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POURPARLERS DE DOHA SUR LE CONFLIT DU DARFOUR : « Nous sommes dans la phase des négociations techniques » dixit Djibrill Bassolet

Publié le jeudi 15 avril 2010 à 03h40min

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Les pourparlers entre les groupes rebelles et le gouvernement soudanais en vue de trouver un règlement pacifique au conflit du Darfour ont lieu à Doha au Qatar. A l’hôtel Sheraton à Doha, à l’endroit même où le président burkinabè Blaise Compaoré et toute sa délégation avaient installé leurs pénates à l’occasion de la visite officielle de ce dernier, Djibrill Bassolet, médiateur conjoint UA/ ONU pour le Darfour, y a son bureau. C’est à cet hôtel que se tiennent les négociations auxquelles participent bien des groupes rebelles comme le JE M de Khalil Ibrahim, lui-même présent aux discussions. Djibrill Bassolet nous situe sur l’état de ces négociations à travers cette interview réalisée le 13 avril 2010.

« Le Pays » : Au Soudan, divers cessez-le-feu ont été conclus et des accords de paix trouvés. Mais aucun n’a tenu. Récemment, le gouvernement soudanais et les rebelles du MJE (Mouvement, Justice et Egalité) s’accusaient mutuellement d’avoir rompu le cessez-le-feu signé au Qatar en février. N’y a-t-il pas, quelque part, lieu de désespérer finalement ?

Djibrill Bassolet : Il ne faut rien exagérer. L’accord de cessez-le-feu signé entre Khartoum et le JEM est un engagement politique à arrêter les hostilités. Dans la mise en œuvre de ce genre d’accord, dont les modalités techniques restent encore à définir, il y a toujours des incidents liés aux mouvements de troupes et peut-être aux difficultés de modifications qu’il y a sur le terrain. Toujours est-il que ces incidents restent tout à fait circonscrits. Cela dit, chacune des parties accuse l’autre d’avoir manqué à ses obligations. Mais pour ce que nous constatons, il n’y a rien de significatif qui puisse être une entrave sérieuse à la volonté des deux parties d’aller à la paix.

Les négociations se poursuivent à Doha au Qatar. Les groupes rebelles seraient toujours présents dans la capitale qatarie…

Effectivement, ici sont représentés une vingtaine de mouvements regroupés, les uns, autour du MJE, les autres autour du Mouvement pour la Liberté et la Justice (LJM). Il y a donc près de 300 rebelles qui sont présents ici à Doha et les négociations ont commencé avec, d’une part, le JEM et le gouvernement soudanais, et d’autre part, le LJM et le gouvernement. Ils ont tous signé des accords de cessez-le-feu et maintenant nous sommes dans la phase des négociations techniques pour trouver une solution définitive à la crise. Nous avons dû réaménager le calendrier de nos activités pour tenir compte des élections en cours au Soudan. Nous reprendrons vraisemblablement fin avril-début mai pour parachever et trouver un accord définitif de paix pour le Darfour.

L’ensemble des parties en conflit n’arrive toujours pas à s’engager en faveur de l’application de l’accord, ce qui demeure un obstacle majeur au retour de la paix. Peut-on espérer un jour que ces parties parleront enfin d’une même voix ?

Vous touchez à un point essentiel qui est la division des mouvements rebelles. Mais il faut savoir que cette division est le reflet des clivages qui existent au sein de la société darfourienne elle-même. Qu’à cela ne tienne. Ces mouvements sont tous là, désireux de faire la paix. Bien sûr, la cohésion n’est pas encore au rendez-vous au sein des mouvements armés. Mais nous y travaillons. Je dois cependant vous assurer que M. Abdel Wahid Nour est toujours à Paris. Il n’a pas encore pris part aux négociations directes. Mais certains de ses chefs militaires sont ici présents à Doha et sont désireux de faire la paix. Parmi les mouvements qui sont ici, il y en a qui sont toujours en conflit de leadership. Mais ce conflit ne doit, en aucune façon, constituer un obstacle à la paix.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, malgré ces conflits de leadership, malgré ces divergences, malgré même ces clivages ethniques, nous devons travailler, d’une part, à la création d’une espèce de cohésion au sein des mouvements, et d’autre part, à la réconciliation sociale entre les différentes composantes ethniques vivant au Darfour. Ces clivages ethniques sont à l’origine, sinon du conflit, du moins, de son aggravation. Les conflits qu’il y a eu, ce qu’on a appelé génocide, sont dus justement au fait que la haine a été entretenue pendant assez longtemps entre ces différentes ethnies. C’est pourquoi nous avons aujourd’hui énormément besoin de réconciliation sociale et de réconciliation nationale d’une manière générale pour que ces ethnies, et donc les mouvements qui les représentent, réapprennent à vivre ensemble dans la paix et dans l’harmonie.

Il y a la perspective d’un référendum au courant de l’année 2011. Pensez-vous que d’ici là on sera arrivé à la paix ?

Il est vrai que le référendum de 2011, en tant qu’activité politique majeure pour le Soudan, ne manquera pas d’avoir une incidence sur le processus de paix au Darfour. Mais enfin, le référendum ne concerne que le Sud. Il fait partie des points de l’accord du CPA (Application de l’accord de paix global) signé entre le gouvernement de Karhoum et le SPLM. Ce CPA prévoit un référendum d’auto-détermination, le débat politique a commencé et je pense qu’on ira à ce référendum. Le résultat sera-t-il en faveur de l’unité ou de la séparation ? Je n’en sais rien. Notre souhait à nous, c’est d’avoir finalisé un accord de paix pour le Darfour avant la date du référendum prévue pour 2011. Et comme je l’ai indiqué, ce qui nous préoccupait plus directement, ce sont les élections générales qui sont en cours. A l’issue de ces élections, nous mettrons les bouchées doubles pour que dans les semaines ou mois à venir, nous puissions conclure un accord global de paix. Maintenant, la difficulté résidera dans la mise en œuvre de cet accord. Mais c’est le propre de tous les accords de ce genre.

La conférence des donateurs pour la reconstruction du Darfour, tenue récemment au Caire, a fait des promesses de financements pour près de 850 millions de dollars, soit moins de la moitié des fonds espérés. Quelle interprétation en faites-vous ?

850 millions de dollars, ce n’est déjà pas mal pour les projets de développement socio-économique au Darfour. Cela peut représenter un apport substantiel. Mais il est vrai que ces 850 millions de dollars sont en deçà de ce que les organisateurs avaient espérés. L’explication à cela, c’est, je pense, dû au manque de confiance et de sécurité. Les cessez-le-feu sont fragiles. Il existe toujours un très haut niveau d’insécurité, manifesté par des enlèvements d’hommes, des vols de voitures. Bref, le banditisme est tel que, évidemment, les donateurs sont assez réticents. Mais nous pensons créer très rapidement des conditions de sécurité et de confiance qui permettent aux bailleurs de fonds de contribuer davantage. Mais ce qui est important, c’est de mettre l’accent sur l’aspect reconstruction et développement socio-économique de la région. Le Darfour est une région reculée, qui se sent marginalisée et abandonnée du pouvoir central. Si nous nous associons au processus de paix actuel, un bon programme de développement et de réinsertion socio-économique pour les anciens combattants et les populations réfugiées, je pense que ces populations se détourneront définitivement de la guerre et s’engageront dans les différents programmes de développement. De ce point de vue, nous attendons beaucoup des donateurs. Mais il nous appartient aussi, avec les parties belligérantes, d’élaborer des programmes pour une paix durable.

Quel est véritablement l’apport du Qatar dans le règlement de la crise du Darfour ?

Le Qatar s’investit énormément ; d’abord du point de vue des facilités mises à notre disposition. Ensuite, l’Emir du Qatar s’investit personnellement. Je dois dire que toute la diplomatie du Qatar est au service de la médiation pour la paix au Darfour. J’ai trouvé en l’Etat du Qatar, un partenaire idéal pour nous accompagner dans ces efforts de paix.

Suite à la libération, après la signature de l’accord de paix de Doha, d’un certain nombre de prisonniers, la presse s’était fait l’écho de la réincarcération de certains d’entre eux. Qu’en est-il réellement ?

Cette information nous avait préoccupé. Parce que la libération des prisonniers de guerre était un point essentiel des mesures de confiance qui avaient été adoptées par les parties. Lorsque, quelques jours plus tard, nous avions appris l’information faisant état de la re-arrestation de quinze des prisonniers libérés, nous avons procédé à des vérifications. Il n’en était rien. Bien au contraire, les prisonniers ont été libérés et ils ont même rejoint le Darfour. Il nous reste maintenant à négocier la libération des autres prisonniers, parce qu’il y en a toujours qui sont détenus. Et ce sont essentiellement les prisonniers (à peu près 200 combattants) du JEM, capturés après l’attaque de Ondourman (près de Karthoum) en 2008. Nous espérons que les libérations se poursuivront.

Propos recueillis à Doha au Qatar par Cheick Beldh’or SIGUE

Le Pyas

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