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RECENSEMENT ELECTORAL : La grande bouderie des Burkinabè

Publié le lundi 26 avril 2010 à 01h50min

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Pour la deuxième fois, les électeurs burkinabè ont déserté les bureaux de recensement. Ceci, en dépit des efforts fournis pour les convaincre. Loin de s’appesantir sur les chiffres obtenus, l’on devrait à présent s’interroger sur les causes profondes de cette désaffection. Certes, entre les deux opérations, il y a eu des gains, le nombre des inscrits au 15 avril 2010, ayant dépassé les 3 millions d’électeurs. Soit une augmentation de plus de 900 000 inscrits. Durant la première phase, on avait compté au-delà de 2 millions d’inscrits. Il reste que les résultats obtenus sont en deçà de ce qu’on espérait.

Ils confirment bien une désaffection de l’électorat. Pourtant, depuis plusieurs mois, des spots publicitaires incitaient le citoyen burkinabè à faire preuve de civisme, à s’approprier le contenu de messages politiques et à se comporter en citoyen « intègre ».

Quelles raisons peuvent donc expliquer ce désintérêt susceptible de compromettre l’avancée de la démocratie au Faso ? Du côté des responsables de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), on cite, entre autres, des problèmes d’ordre technique. Par exemple, de nombreux électeurs ont eu du mal à disposer de la nouvelle Carte nationale d’identité burkinabè (CNIB) et du bulletin de naissance. Il s’agit des principales pièces exigées lors de l’inscription sur les listes électorales. De nombreux citoyens, surtout ceux des campagnes, n’en disposent toujours pas. Il semble bien que l’on ait mis trop de temps avant de réaliser qu’il fallait décentraliser l’opération de délivrance de la Carte nationale d’identité burkinabè. Ce fut donc trop lent et…trop tard.

L’on peut ajouter comme facteurs défavorisants, les méthodes d’approches qui n’ont pas été à la hauteur des attentes. Pourquoi n’avoir pas, comme au Bénin, usé du porte à porte pour inciter les électeurs à s’inscrire ? Autre obstacle et pas des moindres : la présidentielle de novembre prochain serait sans enjeux réels. Face au président sortant, Blaise Compaoré, l’opposition se présentera sans doute en rangs dispersés, réduisant donc considérablement ses chances. De quoi dissuader les électeurs à ne pas aller voter. Pourquoi donc s’inscrire ? Au-delà des facteurs évoqués précédemment, il convient de pousser l’analyse un peu plus loin. Cela permet ainsi de relever un certain cafouillage durant la campagne de communication, si tant est que cette dernière a vraiment existé. C’est à se demander qui de la CENI et du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation était chargé de gérer la communication ?

Sur un autre plan, lors des opérations de recensement, la classe politique était aux abonnés absents. Mais si la majorité est aujourd’hui victime de la routine, l’opposition elle, paraissait assise entre deux chaises. Fallait-il en effet aider à mobiliser un électorat qu’on sait désabusé, ou s’abstenir de renforcer un système qu’on trouve défaillant ? La tentation était alors bien grande de modérer ses ardeurs pour ensuite exploiter tout échec éventuel lors des consultations électorales à venir. Finalement, chacun a timidement fait du sien, avec la conviction que sa stratégie finira bien par payer.

Bien souvent en Afrique, les acteurs politiques oublient ce que l’électeur lui, encaisse mais n’oublie point : les promesses jamais tenues, les déceptions qui s’accumulent et par voie de conséquence, la désertion de l’urne. Dans le cas particulier du Burkina, l’on a toujours semblé si confiant, si certain de l’issue de chaque bataille, que l’on ose à peine ménager sa monture. Assis sur ses certitudes, le pouvoir semble même ne pas prendre en considération l’évolution du contexte. Pourtant, en dehors de quelques thuriféraires, la plupart des médias ont toujours dépeint le fossé qui ne cesse de se creuser entre gouvernés et gouvernants, entre classe politique toutes tendances confondues, et citoyens électeurs. Et par voie de conséquence, le doigt a presque toujours été mis sur les risques d’une désaffection de l’électorat. Rarement, les dérapages des acteurs politiques échappent à l’opinion. Si bien qu’il est de notoriété publique que certaines des élites politiques ont mal à leur crédibilité.

Or, l’électorat burkinabè a beaucoup mûri. Face aux réalités quotidiennes mais aussi du fait de l’ampleur du travail fourni par les médias et la société civile. Et nul n’ignore aujourd’hui, ces colères de citoyens désabusés relatées par moments dans les médias. C’est un fait que l’arrogance des pouvoirs établis, la vie chère, la taxe de développement communal, ont cristallisé le mécontentement qui pourrait traduire aujourd’hui ce refus obstiné de se plier aux desiderata des gouvernants.

S’agissant des élections en particulier, il ne faut pas avoir la mémoire courte. La classe politique burkinabè a beaucoup à se reprocher. L’électeur se rappelle certains agissements comme si c’était hier : parachutage de candidats, coups d’Etat municipaux, etc. Que n’a-t-on pas fait pour empêcher certains maires de s’assumer, ou substituer des individus peu crédibles ou médiocres à d’autres pourtant préférés des électeurs ? Quels qu’ils soient, les résultats des urnes n’ont pas toujours été exploités à la satisfaction de la grande masse des électeurs. Et cela se paye toujours. Tôt ou tard. Si l’élection présidentielle paraît ne pas avoir d’enjeux véritables, le manque d’alternance à tous les niveaux, tend à affecter sérieusement les électeurs de nos jours. Car, pour beaucoup de citoyens aujourd’hui, les horizons sont bouchés pour les uns, mais extensibles pour les autres. En effet, ce sont toujours les mêmes qui mangent, et s’épaississent à coups de contrats octroyés sur des bases floues. Où en est-on avec la lutte contre la corruption, l’enrichissement illicite, le blanchiment d’argent, le clientélisme, les conflits d’intérêts et l’impunité ?

Après des années d’expérience démocratique, les Burkinabè attendent de la classe politique non plus des promesses, mais des actes qui les réconcilient avec elle. Que gouvernants et opposants oeuvrent de concert afin de répondre de manière satisfaisante à la demande sociale qui croît. Et surtout, qu’on cesse de faire prendre au peuple des vessies pour des lanternes. Aux acteurs politiques de jouer franc jeu ! Car une démocratie sans alternance et dans l’injustice, se traduit à terme par une désertion des urnes. Les échecs répétés lors de ces deux opérations de recensements sont un signe qui ne trompe pas. Le nier serait dangereux pour l’avenir.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 26 avril 2010 à 02:17 En réponse à : RECENSEMENT ELECTORAL : La grande bouderie des Burkinabè

    Je crois que le processus qu’on appelle abusivement democratique est arrivé essouflé à la fin de son parcours.Et l’echec semble consommé. La relance ne peut pas provenir de ce groupe qui traine des casseroles tant financieres, qu’ethique et de leadership. Visiblement, le pillage est bien organisé par le clan Compaore. Systeme qui tourne dos au developpement et cree des frustrations qui ne conduisent qu’à des remises en cause que tout regime se doit d’anticiper pour les eviter. La gestion du quotidien et la longevité ont emoussé toutes les volontés (si elles ont jamais existé).

  • Le 26 avril 2010 à 10:06 En réponse à : RECENSEMENT ELECTORAL : La grande bouderie des Burkinabè

    Nous sommes à l’agonie de la pseudo démocratique burkinabè après 23 ans de pouvoir solitaire de Blaise et de ses sbires. Les gens en ont marres mais ne se mobilisent pas pour le faire. Ils savent que les élections transparentes n’existent pas et que Blaise même battu serait réélu avec 52 % des voix.

  • Le 26 avril 2010 à 11:08, par Paris Rawa En réponse à : RECENSEMENT ELECTORAL : La grande bouderie des Burkinabè

    - Jusque là les burkinabè ont été patients, parce qu’ils espéraient que malgré les inepties qu’on leur racontait pour tenter de justifier la confiscation du pouvoir par un petit groupe, on l’alternance par la limitation du mandat présidentiel leur donneraient l’occasion de devenir enfin les acteurs incontournable de la démocratie burkinabè. Qu’ont-ils encore à espérer d’un processus dans la parole donnée compte pour rien, même si cette parole donnée a été inscrite dans la loi constitutionnelle ?

    - Puisqu’ils n’espèrent plus en ce processus, les citoyens burkinabè entre en résistance contre le système tyrannique qui est en place. Cette "grande bouderie" est le 1er acte de la résistance. Que l’on persiste à vouloir faire sauter le verrou de la limitation du mandat présidentiel et on verra de quelle colère est capable une population abusée, désabusée, frustrée et exploitée. Le maires ont pensé qu’ils peuple plumer tranquillement cette population par leur fameuse TDC (taxe de développement communale) n’est-ce. On verra comment ils vont se faire réélire par ces mêmes populations aux municipales prochaines. De même les députés (surtout du CDP) qui soutiennent le projet de modification de l’article 37 au lieu de prendre leur distance ; qu’ils sachent que les électeurs sauront se débarrasser d’eux en renouvelant la composition de l’Assemblée nationale.

    Vous vous êtes enfermés dans les salons veloutés du pouvoir et vous n’avez pas vu que les choses ont changé dans l’électorat de ce pays ! Tant pis pour vous !

  • Le 26 avril 2010 à 14:20, par mackiavel En réponse à : RECENSEMENT ELECTORAL : La grande bouderie des Burkinabè

    Et comme il fallait s’y attendre, le peuple a compris que la politique telle que menée actuellement n’est pas en sa faveur. Au moment où certains se paient tous les avantages (évacuations sanitaires, primes à gogo…) le peuple n’a pas de quoi se soigner et pire, vous créé de nouveaux impôts. Alors qui va voter et qui va manger ? Telle est la question. Dans ce cas, ça va se jouer entre militants et dirigeants et nous on va voir ailleurs.

  • Le 26 avril 2010 à 14:59 En réponse à : RECENSEMENT ELECTORAL : La grande bouderie des Burkinabè

    Les raisons avancées par la CENI face à ce refus massif (plus de 50% des électeurs éligibles) n’en sont pas. En regardant bien, les inscrits les plus nombreux sont ceux-là qui vivent en campagne, ceux qui sont sensés ne pas posséder d’actes de naissances et/ou de CNIB ! Autrement dit, ceux qui refusent sont à jour de toutes les pièces exigées à l’inscription. Alors quelles sont les véritables raisons de la bouderie des Burkinabè ??? cet article en a donné quelques pistes mais une étude plus approfondie devrait répondre à ce questionnement qui remet en cause la démocratie au Faso. C’est à ce niveau que la CGD (par exemple) devrait agir en nous apportant des conclusions pertinentes, reflétant la réalité politique et le vécu de nos citoyens. cela nous évitera de nous perdre dans des spéculations, fruits de l’imagination fertile des uns et des autres...

  • Le 26 avril 2010 à 16:29 En réponse à : RECENSEMENT ELECTORAL : La grande bouderie des Burkinabè

    Analyse pertinente. Bravo ! Il est évident que nous les Burkinabé, nous sommes deçu du système actuel ! On a plus rien à gagner. D’aucuns trouvent qu’il est important de faire valoir l’acte de citoyenneté en votant mais à quoi cela donne-t’il ? C’est du figuratif et du somnabulisme caractérisé. Nous avons tjr cru au changement mais rien n’est fait. Le pouvoir a tjr fait des promesses qui n’ont jamais vu le jour.Quand il s’agit de rouler avec des véhicules de luxe, là les voici. Il en de même que de vivre dans des villa dont certaines ont une valeur inestimable, encore les mêmes ! Qu’est ce que nous avons à faire dans ces conditions ? Que les mêmes se votent et gouvernent. L’effet Nigérien passera par le Burkina ! On ne le souhaite pas mais il est visible que cela semnble inévitable. La population est déprimée, désespérée......

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