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REFORMES INSTITUTIONNELLES ET POLITIQUES : Au Mali, on n’a pas peur de la démocratie

Publié le jeudi 22 avril 2010 à 03h48min

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Comme promis, le président Amadou Toumani Touré, ATT, quittera le pouvoir au terme de son second et dernier mandat, le 8 juin 2012. Les conclusions du CARI (Comité d’appui aux réformes institutionnelles) étaient très attendues de la classe politique. Le conseil des sages devait passer le processus démocratique au peigne fin. L’opinion était aussi anxieuse de savoir si le Mali serait oui ou non victime du syndrome nigérien.

L’une des innovations majeures des réformes porte sur la création d’une agence générale chargée de gérer les élections. Une décision qui crée en même temps les conditions d’une réelle avancée démocratique. Des leçons ont donc été tirées de ces commissions supposées indépendantes qui, d’un bout à l’autre du continent, ont montré leurs limites. Bien souvent en effet, la mise en place de ces commissions a fait l’objet d’une grande suspicion au sein de la classe politique africaine. La manière de désigner les principaux responsables, les modalités de fonctionnement et surtout la mobilisation des fonds, n’ont presque jamais convaincu l’opinion.

En matière de gestion des élections, croyant effectivement révolue l’ère des partis uniques et leur gestion autocratique, les démocrates africains ont vivement souhaité voir émerger des structures indépendantes du pouvoir et de l’opposition. Hélas ! Trop politisées ou traversées par des clans en perpétuelles disputes, les commissions mises en place dans la plupart des pays, se sont toujours difficilement acquittées de leurs obligations. Le devoir de reconnaissance, la cupidité, la malhonnêteté intellectuelle et morale, sont parfois passées par là. Si bien que presque jamais, elles n’ont réellement su faire la preuve d’une réelle indépendance. Par conséquent, des ratés ont marqué nombre d’expériences démocratiques, tant la confection des listes électorales que la transparence du scrutin laissaient à désirer.

Le nouveau modèle malien, il faut l’espérer, pourra soustraire le processus démocratique des nombreux conflits d’intérêts qui ont de tout temps miné les efforts des commissions électorales. Encore faudra-t-il que les différents acteurs jouent à fond leur partition dans une Afrique où la faune politique est en mal de crédibilité. Par ailleurs, les sages ont trouvé utile de donner un coup d’arrêt à la transhumance des députés. Un nomadisme déplorable car après avoir été élus sur la base du programme d’un parti, certains députés n’hésitent pas à trahir leurs électeurs, généralement au profit de la majorité au pouvoir. Ils avaient pourtant été choisis sur la base de la confiance. Les électeurs étaient loin de se douter qu’un jour ils feraient les frais d’une cupidité sans bornes. Désormais, au Mali, les coupables pourraient être frappés d’inéligibilité pendant au moins deux mandats successifs. La mesure préconisée en ce sens est dissuasive.

Les réformes opérées à Bamako sont le résultat d’une autocritique sincère. Elles confirment que le Mali avance au plan de la démocratie et du développement. C’est en cela que le peuple malien montre qu’il constitue un peuple majeur. Un peuple qui a toujours su puiser dans son histoire marquée par la chevauchée de grands royaumes. Ceux-ci ont légué aux générations successives des chartes et des pactes qui ont énormément contribué à rapprocher les peuples, à renforcer leur cohésion, tout en faisant avancer diverses causes.

Aujourd’hui encore, la preuve est faite que l’alternance démocratique peut générer des fruits. Parce qu’elle crée les conditions d’une réelle stabilité politique et constitue la clé de véritables changements économiques et sociaux. Ces réformes institutionnelles et politiques sont incontestablement un coup d’accélérateur à la démocratie en marche. Les conséquences sont importantes pour le Mali et l’Afrique, car certaines propositions portent sur la nécessaire mise en place de structures indépendantes. Elles échapperont ainsi à l’appétit de la meute des courtisans. C’est pourquoi les Africains doivent éviter de s’accrocher aux mauvais exemples. D’où qu’ils nous viennent. Lorsque l’Afrique réussit, cela réjouit les partenaires techniques et financiers. Cas du Mali dont les Etats-Unis appuient à fond le processus démocratique.

La question se pose cependant de savoir si au Mali, les courtisans se laisseront faire. Des exemples foisonnent sur le continent où de beaux textes, de belles résolutions ont fini par être foulées au pied par des thuriféraires sans vergogne. A force d’arguments parfois tordus, ils ont toujours activement contribué à faire tourner la veste aux gouvernants les plus résolus. Car, plus que les princes qui gèrent les Etats africains, ils ont eux, des intérêts d’individus, de clans et de mafieux à défendre. Certes, le bilan est positif pour ATT. Mais, saura-t-il résister à l’appel des sirènes ? Il l’a déjà fait par le passé et cela l’avait grandi. L’Afrique ose espérer que ce soldat ayant le sens de l’honneur et de la dignité, ne reniera pas sa parole. Un dirigeant moderne doit éviter la routine. ATT doit se garder d’être l’otage d’un enchevêtrement d’intérêts conflictuels au risque de voir salir sa réputation.

Il lui faut éviter de rejoindre dans l’histoire les exemples malheureux de ceux qui ont osé faire du parjure leur compagnon : le Général Eyadéma du Togo et Mamadou Tandja du Niger, deux soldats qui n’ont pas fait honneur à l’armée. Mais que deviendra donc ATT à la fin de son second et dernier mandat en 2012 ? Le président malien soutient qu’en tant que président retraité, il s’en ira aux champs et s’occupera de ses petits-enfants. Reste à la classe politique malienne de savoir respecter cet engagement et surtout de savoir gérer l’héritage qu’il lègue aux jeunes générations. Mais en attendant, le Mali ose et il est en passe de s’inscrire dans la glorieuse lignée des pays de démocratie, à l’instar du Ghana. La terre de Soundiata Keïta montre et démontre qu’elle n’a pas peur de la démocratie.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 22 avril 2010 à 04:16, par Hess En réponse à : REFORMES INSTITUTIONNELLES ET POLITIQUES : Au Mali, on n’a pas peur de la démocratie

    Très certainement que si ATT avait fait un référendum pour se maintenir il l’aurait remporté. Au lieu d’abuser du peuple, il a choisi la dignité ; qu’il en soit digne alors.

    Bonne chance au Mali qui est en train de donner un exemple d’un leadership éclairé. J’entends par là que l’on ne peut pas prétexter que le peuple n’est pas suffisamment instruit à la chose politique, pour manipuler les textes et brouiller le jeu démocratique. L’élite doit éclairer le chemin et aidé le peuple à suivre.

    Espérons qu’Alpha Omar Konaré résistera à la tentation de revenir au pouvoir pour permettre à la machine de prendre son vrai régime...

    Hess

    • Le 22 avril 2010 à 20:46, par Tapsoba En réponse à : REFORMES INSTITUTIONNELLES ET POLITIQUES : Au Mali, on n’a pas peur de la démocratie

      ATT tout comme Alpha Konaré ne pourront pas ne pas entrer dans l histoire des grands hommes.Tous ont eu l intéligence de comprendre dès le départ qu il ne faut pas céder à la tentation du luxe comme l a fait leur prédécesseur Moussa Traoré.Comme dit l adage ,la charité bien ordonnée commence par soi même.Si bien qu il était facile pour eux de rester au dessus de la mélé et d extirper tous ceux qui tenteront l enrichissement illicite.Or,généralement,ce sont ces adeptes de la courte echelle qui,soit disant qu ils soutiennent le chef,ne sont là que pour s enrassiner éconmiquement en attendant de pouvoir prendre le chef en otage.Mieux encore,ces deux présidents n ont pas cherché la visibilité au près de leur puissance coloniale mais vers l oncle Sam.Preuve qu ils sont convaincus qu en Afrique ,il ne faut pas compter sur la France si l on est empreint de volonté d aller vers la vraie démocratie.Un autre président,en l occurence Pascal Lissouba du Congo, a tenté la même aventure mais l histoire de l or noir que l autre tenait à ne pas lacher l a mis en échec.La suite ,on la connait.C est peut être aussi la raison de la réussite du Mali.Qui sait ?

      Contrairement au Mali,un autre pays a pris le chemin inverse.Le Burkina Faso dont son président est arrivé au pouvoir par la petite porte s est mué rapidement en “gentleman” de l enrichissement exponentiel se trouvant en quelques années ,un des présidents les plus riches d Afrique.Les courtisants ont su très vite qu ils peuvent compter sur lui pour assouvir leurs besoins matériels.L essentiel,ne jamais penser à son « Naam ».Et à ce rythme,le syndrome Lansana Conté de la Guinée frappe à la porte de notre Blaiso.Un homme fini qu on trainait sur son fauteuil présidentiel comme un jouet,au seul but de l utiliser comme couverture pour mettre le pays à genou.Au moins,ce pays jouit d une richesse intarrissable ,ce qui est loin d être le cas du Burkina.Lorsque je vois des gens comme Testicus-Zorro s exciter aujourd hui contre la corruption ,je tombe des nues.Histoire de se chatouiller pour rire, dira-t-on.Cette étape de l enrichissement terminée,il a cherché la visibilité chez l ex-colon afin d assoir son pouvoir.Maintenant que le doyen Bongo est mort,il est bien parti pour être le symbole vivant de la francafrique.

      En résumé ,je dirai que Blaise lui seul incarne aujourd hui deux visages à savoir Houphouet Boigni,pour le cas de « enrichis-toi sans te préoccuper de mon fauteuil »,le symbole de la Francafrique qu a incarné Bongo et peut être un troisième visage ,en l occurence Lansana Conté,si jamais l article 37 venait à être abrogé.Espérons seulement qu il ne franchira pas le pas...

  • Le 22 avril 2010 à 04:32, par cob En réponse à : REFORMES INSTITUTIONNELLES ET POLITIQUES : Au Mali, on n’a pas peur de la démocratie

    Vivement que Blaise en fasse pareil au Burkina Faso !!

  • Le 22 avril 2010 à 05:18, par Paris Rawa En réponse à : REFORMES INSTITUTIONNELLES ET POLITIQUES : Au Mali, on n’a pas peur de la démocratie

    - La Guinée vient de terminer son projet de constitution et elle aussi a limité sagement le mandat présidentiel à "5 ans et renouvelable une fois".

    - Blaise Compaoré risque de se retrouver dans la situation de l’aiguille qui confectionne des beaux vêtements pour tout le monde autour de lui, mais qui se contente simplement d’un fil pour s’habiller elle-même. Avec la modification de l’art. 37, Blaise et son CDP vont mettre notre pays parmi les derniers des derniers de la démocratie et de la modernisation, alors qu’il a passé son temps à vouloir installer la démocratie chez nos voisins en difficulté. Déjà que nous sommes dernier dans le classement du PNUD ; il ne faut quand même pas en rajouter : dernier pour avoir manqué de bon sens quand il le fallait, et décroché de l’Histoire !

    - Si les citoyens ne barrent pas la route aux bouchers de la constitution, nous arriverons à la démocratie (la vraie) après le Togo, la Guinée, la CI et le Niger. Nos voisins vont se moquer de nous ! Quelle honte nationale et quel gaspillage d’énergie et de temps pour obtenir juste ce qui devrait aller de soi si le bon sens ne faisait pas défaut à ceux quelques uns se croient indispensables, confondant leur destin personnel au destin de la nation ! C’est ridicule et triste

  • Le 22 avril 2010 à 07:53, par Pouknini En réponse à : REFORMES INSTITUTIONNELLES ET POLITIQUES : Au Mali, on n’a pas peur de la démocratie

    Très très bel article. La seule chose qu’on peut vous reprocher se trouve là : " Il lui faut éviter de rejoindre dans l’histoire les exemples malheureux de ceux qui ont osé faire du parjure leur compagnon : le Général Eyadéma du Togo et Mamadou Tandja du Niger, deux soldats qui n’ont pas fait honneur à l’armée. ".

    N’allez pas si loin pour chercher des exemples de soldats véreux. Il y en a un devant vous qui a fait du parjure et qui est sur le point d’en refaire. N’ayez pas peur de le dire, même si à la lecture de votre hymne à ATT, on sent qu’il y a là une interpellation de l’enfant terrible de Zin...! Car comme me disait ma grand-mère, au lieu de s’occuper de la paille qui est dans l’œil de l’autre il vaut mieux s’occuper de la poutre qui est dans le sien. Et notre poutre, c’est Blaise COMPAORE, puisqu’il faut appeler un chat un chat.

    En tout cas chapeau tout de même pour cette réflexion !

  • Le 22 avril 2010 à 08:46 En réponse à : REFORMES INSTITUTIONNELLES ET POLITIQUES : Au Mali, on n’a pas peur de la démocratie

    Que l’exemple du Mali fasse tâche d’huile ici au pays des hommes intègres et de ces pauvres politiciens qui oublient les intérêts du peuple

  • Le 22 avril 2010 à 10:07, par riviereblanche En réponse à : REFORMES INSTITUTIONNELLES ET POLITIQUES : Au Mali, on n’a pas peur de la démocratie

    bravo à ATT et dommage que Le Pays n’ait pas fait un parallèle qui s’imposait entre blaise et le président malien, et tout à fait désavantageux pour blaise !

  • Le 22 avril 2010 à 11:07, par Palin En réponse à : REFORMES INSTITUTIONNELLES ET POLITIQUES : Au Mali, on n’a pas peur de la démocratie

    Merçi pour cet article ! Ce genre d’article nous donne de l’espoir. Tout n’est pas perdu pour l’Afrique.

  • Le 22 avril 2010 à 11:33 En réponse à : REFORMES INSTITUTIONNELLES ET POLITIQUES : Au Mali, on n’a pas peur de la démocratie

    Pour ceux qui ne connaissent pas le Mali, cela peut paraitre absurde mais après les douleureux événements de 1991 qui à vu plus de 400 morts et la première fois dans un pays africain ou les femmes ont manifesté nues dans les rues de Bamako, les maliens ont plus jamais ça.Les longs règnes on en veut plus. C’est pour quoi,il en est ainsi. Le mali a connu une transition douloureuse avec ses 450 morts en 1991. Cela explique tout. Nous avons confience au Président ATT parce que c’est un homme d’honneur,c’est également lui qui a mis fin à la dictature aveugle de Moussa Traoré. Le Mali ce n’est pas le Burkina ou il n’y a pas de parole donnée. Vous avez tout compris.

  • Le 22 avril 2010 à 19:28 En réponse à : REFORMES INSTITUTIONNELLES ET POLITIQUES : Au Mali, on n’a pas peur de la démocratie

    C’est des hommes ainsi qui ont le mérite être appelés hommes et il entre en même temps dans l’histoire malienne et africaine.j’ai un profond respect pour ces types de dirigeants car ils sentent l’honneur, la dignité, l’intégrité et le respect de l’autre.
    Vivement que le PF fasse violence sur lui et emboiter le pas de ATT avant qu’il n’emboite le pas de Tanja qui doit regretter amèrement son entêtement à rester au pouvoir.C’est le Tout puissant Dieu qui a le dernier mot inch ALLAH !!

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