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DEVELOPPEMENT DES REGIONS : L’heureuse leçon de Dédougou

Publié le jeudi 20 mai 2010 à 03h51min

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Le développement des régions est à revoir car le Burkina d’aujourd’hui se caractérise par un déséquilibre porteur de tous les dangers. En cédant devant la grogne qui monte du Mouhoun pour exiger le démarrage du bitumage de la route Koudougou-Dédougou les autorités voudraient-elles dire que c’est la seule voie de salut pour les populations frustrées ? En tout cas, la coalition des gens de Dédougou à l’origine des mouvements de protestation, n’aura pas eu tort de demander que soit enfin tenue la promesse de désenclaver la région cotonnière. Le gouvernement burkinabè ne s’attendait sans doute pas à cette grogne. En cette veille de consultations électorales, les organisateurs de campagnes auront assurément du pain sur la planche. Des promesses faites la dernière fois à travers le pays, combien ont-elles été tenues ?

Certes, entre-temps, on aura inauguré des échangeurs, des mosquées, divers autres chantiers, etc. Toutefois, la plupart de ces réalisations se situent loin des régions. Beaucoup de Burkinabè sont insatisfaits. Ils l’ont montré en refusant d’aller s’inscrire sur les listes électorales. Même si cette désaffection est contestée par ceux qui refusent systématiquement de voir la vérité en face. Trop d’acteurs politiques ont des comportements qui laissent à désirer. Leur manque de considération à l’égard des populations est devenu aujourd’hui un peu trop visible. D’où cette tendance maladive à faire croire au sommet de l’Etat que « ça grogne mais il n’y a rien. On contrôle tout ». Cela permet de masquer des manquements graves, des fuites de responsabilités. Des exemples abondent s’agissant du développement des régions en particulier. La réalisation de la route Kaya-Dori a bien mis du temps. Il s’agit pourtant de la principale voie d’accès au Sahel riche en bétail et en ressources minières. Il y a tant d’autres projets qui souffrent le martyr pour diverses raisons.

Il existe certes, de beaux plans de développement véhiculés par des concepts qui séduisent. Des projets savamment élaborés et des promesses distribuées à tours de bras. Mais l’arbitraire, l’iniquité, le subjectivisme et la politique politicienne semblent rythmer sérieusement nos choix de développement des régions. De sorte que parfois, lorsqu’on décide enfin de réaliser certains projets, le contexte, lui, a déjà changé : les projets ont vieilli ; ils ont changé de décors ou même de porteurs. Dans l’intervalle, le coût des matériaux, lui, est devenu exorbitant.

Il existe ainsi des zones bien pourvues en ressources mais qui manquent cruellement d’infrastructures. Cela ne facilite nullement les échanges intra régionaux. Ainsi en est-il de la fameuse route du poisson reliant Ouahigouya à Mopti au Mali. Curieux que ce tronçon soit toujours laissé à lui-même depuis des années. Son bitumage donnerait un sérieux coup de fouet au développement de la région. Il permettrait en même temps de ravitailler tout l’intérieur du Burkina et au-delà. En attendant, ce tronçon constitue un calvaire pour tous ceux qui empruntent ce prolongement. D’ailleurs, sachez que Ouahigouya est, au Burkina, la seule ville de cette importance à n’être pas reliée à un pays voisin. Régulièrement, les transporteurs y détruisent leurs véhicules.

D’autres régions sont piteusement abandonnées à elles-mêmes. Les Cascades par exemple. Naguère considérée comme le grenier du Burkina, la « Cité du paysan noir » a perdu de sa superbe. Si une région comme le Mouhoun, dotée d’énormes potentialités et de ressources humaines de haut calibre a pu être autant négligée, que dire de ces parties du territoire national sans élus, sans porte- drapeaux ou tout simplement dépourvus de cadres supérieurs ? Les considérations politiciennes ne devraient pas guider l’action de la puissance publique. Un heureux précédent. L’acte de la coalition du Mouhoun constitue une véritable leçon d’éducation politique de la part du citoyen à nos élus et à nos gouvernants dont il attend plus de respect et de considération. C’est la preuve que les zones où les militants sont trop acquis, qui ne protestent jamais, n’obtiennent jamais rien. C’est la loi de nos acteurs politiques qui préfèrent de loin laisser la nature faire le reste. Au citoyen d’user de ses droits et de réclamer justice et égalité de traitement, le principe d’imputabilité étant un principe de l’Etat de droit. Au Mouhoun, on l’a compris.

"La route du développement passe par le développement de la route". Mais le développement d’une région ne s’improvise pas. Il ne se réalise pas par à- coups, mais suivant un plan lui-même en harmonie avec le schéma directeur officiel. Fort malheureusement, au Burkina Faso, l’impression dominante est que l’Etat se presse de moins en moins pour répondre aux aspirations des populations de certaines zones. Soit le pouvoir est assuré de toujours bénéficier des faveurs d’un bétail électoral, soit les élus de la région concernée ne font pas le poids au sein du parti majoritaire. A moins d’être des opposants. Soit aussi parce que les fils de la zone ne s’entendent pas. Une mésentente qui peut alors donner bonne conscience au gouvernement. Quid alors du contrôle de l’action gouvernementale par le parlement ?

Les politiciens au pouvoir sont si sûrs de se maintenir à chaque consultation électorale qu’ils ne se soucient guère de savoir où en est le développement de leur propre région. Cela ne saurait excuser les abus de ceux qui détournent les projets de développement d’une région au profit d’une autre, quand ils en ont les moyens moraux et politiques. L’argent du Burkina, c’est pour tous les Burkinabè, les 13 régions et les 45 provinces, les petites villes autant que les milliers de villages.

En matière de développement, les priorités nationales doivent intégrer de manière cohérente les aspirations légitimes de tous et non refléter les rêves de ceux qui se situent au centre des prises de décision. Faudra-t-il en venir à la constitution d’un front de refus des régions négligées pour que nos gouvernants comprennent qu’en matière de développement régional, le déséquilibre devient trop flagrant et révoltant ? En tout état de cause, devant la démission des politiciens, le contrôle citoyen tend donc à se concrétiser. La société civile, à un échelon plus réduit, semble avoir ainsi choisi en plus de la dénonciation, de poser des actes allant dans le sens d’un véritable front de refus de l’iniquité.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 20 mai 2010 à 10:56 En réponse à : DEVELOPPEMENT DES REGIONS : L’heureuse leçon de Dédougou

    Si ce n’est pas malheureux, le désenclavement des régions qui comptent vraiment pour le développement de notre pays : Boucle du Mouhoun, 50 ans après notre indépendance
    Kénédougou, 20 ans après
    Sud-ouest, 35 ans après
    Cascades, pas encore
    Et c’est pareil pour la répartiton des écoles et des centes de santé notamment. Quand on le dit, on est traité de régionaliste

  • Le 20 mai 2010 à 17:39, par Ghorko En réponse à : DEVELOPPEMENT DES REGIONS : L’heureuse leçon de Dédougou

    votre article est d’une justesse saisissante ; je vous tire mon chapeau en espérant qu’il contribuera à ouvrir les yeux de nos politiques. au même titre que les questions liées à la santé ; l’eau ; l’agriculture ; la formation, la question de l’aménagement territorial devrait guider nos choix politiques pour un Burkina meilleur.

  • Le 20 mai 2010 à 17:42, par Sidbebe New York En réponse à : DEVELOPPEMENT DES REGIONS : L’heureuse leçon de Dédougou

    Dieu benisse les editions LE PAYS. Garder votre ligne editorial pour etre toujours du cote du peuple.Nous avons vraiment besoin de vous pour controler l’action du gouvernement.

  • Le 20 mai 2010 à 22:01, par Le Ché En réponse à : DEVELOPPEMENT DES REGIONS : L’heureuse leçon de Dédougou

    Je suis profondement ému. C’est du vrai journalisme ça. Vous avez tout résumez et vous donnez envie de lire votre journal. Et c’est aussi cela l’intellectuel.

    Malheureusement ils ne vont pas vous lire. S’ils vous lisent ils n’en prendront pas conscience. S’ils en prennent conscience ils n’auront pas les coudéés franches pour agir.

    Croyez vous que tout ce beau monde du CDP est insensible à la situation ? Non ! Mais qui ose ?

    Alors à quand le calaire pour ce pays ? Comment nous en sortir ?

  • Le 21 mai 2010 à 01:13, par Le professeur En réponse à : DEVELOPPEMENT DES REGIONS : L’heureuse leçon de Dédougou

    L’article est recevable dans son principe car il plaide pour le développement d’une région de notre pays. Dans le but de nous éloigner toujours des affres d’une crise sociale nuisible à la paix nationale, il faut éviter, dans une telle intervention d’établir certaines comparaisons.Quelles régions sont alors mieux traitées que celle de de la Région de la Boucle du Mouhoun ? Sommes-nous tentés de vous demander ? Sans le savoir, pour avoir l’intention de prendre fait et cause d’une population désemparée, vous semez les graines d’une sédition certaine contre l’autorité.
    Pour ma part, je pense que toutes les régions du Burkina sont suffisamment représentées dans toutes les sphères de décision et les réprésentants régionaux des populations devraient répondre de leur incapacité à combler les attentes de populations qui les ont hissé là.
    La bouderie, le mutisme, l’abstinence à l’inscription sur les listes électorales sont des armes passives qui ne produiront pas autant d’effets que la démission d’une grande personalité régionale sous le prétexte que le plan de développement régional adopté n’est jamais respecté. Je pense qu’il est grand temps que nos hommes politiques aient vraiment pitié de nos pauvres populations.

    Le professeur.

    • Le 21 mai 2010 à 17:49 En réponse à : DEVELOPPEMENT DES REGIONS : L’heureuse leçon de Dédougou

      La question ne doit pas se poser en termes d’égalité entre régions (mieux traitées), mais en termes de potentialités de développement dont dispose la région pour être bénéfique à l’enemble du pays. De ce point de vue, beaucoup de régions sont mieux loties en infrastructures routières que la boucle du Mouhoun, le Kénédougou, le sud-ouest ou les cascades (voir la première réaction à l’article. On pourrait citer par hasard, le plateau central (Ziniaré).

  • Le 21 mai 2010 à 19:54 En réponse à : DEVELOPPEMENT DES REGIONS : L’heureuse leçon de Dédougou

    A mon humble avis, la responsabilité se situe à trois niveaux. D’abord la carence profonde en prévision de nos dérangeants (je voulais dire dirigeants)qui sont incapables de planifier les projets afin de garantir la subsidiarité des investissements. Sinon, comment comprendre qu’un peuple appelé nourrisseurs du pays, vivant dans une zone nommée grenier du pays, est incapable de se nourrir correctement, de joindre la capitale et revenir chez lui en une journée (229 km seulement). Tant de promesses faites par ces dirigeants qui les prennent pour des gens dont l’aisance est incongrue. Le deuxième niveau se situe dans l’incompétence, l’absence pour ne pas dire la présence inutile des gens que ces pauvres peuples ont eu le malheur d’élire comme porteur de leurs aspirations. Des députés et autres élus absents pour ceux qui les ont mis là. Pour finir, le troisième niveau est représenté par ces peuples eux-même qui votent les mêmes gens qui leurs ont déjà raconter des conneries. Quand même on ne peut pas marcher deux fois sur les couilles d’un aveugle sensible. Honte à celui qui fait confiance en quelqu’un qui ta déjà prouvé par A + B qu’il ne veut de toi que comme tremplin.
    Trop c’est trop
    Par un DIGNE fils de ce peuple INDIGNEE (westcoast)

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