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CHEFFERIE TRADITIONNELLE AU BURKINA : Comment éviter les usurpations

Publié le vendredi 14 mai 2010 à 03h15min

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Depuis quelques semaines que je réfléchis, je n’arrive toujours pas à m’expliquer que des hommes en arrivent à se détester, à s’entretuer pour une affaire de « naam ». Que ceux qui ont encore toute leur tête m’expliquent comment un pouvoir traditionnel, lié à la naissance, c’est-à-dire au sang, peut faire l’objet de contestation publique, voire de troubles à l’ordre public. Je n’arrive toujours pas à comprendre comment les gardiens de la tradition, les garants de nos us et coutumes, les protecteurs du sacré contre les profanateurs, en arrivent à se battre comme des chiffonniers.

Je croyais peut-être naïvement que ces histoires de succession dans la chefferie traditionnelle étaient réglées par la tradition depuis des millénaires et que quiconque s’en détournerait en ferait systématiquement les frais, subirait le châtiment. Le monde a peut-être changé à mon insu. Ce qui se passe à Komtoega, dans l’Est du Burkina, montre à quel point les hommes n’ont plus peur de rien. Ce petit bourg est en train de rentrer dans l’histoire de notre pays d’une triste façon parce que deux camps se réclamant chacun de la chefferie, se livrent à un sanglant combat de coqs depuis quelque temps. On ne déplore pas encore de morts, mais chaque camp compte ses blessés et compte rendre coup pour coup.

Tout cela parce que personne n’a la tête sur les épaules pour rappeler à cette communauté en ébullition son histoire et lui dire que selon la tradition, voici la vérité, la procédure et qui devrait être chef. Aucun arbitre pour ce match sanglant qui dure déjà quelques années en attendant sûrement le drame qui se prépare. Un silence qui s’explique peut-être par le fait que parmi les forces en présence, un des prétendants au bonnet de chef aurait l’appui d’un gourou politique de la région, avec tout ce que cela suppose de financements et d’appuis divers. Doit-on désormais installer un chef parce qu’il est soutenu par un tel ou un tel ou parce que, selon la coutume, le bonnet lui revient de droit ?

Ce que l’on constate, c’est que pour le pouvoir, des hommes sont prêts à vendre leur âme au diable sans égard pour les règles pourtant établies depuis des lustres. Ces conflits de chefferie sont devenus légion depuis que les hommes politiques ont compris qu’ils pouvaient s’appuyer sur les chefs traditionnels pour engranger des voix lors des élections. Tant qu’ils s’appuient sur eux, il est difficile de dire quoi que ce soit. Mais de là à désigner qui doit être chef à la place d’un tel, il y a des limites à ne pas franchir au risque de bouleverser l’ordre social. Au lieu d’être des arbitres, des conseillers, les chefs traditionnels, ignorent peut-être que dans l’arène politique il n’y a ni respect dû aux aînés et au rang encore moins la morale. Seule la fin justifie les moyens. Certes, c’est leur droit d’entrer en politique, mais alors, qu’ils s’attendent au pire comme au meilleur.

A ce petit jeu des soutiens politiques, n’importe qui peut être chef. Il suffit d’avoir la bonne carte, ou d’être riche. Ce qui est révoltant dans cette guerre des chefs de Komtoega, c’est que la justice ne s’en est pas autosaisie. Le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation est muet comme une carpe alors que les risques de trouble à l’ordre public sont plus qu’avérés.

Il y a déjà des blessés. C’est l’occasion de mettre de l’ordre dans la dévolution de la chefferie traditionnelle une fois pour toutes. Si les coutumiers ne sont plus capables de régenter la dévolution de ce pouvoir qui se travestit de jour en jour, qui devra le faire à leur place ? Pour mettre fin aux conflits et aux usurpateurs, n’y a-t-il pas lieu de cartographier toutes ces chefferies traditionnelles, d’établir une typologie, la lignée de chaque chefferie, son fonctionnement et comment le pouvoir y est transmis ? Il y a nécessité de fixer cette mémoire collective ne serait-ce que pour la postérité. Mais surtout, cela permettra à l’administration d’avoir des références en cas de différend entre des prétendants. Au moins, il y aura une base pour agir et préserver nos cours royales des usurpateurs. C’est une question d’identité, de paix et de continuité.

"Le Fou"

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 14 mai 2010 à 04:15 En réponse à : et les ethnies sans chefs traditionnels

    Toutes les provinces et ethnies ont des deputes, donc aucun probleme a ce que nos impots soient utilises pour payer les salaires et autres avantages des deputes.
    Au cas ou la chefferie coutumiere est constitutionalisee avec les obligations de salaires et autres gombos pour les Naabas, comment allez vous expliquer aux ethnies qui n ont pas de chefs traditionnels que eux aussi contribuent par leurs impots a payer le gombo aux autres Naabas des autres ethnies ?
    Je pense que les Naaba doivent suer et aller faire un travail regulier comme tout le monde et gagner honnetement leur vie au lieu de commencer a semer la zizanie entre les ethnies qui ont des chefs et celles qui n ent ont pas.

  • Le 14 mai 2010 à 08:30 En réponse à : CHEFFERIE TRADITIONNELLE AU BURKINA : Comment éviter les usurpations

    Pas si fou que ça ! Voilà ce qui arrive quand on veut tricher avec les régles sociales. Chacun sait où est le bon chemin. Hélas, par les temps qui courrent, le bon chemin ne paie guère. Et à force de contournements, de "loobliikin", on ne sait plus où on habite. Vouloir réflechir avec son estomac et sa braguette est une gageure. Le problème, le drame, c’est que ce sont justement ceux qui doivent montrer la voie qui choisissent de contourner.

  • Le 14 mai 2010 à 11:22 En réponse à : CHEFFERIE TRADITIONNELLE AU BURKINA : Comment éviter les usurpations

    Bonjour le fou,
    il suffit de chercher à comprendre ce que veut Bédouma en bissa et vous ne serez plus étonné de ce qui arrive à komtoèga par la faute des Alain Yoda et compagnies

  • Le 14 mai 2010 à 13:03, par ZABRE Victor En réponse à : CHEFFERIE TRADITIONNELLE AU BURKINA : Comment éviter les usurpations

    « Je croyais peut-être naïvement que ces histoires de succession dans la chefferie traditionnelle étaient réglées par la tradition depuis des millénaires et que quiconque s’en détournerait en ferait systématiquement les frais, subirait le châtiment. Le monde a peut-être changé à mon insu. Ce qui se passe à Komtoega, dans l’Est du Burkina, montre à quel point les hommes n’ont plus peur de rien. »

    Il faudra réviser vos cours d’histoire. Les affrontements entre population d’une même contrée pour la succession des chefs ne datent pas de maintenant. Cela est arrivé plus d’une fois dans la plupart de nos sociétés traditionnelles. Chez certaines, des frères de sang d’une même famille se sont affrontés à coup de "wack" et d’empoisonnement. Des personnes ont dû fuir le toit familial pour aller se réfugier ailleurs. Comme quoi, il n’y a pas que nos Etats dits modernes qui connaissent ces contradictions. Les luttes fratricides pour le contrôle de nos sociétés ont toujours existé. Il en va ainsi dans la vie des hommes.

    Merci.

    ZABRE Victor

  • Le 14 mai 2010 à 17:31 En réponse à : CHEFFERIE TRADITIONNELLE AU BURKINA : Comment éviter les usurpations

    Il faut le spprimer purement et simplement car ils se sont vendus également au pouvoir en place. ILS NE REPRESENTENT PLUS LES VALEURS DE LA TRADITION

  • Le 15 mai 2010 à 04:03, par Bouba En réponse à : CHEFFERIE TRADITIONNELLE AU BURKINA : Comment éviter les usurpations

    Le Fou de quelle cartographie parlez-vous ? voulez-vous dire que l’État doit règlementer la succession dans plus de 8000 villages ? C’est utopique. Par contre, je suis d’accord que là où il y a problème, là où coups et blessures, là où il y a un risque l’État et justice doivent agir.

  • Le 15 mai 2010 à 17:50 En réponse à : CHEFFERIE TRADITIONNELLE AU BURKINA : Comment éviter les usurpations

    La Chefferie ne mérite pas d’être élevée à un rang constitutionnel ; elle a fait trop de mal à la démocratie au pays

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