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Restitution des fonds d’Abacha au Nigeria : lee signal fort de la Suisse

Publié le lundi 23 août 2004 à 07h56min

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A l’annonce, mercredi dernier, de la restitution par la Suisse aux autorités nigérianes de la presque-totalité des fonds détournés par l’ancien dictateur Sani Abacha, ceux qui en Afrique ou ailleurs sont aux avant-postes de la lutte contre la corruption, la gabegie, les détournements de fonds publics, voire la mauvaise gouvernance, ont applaudi.

C’est en tout quelque 700 millions de dollars US, qui seront réinvestis dans la santé publique, l’éducation et les infrastructures (routes, alimentation en eau potable et en électricité), que la Banque fédérale nigériane devrait bientôt encaisser au profit des populations pauvres et rurales. Voilà de quoi troubler le sommeil de bien de nos gouvernants dont le sport favori est le détournement de fonds publics vers des banques extérieures.

En Afrique, c’est devenu une tradition, toute personne ayant acquis la moindre parcelle de pouvoir songe à se rassasier et à assurer ses arrières avant de s’occuper de ce pourquoi elle a été élue, ou portée au pouvoir par les armes. Et l’exemple vient toujours d’en haut, où l’aide au développement et les marchés publics sont des moyens de s’enrichir à moindres frais et d’affamer les populations. Le Quid nous renseigne que sur notre continent, à la fin des années 80, 10 à 15% des pots-de-vin prélevés sur les marchés publics ont été directement versés dans des comptes en Europe ou ailleurs dans des paradis fiscaux.

A titre illustratif, la fortune personnelle du président Mobutu Sesse Seko, de son vivant, équivalait à la dette extérieure du Zaïre (aujourd’hui République démocratique du Congo), soit 5 à 8 milliards de dollars US. Moussa Traoré du Mali, avant d’être renversé par Amadou Toumani Touré, avait, lui, détourné 2 milliards de dollars US, le montant de la dette extérieure du pays, là aussi. En Algérie, les-dessous-de-table perçus en dix ans par des responsables du secteur public ont été évalués par un ancien ministre à 26 milliards de dollars US.

Plus loin de nous, en Iraq, la famille de Saddam Hussein prélevait 5% sur les contrats pétroliers du pays. Et que dire des prouesses en la matière des Jean Bedel Bokassa de Centrafrique, Idi Amin Dada d’Ouganda, Mengustu Hailé Mariam d’Ethiopie, Ferdinand Marcos des Philippines, Duvalier de Haïti, et autre Charles Taylor du Liberia, qui vit de nos jours d’un exil doré à Calabar au Nigeria ? L’ensemble des patrimoines occultes des pays en voie de développement (PVD) était évalué en 1989, il y a quinze ans de cela donc, à 1000 milliards de dollars US, sans compter les bijoux, l’or et les œuvres d’art qui ornent les salons de nos premières dames.

Depuis, l’Afrique a changé de visage ; il ne reste qu’un vieux baobab au sud ; les méthodes y ont certes changé, mais les prédateurs ont la vie dure. Des nouveaux riches sont sortis du néant, qui par le truchement de prête-noms, qui à travers le recyclage de l’argent sale du trafic des armes, de la drogue, de l’or, des diamants du sang, si ce n’est de la mise à mort anticipée de projets de développement. Ne courent-ils pas les rues au Faso aujourd’hui ceux qui se sont découvert des talents d’agrobusinessman sans pouvoir toutefois fournir la moindre preuve de leur prospérité subite et légendaire ?

C’est connu des bailleurs de fonds et des populations, qui refusent de délier la langue, quand on sait que les puissants du jour sous nos cieux comme ailleurs sont quasi couverts par l’impunité. Et tant qu’il en sera ainsi, la lutte contre la pauvreté sera un vain mot. D’ailleurs, la Suisse aurait-elle pu décider de la restitution des fonds d’Abacha du vivant du dictateur ? Pas si sûr ! Offrons-nous de richissimes présidents africains en exercice et constatons-le nous-mêmes.

Car aujourd’hui encore, bien de nos chef d’Etat et autres ministres dont les noms sont jalousement gardés au secret inondent les banques européennes, américaines et asiatiques de leurs avoirs suspects. Le feu vert donné par la Suisse est un signal fort à l’adresse des prédateurs de l’économie africaine et de leurs complices que constituent les paradis fiscaux. N’a-t-il pas été salué comme une décision aussi historique que courageuse par l’avocat des autorités nigérianes, qui a cependant critiqué d’autres pays, telle la Grande-Bretagne, qui freinent les procédures en cours pour rendre à César ce qui est à César ?

Cela fait, en effet, cinq ans que le Nigeria attend en vain Londres des documents bancaires pour pouvoir reconstituer les flux financiers en direction des banques britanniques. Pourtant, ce ne sont pas les preuves du délit qui manquent. Bonnes gens, on comprend aisément maintenant pourquoi nos gouvernants, même à l’article de la mort, persistent à conserver leur fauteuil : parce qu’une fois descendus de leur piédestal, nos roitelets seront nus. Une raison suffisante pour faire de la bonne gouvernance le programme et la pratique politiques qui vaillent la peine d’être menées. Un vœu qui demeure désespérement pieux sous nos cieux.

L’Observateur Paalga

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