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TURBULENCES DE L’EURO : L’Afrique en tirera-t-elle des leçons ?

Publié le mercredi 12 mai 2010 à 02h16min

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L’Euro bat de l’aile et le malaise donne la fièvre à tous les pays du vieux continent qui ont cette monnaie en partage. A l’origine du mal, une économie grecque fortement mise à rude épreuve et qui cale. L’impact financier en est presque immédiat, ébranle la communauté européenne et est en passe de faire basculer le Portugal et l’Espagne. Mais le remède concocté par les 27 est décidément à la taille de la plaie qui ronge son espace monétaire : 750 milliards d’euros ! C’est bien là le montant du « bouclier » que les ministres des Finances de l’UE auront adopté dans le but de faire face au risque de contagion de la crise hélène. Et pour cause, c’est la stabilité financière de l’Europe entière qui est en jeu.

Mais à ce prix-là, on peut déjà parier que c’est dans la poche. La crise est ainsi étouffée dans l’œuf et les Européens peuvent repartir tranquilles.

Et les pauvres africains d’écarquiller les yeux, médusés de voir avec quelle facilité déconcertante une somme si astronomique a pu être dégagée en si peu de temps pour sauver un pays dont l’économie et les finances s’enfonçaient dans un abysse. Il y a vraiment de quoi. Car, le geste des 27 est admirable de beauté, de solidarité et d’exemplarité. Ils auront compris que sauver un membre de la communauté, c’est quelque part sauver l’ensemble de cette communauté. C’est cela aussi le prix à payer pour cette nouvelle fierté que l’on appelle "mondialisation". Mais il n’y a pas que cela. Vue d’Afrique, la performance européenne, si elle relève d’une prouesse, suscite en même temps, une interrogation bien légitime :

« Et si pareille catastrophe se passait chez nous ? » Nul doute que le malheureux pays « malade », à supposer qu’il choisisse de chercher la main secourable de quelque structure régionale ou continentale qui fonctionne, attendra une véritable arlésienne. Car, de secours, il n’y en aura point. Pour la simple raison que des structures de cette taille qui jouent ce rôle, il n’en existe point. Des institutions africaines qui auraient, un tant soit peu, pu jouer ce rôle, si elles ne sont pas prises en otage par des querelles de leadership, n’en possèdent pas les ressources nécessaires ou ne fonctionnent pas vraiment car les chefs d’Etat africains qui les chapeautent, même s’ils parlent presque tous d’intégration et d’Union africaine, ne lèvent pas vraiment le petit doigt pour que ce qu’ils professent deviennent réalité.

De plus, même pour les petites entités économiques ou financières qui existent (Uemoa, Cemac), il se trouve que les Etats africains souhaitent tirer profit des avantages tout en rejetant l’ensemble des contraintes. A ce rythme, ça ne marche pas. Cela fait belle lurette que l’on parle, à défaut d’une monnaie unique commune au continent africain, de monnaies régionales dont l’avantage serait plus qu’ évident, à plus d’un titre. Qu’est-ce qui fait qu’après cinquante années d’indépendance, des pays africains en restent encore à un CFA dont, et en dépit des "avantages" que l’on serine à longueur de journées, on a quand même vu et vécu les limites ?

La dévaluation de janvier 1994, sauf le respect dû aux éminents économistes du continent et d’ailleurs, a été un véritable coup de poignard dans le dos des consommateurs d’Afrique dont le pouvoir d’achat a, du jour au lendemain, été réduit à presque rien. Les chiffres officiels disent le contraire, certes. Mais la ménagère qui n’arrive plus à rien acheter au marché du village sait de quoi elle parle, en matière de dévaluation, car c’est bien elle qui le vit au quotidien dans sa chair.

Et si, en dépit des dénégations de ces mêmes spécialistes de l’économie et des finances, ce que tant et tant d’Africains à ce jour redoutent comme étant la conséquence directe des turbulences de l’Euro, arrivait tout de même ? L’hypothèse est loin d’être saugrenue : peu avant la dévaluation de janvier 1994, le grand « boss » de la BCEAO à Dakar, avait promis, juré la main sur le cœur que si pareille catastrophe arrivait –parlant de la dévaluation du franc CFA- lui-même en rendrait le tablier. La catastrophe eut lieu. Il conserva tout de même son poste.

La création de la monnaie ou des monnaies africaines s’avère de plus en plus une nécessité. Le CFA, pour arrimé qu’il soit à la monnaie de l’ancien colonisateur, n’offre qu’une sécurité très relative. Mais cela suppose que les dirigeants africains s’engagent résolument sur le chemin de l’exigeante bonne gouvernance financière. Ce n’est pas acquis d’avance. Des pays de la zone anglophone ont entrepris la dure tâche de se forger leur propre monnaie. Au début, des pays comme le Nigeria, la Gambie ou le Ghana durent suer sang et eau pour payer la contrepartie de ce que certains appelèrent alors le prix de leur entêtement.

A ce jour, ils en récoltent les bénéfices. Qu’on ne vienne pas nous dire que ce que des Etats africains ont entrepris et réalisé, à l’échelle individuelle, un regroupement de pays du même continent est voué à ne jamais pouvoir le faire. Du reste, ils sont condamnés à l’entreprendre, un jour au l’autre. Le fameux arrimage à la monnaie du mentor ne sauve pas toujours. L’exemple de janvier 1994 reste gravé dans la mémoire de nombreux Africains. Et à ce jour, rien ne dit que la France fera un bouclier de son corps pour protéger la zone CFA en cas de seconde dévaluation.

Et puis, il y a tout de même la beauté du symbole. Etre sous tutelle après 50 ans, c’est franchement pathétique. C’est peut-être le signe qu’on a grandi, vieilli, mais pas mûri. C’est loin d’être un compliment. Encore faut-il que les décideurs africains en fassent leur conviction. Rien ne les y oblige vraiment. Ils ne sont pas de la frange populaire la plus exposée en cas de séisme économique ou financier. Bien au contraire, ils les anticipent bien avant qu’ils ne surviennent. De nombreux et substantiels comptes bancaires se sont ouverts dans des pays européens juste à la veille de la dévaluation de 94, en provenance de la zone CFA. Le délit d’initié, ça aide.

Mais le citoyen ordinaire souffre et, le cas échéant, n’a que ses yeux pour pleurer. « Qui dort sur la natte du voisin dort par terre ». Et pour cause. Les Africains devraient avoir assez de dormir virtuellement à même la poussière du sol. Et à supposer que leurs dirigeants, du haut de leur piédestal, n’arrivent pas à réaliser la gravité de la chose, c’est à eux que revient le devoir de leur faire comprendre le ridicule de la situation. Ce faisant, c’est le continent tout entier qui en tirerait alors le plus grand bien.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 12 mai 2010 à 11:59, par Wendkouni En réponse à : TURBULENCES DE L’EURO : L’Afrique en tirera-t-elle des leçons ?

    Il y’a trois éléments qui minent la capacité de l’Afrique à se projeter :
    - Le déni ou le refus de l’existence d’une substance intellectuelle en Afrique
    - La mystification inconsciente ou consciente par l’homme blanc comme si l’intelligence portait la couleur blanche
    - Une mémoire d’ânes car l’histoire n’est pas pour nous africains une base sur lequel on désenveloppe nos stratégies future

    Si les états Africains ne peuvent pas se porter secours comme l’a fait l’europe à l’égard de la Grèce, ce n’est pas parce que nous somme démunie d’un esprit de solidarité ou que nous avons des pierres à la place du cœur : C’est tout simplement parce qu’aucune des institutions communautaire en Afrique n’est indépendante. Nous avons des institutions pensées à des milliers de kilomètre par des non Africains avec ou sans la complicité de nos chef d’états et dont le seul but est de nous maintenir à la condition de dominé tout en nous fessant croire que nous sommes maître de nous même. Se trompe qui ose penser que l’UEMOA, la CEMAC et tout autre institutions en Afrique nous appartient parce les dirigeants sont noirs et de surcroit Africains.
    Nous souffrons, et nous sommes encore esclaves :
    - les chaines ne sont plus à nos poignées et à nos pieds mais dans chaque hémisphère de nos cerveaux
    - Nous avons une anomalie psychologique, intellectuelle et existentielle qui handicape l’appropriation de notre destiné
    - Nous vivons et respirons d’abord pour l’occident
    - Nous sommes riche dans tout les sens du terme mais nous mourrons de faim.

    Nous sommes toujours entrain de mettre notre avenir, notre destiné aux mains d’expert occidentaux pour trouver des solutions à nos problèmes :
    - Ces même experts qui ne connaissent l’Afrique que via les milliers de clichés enseignés dans les écoles et universités occidentales
    - Ces même experts qui une fois en Afrique passent par les salons d’honneurs de nos aéroport via les voitures de luxes pour arriver dans les hôtels 4**** afin d’exposer leurs caca dans nos salle de conférences huppées (En gros ils n’auront pas vu la vraie Afrique)
    - Ces même experts qui pensent nous connaître mieux que nous même et que le cachet est 4 à 5 fois supérieur que celui des experts Africains dont l’intelligence est trop noire pour être la bonne, la vraie...

    L’Europe n’a pas eut besoin d’experts Africains, Américains ou Chinois pour trouver les solutions à ses problèmes et si les solutions ne sont pas bonnes elle ne peut s’en prendre qu’à elle même, contrairement à l’Afrique ou même en cas de mauvaises solutions(d’experts occidentaux) c’est toujours de la faute des Africains (Paresseux,Esprits lents, laxistes, Peu formés , sans éducation, immatures...).

    Nous devons faire une profonde reforme de nos institutions communautaire remettre à plat toute ces clauses tacites qui nous mettent au rang de dominés.

    En conclusion depuis que l’on s’en remet à eux : On est de plus en plus pauvre et eux sont de plus en plus riche...

    Wendkouni

  • Le 13 mai 2010 à 10:26, par LAJOYE En réponse à : TURBULENCES DE L’EURO : L’Afrique en tirera-t-elle des leçons ?

    L’arrimage du franc CFA à l’EURO n’a pas été favorable aux exportations de coton burkinabé parce que l’Euro s’est évalué face au dollar . Quand le prix du coton passait de 50 à 60 cents de dollar le kilog sur les marchés internationaux les exportateurs burkinabés n’en tiraient aucun bénéfice parce que en paralléle le dollar se dévaluait face à l’Euro . De même les exportations de bétail burkinabé vers le Nigéria se sont effondrées avec la chute de la monnaie du Nigéria .Alors vaut t’il mieux avoir une monnaie faible mais nationale plutôt qu’un franc CFA arrimé à l’Euro ? On note tout de même qu’en terme de PIB la situation s’améliore pour la zone franc cfa et que le franc CFA doit y être pour quelque chose .
    Une légére baisse du cours de l’Euro devrait aider d’avantage les exportations du burkina .
    Il n’est pas dit d’ailleurs que l’Euro subsiste à long terme , les politiques économiques des états européens étant trop disparates . C’est la premiére crise de l’Euro et ce ne sera pas la derniére . Alors l’idée d’une monnaie qui remplacera le franc CFA s’imposera de toute façon.

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