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Politique et politiciens du Burkina : A qui la faute si c’est de la "pourriture" ?

Publié le lundi 17 mai 2010 à 00h28min

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Dans son dernier album intitulé « Cravate, costard et pourriture (CCP) », l’artiste rappeur Serge Bambara, alias Smokey, livre une peinture peu reluisante de la classe politique africaine et burkinabè en particulier. Une critique à bout portant qu’il jette comme un pavé dans la mare des festivités du cinquantenaire des indépendances, mais une critique qui ne rend pas moins compte de la politique telle qu’elle se déroule au Faso. C’est à croire que ce qui intéresse les politiciens et les personnages publics dans ce pays, c’est de s’exhiber en boubous dagara, pardon d’apparat, ou en costume, de se pavaner et surtout d’être affairé sans rien faire. En clair, ils donnent l’impression de s’occuper du peuple alors que ce sont uniquement leurs intérêts égoïstes seulement qui les intéressent.

Pour ce faire, ils sont prêts à tout pour se remplir les poches et les panses. C’est plus la politique du tube digestif qu’autre chose. Et tout cela sent bien évidemment de la pourriture. Mais à qui la faute si on en est arrivé là ?

Comme on l’entend souvent dans les bars, maquis et autres gargotes où certains Burkinabè ont l’habitude de refaire le monde, c’est toujours la même rengaine. Les hommes politiques sont chargés de tous les péchés d’Israël. Tout le monde ou presque les accuse d’avoir perverti les valeurs, vendu le pays ou encore de l’avoir pillé. Mais très peu de gens savent vraiment reconnaître leur responsabilité dans la situation de pourriture à laquelle ils assistent aussi cruellement que passivement. Et pourtant, c’est parce ces politiciens présumés indignes prétendent parler et agir au nom du peuple burkinabè qu’ils jouent le rôle qui est le leur actuellement. Si un groupe de citoyens pense qu’ils ne font pas bien leur boulot, il n’a qu’à les dénoncer publiquement et s’organiser avec d’autres pour les sanctionner aux élections. Hélas ! C’est ce qui manque le plus au Faso. Tout le monde accuse et condamne, mais personne n’ose prendre effectivement ses responsabilités individuellement et/ou collectivement pour faire changer les choses.

Les aberrations les plus criardes sont à chercher du côté des partis politiques. A y voir de près, la plupart de ceux qui sont supposés y militer y vont plus pour des intérêts bassement matériels que pour défendre un idéal. Ce qui les intéresse, c’est l’avantage immédiat. Aussi n’hésitent-ils pas à monnayer leur militantisme contre des postes, des promotions sociales ou encore des espèces sonnantes et trébuchantes. Le hic dans ce marché inique, c’est que ces gens se soucient très peu de comment les responsables de leurs partis se débrouillent pour satisfaire leurs désirs. Même si ceux-ci doivent pactiser avec le diable, ils s’en foutent rondement. Pourvu que leurs intérêts soient préservés.

Il n’est pas inutile de rappeler que la grande majorité des militants des partis politiques se soucient très peu d’honorer leurs cotisations. C’est d’ailleurs le cadet de leur souci que d’assurer à leur formation politique un fonctionnement économiquement autonome. Ils préfèrent en faire plutôt une vache à lait, même si cette vache doit se livrer à toutes les compromissions et prostitutions possibles. Aussi caricaturale que cela puisse paraître, cette image est malheureusement celle que donne le militantisme politique au Faso. C’est le clientélisme et le marchandage permanent. N’avons-nous pas finalement les partis politiques et les politiciens que nous méritons ?

Comme on peut le voir, il est difficile, voire impossible, de voir émerger, dans ces conditions, des citoyens convaincus et engagés pour une cause. Ceci explique certainement le peu d’engouement et d’intérêt pour les partis politiques dits de l’opposition. Chacun préfère « sécher son habit là où le soleil brille », une boutade très usitée en Côte d’Ivoire pour parler de ceux qui ne militent qu’au gré de leurs intérêts du moment. N’est-ce pas parce que la majorité des gens est attirée par le « parapluie atomique » que miroite le parti au pouvoir qu’on est arrivé à ce déséquilibre politique qui a tué tous les enjeux électoraux ? Comment peut-on espérer réaliser l’alternance si une seule formation politique, notamment le giga-parti au pouvoir, continue de planer sur tous les autres au propre comme au figuré ?
Force est également de reconnaître que ce n’est pas dans la dispersion des forces que les partis politiques dits de l’opposition pourront offrir une alternative crédible à ceux qui cherchent à s’engager sans arrière-pensée.

Il est évident que lorsque chacun des soi-disant leaders de l’opposition s’accroche mordicus à son tabouret de « président » au lieu de se fondre dans un mouvement plus viable, il joue absolument le jeu du parti au pouvoir, qui apparaît ainsi comme indéboulonnable. Lorsque le dirigeant d’un parti politique d’opposition n’ayant même pas assez de militants pour remplir une cabine téléphonique tient malgré tout à se faire voir, il est aussi condamnable que les politiciens de l’autre bord qui font étalage de leurs costumes et de leurs cravates. Tout cela n’est que pourriture.
Tout compte fait, chacun a sa part de responsabilité dans la situation de putréfaction politique et morale que connaît le Faso. Pour rendre à l’activité politique ses lettres de noblesse, l’Administration publique gagnerait également à imposer un minimum de cahier de charges aux responsables de partis politiques.

Est-il concevable que l’on continue de laisser créer des partis politiques au hasard, et surtout que l’Etat continue à distribuer des subventions à des groupuscules d’opportunistes qui ne peuvent même pas rendre compte du nombre réel de militants en règle qu’ils ont ? Pourquoi ne pas exiger de chaque parti politique qui se veut sérieux de justifier d’au moins 30 000 militants à l’instar du nombre de signature que le Constitution recommande à un citoyen ou à un groupe de citoyens pour porter l’initiative d’une pétition ? Sans être nécessairement discriminatoire, cette mesure pourrait avoir l’air d’assainir, un tant soit peu, la faune politique, et éliminer quelque peu cette “pourriture” qui semble avoir atteint des proportions désormais insupportables.

F. Quophy

Journal du Jeudi

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