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De l’air et de la quiétude aux morts

Publié le mercredi 7 avril 2010 à 02h51min

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L’élan de lutte contre l’insalubrité imprimé dans la capitale burkinabè n’a pas oublié les cimetières. Grâce à des soutiens anonymes, des défunts de Ouagadougou bénéficient désormais des bons soins de la municipalité. « Gounghin » à l’Ouest, « Kourritenga » et bientôt le célèbre « Dagnoën » (à l’est où le président Noël Isidore Thomas Sankara y est enterré) ont été débarrassés de leurs hautes herbes et nantis d’un mur de clôture. « Repose en paix ! » est devenu maintenant un souhait bien réel pour celles et ceux qui ont rendu le dernier souffle sans perdre le souvenir des vivants.

Ce processus de propreté en faveur de ces sites vient combler un vide qui s’est imposé aux autorités municipales comme l’une des nécessités absolues dans la gestion optimale de la cité. Celles de Bobo-Dioulasso se sont déjà inscrites dans cette dynamique. Vivement que l’ensemble des lieux d’enterrements du pays emboîte le pas.

Sans être pour autant « nécrolâtre », tout être humain conscient de son incontournable dernière demeure ne resterait pas indifférent face à l’insalubrité criante des cimetières de Ouagadougou. Les fidèles catholiques participant à la messe de Toussaint le 1er novembre 2000 à Tabtenga ont vécu un véritable calvaire : ce grand rassemblement religieux pour l’hommage aux morts a dû se soumettre des heures durant aux odeurs nauséabondes d’un âne en putréfaction que son propriétaire n’a eu autre endroit que le cimetière pour s’en débarrasser. Même le “prestigieux” municipal n’échappe pas à cet étouffement.

A l’instar des autres cimetières du pays, ceux de la capitale sont devenus des dépotoirs et des nids de bandits au point que l’on se demande si les disparus qui y reposent ont été vraiment chers aux vivants.

Au caractère anarchique et hâtif des enterrements, s’ajoute une propension à fouler au pied la quiétude de ces lieux pourtant qualifiés de « sépultures dignes » offertes aux proches. Ces « Repos éternels » sont sans cesse troublés par des odeurs, les broussailles et des ordures de toute sorte.

Face aux inhumations clandestines sur des sites fermés à cet effet et l’expansion exponentielle des nouveaux, il y a lieu d’agir. Une sorte de dispute s’est installée entre les vivants et les morts pour se trouver une demeure. Qu’elle soit passagère ou dernière. L’attention avec laquelle l’on appréhende l’urbanisation actuellement ne saurait ignorer la place des défunts.

Avec tout ce que les inondations du 1er septembre ont révélé et déterré les conditions d’inhumation surtout celles dans les habitations doivent être repensées. Cette requête est valable aussi bien pour les zones rurales que les centres urbains, étant donné que la nappe phréatique pourrait un jour en pâtir, et la santé avec, si des précautions ne sont pas prises à temps.

S’il est vrai que la question des « dernières demeures » n’a jamais constitué un véritable problème au Burkina Faso à l’image de celui des zones non loties et des opérations de lotissements à encre et salive, les exigences de la maîtrise des cités africaines galopantes requièrent des mesures particulières applicables à celles-ci dans la politique de construction.

Il ne s’agit point d’une promotion innocente des pompes funèbres ou d’un appel à se lancer dans une logique concurrentielle et luxueuse des cimetières des pays côtiers. Les inhumations apparaissent au Burkina Faso comme l’une des dernières expressions de liens sociaux et une preuve de solidarité qu’il faut sauvegarder à tout prix en empêchant l’avènement de tombes payantes. Elles ne doivent être ni un casse-tête, ni une obligation, ni un empressement.

Bien que la place n’ait jamais manqué ici pour enterrer un mort, il faut impérativement réfléchir à établir une adéquation entre la quête de la modernité de la capitale et ses lieux de repos éternel, entre son évolution tentaculaire et la place incontournable des sites de sépulture. Car les cimetières en Afrique ont cette force de concilier dans l’esprit des vivants, le souvenir des semblables disparus et le rappel du triste destin de tout humain. Tels que l’ont respectivement décrit l’écrivain sénégalais Birago Diop et le poète grec Ménandre : « Ceux qui sont morts ne sont jamais partis…

Ils sont dans la demeure, Les morts ne sont pas morts … », « Vois et comprends. Si tu veux savoir ce que tu es, regarde les cimetières, quand tu passes ton chemin, Là se trouve la poussière légère, De ceux qui se croyaient grands, par leur naissance, leur dignité, leur richesse. Et à tous ces gens, le temps a manqué. Le lieu souterrain est la rencontre de tous les mortels. Vois et comprends alors, le peu que tu es ».

Coïncidence pleine de sagesse, l’une des « dernières demeures » de Ouagadougou s’appelle « Taab-tenga », « le village de tes semblables » en langue nationale mooré. Des cimetières où reposent des parents chers ou des héros nationaux pourraient bien s’inscrire dans la dynamique touristique comme celui du Père Lachaise dans le 11e arrondissement de Paris abritant les sépultures de célébrités telles Victor Hugo, Guillaume le Conquérant, Alfred de Musset, etc.

Au Burkina Faso, outre les tombes royales, il y a Daniel Ouezzin Coulibaly à Bobo-Dioulasso, Nazi Boni également au cimetière municipal de Bobo-Dioulasso, Amirou Thiombiano (fondateur du Parti africain de l’indépendance, PAI) à Fada N’Gourma, Noël Isidore Thomas Sankara à Dagnoën, Maurice Yaméogo à Koudougou, Aboubacar Sangoulé Lamizana à Gounghin, Joseph Ki-Zerbo à Toma et bien d’autres. Le souvenir de ces vaillants bâtisseurs de notre Nation moderne doit être entretenu dans une quiétude sans limite. « Les morts ne sont pas morts ».

Jolivet Emmaüs (Joliv_et@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 7 avril 2010 à 12:34, par koro En réponse à : De l’air et de la quiétude aux morts

    Beaucoup d’efforts ont été fournis pour les cimetières. Mais il reste encore beaucoup pour les morts. Faites un tour à la morgue et vous comprendrez qu’il reste beaucoup à faire par le Burkinbila. Il nous faut une belle morgue qui ne sent pas et là ou ceux qui nous ont quitté transitent dans la tranquillité. Seul au Burkina, on ne respecte pas ou on respecte peu quelqu’un qui est mort. Faites un tour au Ghana, en CI, au Togo, au Bénin bien que je n’aime pas comparer. Les pompes funèbres, les cimetières et morgues sont des domaines transférés. Alors où sont nos maires ? pour moi qui ait payé la TDC tout en reconnaissant son bien fondé mais le mauvais support fiscal choisi. C’est un problème sérieux car personne ne sait quant est-ce que la mort fondra sur lui

    • Le 7 avril 2010 à 15:29, par Hamane En réponse à : De l’air et de la quiétude aux morts

      Koro, tu as gaté tes propos par ceci : "pour moi qui ait payé la TDC tout en reconnaissant son bien fondé mais le mauvais support fiscal choisi"

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