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Hamidou Diallo, directeur général du Centre national des archives : « Il est souhaitable d’avoir toutes les archives au Centre… »

Publié le mardi 20 avril 2010 à 02h33min

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Le Centre national des archives est cette structure chargée de traiter et de conserver « la mémoire » du Burkina. Créée dans les années 1970, suite à la volonté des autorités politiques de l’époque, le Centre national des archives n’est pas très bien connu du public. Le directeur général de l’institution, Hamidou Diallo, dans l’entretien qui suit, nous parle des moyens dont il dispose et des difficultés que connaît sa structure dans l’accomplissement de ses missions.

Sidwaya S. : Comment est structuré le Centre national des archives du Burkina ?

Hamidou Diallo (H .D.) : Le Centre national des archives, outre la direction générale, comporte quatre autres directions. Ce sont la direction des archives historiques et iconographiques. Cette direction traite les archives qui viennent de l’extérieur. La direction des archives administratives intervient dans les services publics. Par exemple, elle peut aider les ministères, sur leur demande, à organiser leurs archives.

Il y a ensuite, la direction des archives audiovisuelles et des unités techniques qui s’occupe de tout ce qui est images, des enregistrements sonores. Mais ce sont surtout les images car nous n’avons pas pour l’instant, des enregistrements sonores. La quatrième direction est chargée de la documentation et de la diffusion qui gère la bibliothèque et la salle de lecture où tout citoyen peut venir consulter les documents et les ouvrages dont il a besoin.

Le Centre national des archives est rattaché à la Présidence du Faso. Nous n’avons pas une autonomie financière, mais nous avons un responsable des affaires administratives et financières qui travaille en relation avec la direction des affaires administratives et financières de la Présidence du Faso.

S. : Qu’est-ce que c’est que des archives iconographiques ?

H.D. : Les archives peuvent revêtir plusieurs formes. Il y a la forme écrite qui est classique. Les archives iconographiques sont celles qui ne se présentent pas sous cette forme-là. Elles peuvent se présenter sous forme de cartes, de plans et d’autres traces d’activités humaines qui sont considérées comme des archives iconographiques.

S. : Dites-nous pourquoi vous n’avez pas d’archives sonores ?

H.D. : Le matériel audiovisuel coûte cher. Nous n’avons pas ce type de matériel pour gérer les archives sonores. Mais nous essayons quand même de collaborer avec des institutions publiques telles que la radio pour en avoir. Même si la radio acceptait, il faut trouver les moyens de repiquer les cassettes. Ce n’est pas encore concluant mais nous cherchons à en acquérir.

S. : Les archives sont-elles bien conservées ?

H.D. : C’est dans les années 1970 que les autorités ont pris conscience de la nécessité de doter le pays d’un centre national des archives alors que des pays comme le Sénégal, le Niger sont organisés depuis le temps de la colonisation. Le Burkina n’a pas pu le faire parce qu’il a connu des péripéties.

Il y a eu la dislocation de la Haute-Volta en 1932. Il faut tenir compte de ce facteur-là. Après sa reconstitution, il n’y a pas eu une volonté politique pour mettre en place une telle structure jusqu’en 1970. La création du centre s’est affirmée surtout sous la Révolution. Nous avons donc perdu beaucoup d’archives, il faut le reconnaître. Nous avons des archives à l’extérieur notamment au Niger, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, en France, du fait de la dislocation. Et c’est dommage.

Aujourd’hui, il y a une loi sur les archives qui a été votée, mais elle n’est pas bien appliquée. Cette loi prévoit en principe que les archives qui datent de trente (30) ans doivent être versées au Centre national des archives de manière organisée, car il faut faire un tri.

Mais ce n’est souvent pas le cas. Les archivistes travaillent donc avec les producteurs d‘archives pour que les choses soient faites dans les normes. Les gens viennent verser leurs archives chez nous en vrac, sans bordereaux. C’est une façon de s’en débarrasser pour avoir de la place. Cela pose un problème au centre qui a des difficultés à bien les traiter et les organiser.

Il y a des ministères qui font quand même des efforts. Je peux citer les ministères de l’Economie et des Finances, de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat qui traite les dossiers des retraités de 1957 à 2000, des Enseignement secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique, des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, des Sports et des Loisirs, de la Défense. Au bout de trente ans, il faut normalement les verser aux archives nationales car elles deviennent des archives historiques. Mais il faut faire un tri pour éliminer ce qui n’est pas nécessaire.

S. : Vous dites que le Burkina a des archives à l’extérieur. Des démarches sont-elles entreprises pour les faire revenir ?

H.D. : Pas pour les faire revenir mais pour en faire des copies. L’année dernière, nous avons élaboré un projet pour la numérisation de nos archives à base de copies avec la Direction des archives de Dakar au Sénégal à soumettre au Conseil international. Ça n’a pas marché car nous n’avons pas eu de financement.

Mais nous n’allons pas baisser les bras, nous allons continuer les démarches dans ce sens. Nous avons pu avoir quand même une partie des archives de la Haute-Volta à Dakar avec le concours du département d’histoire de l’Université de Ouagadougou qui disposait d’un fonds ayant permis de faire des photocopies. Ce sont notamment les rapports annuels de la colonie de la Haute-Volta se trouvant à Dakar.

Pour ce qui est de la France, nous n’avons pas pour l’instant, pu faire quelque chose. L’idéal aurait été de demander leur rapatriement. Mais cette éventualité est très difficile à envisager car le propriétaire de ces archives est le producteur qui est en fait l’administration coloniale.

S. : Le Burkina ne peut-il pas racheter ces archives s’il disposait de moyens ?

H.D. : Il faut peut-être négocier. Mais cela m’étonnerait que la France accepte. Je sais que lors des rencontres internationales, des pays comme l’Algérie posent chaque fois le problème. On les écoute poliment mais il n’y a jamais de suite. Même si ces archives concernent les colonies, les autorités françaises estiment qu’elles en sont le propriétaire.

Le rapatriement de nos archives qui se trouvent en France, même sur papier, est difficile. Ils peuvent peut-être nous faire des copies. Admettons que les autorités françaises l’acceptent, il faut avoir les moyens de bien les conserver. Le Niger a fait des microfilms.

S. : Avez-vous entrepris des démarches pour avoir les archives du Burkina qui se trouvent au Niger ?

H.D. : Nous sommes en pourparlers avec le Niger. J’ai eu l’occasion de me rendre plusieurs fois au Niger où j’ai pu constater que ces archives dont certaines datent de 1930 et de 1947 sont bien conservées. Avoir les copies de ces documents historiques sera une très bonne chose.

S. : Toutes les archives du pays doivent-elles être obligatoirement conservées chez vous ?

H.D. : Il est souhaitable d’avoir toutes les archives du Burkina au Centre national des archives. Cela rendra un grand service aux chercheurs mais aussi aux citoyens. Il y a par exemple, des fonctionnaires qui ont parfois besoin de leurs bulletins de paye pour appuyer une revendication. Ils viennent les chercher ici.

Au ministère de l’Economie et des Finances celui qui s’occupait des archives est parti à la retraite, mais il n’a pas été remplacé.Il vient parfois chercher des documents pour des fonctionnaires en activité et ceux admis à la retraite pour appuyer une revendication.

S. : De quels moyens disposez-vous pour conserver les archives ?

H.D. : Nous avons les infrastructures. Nous avons une salle de tri, des magasins de conservation. Les archives sont traitées et conservées jusqu’à présent dans ces magasins. Au plan financier, chaque année, des crédits sont accordés au Centre national des archives dans le cadre du budget de la Présidence du Faso. Nous n’avons pas suffisamment de matériel de conservation.

Nous conservons les documents dans des boîtes commandées en France et conçues pour cela. Nous disposons également d’étagères adaptées. Seulement, la salle où nous les conservons n’est pas climatisée et cela peut jouer sur la survie des documents. Nous avons aussi du matériel informatique. Nous sommes en train d’étudier la possibilité de la création d’un site web pour la conservation des archives audiovisuelles. Nous achetons le matériel au fur et à mesure.

S. : Vous êtes donc sur le chemin de la numérisation ?

H.D. : La numérisation suscite certes de l’enthousiasme mais elle pose problème. Il semble que la numérisation résiste moins dans le temps que le support papier. Je suis partant pour la numérisation mais je crois qu’il faut en même temps garder les copies sur papier car la numérisation ne peut pas conserver intact les documents pendant cent ans.

Donc il faut être prudent. Je crois qu’il faut faire attention au tout numérique. Je pense qu’il faut qu’on arrive en amont à organiser les archives. La loi sur les archives prévoit plusieurs âges. Il y a ce qu’on appelle les archives courantes. Il faut que les ministères organisent leurs archives. S’ils ne le font pas, ils compliquent la tâche du Centre national des archives.

S. : Le Burkina a connu le 1er septembre 2009, une forte pluie qui a causé des inondations avec pour conséquences la perte de documents de certaines structures de l’Etat. Le Centre national des archives est-elle à l’abri de ce genre de catastrophe ?

H.D. : Le Centre n’a pas connu d’inondation comme par exemple le FESPACO ou la Direction des transports terrestres et maritimes. Cela veut dire que nous sommes sur un bon site. Mais une catastrophe comme celle du 1er septembre 2009 est imprévisible.

Les pouvoirs publics doivent prendre des dispositions pour minimiser les dégâts dans ce genre de catastrophe qu’on ne peut pas éviter. Il faut avoir une bonne politique pour déterminer les sites qui doivent abriter des services comme les archives nationales.

S. : Comment peut-on avoir accès au Centre national des archives ?

H.D. : Le Centre est ouvert à tout le monde. Vous venez avec votre pièce d’identité, vous remplissez une fiche et vous y avez accès. Si vous demandez un document, on vous le donne. Vous pouvez même faire des photocopies. Mais attention ! On ne communique pas n’importe quel document. Il y a des documents confidentiels qu’on ne peut pas communiquer. On ne peut pas par exemple, communiquer les documents relatifs à un individu, à sa santé, à la sécurité de l’Etat. Les documents très récents, on ne les communique pas facilement. L’entrée est libre et n’est pas payant.

S. : La France a décidé de restituer aux pays africains leurs documents audiovisuels. Quel commentaire faites-vous de cette décision ?

H.D. : C’est une très bonne chose car cela va permettre aux pays africains de les mettre à la disposition des citoyens. Il y a un riche patrimoine historique concernant les pays africains en France. Pour faire des recherches historiques sur le Burkina aujourd’hui, il faut se rendre en France parce que c’est là-bas que se trouvent les documents. Cette décision va nous permettre d’économiser de l’argent mais il faut trouver les moyens de bien les conserver.

En Afrique, assez souvent, il y a un problème de rigueur morale et parfois les documents disparaissent tandis qu’en France ils sont conservés avec beaucoup de sérieux. Si vous allez par exemple aux archives d’Aix-en-Provence, vous ne pouvez pas rentrer avec un sac, vous ne pouvez pas utiliser un bic pour écrire. Il y a des gens qui peuvent dissimuler des documents dans leur sac ou souligner des passages dans un document et les détériorer par ce fait. Ces actes sont punis là-bas.

S. : Quelles perspectives pour le Centre national des archives ?

H.D. : Comme perspectives, nous avons le traitement des archives. Nous disposons depuis l’année dernière, d’un fonds pour faire un traitement accéléré des archives. Nous avons recruté des contractuels pour cela. Pour le moment, ils ne sont pas rémunérés mais nous attendons la mise en place du budget pour les prendre en compte. Nous commençons par le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation.

Une mission de la direction administrative va se rendre dans les institutions, les ministères, les provinces afin d’aider les services à organiser leurs archives. Il y a aussi en projet la création de site web et la mise en place, peut-être à long terme, dans les treize régions administratives, de centres d’archives régionaux en commençant par Bobo-Dioulasso dans la région des Hauts- Bassins.

Evidemment nous allons poursuivre notre projet de numérisation de nos archives qui n’a pas abouti, l’année dernière. Nous sommes également en discussions avec la direction des archives du Sénégal pour voir comment obtenir les copies de nos archives qui se trouvent dans ce pays.

Interview réalisée par Etienne NASSA

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 28 avril 2016 à 13:38, par Thierry Mutombo En réponse à : Hamidou Diallo, directeur général du Centre national des archives : « Il est souhaitable d’avoir toutes les archives au Centre… »

    Bonjour,

    Je travaille pour une organisation sans but lucratif denommée : FamilySearch. Nous travaillons en partenariat avec les gourvernements des differents pays et les archives nationales pour aider a preserver les archives. Notre organisation existe depuis 1894 et est specilaisée dans la numerisationet la préservation des archives. Nous prenons à notre charge toutes dépenses liées au project et nous souhaitons travailler en partenariat avec les Archives Nationales du Burkina Faso sauf que je ne sais pas comment entrer en contact avec le Directeur Hamidou pour proposer ce projet.

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