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Joseph Yaméogo : Le spleen d’un prêtre burkinabè dans une France en crise de foi

Publié le vendredi 16 avril 2010 à 10h39min

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A 53 ans, l’abbé Joseph Yaméogo entame en juin prochain sa troisième année sabbatique au diocèse de Lille alors qu’il n’en avait demandé qu’une. Presque smicard avec 122 euros de loyer, il réfute l’idée que ses avantages financiers soient un signe de bien être dans une société française en perte de valeur humaine.

La croix pendante au cou. Une alliance de chasteté à l’annulaire gauche. Ce décor ne réussit pas à cacher ce personnage en guerre intérieure de choc culturel. Le père longe la rue qui va de la station du métro à son appartement. Tête baissée. Il ne regarde que ses orteils. Jusqu’à ce que le bruit des pas d’une personne arrivant en face lui fassent lever la tête. C’est pour éviter de heurter la personne. Dans le métro, il s’abstient de dire bonjour à ceux qui sont à côté de lui. Même si sa conception burkinabè des rapports humains est bien différente. L’abbé y met du sien pour s’adapter dans une France en perte de valeur.

Le bonsoir désemparant !

Ce vendredi soir, c’est dans la salle à manger du rez-de-chaussée au 78 rue des Ecoles à Hellemmes que je m’entretiens avec l’abbé Joseph Yaméogo. Pour commencer, il philosophe : « Les occidentaux ont leurs modes de vie et il faut faire avec ! » Pourtant, dans son être intérieur, le prêtre vit mal ses années sabbatiques occidentales : « Il a fallu que je me fasse violence par rapport aux mœurs de cette société », avoue-t-il. Avant de poursuivre : « Ce soir même, j’ai dit « bonsoir » à une dame à la poste que je croyais avoir rencontrée dans ma paroisse. Elle en était désemparée. Parce qu’elle se demandait pourquoi je la saluais. »

Michel Giraudot, un de ses vieux amis français et connaisseur du Burkina, savait que cela lui arriverait. « Ce n’est pas les mêmes rapports avec le prêtre au Burkina qu’en France. Ici, il est un homme ordinaire comme tout le monde. Et même les communions sont beaucoup plus des occasions du manger et du boire, mais au fond elles n’ont pas autant de sérieux que là-bas. », rapporte t-il.

L’histoire de son exil commence en Juin 2007. L’abbé Joseph Yaméogo arrivait au bout de vingt ans de sacerdoce à Koupéla. Il demande alors une année sabbatique à son évêque. Destination le nord de la France. Parce qu’à La Madeleine, dans la banlieue lilloise, le père s’était lié d’amitié avec une famille. C’est cette famille madéleinoise qui coordonne les démarches entre les deux diocèses : celle de Lille et celle de Koupéla.

Tout faire tous les jours

A l’arrivée du père, l’archevêque de Lille le nomme vicaire de la paroisse Sainte Thérèse de l’enfant Jésus à Hellemmes, toujours dans la banlieue lilloise. Sa mission est bien définie : la célébration des mariages, des baptêmes et des messes pendant la semaine. Seul bémol pour les unions sacrées : « Je suis choqué de voir que lors de la célébration d’un mariage, les participants ne savent même pas dire : Amen ! Cela signifie qu’on vient au mariage juste pour se faire voir. », se morfond le père. Il s’occupe aussi des enterrements et des réunions de paroisse. Tout cela en secondant le père Emile Reims, curé principal.

Après plus d’un an de service à Hellemmes, et à la fin de son année sabbatique demandée, il rempile pour une autre année. L’archevêque Séraphin Rouamba, son évêque burkinabè lui en a accordé le droit. C’était selon le père Joseph, « pour vivre véritablement ce que j’ai commencé à expérimenter », fait-il valoir. L’évêché de Lille en profite pour le nommer curé de Fives, une autre paroisse de la banlieue lilloise. C’est là que sa tête commence à se remplir de mille et une choses à faire en même temps. Ce n’est pas comme au Burkina, où il exécutait les tâches au jour le jour, selon la « volonté du Seigneur ». En France, on tient à tout faire tous les jours. Conséquences, conclu le prêtre : « On ne sait même plus si on a fait quelque chose de bien utile. Mais j’essaie de marcher à leur rythme. » En fin aôut 2010, ce sera sans appel : « Je rentre au pays. Parce que les fidèles de là-bas ont plus besoin de moi. », assure le père Joseph.

Par Bruno Sanogo à Lille
Lefaso.net

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Vos commentaires

  • Le 16 avril 2010 à 11:02, par dj En réponse à : Joseph Yaméogo : Le spleen d’un prêtre burkinabè dans une France en crise de foi

    tout ceux qui sont en france savent que nul ne dit bonjour à son voisin.on ne parle qu’aux connaissances.c’est une question culturelle.c’est une société individualiste.au bout d’un an, on s’y fait quand meme ! pourquoi a-t-il renouvellé son séjour ? bof ! le père a juste flirté avec la solitude et c’est pas son truc. c’est l’un des problemes en europe.si on ne fait pas gaffe, on passe toute une journée sans parler à qui que ce soit.cependant,on peut s’y faire.à la longue,on s’en fiche.

    • Le 16 avril 2010 à 16:30 En réponse à : Joseph Yaméogo : Le spleen d’un prêtre burkinabè dans une France en crise de foi

      après un seul séjour en europe, je me demande pourquoi et comment nos parents peuvent s’adapter à cette vie déshumanisée. dépuis lors j’ epprouve un sentiment de pitié sincère pour les européens et tous cceux qui y vivent parce qu’il m’ a tout l’air qu’ils ne savent où ils vont et ce qu’il font. L’europe, j’ai pu m’en apercevoir détient la science mais manque cruellement de sagesse ; Je ne sais de quoi est fait l’avenir de ce continent, mais j’ai pu me rendre compte combien l’ Afrique est très riche malgré sa pauvrété matérielle. Peut- etre aussi que je fais cette appréciation négative de l’europe parce que trop attaché à la culture africaine. Mais je conforte dans ma position quand je me rend compte que dans un pays comme la france où la liberté fait partie de la dévise,l’hoome est devenu esclave du numérique et on tend vers la numérisation intégrale. Ou est la liberté de l’homme mlorsqu’il devient esclavage de la machine ? quand il ne peut acceder à sa maison en cas de coupure d’électricité, quand la moindre faille technique peut entrainer l’explosion d’un metro et de tous ceux qui ont pris place ? Vivement que l’ Afrique travaille à preserver sa culture qui place l’homme au centre et au dessus de tout.

    • Le 16 avril 2010 à 17:31 En réponse à : Joseph Yaméogo : Le spleen d’un prêtre burkinabè dans une France en crise de foi

      Un homme, un vrai, surtout venu du Burkina ne peut se fondre dans la masse et faire comme. C’est hypocrite. Et les Français eux même ne vivent pas tous cet invidualisme de la même manière. Un bonjour donné peut redonner la vie, le courage ou simplement un sourire. Et mieux qu’un chrétien ordinaire, le prêtre se doit de travailler dans ce sens. Il ne faut donc pas refléchir de façon grégaire et penser que l’abbé a flirté avec la solitude et qu’il cherche des attaches inutiles. Ils cherche à vivre ce qu’il est. C’est bien la différence. Tous ceux qui sont de vrais fils du Burkina et qui viennent en france ne peuvent pas s’empêcher de se sentir seul dans cette foule d’hommes. Nous n’avons pas la même mesure d’humanité. Je vous souhaite une meilleure lecture de la vie tout court.

  • Le 16 avril 2010 à 13:06, par karl En réponse à : Joseph Yaméogo : Le spleen d’un prêtre burkinabè dans une France en crise de foi

    En europe, le risque pour les prètres est qu’ "on fait le prètre" ; on n’"est pas prètre" ! et la lutte est quotidienne pour ètre ce qu’on est, et devenir ce qu’on devrait ètre.

  • Le 16 avril 2010 à 13:09, par Artisan de Paix En réponse à : Joseph Yaméogo : Le spleen d’un prêtre burkinabè dans une France en crise de foi

    Courage Monsieur l’Abbé. Je ne suis ni prêtre ni bon chrétien, mais je rends constamment hommage à ces hommes de foi dont la courage et et l’engagement reste hors de pair.
    Malgré les persécutions individuelles et médiatiques, la haine et les plans diaboliques,les infiltrations mafieuses et les calomnies humaines, vos propres faiblesses et le peu de foi des fidèle, vous restez le roc sur lequel repose encore le salut de ce monde.

  • Le 16 avril 2010 à 13:45 En réponse à : Joseph Yaméogo : Le spleen d’un prêtre burkinabè dans une France en crise de foi

    KA YA WOTO

  • Le 16 avril 2010 à 15:10, par Un ancien Fivois à Bamako En réponse à : Joseph Yaméogo : Le spleen d’un prêtre burkinabè dans une France en crise de foi

    Bon courage monsieur le curé.
    Merchi pour ce que vous faites pour les chrétiens de Fives.
    Bye Biloute

  • Le 16 avril 2010 à 16:52, par laaffi En réponse à : Joseph Yaméogo : Le spleen d’un prêtre burkinabè dans une France en crise de foi

    Courage Joseph, le Nord de la France est parfois très dur et je sais car je t’ai connu dans le temps quand tu enseignait à Baskoure avant ton ordination et bien avant que tu n’aies à Mogtedo comme curé. Les gens sont différents et beaucoup plus indifférents envers autrui.Mais leur richesse est a l’intérieur. Ce que tu dis concernant les personnes qui se marient n’est vraiment pas loin de la vérité. Pour ma part quand je suis revenu après mes 4 ans au Séminaire, je me suis ennuyé dans leur grandes églises , vides et froides ou le silence est la règle alors que chez vous c’est réellement un lieu de vie.J’espère pouvoir te revoir si j’ai la possibilité de venir au célébration de jubilé dudit Séminaire en 2012.

  • Le 16 avril 2010 à 20:24 En réponse à : Joseph Yaméogo : Le spleen d’un prêtre burkinabè dans une France en crise de foi

    Je comprends maintenant pourquoi il y a tant de deprimes en occident. Pourtant, ils ont resolu plus ou moins la question alimentaire. Mais la question humaine, ils ne semblent pas avoir commence. Si bien que des gens aiment plus les chats et les chiencs plus que les hommes. Mon Dieu ! si vous voulez parlez a quelqu’ un, parler du temps ou de leur animal, etsurtout dites que leur chien est joli meme s’il est juste beau dans un bon bouillon de Saba.

  • Le 16 avril 2010 à 21:21, par Sabari San En réponse à : Joseph Yaméogo : Le spleen d’un prêtre burkinabè dans une France en crise de foi

    Ce type d’article, simple, précis sur un angle, on en recherche dans la presse burkinabé chaque jour que Dieu fait.
    Félicitation Bruno : écrivez plus souvent et gardez vos qualités de simplicité, concision. On ne demande rien d’autre !

  • Le 16 avril 2010 à 22:11 En réponse à : Joseph Yaméogo : Le spleen d’un prêtre burkinabè dans une France en crise de foi

    Beaucoup de courage à vous, monsieur l’abbé. Vous qui trouvez en nous de mauvais chrétiens et je me rappelle votre rigueure à l’égard des enfants perturbateurs et des chrétiens qui se tiennent mal pendant les sermons. Mes prières pour vous sont que cette expérience fasse de vous un pasteur plus fort et plus fidèle au Christ. A bientôt M. l’abbé.

    • Le 18 avril 2010 à 14:48 En réponse à : Joseph Yaméogo : Le spleen d’un prêtre burkinabè dans une France en crise de foi

      J’ai beaucoup apprécié cet article. Je suis congolais et catholique. Lorsque je suis arrivé en Belgique, naturelement, je me suis présenté à la première Eglise du copin pour assister à la messe.
      Quelle ne fut pas ma surptise de constater la froideur et la rapidité avec lesquelles la messe était expédiée en à peine une quarantaine de minutes.
      Moi qui ne m’étais pas davantage engagé dans les oeuvres de la foi, je n’ai pu m’empêcher, avec un autre étudiant congolais, d’aller voir le prêtre pour lui dire combien nous trouvions cette messe trop froide en lui proposant, déjà, de monter une petite chorale pour animer les célébrations et les rallonger un petit peu.

      Depuis lors, plus de dix années après je continue à y chanter et les messes sont plus chaleureuses.

      Je comprends et je plains presque notre prêtre burkinabè. En 17 ans de vie ne Europe, j’ai vécu avec un voisin de palier pendant 6 à 7 ans et aucune fois on ne s’était dit bonjour. Et même, ça ne me choque pratiquement plus qu’il y ait de gens avec qui nous ne nous côtoyons qu’à l’Eglise sans bine entendu nous dire bonjour.
      Voire même le prêtre flamand, le recteur de la basilique, est=ce qu’on se dit même bonjour ?. Ce dimanche par exemple, nous avons chanté. Il a dit sa messe et, à la fin, puisqu’il ne se présente même pas pour saluer ses fidèles, nous nous sommes dispersés sans nous saluer.
      Ainsi va l’Europe et cette société vraiment bizarre. Même une choriste franco=belge avec qui l’on a chanté des années, je n’ai su que quelques jours plus tard qu’elle s’était mariée avec ce jeune homme qui, parfois, l’accompagnait à l’Eglise. Bien entendu, on invite pas du noir aux noces pour une famille d’une certaine classe....

  • Le 17 avril 2010 à 12:11, par Sanou S. En réponse à : Joseph Yaméogo : Le spleen d’un prêtre burkinabè dans une France en crise de foi

    je suis bien trop jeune par rapport à toi Père en Christ, qui semble faire nauffrage sur l’île de France. Quand cela ne tienne, j’ai veux que tu comprennes d’abord que les voies de Dieu sont insondables. [Je vous prie d’accepter que je vous tutoie ; je serais plus à l’aise ...]Les difficultés sont inherantes à la vie du Prêtre.Je ne pense pas vraiment t’apprendre grand chose sur ce point. Toutefois, ce qui va sans dire va mieux en ce disant.
    Ce faisant, ne vois-tu pas qu’il y à matière à comparaison entre ce que tu vis "aujourd’hui" en France et ce qu’a pu vivre chaque Prêtre - les premiers missionnaires de l’Eglise - venu pour l’évangelisation de l’Afrique ; avant même les colons. On peut dire que ces Missionnaires s’étaient trouvés comme toi, dans un monde inconnu au risque de leur vie.Ils ont dû apprendre de nombreuses langues par exemple, afin de pouvoir communiquer avec les peuples qu’ils rencontraient. Certains, sans pouvoir citer de nom sur le champ, se sont même improvisés anthropologues.
    Dure dure a été leur tâche mais ils n’ont pas renoncé ; ils ont plutôt reussi, car ils avaient une foi en Christ. L’Europe en générale (et la France en particulier) a mal dans l’âme... Tu peux et dois reussir... C’est le moins que je puisse te dire.
    Je veux bien continuer cette discussion mais,il me manque du temps. Je suis Enseignant et je dois partir pour la classe.

    • Le 17 avril 2010 à 22:47 En réponse à : Joseph Yaméogo : Le spleen d’un prêtre burkinabè dans une France en crise de foi

      Je connais personnellement abbé JO Yameogo et je me souvient du jour de son ordination comme si s’était hier.Je vis aussi en Europe (italie) depuis un peu moins de quatre ans.Mais je dois dire qu’en terme d’ouverture sur le monde,la france est plus en avant.Personne ne s’intéressent à l’autre est une chose vrai.Mais je pense que cela ne relève pas d’un manque de considération pour l’autre.cela tient surtout au fait que tout comme nous africains.les européen ont aussi peur de l’inconnu.poour raison de sécurité personne ne prete attention au respect que lui donne l’autre.Mon expérience personnelle est édifiant.A mes début dans la localité où je suis a été difficile.mais quand les gens m’ont connu,je suis devenu comme un "teengin biiga".Je suis associé tout et c’est comme si je me retrouvais chez moi.Toute culture a ses aspects positifs et négatifs.

  • Le 18 avril 2010 à 15:03 En réponse à : Joseph Yaméogo : Le spleen d’un prêtre burkinabè dans une France en crise de foi

    salut joseph j’espere que ton sejour ne s’est pas TROP mal passé. bon courage
    Ton Voize (tu vois qui est-ce ?)

  • Le 20 avril 2010 à 00:25, par Kôrô En réponse à : Joseph Yaméogo : Le spleen d’un prêtre burkinabè dans une France en crise de foi

    Je me suis toujours demandé ce que nous avons à aller chercher le bonheur de "l’autre côté" de l’océan !! Une année sabbatique, on peut très bien la passer dans un chaleureux petit village du pays...mais ça nous rendrait peut-être "sauvage" au point qu’il faut chercher à s’éloigner le plus possible pour espérer "être plus" ! Pauvres de nous ! Monsieur l’Abbé, après tant d’années de vie sacerdotale vous n’aviez toujours pas compris que votre place et votre bonheur se trouvent auprès de vos frères et sœurs du Burkina ? Puisse cette déconvenue (si elle est vraie et profonde, ce que je vous souhaite véritablement) vous aider et aider tous ces prêtres (jeunes comme vieux) et tous ces africains à OSER RESTER CHEZ EUX...le bonheur n’est pas ailleurs mais là, chez nous !! A nous de le faire "ad-venir", de le "veri-fier" (rendre vrai pour les latinistes de l’Eglise)...
    Par la grâce de Dieu.

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