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Activités minières : Querelle autour de l’installation d’un comptoir d’achat d’or

Publié le jeudi 8 avril 2010 à 03h03min

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L’atmosphère n’est plus du tout sereine entre Boala et Balogho, deux villages voisins, situés l’un, dans la commune rurale de Guiaro, province du Nahouri et l’autre, dans la commune urbaine de Sapouy dans le Ziro. La cause de cette mésentente : l’installation d’un comptoir d’achat d’or à Balogho que Boala revendique. Une équipe de Sidwaya a séjourné sur le terrain pour mieux comprendre la situation qui peut dégénérer à tout instant.

Boala et Balogho, deux villages voisins situés respectivement dans les communes rurales de Guiaro, province du Nahouri, région du Centre-Sud et urbaine de Sapouy dans le Ziro, région du Centre-Ouest, vivaient en parfaite harmonie depuis longtemps.

Mais il y a un peu plus d’un an, cette harmonie a été plus ou moins mise à rude épreuve avec l’apparition de l’or dans la localité. En effet, le métal jaune a attiré des milliers de personnes en quête d’un mieux-être social, troublant par la même occasion, la quiétude des populations locales.

C’est dans ce contexte qu’Amadé Sawadogo, le promoteur de la société Faso or, détenteur d’une autorisation d’exploitation artisanale des substances minières délivrée par le ministère des Mines, des Carrières et de l’Energie, a jugé utile d’installer un comptoir d’achat d’or à Balogho rattaché à la commune urbaine de Sapouy.

Jusque-là, le problème ne se posait pas, à partir du moment où l’extraction se faisait sur les terres de Balogho. Aujourd’hui, le filon a franchi les limites de ce village pour se retrouver à Boala, le village voisin qui relève d’une autre commune : Guiaro. Actuellement, le minerai est extrait à Boala et convoyé par charrettes à Balogho où est installé le comptoir d’achat pour le traitement et la vente. Ainsi est née la discorde.

La population de Boala exige donc la délocalisation du comptoir de Balogho au profit de leur village. “L’exploitation de l’or se fait maintenant sur nos terres. Il est logique pour nous que le comptoir soit à Boala afin que nous profitions aussi des retombées que cela engendre... “, a laissé entendre le chef du village de Boala, Oubga Zibaré. Ses propos sont approuvés par les sages et les représentants du Comité villageois de développement de Boala.

Pour le vieux Larba Zibaré, sous-officier de l’Armée française à la retraite, les deux villages ont des liens de fraternité. “Les habitants de Balogho sont nos frères. La mère du chef de Balogho est notre soeur. Il ne saurait donc y avoir des histoires entre nous.

Tu vois la colline qui se dresse là-bas (il nous la montre du doigt) ? Elle se trouve sur nos terres mais coutumièrement, ce sont les gens de Balogho qui y font leurs sacrifices pour demander la santé, de bonnes récoltes... Ils ne peuvent pas le faire sans notre autorisation et c’est comme cela depuis la nuit des temps car nos ancêtres ont voulu que ce soit ainsi.

C’est au pied de cette colline que se trouve l’or aujourd’hui. Mon propre champ de culture a été investi par les orpailleurs. Il nous est très difficile d’accepter que l’or extrait dans nos champs soit transporté ailleurs pour être vendu sans contrepartie...”, a expliqué le vieux Zibaré. Unanimement, les sages soutiennent que si le comptoir ne peut pas être délocalisé à Boala, il faut procéder à la fermeture pure et simple du site d’orpaillage.

Eviter un affrontement

Ce souhait de la population est également celui du maire de la commune de Guiaro, Boukari Zibaré dont relève le village de Boala. “Si le comptoir ne peut pas être installé à Boala, je crois qu’il sera mieux de fermer le site afin d’éviter que les populations des deux villages ne s’affrontent...”, a indiqué le bourgmestre de Guiaro.

A en croire ses dires, ce sont des intérêts économiques qui sont en jeu dans cette querelle. Autour du comptoir d’achat, s’est développé un grand marché qui a “presque tué”, selon ses propres termes, les autres marchés de la localité. La délocalisation du comptoir à Boala contribuera à l’essor économique du village, surtout au développement de la commune de Guiaro, grâce aux taxes qui y seront prélevées, à l’entendre.

“Boala ne profite pas de cet or que l’on extrait de son sol. Les populations vont plutôt hériter de terres dégradées par I’orpaillage. Déjà, le barrage du village a tari du fait que les orpailleurs puisent une énorme quantité de cette eau pour le traitement du minerai. L’installation du comptoir à Boala devrait lui permettre de bénéficier des retombées issues de l’activité d’orpaillage et compenserait ainsi le village de ce qu’il perd...”, souligne le maire de Guiaro.

Son homologue de Sapouy, Baoui Nama, estime lui, qu’une concertation entre autorités locales devrait permettre de trouver une solution à la situation. A cet effet, celui-ci soutient qu’iI va incessamment rencontrer le maire de Guiaro afin d’échanger sur la question.

“Au besoin, nous allons proposer une rencontre entre responsables des deux régions en vue de parvenir à une résolution du problème...”, indique le maire de Sapouy qui dit avoir jusqu’à présent, évité de s’impliquer dans cette “bagarre”. “Je sais que le maire de Guiaro a été plusieurs fois sur le site, accompagné de gendarmes. Je n’y suis jamais allé personnellement mais nous avons envoyé trois missions sur le terrain.

Nous y avons prélevé deux fois des taxes. La moisson n’a pas été bonne la première fois mais la deuxième fois, nous avons enregistré près de 125 000 francs CFA. Lorsque nos agents sont allés sur le terrain, ils ont constaté que des agents communaux de Guiaro y ont déjà perçu des taxes, notamment avec les propriétaires de moulins à raison de 25 000 francs CFA par propriétaire alors que Balogho ne relève pas de Guiaro. Des reçus l’attestent.

Pourtant, deux communes différentes ne peuvent pas percevoir des taxes sur le même marché...”, a relevé le maire de Sapouy qui affirme jouer la carte de l’apaisement. “Les agissements du maire de Guiaro ne sont pas de nature à calmer le jeu...”, a-t-il indiqué. Boukari Zibaré, le maire de Guiaro, reconnaît que sa commune a perçu des taxes de terrain mais, précise-t-il, c’est la Taxe de développement communal (TDC). “Nous avons effectivement perçu la TDC mais à Boala, sur notre territoire”, soutient-il.

Le maire, Baoui Nama, ne milite pas pour une fermeture totale du site. Afin de redéfinir les termes de la convention autorisant le promoteur à exploiter le site, Baoui Nama, le maire de Sapouy, préconise plutôt une suspension des activités si les parties en conflit ne parviennent pas à trouver un terrain d’entente.

Une autre raison existe

Le promoteur de la société Faso or, Amadé Sawadogo, détenteur de l’autorisation d’exploitation artisanale des substances des mines dans la zone sus-citée n’a pas voulu s’étendre sur la question.

Il nous a présenté, lorsque nous l’avons rencontré à Ouagadougou, un de ses “jeunes frères de Ouahigouya” (ndlr : ce sont ses propres termes) à qui il a confié la responsabilité du comptoir d’achat. Celui-ci s’est montré très hostile à nos questions, arguant que cette rencontre devrait avoir lieu sur le site et non à Ouagadougou. Pourtant, c’est Amadé Sawadogo qui a consenti à ce que la rencontre ait lieu dans la capitale. Très furieux, le jeune frère d’Amadé a quitté le bureau où nous nous étions retrouvés, invitant son grand frère à faire autant.

“Il faut mettre fin à cet entretien. Nous allons remettre le dossier à notre avocat. C’est avec lui qu’ils vont discuter, pas avec nous...”, a-t-il lâché, avec courroux, avant de quitter le bureau. Visiblement mal à l’aise face à l’attitude de son frère, Amadé Sawadogo décide alors de parler. “C’est dans notre intérêt même que Ie comptoir soit installé à Boala afin de le rapprocher des orpailleurs.

Mais le chef de Balogho nous a dit que si on le faisait, les fétiches du village ne seront pas contents et trente personnes pourraient perdre la vie. Je ne veux pas avoir sur la conscience, la mort de ces personnes qui travaillent pour moi. Alors je ne prends pas ce risque...”, a-t-il dit mettant fin à notre entretien. Pour le chef du village de Balogho que nous avons rencontré sur le site en compagnie du gérant du comptoir et de quelques-uns de ses sujets, la délocalisation du comptoir à Boala ne se discute pas.

“Si le comptoir quitte Balogho, c’est qu’il est fermé...”, a-t-il martelé, refusant de répondre aux questions relatives à la prétendue colère des fétiches et des morts qui s’en suivraient si le comptoir devait être délocalisé à Boala. Le gérant du comptoir, Ousmane Ouédraogo, qui se fait appeler aussi “Mille Balles” dit ne pas vouloir se mêler de cette querelle entre les deux villages. “Nous refusons de nous immiscer dans cette bagarre qui oppose les deux villages.

Nous avons déjà déterminé l’emplacement du comptoir à Boala. Les bois pour les hangars ont même été implantés. Mais nous n’avons pas encore déplacé le comptoir parce que les orpailleurs nous ont dit qu’ils n’ont pas les moyens pour amener leurs matériels sur le nouveau site. En plus, la production de l’or a baissé et beaucoup d’orpailleurs sont partis...”, a expliqué Ousmane Ouédraogo dit “Mille balles”.

Même si ces explications peuvent justifier la non installation du comptoir à Boala, une autre raison existe. En effet, le maire de Sapouy, M. Nama, a affirmé que ce sont les autorités communales de Sapouy qui ont demandé que le comptoir reste là où il est. “Nous avons instruit les responsables du comptoir de ne pas bouger. Cela pour respecter une délibération du conseil municipal”, a soutenu Baoui Nama.

A la Direction générale des mines, de la géologie et des carrières, Roger Nombré, directeur de la petite mine, soutient que des problèmes existent sur la plupart des sites d’orpaillage. “Ce ne sont pas des problèmes de même nature certes, mais il n’en demeure pas moins que beaucoup de sites au Burkina en connaissent...”, souligne-t-il. Mais pour lui, les autorités locales devraient pouvoir gérer ces situations.

“Pour ce problème, les gouverneurs des deux régions, les hauts-commissaires, les maires des deux communes, les préfets doivent pouvoir le régler. S’ils n’y parviennent pas, il leur faut procéder à la fermeture du site. Ils peuvent le faire pour clore le débat....”, a-t-il préconisé.. Pour l’instant, sur le terrain, aucun acte démesuré n’a encore été posé par l’une ou l’autre des deux parties. Mais il faut craindre le pire, si rien n’est fait pour apaiser cette tension.

Etienne NASSA (paratena@yahoo.fr)

Sidwaya

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