir compter sur le politique comme on sait compter sur le paysan.

Mais, en ce mois de juin, après celui de mai, le vent qui souffle violemment sur les toits, les arbres et les arrache, est le même que celui qui secoue le paysage politique pour semer le doute et le désarroi sur notre démocratie émergente. Ce qui apparaît évident : les paysans sèment. Mais les hommes politiques ne s’aiment pas

Par Ibrahiman SAKANDE (sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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