LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

ETABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT PRIVE : L’eau et l’électricité, le cauchemar des fondateurs

Publié le mercredi 28 avril 2010 à 02h50min

PARTAGER :                          

Dans la lettre ouverte ci-dessous adressée au Premier ministre, André Eugène Ilboudo expose les difficultés que vivent les fondateurs d’établissements privés, notamment en ce qui concerne les questions d’eau et d’électricité. Il fait en même temps des suggestions pour y remédier.

Monsieur le Premier ministre, Je dois convenir que ce n’est peut-être pas la manière la plus courtoise de m’adresser à vous, mais… Toutefois, je viens par la présente vous apporter quelques suggestions afin de continuer à placer nos enfants, nos élèves, la grande et large frange de notre avenir, au cœur de notre société, au cœur du Faso émergent que vous appelez de tous vos vœux. J’espère que vous n’allez pas m’appliquer le constat de Jean Pliya, dans "Les tresseurs de cordes", qui conseille de "ne jamais courir devant un chef pour lui montrer la voie car il pourrait te reprocher de lui avoir caché la vue".

Si oui, laissez-moi tout de même vous dire, au moins, que nous vous savons gré de certaines dispositions prises par votre gouvernement : la dotation des élèves du privé, comme ceux du public, de fournitures scolaires, même si le nombre est largement insuffisant et la qualité fortement douteuse ; la réduction sensible des frais de scolarité à supporter par les parents d’élèves, (le jargon pompeux et d’autocongratulation parle de gratuité de l’école) ; la subvention accordée aux établissements privés, (largement insuffisante et jetée par la fenêtre) et le tout récent arrêté permettant aux établissements d’enseigne- ment préscolaire, primaire, secondaire et du supérieur d’importer des micro-ordinateurs en franchise de droits (qui sera d’un impact limité, nous achetons des ordinateurs de seconde main à 150 000 F CFA au lieu des neufs à 1 500 000 F CFA). Malgré tout, nous vous savons gré de la volonté et de la capacité d’écoute au plus haut sommet.

Voici donc mes trois propositions :

L’eau dans les établissements d’enseignement : les cahiers des charges obligent un établissement en instance d’ouverture de posséder soit un forage, soit un raccordement à l’eau courante de l’ONEA. Pour le cas de Ouagadougou, la plupart des établissements publics ou privés sont raccordés à l’ONEA. Pour le forage, quand 200 élèves doivent utiliser un forage en 5 minutes avant de rejoindre une classe, vous pouvez imaginer la suite. Quant au robinet d’eau, faites-y un tour. Vous constaterez que les robinets sont cadenassés. Non pas que les chefs d’établissement veulent que les élèves meurent de soif ou entrent tout crasseux dans les salles de classe après le sport, mais l’interdiction de l’utilisation de l’eau vient de la facture.

L’ONEA considère les établissements comme des ménages ordinaires. De ce fait, ils paient "plein pot". En effet, si vous avez 1 000 élèves et que chacun d’eux, deux fois par semaine, après l’éducation sportive et physique, utilise seulement un litre d’eau, chaque fois pour se laver les mains et le visage avant d’intégrer sa classe, et si je devais ajouter que chaque élève a droit à au moins un demi-litre d’eau par jour comme eau de boisson pour les sept heures au moins qu’il passe à l’école, demandez à l’ONEA de vous faire la simulation de la facture. Que l’ONEA vous fasse le calcul échelonné des prix où les 8 premiers mètres cubes coûtent 188 F CFA, la seconde tranche des 7 mètres cubes à 430 F CFA (remarquez déjà la différence), les 15 prochains mètres cubes à 509 F CFA et les 50 prochains à 1 040 F CFA.

Monsieur le Premier ministre, Je souhaite me faire bien comprendre. Nous ne demandons pas que l’eau soit gratuite dans les écoles. Nous plaidons tout simplement que l’on considère les établissements comme de "gros ménages" et que l’on leur applique simplement le prix de la première tranche et aussi sans TVA. Les 1 000 élèves qui consomment les 60 à 100 mètres cubes d’eau mensuellement ne gaspillent pas l’eau. Nous savons que l’ONEA peut accéder facilement à une telle requête, sur vos instructions, elle qui a construit dans certains

établissements privés des lieux d’aisance pour nos élèves, gracieusement. Nous lui en sommes largement reconnaissants au nom de nos élèves et de leurs parents. Nous souhaitons simplement qu’elle soit plus sensible au plaidoyer même si les suggestions ne sont pas de son propre cru ! Pour terminer sur ce point, l’ONEA met un accent particulier sur l’assainissement. C’est tout à son honneur ! Mais qui mieux qu’un établissement d’enseignement, par une saine émulation des élèves dans les classes, peut leur apprendre le tri des ordures ménagères afin de faire du compost pour entretenir au sein des établissements des allées de fleurs et d’arbres à défaut de carrés de gazon. C’est cela aussi l’éducation environnementale !

Le deuxième point concerne l’électricité dans nos établissements. "L’énergie est rare, économisons-là" reste le slogan favori de la SONABEL. N’eût été le paradoxe, c’est plutôt aux ménages de s’éduquer dans ce sens, car plus l’on gaspille l’énergie, plus la SONABEL devrait être heureuse ! Cela dit, je plaide pour l’économie d’énergie. Il y va de l’intérêt de notre planète. Mais je voudrais aussi plaider afin que la SONABEL applique aux établissements d’enseignement le premier tarif de "notre énergie". Encore une fois, nous ne demandons rien gratuitement. Nous souhaitons que des mesures sociales soient accordées à ceux qui travaillent dans les domaines réputés sociaux. Monsieur le Premier ministre, cette année, il fait particulièrement chaud plus que les autres années.

J’en sais quelque chose, et ce n’est pas une digression, puisqu’en une semaine, nous avons perdu dans notre village 3 vieilles et un vieux. Et nous incriminons la chaleur ! Dans l’Administration publique, les climatiseurs ronronnent dès 7h. Je ne trouve rien à redire ! Mais dans l’enseignement, en général, et encore plus dans le privé d’une certaine catégorie, il est hors de question d’installer même un ventilateur dans tous les bureaux a fortiori dans une classe. Fixer et entretenir 4 ampoules allumées dans une classe est déjà un luxe. Si votre temps vous le permettait, faites un tour discrètement dans une salle de classe entre 11h et 12h ou entre 15h et 16h. N’oubliez pas de visiter la salle des professeurs, si elle existe. Si vous rencontrez un ventilateur dans une salle de classe, si vous constatez que ces classes sont plafonnées, cet établissement est à

la pointe du progrès. Et si vous avez soif, demeurez diplomate : ne demandez pas d’eau fraîche du frigidaire en ces mois de mars et d’avril. Certes, il existe des métiers où l’on ne peut pas demander "un luxe comme un frigidaire", mais c’est plus le prix de l’électricité qui se révèle être l’élément dissuasif que le prix des équipements. Or de plus en plus, certains de nos professeurs ne rentrent plus à midi pour la pause. Certains chefs d’établissements auraient souhaité leur aménager, ne serait-ce qu’une minuscule salle où ils peuvent se reposer tranquillement et pouvoir se débarbouiller correctement avant de reprendre leurs cours à 15h au lieu du spectacle actuel où ils doivent se dénuder avec une copie d’élève à la main pour se ventiler.

Mais aucun directeur d’établissement, dans les zones périphériques, avec les scolarités actuelles et au regard du prix de l’électricité, ne s’amuserait à installer un climatiseur dans une salle des professeurs. A moins que l’on convienne que les cadres A, qu’ils sont, n’ont pas besoin de conditions acceptables de travail, comme leur collègues des bureaux ? Dans l’Administration, c’est un secret de Polichinelle de révéler que les chauffeurs et certaines secrétaires administratives de la catégorie C ou D, qui ne rentrent plus chez eux aussi à midi, peuvent pourtant se reposer dans un environnement moins chaud que celui d’une salle de classe ou d’une salle de professeurs.

Pour terminer ce point, l’on pourrait demander à la SONABEL de fournir, aux établissements qui acceptent que soient raccordés à leur branchement, deux ou trois grands lampadaires. Ces lampadaires éclaireraient le domaine et les alentours du domaine scolaire et sécuriseraient de ce fait les élèves qui viennent y étudier la nuit ou qui y suivent les cours du soir. Heureusement rien n’est encore arrivé. Mais l’on peut imaginer ce qui arriverait si, dans la pénombre totale du domaine, l’on devait évacuer rapidement 500 à 600 élèves la nuit. Monsieur le Premier ministre, la sécurité des élèves est de votre responsabilité aussi !

Ma troisième suggestion concerne la subvention aux établissements privés. J’ai dit plus haut que l’argent de la subvention aux établissements est jeté par la fenêtre. Cela dit, je ne refuse jamais notre part de gâteau que l’on distribue. Seulement je souhaite que l’aide soit plus ciblée et avec des objectifs plus précis. Par exemple, à défaut de doubler l’aide, que l’on utilise l’actuelle aide pour inciter la création d’autres établissements dans les secteurs et les départements où la demande dépasse l’offre.

Ceux qui ont déjà créé leurs établissements ont déjà plus que leur mérite ! Mutualisons donc les succès ! Par exemple, le Conseil supérieur de la communication octroie ses fréquences selon un appel d’offres. Pourquoi selon la carte scolaire, l’Etat ne favoriserait-il pas l’installation d’établissements secondaires, surtout dans le domaine technique, en donnant un bon coup de pouce aux promoteurs ? La subvention pourrait servir à cela. Mieux, les terrains des domaines scolaires pourraient être vendus pour un franc symbolique mais assorti de conditions au lieu de laisser les terrains aux mains des spéculateurs qui viennent vous les proposer pour 20 à 25 millions pour uniquement avoir le permis d’exploiter.

Pourquoi l’Etat ne recenserait pas tous ces terrains destinés à l’éducation et à la santé, dans les nouveaux lotissements, pour les immatriculer au patrimoine de l’Etat dont la cession se ferait selon des normes précises, lors de l’appel d’offres ? Enfin, concernant le supérieur, je suggère que dans une vision prospective, l’Etat se réserve de vastes domaines de 15 à 50 hectares, voire plus, pour la création de futures universités dans les 8 points et sous-points cardinaux. Ouaga-Centre se délocalise dans la périphérie. Si l’on peut construire un établissement secondaire dans une parcelle de 300m2, il serait difficile d’y édifier une faculté. Et la prochaine génération, qui fêtera les 50 prochaines années des indépendances, nous serait reconnaissante si au moins nous leur préservions, à présent, les terrains, quitte à eux d’y bâtir plus tard. Bien sûr, il faut délocaliser, dès maintenant,

certaines facultés dans d’autres provinces. Par exemple, les facultés d’agronomie doivent s’installer au Sourou, à Bagré ou à la Kompienga tandis que celles de zootechnique doivent s’installer au plus près à Kaya, à défaut d’être installées à Dori ou à Arbinda. Bien sûr que celles de l’artisanat et de l’habitat, reviendraient de droit à Saponé. Pour terminer, Monsieur le Premier ministre, vous révélerai-je un secret d’Etat en vous confiant à l’oreille qu’il est plus facile au Burkina Faso d’ouvrir une armurerie ou une échoppe de liqueurs frelatés qu’une école de formation ?

Vous avez réussi brillamment à limiter l’utilisation abusive des biens de l’Etat (véhicules et bons d’essence pour les prostituées, n’en déplaise aux pourfendeurs de la "Zongose"). Il reste maintenant deux questions : la réponse favorite de vos administrateurs : "ce n’est pas possible" aiment-ils répéter pour chaque suggestion. Il faut déclarer la guerre à cet état d’esprit et leur dire que "l’impossible est possible". Ensuite, il reste la corruption dont les deux mamelles nourricières sont le silence et le temps. Une autre lettre pourrait vous parvenir un de ces jours. Veuillez croire à mon entier dévouement.

André-Eugène ILBOUDO

Le Pays

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 28 avril 2010 à 19:53, par samba En réponse à : ETABLISSEMENTS D’ENSEIGNEMENT PRIVE : L’eau et l’électricité, le cauchemar des fondateurs

    Je me permets de vous féliciter d’une part pour l’option de parler et non de se taire comme on n’en a l’habitude au pays dit des hommes intègres et d’autre part pour la pertinence de vos propositions. Beaucoup de citoyens ignorent le calvaire que vous vivez malgré votre grande contribution au developpement de ce pays classé tout le temps dernier au monde. Il est scandaleux que l’ONEA et la SONABEL applique un tel tarif à vos établissements. Je suis persuadé que le premier ministre ignore cette situation à moins que la décision dépasse son pouvoir.En tout état de cause il est desormais informé et on espère qu’il pourra prendre des mesures pour corriger cette distorsion difficile à justifier

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Gaoua : L’ONG MERCY CORPS dresse le bilan de son projet PILAND