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Dr Ousmane Kaba du PLUS : « Je serai le prochain président de Guinée »

Publié le lundi 24 mai 2010 à 01h57min

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Le 27 juin prochain, les Guinéens seront appelés aux urnes pour élire leur nouveau président. Déjà, ils sont 42 à s’être portés candidats à la candidature de cette présidentielle. Est de ceux-là le docteur Ousmane Kaba, un homme qui, semble-t-il, jouit d’une grande réputation en Guinée. De passage dans notre capitale la semaine écoulée, celui qui est loin d’être un petit poucet du landernau politique guinéen nous a fait l’amitié de nous accorder cet entretien dans un hôtel de la place.

Docteur d’Etat en économie de la Sorbonne et diplômé de la prestigieuse université de Harvard aux USA, cet expert en audits a commencé sa carrière au Fonds monétaire international. Rentré en Guinée en 1986 pour s’occuper de la restructuration de la Banque centrale et des réformes économiques, il sera propulsé plus tard au rang de grand argentier de son pays. Ce présidentiable, qui passe pour un ennemi juré de la corruption qui gangrène son pays, reste confiant quant à ses chances de succès. Entretien avec le probable futur président de Guinée.

Quel est l’objet de votre présence au Burkina ?

Merci de me donner la parole. Vous savez que c’est tout à fait normal qu’à la veille de l’élection en Guinée, les principaux candidats sillonnent la sous-région, pour prendre contact avec les autorités, pour prendre contact avec les Guinéens qui résident dans ces pays. C’est dans ce cadre que se situe mon séjour à Ouagadougou. Comme on le sait, le Burkina est la plaque tournante de l’Afrique de l’Ouest. En ce qui concerne la Guinée, les accords de Ouagadougou sont une référence pour nous et je pense tout naturel que nous venions à Ouaga.

Le 20 mars dernier, soit trois mois avant la présidentielle, vous portiez sur les fonts baptismaux votre parti,le Parti Libéral pour l’Unité et la Solidarité (PLUS). N’êtes-vous pas en retard par rapport aux autres candidats sur le terrain ?

Cela fait exactement deux mois qu’existe notre parti et je peux vous assurer qu’on n’est pas en retard parce qu’en 40 jours, nous avons installé ce parti dans toutes les préfectures de la Guinée. Nous avons déjà sillonné tout le pays à cet effet. Nous avons nos bureaux partout. Notre chance, c’est que notre candidat est déjà connu en Guinée et jouissait d’une très grande notoriété avant de porter cette formation politique sur les fonts baptismaux, comme vous le dites. Une bonne partie du boulot est déjà réalisée.

Ce qui fait que nous avons pu aller très rapidement. Nous avons une chance parce que moi, je possède la plus grande université privée de Guinée, l’Université Kofi-Annan, qui a formé des milliers d’étudiants, déjà actifs sur le terrain. C’est un électorat impressionnant. Moi même, j’ai été surpris par la vitesse d’implantation de notre parti. Partout où nous allons et lorsqu’on parle du docteur Ousmane Kaba, les gens disent : On le connaît parce qu’il a déjà à son actif une université.

C’est très facile pour quelqu’un comme moi qui est déjà connu et qui, semble-t-il, a une certaine crédibilité de faire une bonne campagne et je suis confiant quant à ma victoire à cette présidentielle. Vous avez quitté l’UFR de Sidya Touré, semble-t-il, pour une différence d’approche sur la manière de lutter contre la corruption.

Comment comptez- vous lutter contre ce fléau que vous qualifiez d’indescriptible dans votre pays, si vous êtes élu ?

Vous avez raison, car cela faisait dix ans que j’étais dans le bureau exécutif du parti de Sidya Touré, l’Union des forces républicaines (l’UFR). J’avais été son ministre des Finances dans le gouvernement de 1996, nous avons travaillé ensemble et nous avons fait du résultat. Nous partagions la même vision de la société. Il se trouve seulement que nous avons une différence d’appréciation en ce qui concerne la lutte contre l’impunité parce que nous, nous estimons que la première tâche aujourd’hui en Guinée, c’est vraiment de mettre fin à l’impunité.

Je suis un spécialiste de l’économie et je vous parlerai de mon programme dans cette interview. On ne peut rien faire sans ce préalable qu’est la lutte contre l’impunité. La corruption est une gangrène et empêche le pays de décoller. Elle a atteint un tel niveau que le travail gouvernemental devient impossible. Il faut mettre fin à cette impunité d’abord. Comme vous le savez, le gouvernement m’avait confié la tâche de superviser les audits en république de Guinée.

Nous avons eu des résultats et les leaders politiques ont estimé qu’il ne fallait sortir ces résultats qu’une fois les élections terminées. Moi, j’ai estimé que c’était le contraire qu’on doit faire. Comme dans tous les pays du monde, le peuple a le droit de savoir qui a les mains propres et qui les a sales. Lorsqu’on parle de mettre fin à l’impunité, il faut être cohérent. Mais comment peut-on mettre fin à l’impunité ? Le poisson pourrit par la tête et c’est la tête qu’il faut nettoyer. C’est la différence que j’ai avec Sidya Touré et une bonne partie des hommes politiques de Guinée.

Comment comptez-vous véritablement lutter contre cette corruption ?

C’est très simple. A mon avis, ce qu’il faut d’abord éviter, c’est l’arbitraire. Mais lorsqu’il y a des faits bien établis, des preuves, je crois que c’est au juge de sanctionner. En tant qu’homme politique, il est de mon devoir de dénoncer les travers de la société et de préciser les conditions de notre décollage économique. Moi, j’estime que le problème guinéen est, avant tout, un problème économique et que nous pouvons le résoudre et réaliser les aspirations des populations.

Au fait, quel est votre programme ?

Nous, nous partons du postulat de la liberté qui a deux traductions. La traduction politique qui donne un Etat de droit, la défense des libertés fondamentales individuelles et collectives, le renforcement des institutions et de la démocratie.

La traduction économique, c’est le libéralisme qui va libérer les énergies créatrices des individus et des entreprises. Donc nous sommes pour une société libérale où les acteurs économiques peuvent pleinement jouer leur rôle. Ceci dit, sur le plan économique, nous avons une vision à long terme, c’est-à-dire bâtir un consensus autour duquel toute la Nation va se regrouper. C’est la première chose. La seconde, c’est de mettre les Guinéens au travail. Autrement dit, il faut avoir une économie qui marche avec un fort taux de croissance.

Il faut créer de la richesse en Guinée et il se trouve que ce pays est l’un des plus doté par la nature. Nous avons toutes les ressources qu’il faut. Nous avons des ressources minières abondantes, nous avons une bonne géographie, nous avons de l’eau, des terres fertiles, tout pour faire de ce pays une puissance économique sous-régionale. Il faut s’atteler à cela. Mais nous ne pouvons y aboutir qu’en mettant les Guinéens au travail. Mettre les Guinéens au travail signifie des choses très simples. Au lieu d’importer du riz, il faut prendre cet argent pour aider les paysans à produire le riz qui est l’aliment de base en Guinée. Mais on ne peut faire cela que quand les infrastructures de base sont bonnes. La Guinée a une chance car pour financer tout cela il y a deux sources : la Coopération internationale et les ressources minières.

La corruption est passée par là aussi, empêchant la Guinée de bénéficier de ses ressources minières. Au-delà de cela, il faut développer les secteurs porteurs de croissance. Ce sont des actions à long terme. Mais à court terme, il va falloir remettre en place une bonne politique monétaire et budgétaire. Avec ces bonnes politiques, on va stabiliser la valeur du franc guinéen. A la différence du CFA qui est une monnaie appartenant à plusieurs pays, nous, nous avons le franc guinéen qui est une monnaie indépendante avec laquelle les travailleurs sont payés. Lorsqu’il y a inflation, le pouvoir d’achat du Guinéen est miné. Cela est dû à une mauvaise gestion budgétaire des déficits financés par la création monétaire.

Pour que le lecteur puisse comprendre ici, je prendrai l’exemple du Burkina. Lorsque le gouvernement burkinabè fait un déficit, il n’a pas la possibilité de tirer de l’argent à la BCEAO. Il est obligé d’abord de réduire ses dépenses et ensuite d’augmenter ses recettes fiscales, notamment pour financer ses projets. En Guinée, le cas est totalement différent. Lorsqu’il y a de gros déficits et que l’Etat n’a pas d’argent, il va simplement à la Banque centrale de Guinée et fait fabriquer de l’argent. Ainsi, on fait baisser la valeur de l’encaisse que les gens détiennent. Nous avons donc un problème spécifique avec la gestion monétaire et celle budgétaire. Il va falloir y mettre de l’ordre.

C’est ce qu’on appelle la stabilisation macro-économique, qui peut se faire à court terme. A long terme, il faut augmenter la richesse du pays. Moi, je ne fais pas la politique pour la politique. Ma politique, c’est d’augmenter le niveau de vie des Guinéens.

Votre parti, le PLUS, est la 117e formation politique en Guinée. Cet émiettement ne constituera-t-il pas, à terme, un problème ?

Oui, vous avez raison. Mais dire qu’il y a 117 partis ne veut pas dire qu’il y a 117 candidats. C’est tout à fait normal que dans un pays où la liberté a été étouffée pendant très longtemps et lorsqu’on est à l’aube de la démocratie une multitude de partis se forme. La Guinée n’est la première dans ce cas. Dans tous les pays, à la fin d’une dictature et à l’aube de la démocratie, il y a des centaines de partis qui se forment. Certains pays en ont même 200 , voire 300.

La situation de mon pays va se clarifier au fil des élections. Après deux, trois élections, je parie qu’on aura à peine une dizaine de partis politiques, dont la formation que je dirige.

A la différence d’autres formations politiques qui sont présentes en ville et dont les militants peuvent à peine remplir une cabine téléphonique, le PLUS est un parti national. Je vais vous confier un secret : notre parti sera l’une des grandes révélations de ces élections à venir. Les hommes politiques de Guinée, eux, sont déjà au courant de notre représentativité. Ce sera l’une des grandes surprises de cette élection et je pense que je serai le prochain président de la Guinée.

Etes-vous satisfait du processus électoral dans votre pays ?

Oui, dans un pays comme la Guinée où il y a eu tellement de problèmes, on ne peut pas s’attendre à un processus parfait. Ce qui est important, c’est d’abord d’avoir une direction de la transition qui s’en tienne aux objectifs de Ouagadougou et c’est le lieu pour moi de rendre hommage au président Blaise Compaoré et au peuple burkinabè pour leur assistance à la transition en Guinée. Grosso modo, la transition se porte bien. Le président Sékouba Konaté et le Premier ministre Jean-Marie Doré ne sont pas candidats à cette présidentielle. Ce qui est un gage de préparation sérieuse.

C’est dire donc que le processus démocratique en Guinée est irréversible !

Ah oui, ça, c’est sûr. Les Guinéens aspirent à un pays qui marche. Et il est temps que nous réalisions notre potentiel.

Interview réalisée par Boureima Diallo

L’Observateur Paalga

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