Qui l’eût cru dans un pays que l’on dit tenu d’une main de fer depuis 1980 par Robert Mugabe ? Et pourtant, c’est la réalité. Cela prouve à suffisance que la justice zimbabwéenne est malgré tout indépendante. Plus d’une fois, elle a relaxé des opposants politiques accusés par le pouvoir de tous les péchés du Zimbabwe mais dont elle a trouvé qu’il n’y avait pas suffisamment ou pas du tout de preuves contre eux.

L’actuel Premier ministre et opposant irréductible Morgan Tsvangirai est celui-là même qui peut plus que quiconque, temoigner de l’indépendance du pouvoir judiciaire au pays de papy Bob. Roy Bennett, ancien fermier banc et trésorier du parti du Premier ministre, le MDC (Mouvement pour le changement démocratique) ne pourra pas lui aussi dire le contraire même s’il a soutenu le 10 mai dernier qu’il était persécuté et non poursuivi par des juges qui ont bénéficié de fermes du pouvoir et des procureurs qui prennent des ordres du ministre de la Justice. Ces mêmes juges et procureurs ont pourtant estimé que "l’Etat n’avait pas apporté de preuves solides" contre lui et l’ont donc acquitté. S’il se trouve qu’ils ont effectivement bénéficié généreusement de fermes dans le cadre de la réforme agraire ou sont aux ordres de la chancellerie, cela ne les a pas empêchés de faire correctement leur travail.

Dans d’autres pays africains aux régimes jugés fréquentables, les opposants ne s’en tireraient pas comme cela même s’il n’y a pas de preuves solides contre eux. La justice aux ordres se chargera d’en trouver pour mieux s’acharner contre eux. Or, rien de tout cela au Zimbabwe. Ainsi, le "dictateur" Mugabe a une justice indépendante qui ne lui permet pas de casser de l’opposant comme il veut. Conséquence de cette situation quasi paradoxale : Roy Bennett peut savourer la liberté retrouvée et intégrer le gouvernement d’union formé en 2009 dans lequel il lui avait été réservé un poste de vice-ministre de l’Agriculture. Un poste qu’il n’avait pas pu occuper à cause de ses ennuis judiciaires. N’est-ce pas beau tout cela ? On est curieux de savoir l’attitude de tous ceux qui vouent Mugabe aux gémonies.

Ils ne manqueront pas d’être gênés, déroutés même par cette attitude de la justice que l’on ne voit pas tous les jours même dans des pays du continent présentés comme des modèles démocratiques. Il faut dire que les anti-Mugabe ont même perdu leur latin depuis que papy Bob a tenu un discours d’apaisement et de rassemblement à l’occasion du 30e anniversaire de l’indépendance du pays. Certes, on ne manquera pas de lier l’acquittement de Roy Bennett à ce contexte d’apaisement, mais c’est plutôt l’indépendance de la justice vis-à-vis du pouvoir politique qui prédomine ici. La justice pouvait, malgré tout, condamner l’ancien fermier blanc de 53 ans pour faire plaisir au pouvoir quitte à ce qu’il soit gracié par le chef de l’Etat qui, à l’occasion, montrerait qu’il s’inscrit dans une logique d’apaisement et de réconciliation. Mais ce ne fut pas le cas.

Séni DABO

Le Pays