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ASSASSINAT DE FLORIBERT CHEBEYA EN RDC : Le cadavre de trop !

Publié le lundi 7 juin 2010 à 00h59min

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Floribert Chebeya

Le lâche assassinat de Floribert Chebeya mercredi dernier en R D Congo, ne doit pas rester impuni. Les autres aussi, il faut l’espérer. Le président de l’organisation de défense des droits de l’Homme « La Voix des sans-Voix », a été retrouvé mort dans sa voiture. Il avait disparu suite à une convocation de l’inspection générale de la police. D’après le ministre congolais de l’Intérieur, le principal suspect, le général John Numbi, inspecteur général de la police nationale, a été suspendu. Il a été mis en cause par l’un de ses hommes, le colonel Daniel Moukalay. Ce dernier aurait avoué l’assassinat de Floribert Chebeya, sans avoir eu l’intention de le tuer. Il aurait agi sur ordre du général Numbi, lequel craignait d’être mis en cause dans une enquête du président de la "Voix des sans-Voix".

Ce crime vient couronner de vieilles listes que la communauté internationale semble oublier dans sa coopération avec Kinshasa. Cette fois-ci, le réveil a été brutal pour toutes les personnes frappées d’amnésie collective. L’affaire est sérieuse, car des officiers et agents de la direction des renseignements et des services spéciaux de la police ont été arrêtés. Parmi eux, un major de la garde présidentielle. A croire que le régime Kabila abriterait en son sein des éléments dignes de la funeste GESTAPO d’Hitler. Selon certaines thèses, Floribert Chebeya a été assassiné parce qu’il militait contre l’arrivée prochaine du roi belge à Kinshasa. Toujours est-il que les commanditaires de l’assassinat de Floribert Chebeya, donnent aujourd’hui davantage de raisons au roi belge pour qu’il s’abstienne de se rendre en visite en RDC.

Cette élimination physique révolte tant par sa barbarie que par son audace. Cet amoncellement de cadavres ne salit pas que le drapeau congolais, il enfonce le régime en place. Au fil du temps, celui-ci perd une part de la sympathie accumulée durant des années. Sa crédibilité est sérieusement entamée. C’est à se demander en effet si Joseph Kabila est vraiment l’homme de la situation en RDC ? Soit son entourage et ceux qui le soutiennent revoient leur stratégie et donc mettent fin aux massacres, soit ils poursuivent leurs pratiques de déshumanisation du Congo, confirmant ainsi que le régime ne maîtrise rien et est passible de sanctions devant les tribunaux internationaux.

La rapidité avec laquelle ont été épinglés les prétendus responsables de ce crime crapuleux montre qu’il s’agit bel et bien d’un complot sur ordre. Les exécutants et leurs supérieurs immédiats sont en fait des fonctionnaires ayant suivi les instructions de la hiérarchie. L’arrestation de ces premiers suspects donne le sentiment qu’il s’agit de seconds couteaux. Une détention ayant peut-être pour but d’arracher les suspects à la vindicte populaire, et de mettre les vrais commanditaires à l’abri : les premiers couteaux ! En tout cas, selon toute vraisemblance, l’ordre vient d’en haut. L’automatisme du pouvoir de Kinshasa déconcerte. Il nous a habitués à le voir démarrer des enquêtes du genre sans fin. Mais cette fois, la justice poursuivra son cours. On ne peut prendre le risque de voir enterrer ce dossier.

Nul doute que les mesures actuelles sont le résultat du tollé général provoqué par cet assassinat. La communauté internationale a intérêt à maintenir la pression afin que lumière soit faite. En s’impliquant sérieusement, elle redorera à coup sûr son blason terni par des années de silence et d’inertie. L’opinion africaine reste en effet perplexe face au développement de la coopération des pays occidentaux avec des régimes liberticides. L’UE, par exemple, devrait se montrer moins complaisante dans la gestion de la RDC dont les gouvernants sont passés maîtres dans l’art de réprimer systématiquement et impunément tous ceux qui s’attaquent à la mal gouvernance.

Même aux temps forts du règne du dictateur Mobutu, le Congo devenu Zaïre était connu pour la grande richesse et la variété de sa culture, le talent de ses sportifs autant que les belles mélodies et les rythmes irrésistibles de sa musique envoûtante. Aujourd’hui, il est de notoriété publique que ce pays excelle dans l’art de liquider sereinement ses adversaires. A la seule évocation du nom RDC véhiculent des images de confusion généralisée, de troubles à n’en plus finir et de grandes désolations. Sans gêne, dans l’impunité totale, régulièrement, on viole, on embastille et on massacre des citoyens. Allergiques à la moindre critique, Joseph Kabila et ses partisans dissimulent à peine leur aversion pour les journalistes, les opposants politiques et les défenseurs de droits humains. De quoi vivre continuellement la peur au ventre dans son propre pays !

L’Afrique du troisième millénaire a besoin des forces de tous pour gagner la bataille du développement. La paix, la quiétude, le sentiment d’appartenance, la cohésion, le sens de la responsabilité, la tolérance, l’ouverture d’esprit, le sentiment de pleine participation, constituent des valeurs cardinales pour tout acteur politique soucieux de bâtir réellement un état de droit démocratique. L’ennemi, le vrai, se trouve dans le refus quotidien d’accepter la différence et de cultiver le vrai sens du débat démocratique sain. En cela, le continent accuse un sérieux retard sur les autres.

En faisant mine de nier tant l’apport des défenseurs des droits humains que celui des journalistes à l’édification d’un Congo nouveau, les autorités gouvernementales de la RDC ne font que mettre à nue leurs propres faiblesses. En tissant continuellement des intrigues ou en couvrant les auteurs des sales besognes, elles se mettent en porte à faux avec la dénomination de leur propre pays et oeuvrent de ce fait à la fragilisation des institutions qui se mettent péniblement en place après des décennies d’égarement. La RDC doit cesser de se transformer en cimetière pour journalistes, défenseurs de droits humains et opposants politiques. L’impunité qui y règne doit absolument prendre fin afin que soient définitivement neutralisés ces escadrons de la mort qui terrorisent les populations. En tout cas, une goutte d’eau risque fort de faire déborder le fleuve Congo : Floribert Chebeya, ce cadavre de trop mis à l’actif du régime Kabila.

"Le Pays"

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