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RAVAILLEURS LICENCIES DE X9 : Le Président du Faso interpellé

Publié le mardi 6 avril 2010 à 03h10min

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Dans la lettre ouverte ci-dessous adressée au président du Faso, le porte-parole des 215 ex-travailleurs de la compagnie de transport X 9 explique leur calvaire, face au refus de l’Etat de leur fournir un certain nombre de documents.

La mémoire du peuple burkinabè est encore vive comme si c’était hier, pour ce qui concerne la Journée nationale de pardon (JNP), marquée d’une pierre blanche pour le compte des générations présentes et futures, il y a déjà près d’une décennie. Cet acte hautement politique et responsable fut un pansement pour les cœurs meurtris, tuméfiés, fissurés, mi-écrasés, rayés, en partie disséqués et imprégnés d’amertume. Le tout muait en engins traçants, explosifs et incendiaires. Ces lugubres engins biologiques couvaient depuis les indépendances au soir du 30 mars 2001.

Nous rappelons que nous avions repris en chœur avec SEM. Blaise Compaoré représentant les pouvoirs, ce slogan si profond de sens : "Plus jamais ça". Hélas, si le premier magistrat ne prend sa toge et ne dit le droit avec toute intégrité en vue de clore cette affaire « Etat burkinabè # 215 ex-travailleurs de X9 », le pire est à craindre. Nous, les 215 (survivants en plus des feus), nos ayants droit et nos protégés sociaux (autres personnes en dehors de la famille directe en charge) estimés à deux milliers, nous doutons fort que si d’autres milliers de compatriotes bafoués se joignaient à nous, le peuple ne réclamerait pas une JNP bis à sa manière.

Le pardon, un ingrédient si cher à l’épanouissement global de l’individu, de la famille, du groupuscule, du clan, de la nation et des institutions onusiennes est vivement recherché. Le pardon est un besoin universel car là où il y a vie, là naissent des frustrations (c’est comme les 215 ex-travailleurs qui sont compris et incompris ; mais un jour, le Droit ou la Raison refusera raison à ceux qui retiennent leur raison prisonnière pour une raison inavouable). Force est de constater que les acteurs de ces sous- ensembles de femmes et d’hommes ont leur compréhension et leur vision du pardon et de sa crème qu’est la paix.

Les ex-travailleurs de X9, pris en partie il y a aujourd’hui 13 années par une commission de privation et une autre de sages à qui on a imposé la cagoule politique, payent pour une faute qu’ils n’ont pas commise. A ce propos, Excellence M. le premier magistrat, serait-il vraiment nécessaire qu’un Docteur ès droits vous accompagne dans cette affaire que même des aveugles distinguent comme vous et nous le faisons pour le jour et la nuit ? Parlant de pardon, nous le définirons plutôt par le fruit qu’il produit, à savoir la paix dans tout son sens : "La paix est un état d’âme, de vie tranquille, sereine, avec une conscience probe, dénudée de toute tache et de toute bribe de condamnation". Quant au pardon, c’est la rémission des fautes, des offenses d’autrui (personne physique ou morale), en favorisant la floraison, (la paix produite) par la réparation symbolique ou intégrale. Sa consommation se voit au fruit comme l’arbre se reconnaît à son fruit. Si la Journée nationale de pardon a produit un fruit, alors elle gardera sa place dans les annales du Faso.

Mais si d’aventure on en attend encore des fruits hypothétiques, alors, elle aurait été une farce en trompe-l’œil, un geste échappatoire et une poudre d’opium. 215 Burkinabè (dont 35 nous auraient devancé là où tout homme, c’est-à-dire les 215, le gouvernement et son chef, ira immanquablement) en plus de leurs ayants droit et de leurs protégés sociaux estimés à deux milliers triment, payent un lourd tribut sans précédent dans toute l’histoire de la République. Ces Burkinabè de souche, filles et fils légitimes ou naturalisés ayant vu le jour au Mogho, terre de leurs ancêtres, en présence de leur Empereur, subissent une certaine violence de la part de celui qui ne devait pas le faire : l’Etat, leur employeur. Pour plus d’amples informations, nous vous renvoyons à notre plaidoyer consultable dans les archives des médias, en l’occurrence le n°3887 du quotidien "Le Pays" en sa parution du lundi 11 juin 2007. Excellence Monsieur le président du Faso, premier magistrat, un individu ou une de vos institutions court toujours avec la caisse contenant les fonds de nos indemnisations, cherchant à discréditer et/ou à fragiliser le pouvoir. Les points qui suivent décrivent quelques pointes de la violence qu’on nous fait subir :

1 - l’Etat, notre employeur, nous a laissés croire que le repreneur nous gardait avec nos acquis, notamment notre ancienneté. A son départ à la retraite, l’un d’entre nous s’est vu servir six (6) mois d’indemnités pour compter de la date de la reprise de X9 par le nouvel employeur. A la suite, les deux employeurs se trahiront et il nous sera remis des cartes d’immatriculation et d’affiliation à la CNSS, datant effectivement du 12/06/1996, au moment des faits.

2 - Vos institutions serviront vingt-quatre mois d’indemnisation en plus des droits légaux à vingt-quatre agents remerciés après un pseudo-test de niveau. Mais là où le bât blesse, ce sera après des dialogues de sourds, de cris, de gesticulations, de sit-in, de roulades, de grèves de la faim et bien d’autres jérémiades que le Médiateur du Faso touché, aura proposé à nos répondants de nous servir dix-huit (18) mois d’indemnisation. Mais seulement douze mois ont été reversés à 215 braves travailleurs passés par les mailles dudit pseudo-test de niveau (justice à deux vitesses ?).

3 - La quatrième République (ce n’est pas possible), l’employeur des 215 ex-travailleurs de X9, refuse jusqu’à nos jours de nous fournir : a. des lettres de licenciement ; b. des certificats de travail pouvant nous aider à notre réinsertion socio- professionnelle ; c. des bulletins de paie matérialisant tout paiement ; d. des carnets de travail dûment signés, etc. La sourde oreille de l’administration voudrait simplement confirmer que les 215 sont toujours en fonction, treize années après le licenciement sauvage dicté par la recherche de la plus- value d’un des employeurs.

4 - Le tigre ne crie pas sa "tigritude" ; vous pouvez attendre encore d’autres décennies, gardant le silence sur notre affaire et le Trésor public ne suffirait à nous dédommager car de bonne guerre. Nous refuserons des traites échelonnées sur des décennies comme vous les aimez. Tout de même, notre chauvinisme nous dictera le refus d’affamer le peuple. Ecoutez votre cœur et la kyrielle de conseillers qui vous entourent et reconnaissez que cette affaire de X9 est bel et bien une affaire d’Etat. Si vous ne nous le payez pas tout de suite, nous vous le réclamerons même devant l’Eternel dans l’au-delà, nos enfants, nos petits-enfants frustrés, déscolarisés le réclameront à vos enfants et petits-enfants. L’Etat est une continuité ; mais créez ce climat ambiant d’amour et de désir de telle sorte que le peuple vous préfère longtemps encore après votre passage à sa tête. Rien sur la terre des vivants n’est éternel.

5 - Les PAS des institutions de Bretton Woods, institués par des hommes pour des hommes, ont en leurs possessions des archives vives consultables à souhait. Aucune politique intègre de restructuration de la vie socio-professionnelle n’a été menée sous ces cieux sans accompagnement. Le pays des hommes intègres ne dérogera pas à la règle.

6 - Nous détenons toutes les cartes de recours possibles. Soit nous nous laissons entraîner par votre courant jusqu’à ce que vous nous concédiez le Trésor public et tout son contenu pour répondre à votre philosophie de bien servir. Soit, las, nous traînons l’affaire devant le Magistrat suprême, qui, Lui, dit le droit spontanément (même si mille ans au Faso Lui semblent un jour) sur l’individu, les gouvernements, les institutions locales, régionales et internationales. Les indemnités des 215 ex-travailleurs et leurs ayants droit sont constituées de sueur mêlée à du sang arrachés au service rendu à la nation. Or il se trouve que Le Magistrat des magistrats est très sensible et son jugement irrévocable et surprenant. Comment les 215 Lui verseront-ils les preuves de la nouvelle violence qu’on leur fait subir à des milliards de kilomètres de là ? C’est debout, la face tournée vers le ciel, les pieds fermes sur la terre témoin de nos ancêtres, comme au jour de la JNP, par des murmures arrachés à nos douleurs. Nous n’en arriverons pas là, car le premier intègre sait faire plus droit à des intègres.

7 - Excellence Monsieur Blaise Compaoré, premier magistrat, le linge sale se lave en famille certes, mais hélas, vous nous dictez chaque fois cette unique voie de communication en nous refusant une audience dont nous avons introduit la demande à maintes reprises depuis près d’une demi- décennie. Nous sommes conscients de vos calendriers supra-chargés ; mais soyez rassuré, car à défaut, et sur vos instructions, nous pourrions attendre volontiers dans un des couloirs à Kosyam un mercredi, aux fins d’intervenir aux questions orales pour votre information. Excellence Monsieur Blaise Compaoré, président du Faso, chef de l’Etat, premier magistrat, tant que perdurera cette affaire, nous préférerons vous dire la vérité parce qu’être intègre c’est dire la vérité ; la vérité à son peuple, la vérité au pouvoir et à son chef.

L’intègre étant tout, sauf un « oui, oui chef". Dans un peu plus d’un semestre, le Faso célébrera le cinquantenaire de son indépendance formelle. Nous savons aussi que d’autres indépendances ont été arrachées au prix d’âpres luttes par le peuple. Pour notre part, nous osons croire qu’au soir du 11 décembre prochain, les 215 ex-travailleurs de X9 et leurs ayants droit que nous sommes, serons réellement indépendants et serons comptés parmi les invités spéciaux. L’occasion nous serait à nouveau donnée de vous réitérer notre pardon et de recueillir le vôtre comme consolation pour la peau qu’on nous arrache il y a 13 années, trouvaille d’un autre type de violence, hélas imputable au pouvoir de la quatrième République.

Y. Ahmed DARGA, Ex-contrôleur des transports en commun, porte-parole des 215.

Le Pays

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