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Lassané Savadogo, député à l’Assemblée nationale : “Il ne faut pas focaliser les débats sur l’article 37”

Publié le mercredi 31 mars 2010 à 05h20min

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Enseignant chercheur à l’ENAM, secrétaire général du Premier ministre, ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat, député à l’Assemblée nationale, président du groupe parlementaire de l’Afrique de l’Ouest au parlement panafricain, Lassané Savadogo est un homme au parcours bien riche. Celui-là même qui déclare avoir comme principale passion la politique est depuis son jeune âge militant actif dans les associations des scolaires et plus tard animateur de la Révolution démocratique et populaire à l’Université de Ouagadougou. Invité de la rédaction de Sidwaya, lundi 15 février 2010, il s’est prêté aux questions des journalistes de Sidwaya pendant plus de trois heures d’horloge. “Je me sens mal à l’aise pour analyser cette affaire”, a-t-il dit par rapport à la démission de Jérôme Bougouma du gouvernement. Lassané Savadogo souligne également que les inondations du 1er septembre ont permis de savoir que les Burkinabè sont très solidaires.Aussi, dit-il, “on ne doit pas focaliser les débats sur l’article 37”.

Pour ce juriste ayant participé à la rédaction de la constitution “il faut travailler plus à un meilleur équilibre dans la répartition du pouvoir”. D’autres questions telles que l’organisation des concours, l’absence de commissions d’enquêtes parlementaires, le Gabon, la réforme de l’ONU, les Etats-Unis, le Tchad, la Côte d’Ivoire... sont abordées dans cette interview. Sur la crise ivoirienne, Lassané Savadogo soutient ceci : “Laurent Gbagbo devrait comprendre qu’il n’est pas un président qui possède l’ensemble des prérogatives que confère la constitution ivoirienne”.

Sidwaya (S.) : Qui est Lassané Savadogo ?

Lassané Savadogo (L.S.) : Je voudrais tout d’abord vous remercier pour cet honneur que vous faites à ma modeste personne en me désignant comme votre invité du mois. “L’invité de la rédaction” est une rubrique que j’ai appris à découvrir et à apprécier à sa juste valeur. Je connais également les différentes personnalités qui sont passées à cette rubrique. Et savoir que mon nom s’associera à ceux de mes illustres prédécesseurs pour l’animation de cette rubrique me va droit au cœur. Pour en venir à votre question, j’avoue que je n’aime pas parler de moi-même.

A vrai dire, je ne sais pas si cela tient à la timidité, à une forme d’humilité ou à autre chose. Dans la mesure du possible, j’essayerai de le faire. Je m’appelle Lassané Savadogo et contrairement à la plupart de ceux qui portent ce prénom, je ne suis pas jumeau. Je suis né en 1959 dans un village qui s’appelle Saye, situé à une vingtaine de kilomètres de Gourcy, chef-lieu de la province du Zondoma. J’y ai fait mon école primaire à partir de 1965.

Je suis venu par la suite à Ouagadougou pour mes études secondaires : au lycée municipal pour le premier cycle et le second cycle au lycée Philippe-Zinda-Kaboré. J’ai obtenu mon baccalauréat série B avec la mention assez bien. J’ai poursuivi mes études à Ouagadougou à l’Ecole supérieure de droit créée avec l’aide de la Belgique. Après ma maîtrise, j’ai fait un troisième cycle couronné par une soutenance de thèse de doctorat unique sur le thème suivant :”L’idée régionale en Afrique de l’Ouest : de l’intégration des Etats à l’intégration des organisations”. Cette thèse m’a permis de publier un ouvrage portant le même titre.

J’ai commencé ma vie professionnelle en tant qu’enseignant chercheur à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (ENAM). J’ai eu l’opportunité de contribuer à la formation de nombreux cadres de ce pays et de la sous-région.

De l’ENAM, j’ai été appelé au Premier ministère comme chef du département, chargé de missions pour les affaires politiques et juridiques. J’ai occupé ce poste pendant près de six ans. Après cela, j’ai été nommé secrétaire général du Premier ministère, pendant deux ans. Je me suis, par la suite, retrouvé au gouvernement comme ministre de la Fonction publique et de la Réforme de l’Etat. J’ai quitté le gouvernement en 2007 pour l’Assemblée nationale où j’ai été élu député du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP).

A l’hémicycle, j’ai été désigné pour être parmi les cinq parlementaires qui représentent le Burkina Faso au Parlement panafricain dont le siège se trouve à Midrand, une ville située à côté de Johannesburg en Afrique du Sud. Là-bas, j’ai été élu président du groupe parlementaire de l’Afrique de l’Ouest, l’un des groupes les plus influents et respectés du Parlement panafricain.

En ce qui concerne l’engagement politique, après ma famille, les amis, ma principale passion est la politique. Je me suis toujours retrouvé au centre des engagements politiques depuis le lycée où j’ai évolué dans le cadre de l’Association des scolaires de Ouagadougou (ASO).

A Bobo-Dioulasso, il y avait l’Association des scolaires de Bobo (ASB), avec des noyaux à Koudougou et à Ouahigouya. A l’époque, le tissu scolaire n’était pas celui d’aujourd’hui. J’ai milité très activement dans ces cadres. Je me rappelle qu’il y eût une année où nous avons choisi de boycotter le 11-Décembre que nous assimilions à l’époque à la commémoration du néocolonialisme dans notre pays. Nous avons donc lancé le mot d’ordre de boycott qui a été d’ailleurs très bien suivi. Par la suite, je me suis retrouvé à l’université.

A cette époque, il y avait deux grandes associations sur le campus. Il s’agissait de l’Association des étudiants voltaïques à Ouagadougou (AEVO) qui était affiliée à l’UGEV et le mouvement du 21 juin. Ce dernier mouvement est né suite à une crise politique au sein de l’UGEV section France. Cette crise a conduit à une scission au sein de l’UGEV avec la naissance d’un autre mouvement appelé dans un premier temps AEVO M21. J’ai été le premier responsable de cette structure sur le campus à l’université de Ouagadougou.

Après le 4 août 1983, je me suis retrouvé être l’un des animateurs de cette révolution démocratique et populaire sur le campus universitaire. Les réunions se tenaient chez moi à Zogona. Au début, c’était une affaire de quatre ou cinq personnes, mais au bout de quelques temps, c’était devenu tout un monde. Chacune de nos réunions drainait une marée humaine. A l’époque, le campus était barricadé comme une caserne parce que l’AEVO était vraiment une force sur le terrain. Il fallait donc se préparer hors du campus pour pouvoir y pénétrer en toute sécurité. C’est pourquoi nous avons créé le rapport de force hors de l’université.

C’est ainsi que nous avons pu tenir notre première assemblée générale au restaurant universitaire qui était bondé de monde sous la présidence du Camarade Pierre OUEDRAOGO, alors secrétaire général des CDR. En ce moment, l’AEVO a su qu’elle ne pouvait pas affronter un tel mouvement. C’est ainsi que s’est imposé notre mouvement aussi bien au campus de Ouagadougou que dans d’autres universités hors du Burkina. Par la suite, les vicissitudes de ma vie estudiantine m’ont conduit à me retrouver ailleurs.

En outre, j’ai eu l’opportunité, dans une époque récente, de participer de manière active à l’écriture de certaines pages de notre histoire récente. Au niveau de la Commission constitutionnelle, j’ai été l’un des acteurs du débat constitutionnel concernant l’écriture de la Constitution. J’ai été aussi le premier président du conseil d’administration du Service national pour le développement (SND). J’ai été aussi membre du conseil d’administration de la LONAB pendant plusieurs années.

S. : L’actualité nationale est dominée actuellement par la démission du ministre Jérôme Bougouma, comment avez-vous accueilli cette démission et quelle est l’analyse que vous en faites ?

L.S. : Vous m’excuserez de ne pouvoir répondre à cette question au regard de deux aspects. D’abord, sur le plan personnel. Beaucoup de gens ne le savent pas, mais j’entretiens des relations depuis une époque lointaine avec le ministre Bougouma. Depuis pratiquement notre enfance, on se connaît, nous habitions tous le quartier où se trouve l’actuelle cité des 1200 logements.

En ce temps c’était une zone non-lotie. Ces relations ont été maintenues et renforcées au fil du temps. Je ne considère pas Jérôme Bougouma comme un ami, mais comme un petit frère et lui me considère comme un grand frère. Vous comprenez naturellement que j’ai été attristé par ce qui s’est passé. Il a du affronter une épreuve difficile. Dans un tel cas de figure, je ne me pose pas de questions parce que ce n’est plus la raison qui agit mais le cœur. J’ai été touché au fond de moi-même par ce problème car je sais qu’il en souffre...

Maintenant sur le plan de la gestion de l’Etat, je dis que cela pose des questions de morale. Je suis gêné quand on mène un débat sur la morale dans le cadre de la république. Vous comprenez que dès que vous engagez un tel débat, à un moment ou à un autre, vous risquez de tomber sur le terrain de la religion.

La morale est souvent sous-tendue par des valeurs qui tirent leurs origines de nos convictions religieuses. or la république par définition, c’est la laïcité. Cette laïcité n’est pas le rejet des religions mais la neutralité de l’Etat par rapport aux religions en particulier. C’est donc malaisé de mener un débat sur la question dans le cadre de la république. De ce point de vue, je me sens mal à l’aise pour analyser ce problème.

Quand il s’agit des questions qui sont encadrées par le droit, les choses sont suffisamment claires. En tant que citoyen vous connaissez vos obligations et vos droits. Quand vous transgressez vos obligations, vous savez ce à quoi vous vous exposez. Mais quand il s’agit de la morale, il est difficile de trancher les choses de façon objective. Lorsque pour certaines questions nous éprouvons des difficultés, nous avons tendance à nous reporter à l’expérience des pays qui nous ont précédés dans la construction de la démocratie.

Voyez aussi ce qui se passe dans ces pays en ce qui concerne la question des mœurs, de la morale et de l’éthique. Sur le problème du ministre Bougouma, si on arrive à nous situer clairement par rapport aux différents éléments constitutifs, je peux émettre un avis objectif. Mais en ce qui concerne les éléments qui se rapportent à la morale, je ne peux me prononcer car je suis un républicain, convaincu et fier de l’être. La république c’est l’acceptation de toutes les valeurs morales qui existent au sein de la société et le refus qu’on impose ces valeurs à toute la société en dehors de celle dont la violation constitue une infraction.

S. : Selon le niveau de vos relations, vous deviez être l’un des rares, voire le premier à apprendre sa décision de démission. Vous ne pouvez donc pas être surpris !

L.S. : Non, j’ai circonscrit mes relations avec le ministre Bougouma en vous précisant qu’il est pour moi un frère. Mais démissionner d’un gouvernement n’est pas une question sentimentale. C’est une question politique.

S. : Quelles peuvent être les causes qui ont conduit Jérôme Bougouma à démissionner Est-ce qu’il y a une sorte de règlement intérieur au niveau du gouvernement, voire une sorte de code de bonne conduite qui définit les limites à ne pas franchir ?

L.S. : Non, rien de tout ça. Il n’existe ni un règlement intérieur ni un code de bonne conduite en dehors de quelques dispositions qui sont contenues dans la constitution. C’est à partir de la façon dont vous analysez votre environnement et de la réaction du citoyen par rapport à votre comportement, que vous vous dites je peux faire ceci, je ne peux pas faire cela. Tout dépend de la façon dont chacun a conçu son rôle et sa mission dans le cadre de l’exercice de ses fonctions.

S. : La presse a joué un grand rôle dans cette affaire, comment vous appréciez cet aspect des choses ?

L.S. : Nous sommes dans un monde où rien ne peut se cacher, qu’on le veuille ou pas. Quand vous observez la façon dont le monde est en train d’évoluer, nous devons savoir que nous ne pouvons plus rien cacher aux yeux de l’opinion. Ce que nous faisons la nuit, nous devons être à mesure de le faire le jour. Je ne peux pas en vouloir à un journal, même si c’était moi qui étais mis en cause, d’avoir écrit sur un sujet qu’il trouve intéressant conformément à sa ligne éditoriale. La république, c’est aussi le droit d’opinion et la liberté d’expression conformément aux lois en vigueur

S. : Vous avez dit qu’il est difficile d’émettre un avis sur la question. Mais si vous étiez à sa place, qu’auriez-vous fait ?

L.S. : Je pense que les intérêts personnels doivent être subordonnés aux intérêts supérieurs. Si ta personne peut représenter un obstacle pour la bonne image d’un ensemble, il faut créer les conditions pour cesser d’être cet obstacle. De ce point de vue, je pense que c’est un mérite qu’il faut reconnaître au ministre Jérôme Bougouma qui a proposé sa démission au gouvernement.

S. : Cette démission qui est une première marque-t-elle le début d’une ère d’intolérance de certains types de comportements au sein du gouvernement ?

L.S. : Il faut d’abord dire que le ministre Jérôme Bougouma a proposé sa démission, il n’a pas démissionné. Il revient au Premier ministre et au président du Faso d’accepter ou de rejeter la proposition. Une proposition est définitive si elle est acceptée. Je ne voudrais pas anticiper sur l’issue d’un débat qui n’est pas encore épuisé.

Maintenant le problème que vous posez est autre chose. C’est pourquoi je vous ai dit au début que je me méfie des débats sur la morale et les mœurs dans le cadre de la république. On ne sait pas jusqu’où ce débat peut vous conduire. Je suis partisan d’une république qui fonctionne en respectant un minimum convenu de règles morales, consacrée par le droit, mais je ne suis pas pour une république morale tous azimuts.

Parlant de vie privée et de vie publique, dites-moi où elles commencent et où elles se terminent. Parler par exemple de malversations commises par un responsable, ce n’est pas mener un débat moral mais juridique. Il y a en ce moment des actions qui peuvent être entreprises au niveau de l’administration et de la justice pour la recherche de la vérité.

Si vous continuez à occuper vos fonctions, cela peut constituer un obstacle à la manifestation de la vérité. Quand vous assumez certaines fonctions, vous êtes couvert par une certaine immunité qui entrave l’action de l’administration et de la justice. En ce moment la personne mise en cause doit rendre le tablier et se mettre à la disposition de la justice. Là c’est suffisamment clair.

Mais pour les autres cas du genre telle personne a eu des relations adultérines avec telle autre personne, c’est différent. Je ne sais pas où commence le débat, où finit-il ? Quand j’engage un débat, je suis de nature à chercher à savoir là où il peut me mener. Cela me permet de déterminer ce qui est acceptable et supportable et ce qui ne l’est pas. Mais si des gens pensent que ce sujet constitue pour eux du pain béni parce que c’est un ministre ou un militant du parti majoritaire qui est en cause et qu’il faut enfoncer le clou, intellectuellement ce n’est pas honnête et on ne sait jamais ! vous pouvez tenir des propos aujourd’hui qui vont vous condamner demain. Soyons humble, modeste et admettons que nous ne sommes que de pauvres humains victimes de l’attraction universelle.

S. : Le 1er septembre, une pluie de 263 mm a inondé la ville de Ouagadougou et provoqué beaucoup de désagréments. Comment avez-vous vécu l’élan de solidarité nationale et internationale au profit des sinistrés ?

L.S. : J’ai été une des victimes des pluies diluviennes du 1er septembre. J’ai bénéficié de cet élan de solidarité. Ce jour-là, il y avait plus de 1,5 m d’eau dans ma cour. Les événements du 1er septembre m’ont rappelé la nécessité d’avoir de très bons rapports avec ses voisins. Je ne pouvais pas imaginer un seul instant que certaines personnes peuvent être à mesure de faire preuve d’une telle générosité.

En toute franchise, nous avons un peuple magnifique. En dépit de tous les dérapages et insuffisances, il faut reconnaître que les Burkinabè sont solidaires. Cet élan de solidarité a également été perçu au plan national. Suite à l’appel à la mobilisation lancé par le président du Faso en faveur des sinistrés, les citoyens ont réagi avec promptitude dans un élan naturel parce que cela fait partie de leur culture. Ce sont à mon avis des valeurs positives à sauver et à transmettre aux générations futures.

S. : Quelles sont les leçons à tirer des inondations ?

L.S. : Il y a certes, des leçons à tirer mais quand vous commencez à tirer ces leçons, il arrive que l’on oublie qu’on est dans un pays qui souffre des affres du sous-développement et de la pauvreté. La plupart des maisons qui sont tombées ont été construites avec du matériau précaire. Même dans les quartiers où les inondations ont atteint une grande ampleur, les maisons à base de matériaux définitifs ont résisté. Le problème de l’inondation est tout d’abord une question de pauvreté, pauvreté au niveau des ménages et pauvreté au niveau de l’Etat. Il se pose un problème d’évacuation des eaux pluviales dans nos quartiers. Tout le monde connaît la solution : construction de caniveaux et des voies de drainage.

Mais le problème se pose en terme de moyens. Combien coûte la construction d’un mètre de caniveau ? Si vous voulez avoir les moyens de construction des caniveaux avant de bitumer les voies, vous risquez de ne pouvoir faire ni l’un ni l’autre. Je sais qu’il existe d’autres causes, mais les principales causes sont liées à la pauvreté. Tant que nous n’allons pas trouver les voies et moyens pour lutter efficacement contre la pauvreté, nous serons toujours impuissants pour faire face à ce genre de calamités naturelles.

S. : Des voies se lèvent de plus en plus pour critiquer la procédure de désignation des entreprises attributaires des marchés publics. La désignation des entreprises se fait plus sur la base d’une appartenance à des cercles ou clans proches du pouvoir ou au pouvoir ?

L.S. : L’attribution des marchés relève des questions qui sont encadrées par le droit. La procédure de passation des marchés est codifiée par un décret. Ce décret a été adopté en conseil des ministres et publié au journal officiel du Faso. Toutes les attributions de marché se font sur la base de ce texte. Si un citoyen considère être victime d’une injustice sur la base de l’attribution d’un marché public, il peut saisir un juge. Il faut éviter de verser dans la critique facile.

De plus en plus, lors des examens ou concours, vous entendez des candidats justifier leur échec non pas leur non préparation ou mauvaise préparation mais par le fait qu’ils n’ont pas quelqu’un de haut placé pour défendre leur dossier. Ne tombons pas dans le piège des arguments faciles pour justifier nos limites quand bien même on ne peut nier de façon absolue qu’il peut exister des fraudes au système.

S. : Pensez-vous objectivement que certaines entreprises qui se sont illustrées par l’effondrement de leurs constructions aient des capacités requises pour réaliser des travaux d’envergure comme la construction de ponts ?

L.S. : Tous les ouvrages publics doivent être réceptionnés avant d’intégrer le patrimoine public de l’Etat. Il y a une réception provisoire et une réception définitive. Et l’acte de réception engage la responsabilité de l’autorité administrative chargée de l’accomplir. Si vous savez que tel ouvrage n’a pas été exécuté conformément aux normes techniques contenues dans le dossier technique, vous avez l’obligation de ne pas accepter de le réceptionner. Si vous acceptez, vous savez à quoi vous vous exposez. Cette question également est régie par le droit. Par conséquent, nous avons une possibilité de lui trouver une solution en restant dans le cadre juridique.

S. : Le rang du Burkina dans le classement du PNUD sur le développement durable n’est pas honorable encore en 2009. Que dites-vous sur l’évolution du Burkina Faso ?

L.S. : Je suis né dans un village et mes parents étaient cultivateurs. Je connais la réalité vécue par la plupart des Burkinabè. Notre pays avance. Sortez hors du Burkina et discutez avec les gens. Beaucoup vous diront diront qu’en Afrique, le Burkina Faso se trouve dans le groupe de pays où il y a un espoir de développement. Il ne faut pas qu’on s’autoflagèle. Je ne suis pas de ceux qui disent que tout est noir. Il faut savoir cependant identifier nos faiblesses et nos insuffisances et travailler constamment à les corriger.

Il ne faut pas que nous nous laissions instrumentaliser à tel point que nos priorités soient décidées par d’autres personnes que par nous-mêmes. Il ne faut pas que des gens à partir de Paris ou Washington décident de ce que le Burkina doit faire ou de ce qu’il ne doit pas faire. Nous devons exercer pleinement notre souveraineté en fonction de nos orientations et de nos priorités. Ne nous laissons pas distraire par des faux débats. Prenez la question du genre par exemple. Voilà un vrai problème auquel on apporte de fausses solutions. Sur cette question, on nous impose des solutions émanant d’autres sociétés sous le prétexte qu’on veut résoudre le problème de la femme.

Il y a un fond idéologique derrière ce débat. C’est faire croire aux gens que dans le contexte d’un pays comme le Burkina Faso il y a une contradiction principale qui est celle qui oppose l’homme et la femme. C’est l’application de la lutte des classes sur le plan sexuel. Karl Marx opposait la classe ouvrière, à la bourgeoisie. Nos idéologues du genre opposent l’homme à la femme ou la femme à l’homme. Et il faut qu’une lutte à mort soit engagée par la femme contre l’homme qui est son oppresseur. Où est-ce qu’un tel débat peut nous conduire ?

Les sociétés “rassasiées” qui ont perdu les éléments basiques de leur orientation sociale inventent ce genre de débats qui, a priori, ne nous concernent pas. Si nous nous engageons dans cette voie, nous courons vers notre perte. Nous, nous avons des Etats fragiles qui ne sont pas capables de résister aux lobbies financés par l’Occident. C’est ainsi qu’un débat périphérique en Occident devient un débat central dans nos Etats. Si on n’y prend garde, on va désorganiser nos pays, nos sociétés, détruire des familles et nous n’aurons que nos yeux pour pleurer par la suite.

S. : Au regard des conditions des femmes sur le terrain, pensez-vous réellement que le débat sur le genre est périphérique au Burkina Faso ?

L.S. : le constat que je fais est que la souveraineté des Etats faibles est aussi menacée aujourd’hui par des lobbies économiques et sociaux d’ailleurs que par d’autres Etats plus puissants. C’est un véritable recul. J’ai dit périphérique en Occident et non au Burkina Faso.

Ce qui est périphérique en Occident, si on l’amène ici avec les moyens qu’on engage, il devient central, fondamental, il s’installe au cœur des débats. Aussi, je ne confonds pas l’amélioration des conditions de la femme et le débat mené dans certains milieux sur le genre. Je suis un adepte convaincu de l’amélioration des conditions de la femme. Il n’y a aucune distinction entre l’homme et la femme sur le champ de la citoyenneté. S’il y a une différence, c’est la compétence.

Quand une femme est compétente pour exécuter une mission, il n’y a pas de raison qu’on la marginalise parce qu’elle est femme. Mais je ne veux pas non plus, qu’à travers une prétendue promotion de la femme (tout comme la promotion de l’homme), on prenne des décisions qui ne reposent pas sur le mérite. Ce n’est pas de la discrimination positive dont il s’agit.

Il y a des secteurs comme l’enseignement où la discrimination positive produit de bons résultats. Je pense qu’à ce niveau les choses sont en train d’évoluer depuis de nombreuses années. On va arriver à créer une masse critique de compétences féminines. Et à partir de ce moment, le débat ne va plus se poser à mon sens. Je ne suis pas misogyne ou anti-féministe car cela n’aurait pas de sens. Comment quelqu’un peut-il être contre son épouse, sa sœur, sa fille ou sa mère ? Je ne peux pas imaginer un seul instant qu’on puisse comprendre les choses de cette façon. J’insiste sur le fait que la question du genre est un vrai débat qui est mal mené dans certains milieux et auquel on apporte de mauvaises solutions à certains moments.

Je pense qu’il faut promouvoir la femme et éradiquer toutes les formes de discrimination dont elle est l’objet. Ces discriminations existent, tout le monde en convient et elles constituent de véritables boulets pour la promotion de la femme. Ce que je ne partage pas, c’est ce que j’appellerais « lutte des sexes » sous tendues à des connotations politiques et idéologiques. C’est une conception destructrice.

S. : Vous êtes du parti majoritaire CDP qui célèbre ses 14 ans cette année. Quelle est votre appréciation du fonctionnement de ce mégaparti comme on le dit ?

L.S. : Sur cette question, je préfère retourner aux origines du parti. Le CDP c’était d’abord l’ODP/MT. Avant l’ODP/MT, c’était le Front populaire composé d’associations et de regroupements politiques, tout comme le CNR sous le président Thomas Sankara. C’étaient des anciens communistes évoluant dans des organisations communistes. Sous le CNR, c’était principalement le PAI (Parti africain de l’indépendance) avec une association qu’on appelle la LIPAD. C’étaient l’ULC 1 (Union des luttes communistes), le GCB (Groupe des communistes burkinabè) et plus tard UCB (Union des Communistes du Burkina).

Certains de ces groupes ont crée l’ODP/MT qui deviendra plus tard le CDP Je fais ce rappel historique, parce qu’il faut connaître les origines pour ne pas être surpris par les comportements des uns et des autres. Moi j’assume pleinement ce que j’ai été et je peux émettre une autocritique par rapport à des erreurs que j’ai eu à commettre dans le passé.

J’assume entièrement mon passé. Nous sommes des anciens communistes, et nous sommes formatés pour fonctionner d’une certaine façon. Nous avons dû faire des efforts énormes pour nous adapter au monde qui a évolué et qui évolue.

Dire qu’il ya beaucoup d’anciens communistes dans le CDP, c’est comme dire qu’il y a beaucoup de militaires dans l’armée. Et je pense que de ce point de vue, il y a eu des efforts importants qui ont été faits au niveau du parti dans le but de sa modernisation. A l’endroit de ceux qui ne le savent pas, il n’y a pas de parti aussi bien organisé, aussi bien structuré, aussi bien rationalisé dans son fonctionnement que le CDP. J’admire les efforts qui ont été fournis pour ancrer ce parti dans notre paysage national et dans notre démocratie. Tout n’est peut-être pas parfait, mais nous nous améliorons constamment pour être à la hauteur des aspiration de notre peuple.

S. : Un dinosaure du CDP, en la personne de Salif Diallo avait été suspendu du parti. Comment avez-vous vécu cette situation ?

L.S. : Salif Diallo est un camarade. Nous sommes aussi de la même région. Moi je suis du Zondoma, lui, il est du Yatenga. C’est la région du Nord. En outre, nous nous connaissons depuis l’Université. Et on s’estimait depuis ce temps. Nous avons suivi des itinéraires politiques différents pour nous retrouver là où nous sommes tous actuellement. J’ai vécu de près ce qui est arrivé à Salif Diallo. Je n’ai pas grand-chose à dire, parce que tout a pratiquement déjà été dit. Ce qui importe, c’est que nous nous sommes battus pour que l’affaire de Salif Diallo soit gérée autrement, et je pense que les choses ont évolué dans la bonne direction.

S. : Comment voyez-vous l’avenir de Salif Diallo au sein du CDP ?

L.S. : Ne serait-il pas mieux de poser cette question à Salif lui-même ? (rire). J’ai discuté avec Salif, je pense que vous pouvez faire pareil. Il a toujours dit : “je suis CDP, je demeure CDP”. Le CDP n’est pas uniquement un cadre politique. C’est plus fort que cela

S. : Comment avez-vous vécu la réaction de Naaba Kiiba suite à la suspension de Salif Diallo ?

L. S. : A vrai dire, je n’ai pas suivi la déclaration de Naaba Kiiba. J’en ai entendu parler. J’ai lu également la réaction de certains internautes. Mais je me suis demandé si on ne faisait pas un procès d’intention au Naaba Kiiba. Je ne pense pas qu’il ait eu à le dire, ou alors on n’a pas compris ce qu’il a voulu dire. Je connais Naaba Kiiba personnellement. C’est un homme très direct, humble, très sage, courageux. Il y a des choses qu’on lui reproche qui ne correspondent pas à la réalité. Il existe une relation quasi filiale entre lui et Salif. Je suis surpris des propos qu’on lui attribue, parce que ça ne lui ressemble pas du tout. En tout état de cause, on ne peut analyser correctement une prise de position de quel que nature que ce soit sans tenir compte du contexte et de l’environnement psychologique.

S. : Le fait d’être trop présent aux cérémonies ne va-t-il pas ternir l’image de marque de la chefferie et du Naaba Kiiba ?

L. S. : Je ne le pense pas. Le contexte a changé. Dans le temps, le chef s’asseyait, et tout venait à lui. Maintenant, les gens ne se sentent plus obligés d’aller vers le chef. Ainsi, le chef se doit de trouver d’autres espaces pour justifier son existence. De plus en plus, on voit que des villages peuvent rester 5 ans, voire 10 ans sans chef. Avant, quand le chef n’est pas là, on sent un vide, mais actuellement le vide est occupé par l’administration.

Les mentalités évoluent. Dans un contexte républicain, aucune position privilégiée n’est acquise de définitive. Si vous fondez la légitimité uniquement sur la tradition, il n’y a pas de problème. Mais si vous la fondez uniquement sur la coutume et la tradition, du moment où vous n’aviez plus les leviers que vous aviez de part le passé, comment allez-vous pouvoir alimenter ce système ? Le royaume du Yatenga était organisé comme un Etat qui avait ses propres ressources pour son fonctionnement. Chacun devait apporter quelque chose pour faire fonctionner cet Etat là. Aujourd’hui, la situation a évolué.

L’analyse de l’organisation politique de notre pays fait apparaître deux ordres structurés. D’un côté il y a l’odre de l’Etat post colonial qui est codifié et qui a vocation à être le detenteur unique de la souveraineté nationale. De l’autre côté il y a l’ordre des pouvoir coutumiers qui ont une existence de fait. Il n’est pas codifié et ne dispose dans le cadre de la république d’aucune compétence reconnue en tant que tel.

Il existe une lutte sourde entre ces deux ordres et cela est perceptible dans tous les domaines. Au lieu de critiquer, nous devons nous atteler à travers une nouvelle forme d’identité à cette institution qu’est la chefferie traditionnelle. C’est cela la problématique, et c’est pourquoi je dis que nous avons de vrais problèmes dans ce pays, nous avons de vrais sujets de débats. Il ne faut pas qu’on se laisse distraire par d’autres sujets de débats qui ne font même pas partie en réalité de l’agenda de nos priorités.

S. : Vous avez été au centre d’une polémique, entre deux clans, notamment celui de Salif Diallo et de Tahéré Ouédraogo. Quelle a été l’origine de ce conflit entre les deux camarades du CDP ?

L.S. : La façon dont vous présentez les choses ne correspond pas à la réalité. Ni Salif ni Tahéré ne constitue un clan. Je ne suis pas un « claniste » non plus. Des mésententes au sein de partis politiques se constatent dans toutes les provinces de notre pays.

Seulement au Yatenga, nous avons nos particularités. Nous sommes naturellement passionnés. Nous avons tendance à dire tout haut ce que d’autres disent tout bas. Nous vivons notre liberté quand nous parlons. Nous ne savons pas nous réserver. Nous sommes francs lorsque nous nous exprimons.

Quand nous devons parler, nous le disons une fois et c’est fini. Donc sur le plan politique, c’est ce qui s’est passé. En ce qui me concerne et pour ce que je sais, le problème est né à l’occasion de la mise en place des structures du parti dans la province. Comme vous le savez, au niveau du parti, les moyens dont nous disposons actuellement ne nous permettent pas d’organiser de véritables élections pour désigner les représentants dans nos structures. Donc c’est par la cooptation dans le consensus que nous le faisons. Si le consensus devient impossible, il se crée un blocage. Le débat est parti de là, et par la suite, a pris d’autres dimensions. Je n’accorde pas à cette question plus d’importance qu’elle ne mérite.

S. : Que devient le festival Rudsi du Zondoma ?

L.S. : Une première édition a été organisée, mais compte tenu des difficultés politiques que la province a eu à connaître, ce festival a été suspendu. Mais les conditions ayant évolué, nous travaillons pour le réveiller. Il y a cependant d’autres initiatives qui ont été développées dans le sens de la promotion de la culture. Lors du Ramadan passé, nous avons par exemple organisé une course de motos et un défilé de mode et cela a été vraiment très apprécié par les populations.

S. : Au niveau politique national, il se mène actuellement un débat sur l’article 37. Quelle est votre position vis-à-vis d’une révision de la Constitution ?

L.S. : J’ai été un acteur du processus qui a conduit à la Constitution de la IVe république. J’ai participé activement à l’écriture article par article de cette Constitution. Je suis donc à l’aise quand je parle de cette Constitution. Notre Constitution actuelle est un compromis transitoire et provisoire. Elle a été rédigée à un moment où notre pays sortait de l’ère d’Etat d’exception.

Au même moment, dans les pays voisins, on était dans une situation de surenchère politique entre l’ordre ancien qui déclinait, et un ordre nouveau qui avait des difficultés pour naître ; chacun était tenté de trouver des solutions adaptées à ses réalités. C’est dans ce contexte qu’il y a eu le phénomène de la conférence nationale qui s’est tenue au Bénin et qui s’est répandue comme une épidémie dans les différents pays francophones. On était donc dans un climat sous-régional marqué par une ébullition au plan social et politique. La chance du Burkina Faso est qu’il a senti venir cette évolution avant les autres pays.

L’autre particularité de notre pays pendant cette époque est que le pouvoir a vu venir avant l’opposition. Et on a enclenché le processus de l’instauration de l’Etat de droit et cela a donné lieu à la mise en place d’une commission constitutionnelle regroupant toutes les sensibilités politiques et sociales qui existaient dans notre pays.

C’est après que la constitution ait été adoptée que des voix ont commencé à s’élever pour réclamer la tenue d’une conférence nationale au Burkina Faso. Alors que si la conférence nationale devait se tenir, cela devait se faire avant l’adoption de la Constitution. Un tel débat ne pouvait donc pas prospérer au Burkina Faso. Pour revenir à la constitution, Il fallait donc trouver un système qui permet de faire un compromis entre les différents protagonistes .

Ce faisant, si vous lisez la Constitution, vous verrez qu’à certains moments, on a codifié des pratiques qui existaient au temps de l’Etat d’exception. La conception de certains pouvoirs a été influencée par la conception que nous avions de ces pouvoirs là dans le cadre des institutions de la Révolution. La culture même qui est à la base de la constitution est imprimée dans une grande mesure par la culture de ceux qui l’ont conçue. Le Président du Faso nous a appelés à des réformes politiques démocratiques.

Dans ce cadre, je pense également que nous devons réviser la Constitution en ayant en vue les défis nouveaux auxquels notre pays est confronté en matière de construction de la démocratie. Une telle relecture de la Constitution doit conduire à un meilleur agencement des pouvoirs, entre les pouvoirs et au sein des pouvoirs.

Il faut aussi introduire des dispositions qui permettent qu’il y ait une déconnexion possible entre le président du Faso et le gouvernement. Actuellement, selon la Constitution, le président du Faso détermine la politique nationale, et le chef du gouvernement est chargé de sa mise en œuvre. Supposons qu’aux prochaines élections législatives, un parti autre que le CDP sorte majoritaire.

Le président du Faso demeure le Président du Faso, mais au niveau de l’Assemblée, c’est un autre parti qui y est majoritaire. Pensez-vous que si le Président doit choisir un Premier ministre qui n’est pas de sa majorité présidentielle, ce Premier ministre acceptera que le Président détermine la politique dont lui, va se charger de la mise en œuvre ? Ça ne marchera pas ! Cela va engendrer un conflit constitutionnel grave. Il faut dans le cadre d’une révision de la Constitution, revoir la possibilité d’une déconnexion du président du Faso avec le Premier ministre et le gouvernement.

Il faut également renforcer le rôle de l’Assemblée nationale dans ses rapports avec le gouvernement. Il faut que le rôle de contrôle de l’Assemblée nationale sur le gouvernement soit renforcé. Les modalités pour ce renforcement sont nombreuses.

On peut penser que le Premier ministre choisi par le président du Faso, soit investi par l’Assemblée nationale de sorte à créer des liens forts entre le gouvernement et l’Assemblée nationale. Egalement, au niveau de l’Assemblée nationale, il faut un équilibre interne. Je suis partisan de la création d’une deuxième chambre qu’on pourrait appeler Senat.

Le format de ce Senat sera fait de sorte à limiter les charges sur le budget national. D’importantes réformes s’imposent également dans le domaine de la justice. Tout le monde sait que le président du Faso incarne le pouvoir exécutif, le président de l’Assemblée nationale le pouvoir législatif.

Mais lorsqu’on parle du pouvoir judiciaire, on commence à se poser des questions. D’aucuns diront que c’est le président du Conseil constitutionnel, qui représente le pouvoir judiciaire. Or, ce dernier, de par ses attributions, n’est pas représentatif du pouvoir judiciaire, dans sa globalité. Dans le cadre de la relecture de la Constitution, ce sont des questions qu’il faut aborder et envisager des solutions à y apporter.

Donc, il ne faut pas focaliser les débats sur l’article 37. Il y a des questions plus importantes qu’une relecture de la Constitution devait permettre de résoudre. Il ne suffit pas non plus d’instituer un régime parlementaire. Parler de régime parlementaire au Burkina Faso revient à faire du président du Faso une reine d’Angleterre sans couronne et sans le prestige historique et moral.

On évacue l’intérêt de l’alternance et du même coup, celui de la présidence, qui devient un objet d’adoration dépourvu de pouvoir réel. Un tel modèle peut-il du reste fonctionner au Burkina Faso ? En Afrique, il n’y a que quelques rares pays qui pratiquent le régime parlementaire : l’Ile Maurice qui le fait sur le modèle quasi parfait (anglais) et dans une certaine mesure l’Ethiopie qui est un cas spécifique.

La plupart des pays anglophones étaient parlementaires. Au Burkina Faso, les premières constitutions se sont inspirées du système parlementaire. Par la suite, les gens se sont rendus compte que ce système est difficilement acclimatable dans nos pays. Un chef qui n’a pas de pouvoir cesse d’être un chef.

S. : Vous êtes pour ou contre la révision de l’article 37.

L.S. : Je ne focalise pas le débat sur l’article 37. Je pense qu’il faut travailler à un meilleur équilibre dans la répartition du pouvoir ; au niveau national, au niveau local. Il faut donner un contenu constitutionnel et des moyens nécessaires à la conduite des politiques de développement local. Il faut également équilibrer à l’intérieur du pouvoir.

Je ne souhaite pas qu’on noie le débat sur l’approfondissement de notre processus constitutionnel dans l’article 37. Ce n’est pas la question la plus importante. Il faut engager le débat sur les réformes, s’engager et rechercher un consensus large sur toutes les questions. Je suis juriste et je sais que les questions de forme sont aussi importantes que les questions de fond.

S. : 29 partis politiques se sont déclarés être de l’opposition. Quelle est votre lecture de la composition du paysage politique dans notre pays ?

L.S. : C’est une question de conception politique. Pour certains, dans un système démocratique, la majorité gouverne, et l’opposition s’oppose. Pour d’autres, l’élection permet au peuple de marquer sa préférence pour un homme ou une formation politique. Mais par la suite, le gouvernement doit dans la mesure du possible, prendre en compte l’ensemble des énergies sociales et politiques du pays. C’est une question qui relève plus de la pratique que de la doctrine politique.

La loi sur la base de laquelle l’opposition est en train de se structurer vient de l’Assemblée nationale. Pour dire la vérité, à l’origine c’est le CDP qui a créé une commission ad hoc dirigée par Simon Compaoré avec pour mission de réfléchir sur plusieurs sujets dont les langues nationales, l’éducation, la communication, le genre, le financement des partis politiques et le statut de l’opposition.

Par la suite, nous nous sommes attelés à mettre en place des commissions ad hoc au sein de l’Assemblée nationale en prenant en compte l’ensemble des partis représentés à l’hémicycle. Nous avons travaillé à rechercher le consensus, rien a été imposé à personne. Nous avons voulu clarifier le statut du chef de file de l’opposition, pour permettre à notre processus démocratique d’être crédible. Nous n’avons ni voulu faire plaisir ni faire mal à qui que ce soit. Aujourd’hui, nous savons qui est parti de l’opposition et qui est chef de file de l’opposition.

Lorsqu’on est un parti au pouvoir comme le CDP, on a une double responsabilité : travailler à conserver le pouvoir (ce qui est naturel) et travailler au renforcement du processus démocratique. Le CDP travaille sur les deux tableaux. En période de campagne, nous nous mobilisons pour assurer la victoire à notre parti. En période normale, dans le cadre de la gestion de l’Etat, nous travaillons à donner une visibilité à l’opposition, à renforcer le processus démocratique dans sa globalité conformément au programme de notre parti.

S. : D’aucuns ont peur des longs règnes qui auraient, soutiennent-ils, pour conséquences l’instabilité. En témoignent la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Togo.

L.S. : s’il y avait un lien entre les long règnes et l’instabilité, tous les systèmes monarchiques seraient aujourd’hui en crise. Ce ne sont pas les longs règnes qui ont engendré tous les cas que vous évoquez. Il faut croire à la maturité de nos populations.

C’est un complexe de supériorité que nous autres instruits avons à vouloir nous substituer au peuple et de décider à sa place et pour son compte. C’est l’ensemble des citoyens qui constituent l’élément humain d’un Etat. Nous devons nous battre pour que les élections se déroulent dans les conditions les plus démocratiques et les plus transparentes ; pour que les candidats des différents partis politiques soient traités sur un pied d’égalité.

Nous devons nous battre pour une élection des plus incontestables possible. Nous devons en outre éduquer les populations sur leurs droits de citoyen. Une fois que toutes les conditions sont réunies, on laisse le peuple jouer son rôle d’arbitre. Je ne pense pas qu’il faille établir un lien mathématique entre la durée au pouvoir et les crises que certains pays traversent. Cela me paraît être très réducteur. Les révolutions démocratiques des années 90 ont charrié beaucoup d’opportunistes à la tête de nos Etats avec les résultats que nous connaissons. Ce ne sont pas des modèles qu’il faut imiter.

S. : Le forum national des jeunes apporte-t-il concrètement un changement dans la vie de la jeunesse de notre pays ?

L.S. : Je pense que ce forum est un instrument. Un instrument par lui-même n’est ni bon ni mauvais. Tout dépend de l’usage qu’on en fait. Le forum des jeunes peut être un bon cadre de partage des préoccupations des jeunes, des préoccupations des gouvernants par rapport à la jeunesse.

C’est une tribune pour apprécier les efforts des autorités pour la promotion de la jeunesse et les résultats obtenus. Les informations qu’on en tire peuvent servir à bâtir ou à infléchir des politiques. Ce qu’il faut éviter, c’est d’en faire un simple rituel stérile qui n’a pas d’impact réel sur les conditions de vie de la frange jeune de la population.

S. : Dans le cadre de ce forum, le président du Faso a encouragé les jeunes à s’investir dans l’agriculture. Quand on reconsidère certains échecs antérieurs dans le secteur de l’agriculture, on ne peut qu’exprimer des craintes. Etes-vous de cet avis ?

L.S. : Vous avez raison. Quand on révisite certains projets sur la fixation des jeunes dans leurs terroirs, certaines expériences comme celles du Sourou, on se rend compte qu’ils n’ont pas produit les résultats escomptés. Mais je pense que la politique actuelle tient compte du bilan de ces expériences passées. Ce qui est inévitable, c’est qu’il nous faut une nouvelle race d’entrepreneurs ruraux.

Tant que nous ne réalisons pas cela, nous ne réussirons pas la révolution agricole, condition de la réussite d’une révolution industrielle. C’est donc à partir de jeunes sélectionnés, sérieusement formés et déterminés, qui savent à quoi ils s’engagent, pourquoi ils s’engagent et qui auront les moyens de leur engagement que reposent nos chances de réalisation de la révolution agricole.

S. : La présence du président Dadis Camara ne semble pas être appréciée par l’opposition burkinabè qui y voit un coup d’Etat de la communauté internationale avec Blaise Compaoré comme complice ? Partagez-vous cette opinion ?

L.S. : Je ne sais pas quelle cause ils défendent. J’ai suivi les déclarations de certains opposants, les arguments qu’ils avancent sont d’une autre nature. Ils avancent que Dadis peut être un hôte encombrant, qu’il peut être comme Hissène Habré pour le Sénégal.

Je peux être d’accord avec une telle analyse, mais, il faut savoir que la plupart des gens apprécient positivement l’action du président du Faso en Guinée. Au vu des conséquences que la présence de Dadis Camara en Guinée peut provoquer, dans le processus de pacification de ce pays, c’est un énorme sacrifice que notre pays a consenti en acceptant d’accueillir cet hôte à Ouagadougou. Le peuple guinéen dans sa majorité rend grâce au président du Faso pour l’effort qu’il fait, afin de lui pemettre de renouer avec la paix.

Il a fallu beaucoup d’arguments pour convaincre Dadis Camara de rester au Burkina Faso. Si d’aventure, le président Compaoré laisse Dadis rentrer en Guinée et qu’il s’en suit des perturbations, les mêmes qui critiquent aujourd’hui trouveraient à redire. Lorsqu’on a posé le problème de la médiation de Blaise Compaoré en Guinée, au Parlement panafricain beaucoup de parlementaires dans un langage dépouillé de toutes les règles élémentaires de courtoisie ont demandé comment est-ce qu’on peut confier une médiation à quelqu’un qui est venu au pouvoir par un coup d’Etat. Ils étaient convaincus qu’il ne pouvait que soutenir les putschistes.

Donc Blaise Compaoré serait un mauvais choix. Les résultats auxquels nous sommes parvenus heureusement ne donnent pas raison à ceux qui défendaient cette thèse. Les opinions pourraient évoluer à moins qu’elles ne s’inscrivent dans le cadre de la politique politicienne.

S : Pourquoi à l’Assemblée nationale, vous ne constituez pas des commissions d’enquêtes parlementaires ?

L.S. : Votre question est très juste. Depuis l’adoption de la nouvelle constitution, il y a eu peu de commissions d’enquêtes qui ont été instituées. Sans être cynique, je vais être véridique. Dans le système démocratique qui est le nôtre, lorsque la majorité parlementaire va de paire avec la majorité gouvernementale, il y a une confusion de pourvoir. Parce que la majorité parlementaire n’a pas pour mission de créer des problèmes au gouvernement.

Son rôle est de soutenir son gouvernement. C’est cela la vérité institutionnelle, elle n’est pas seulement burkinabè, elle est universelle. C’est la première explication qu’on peut donner à cette question. En plus, se fondant sur les textes de la Constitution, quand vous mettez en place des commissions constitutionnelles, une fois que vous faites votre travail, vous ne savez pas quoi faire des résultats. On ne sait même pas s’il faut les publier ou pas. Il n’y a aucun texte en la matière. Auprès de qui vous devez déposer vos conclusions ? Et quelle suite donner. Il faut régler toutes ces questions.

Car l’essentiel n’est pas d’aller sur le terrain, cueillir des problèmes, les mettre dans les rapports et déposer tout cela quelque part dans un tiroir. Tout ce que nous faisons comme travail, vise à améliorer la gestion publique selon les standards de la bonne gouvernance. Nous devons travailler à rendre performant notre système de gestion publique d’une manière générale.

Ce n’est pas aller chercher la petite bête quelque part pour coincer qui que ce soit. Ce n’est pas l’objectif final que nous cherchons à travers l’institution de ces mécanismes. Il faudrait travailler à préciser davantage ces commissions d’enquête, notamment en ce qui concerne l’utilisation qu’il faut faire des rapports qui sont produits.

Dans le même temps, il y a d’autres structures qui ont émergé, qui sont peut-être plus qualifiées que les députés pour faire des enquêtes. Parce que le député est un élément politique et quand celui-ci se met à faire des enquêtes, c’est très difficile pour lui d’être impartial, neutre.

En revanche, quand vous avez des structures composées d’inspecteurs, de magistrats, de policiers, de gendarmes.... la neutralité fait partie de leur culture, de leur formation. Le travail est plus professionnel et plus impartial. Ils peuvent donner de meilleurs résultats que les députés. On pourrait peut-être renforcer les liens de synergie entre ces institutions de contrôle avec l’Assemblée nationale

S. : Vous avez été ministre de la Fonction publique. Avec le recul, que pensez-vous de l’administration aujourd’hui au Burkina Faso ?

L.S. : Par rapport à d’autres pays, je n’hésite pas un seul instant à soutenir que nous avons une bonne administration chez nous au Burkina Faso. Dans beaucoup de pays, il n’y a pas de transparence dans les recrutements. Par exemple dans certains pays, le recrutement d’agents prend en compte les origines ethniques. Dans beaucoup d’administrations aussi, même après le recrutement, le fonctionnaire est là seulement pour percevoir son salaire de la fin du mois.

Ce que je dis, ce sont des stéréotypes pour illustrer la différence qu’il y a entre notre fonction publique et celle d’autres pays d’Afrique. Malgré tout, je reconnais qu’il existe beaucoup d’insuffisances, de lacunes. De nombreuses personnes sont venues à la fonction publique parce qu’elles ne pouvaient pas aller ailleurs. Beaucoup sont là, en entendant d’avoir mieux ailleurs. Tout cela crée un environnement qui ne motive pas les meilleurs. Dans l’administration publique, le meilleur et le moins bon sont soumis au même traitement. Dans ce cas, il ne sert a rien d’être le meilleur.

C’est pourquoi la réforme a voulu mettre en place un système qui récompense les meilleurs et qui décourage les médiocres. Mais une telle réforme ne peut produire des résultats qu’avec le temps. Lorsque j’ai été porté à la tête du ministère de la Fonction publique, la plupart des syndicats ont dit qu’il ne voulait pas de la loi 013. Ils ont dit qu’elle a été imposée par les institutions de Bretton Wood, que c’est une loi anti-travailleurs..... Pourtant, en mon sens, ce n’est pas le cas.

En son temps, j’ai obtenu des syndicats qu’ils constituent une équipe qui a travaillé avec la partie gouvernementale pour examiner article après article la loi 013 afin d’aboutir à quelque chose de consensuelle. Le travail s’est fait dans une ambiance conviviale. La commission ainsi constituée a passé en revue la loi et aucun article n’a été imposé à qui que ce soit. Nous sommes arrivés à rapprocher les points de vue.

C’est ainsi que la loi 013 a été modifiée. Malgré la démarche consensuelle, on trouve encore aujourd’hui des gens qui ne sont pas d’accord sur certains points. Mais cela fait partie de la culture des relations gouvernement-syndicats au Burkina. Je pense que c’est pourtant une bonne chose. Dans le principe, la reforme est bonne. Il y a des difficultés dans la mise en œuvre. Les résultats, on les constatera dans la durée. Il faut être persévérant et continuer à travailler pour sa mise en œuvre selon une démarche consensuelle.

S. : Que pensez-vous des privilèges que les parlementaires s’octroient et que certains fustigent ?

L.S. : Au Burkina Faso, cela n’existe pas. De quel privilège parlez-vous ? Le financement des trois millions qu’on donnait à chaque député en fi d’année n’existe plus. Quand bien même je pense que cela pouvait s’expliquer. En tant que député, sur le terrain, que vous le voulez ou pas, des gens viendront par exemple solliciter du ciment pour le crépissage de leur église, leur mosquée. Or les moyens qu’on nous donne ne nous permettent pas de répondre aux sollicitations des uns et des autres.

Il ne faut pas se leurrer, le statut de député est loin d’être une sinécure au Burkina Faso. Surtout avec les nombreuses sollicitations dont le député fait l’objet. Je vous le dis en toute franchise, ce n’est pas tenable quand vous êtes député et que vous ne menez pas des activités complémentaires.

Car si vous voulez vous contenter seulement des ressources que votre fonction vous confère, cela ne vous conduira nulle part. Les indemnités de fin de mandat n’existent pas. Un député Kenyan peut payer vingt députés burkinabè. Quant à la pension de retraite pour les députés, elle existe un peu partout dans le monde et pas au Burkina Faso.

Le seul vrai privilège que je reconnais, est le système de prêt véhicule. Mais cela existe presque partout. Sans être un misérable au regard des conditions de vie de la majorité de notre peuple, la fonction de député ne nous confère pas, par elle-même un statut de nanti.

S. : Cela a-t-il déjà été évoqué au Burkina ?

L.S. : la question de la pension a été évoquée et je ne pense pas qu’elle est abandonnée. On a donné l’impression que ce sont des faveurs qu’on voulait accorder aux députés. Or ce n’est pas le cas, car dans la plupart des pays, ce système existe. Parfois j’entends qu’il y a des indemnités pour les conjoints des députés et d’autres personnalités du pays.

Ce sont des histoires, il n’y a rien de tout cela. Ce sont des mensonges et ceux qui soutiennent cette thèse sont très mal informés. J’ai été ministre, mon épouse n’a jamais reçu un centime de l’Etat. Notre budget est transparent. Pour ceux qui savent le lire, ils peuvent le vérifier. Tout est clair. Nous ne sommes pas dans un système de gestion mafieuse.

S. : Ces derniers jours ont été marqués par des revirements sur la scène politique en Côte d’Ivoire. Est-ce que cela ne va pas mettre en cause tous les acquis et replonger le pays dans l’incertitude ?

L.S. : J’ai suivi certaines réactions des leaders politiques ivoiriens aussi bien dans les médias ivoiriens qu’internationaux. Avant on connaissait les problèmes qu’il y avait concernant la gestion du processus électoral dans ce pays. Sans oublier les clivages qui se sont institués autour du président de la Commission électorale indépendante, le président Mambé.

J’ai un grand respect, pour le Président du Faso à cause de ses qualités d’homme d’Etat. L’homme d’Etat c’est celui qui arrive à s’élever à un certain niveau, oublie ses intérêts personnels pour s’engager en faveur des intérêts de la nation. Si vous n’avez pas des dirigeants capables d’une telle élévation, vous serez toujours abonné aux catastrophes.

En Côte d’Ivoire, j’ai l’impression que les intérêts et ambitions personnelles prédominent sur l’intérêt national Je ne prends pas de position. Mais je sais que sans le consensus des principaux leaders politiques en Côte d’Ivoire, il serait difficile de sortir définitivement de la crise. Le format de la CEI a été convenu en Afrique du Sud.

La CEI est le fruit d’un accord politique au même titre que l’accord de Ouagadougou. En principe, la composition de la CEI doit avoir la confiance de l’ensemble des acteurs politiques ivoiriens. Quand un président prend la décision de dissoudre de façon quasi unilatérale une telle commission, il met le doigt sur un problème qui peut créer beaucoup d’autres problèmes.

En ce qui concerne le gouvernement, l’ensemble des composantes de cette politique ivoirienne, s’y retrouve. Je pense que comme le Premier ministre Guillaume Soro a été reconduit, il pourra composer un gouvernement qui va engager les différents acteurs politiques. Mais là où le problème se pose, c’est la CEI et la capacité de la Côte d’Ivoire de respecter l’agenda électoral qui a été convenu. Et ce dernier défi notamment le respect du calendrier, je ne pense pas qu’il sera relevé. Et si les élections n’ont pas lieu, je ne sais pas ce que cela engendrera comme conséquences sur l’avenir de ce pays.

Laurent Gbagbo, en mon sens, devrait comprendre qu’il n’est pas un président qui possède l’ensemble des prérogatives que confère la Constitution ivoirienne à un président de la république de Côte d’Ivoire. Sa légitimité à l’heure actuelle en tant que président, il ne la tient pas de la constitution de la Côte d’Ivoire.

Il la tient de certains actes dont la valeur juridique est inférieure à la constitution de la Côte d’Ivoire. C’est le dialogue politique, la volonté des uns et des autres d’arriver à une solution négociée et pacifique, à une sortie de crise, qui ont conduit à la mise en place des institutions de la transition dont lui en fait partie.

S’il accepte que ses compétences ne sont pas issues de la constitution, il doit poser des actes de nature à respecter l’ensemble des institutions de la transition. Naviguer à contre-courant, c’est renforcer une dynamique qui n’est pas favorable à la sortie de crise.

J’ai de sérieuses inquiétudes, car je ne sais pas ce qui va se passer, même si les élections ont lieu. J’ai l’impression que ce qui intéresse les acteurs, ce ne sont pas des élections libres, transparentes, ouvertes. C’est plutôt des élections qui les conduiront ou les maintiendront au pouvoir. Et comme il y aura obligatoirement au moins un perdant, que va-t-il se passer dans ce climat de surenchère et d’intolérances politiques ?

Mon sentiment personnel est que les élections dans le contexte actuel, ne pourront pas mettre un terme à la crise que traverse ce pays. On peut même craindre le pire. Je ne dis pas qu’il faut reporter ces élections. Ce que je veux dire, c’est qu’il faut d’ores et déjà s’atteler à la gestion de l’après élections. Encore une fois, l’objectif final ce n’est pas la tenue des élections, mais plutôt la fin de crise. Les élections doivent être conçues de manière à être un élément de solution de la crise et non comme un facteur aggravant.

S. : Au Gabon, après Omar Bongo, la dynastie Ondimba est en marche. Cautionnez-vous cette mainmise sur le pouvoir par la famille Bongo ?

L.S. : La campagne politique pour l’élection présidentielle au Gabon a été l’une des plus médiatisées en Afrique. J’ai discuté avec les leaders politiques gabonais, de toutes obédiences confondues aussitôt après la présidentielle. Ils m’ont dit que la vérité est que Ali Bongo Ondimba a gagné les élections. Vous remarquerez que la plupart des adversaires d’Ali Bongo étaient des anciens militants du Parti démocratique du Gabon (PDG). Certains occupaient des postes plus importants que celui d’Ali Bongo.

On ne se situe pas sur le plan des idées, mais sur celui de la biologie. On se dit que si c’est le fils qui remplace le père, il n’y a pas l’alternance, mais si c’est l’ami politique ou idéologique, il y a l’alternance. Ce genre de débat n’est pas honnête.

Les gens mènent le débat en fonction de leurs intérêts du moment. Dans les faits, après l’élection d’Ali Bongo, tout le monde convient qu’il a un style de gouvernance différent de celui de son père. La problématique de l’alternance en Afrique est très mal perçue.

S. : Ali Bongo a-t-il suffisamment d’étoffe pour mener le Gabon à bon port ?

L.S. : C’est aux gabonais d’apprécier. Toutefois, je sais que beaucoup de gabonais sont surpris de ce qui se passe dans leur pays. Ils ne s’attendaient pas à ce que Ali Bongo prenne des mesures qu’il a prises après son élection.

Le directeur de cabinet d’Ali Bongo a été mis en cause dans la gestion de la BCEAC (Agence de Paris). Il a rendu sa démission pour se mettre à la disposition de la justice. Après avoir été innocenté, il a repris service. Il y a donc une nouvelle culture de changement adoptée chez les gabonais. Vous savez que les fonctionnaires ne sont pas très bien connus en terme de ponctualité et d’assiduité au travail.

Pour corriger cela, le président Ali Bongo a instauré le système de journée continue. Il y a d’autres mesures que le président Ali Bongo a prises pour permettre à son pays d’avancer dans la bonne direction. Encore une fois, je m’exprime en fonction des éléments d’informations que j’ai à travers la presse et des échanges directs avec des amis gabonais. Le peuple gabonais n’est pas moins mature que d’autres peuple et il faut respecter ses choix.

S. : La réforme des Nations unies vous semble-t-elle une priorité à l’heure actuelle ?

L.S. : la réforme de l’ONU est une vieille question. Or quand les questions durent très longtemps dans les tiroirs, on finit par se demander si les réformes ne doivent pas être réformées avant d’être examinées. L’objectif initial était de démocratiser davantage l’ONU (ndlr : Organisation des Nations unies) .

Au niveau de l’ONU, il y a trois grands organes qu’on peut ramener à deux. C’est l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité. L’Assemblée générale c’est l’organe démocratique dans lequel tous les Etats membres de l’ONU, siègent. Dans cet organe, chaque pays dispose d’une seule voix, que vous soyez grand ou petit. C’est un organe démocratique. De l’autre côté, il y a le Conseil de sécurité qui est composé de quinze membres dont cinq permanents : les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France et la Grande Bretagne.

Les dix autres membres sont élus. Dans les faits, tous les pays au sein du Conseil de sécurité n’ont pas le même statut. Chacun des pays membres permanents du Conseil de sécurité, détient le droit de veto. En définitive, l’ONU ne peut prendre une décision importante si un des cinq membres permanents s’y oppose. Dans le passé, même des pays comme les Etats-Unis ont été victimes de ce système de veto. Ils ont voulu dévier les compétences dévolues au Conseil de sécurité à l’Assemblée générale. Quelques temps après, c’est la Russie qui a appris à ses dépens l’utilisation qu’on peut faire de ce droit de veto.

En conclusion , c’est un système qui paralyse le bon rendement de l’ONU. La réforme qui était envisagée visait à assouplir le droit de veto et à permettre à d’autres pays qui ne sont pas les vainqueurs de la 2e Guerre mondiale, d’avoir accès au Conseil de sécurité comme membre permanent. A ce propos, un continent comme l’Afrique devrait pouvoir y être représentée avec au moins un siège de membre permanent. C’est vrai qu’il y a un débat sur les candidatures. L’Egypte, l’Afrique du Sud, le Nigeria sont entre autres, les candidats à ce poste pour représenter l’Afrique.

On est d’accord que l’Afrique soit représentée à ce niveau. De même, on est d’avis qu’on tienne compte des vaincus de la 2e Guerre mondiale tels que l’Allemagne, le Japon qui sont des puissances économiques. Certaines personnes considèrent aussi que des pays comme l’Inde, le Brésil, etc. devraient intégrer le Conseil de sécurité de l’ONU comme membres permanents. C’est une réforme dont la finalité est de renforcer une démocratie interne au sein de l’ONU. Mais ce n’est pas facile.

Cette réforme n’avance pas apparemment et je ne pense pas que c’est demain qu’on pourrait résoudre toutes ces questions. Dans les principes, la réforme de l’ONU est une bonne chose. Mais pourra- t- elle jamais se réaliser ? That is the question ?

S. : Comment expliquez-vous l’acharnement de la communauté occidentale contre l’Iran à propos du nucléaire ?

L.S. : Je trouve sincèrement que ce n’est pas honnête et ce n’est pas démocratique. Je ne peux pas comprendre que certains pays qui ont l’arme nucléaire veuillent empêcher un autre pays de se la procurer. Si on veut un monde dénucléarisé sur le plan militaire, on doit le faire et cela doit être valable pour tout le monde.

Tous les pays qui ont des armes nucléaires doivent les détruire pour qu’on ait un monde sans armes nucléaires. Mais si certains pays estiment qu’ils sont les seuls à avoir le droit de détenir l’arme nucléaire pour en faire, ce qu’ils veulent et que les autres doivent les laisser faire, là il y a un problème. Moi je ne suis pas pour l’arme nucléaire, mais je pense qu’il n y a pas de raison qu’on se focalise seulement sur un seul pays. Du reste, l’Iran jusqu’à preuve du contraire, ne possède pas le nucléaire militaire. Le programme mis en œuvre viserait le nucléaire civil. Cela me parait normal.

Je pense que les Etats africains doivent eux-mêmes s’engager rapidement sur cette voie. Au niveau d’un seul pays, ça peut être trop lourd mais on peut le faire dans un cadre communautaire. L’énergie nucléaire est moins coûteuse et correspond à une certaine forme de consommation de masse de l’électricité que nos pays vont connaître dans les années à venir. Il faut donc une centrale nucléaire chargée de ravitailler la zone Ouest africaine en électricité par exemple.

S : En janvier dernier, le président américain, Barack Obama a vécu sa première défaite électorale dans l’Etat de Massachusetts. Est-ce un signe de désavœu de sa politique ?

L.S. : Ce qui est arrivé peut s’expliquer par plusieurs raisons. Il y a d’abord le fait que le candidat démocrate était tellement sûr de remporter les élections qu’il n’a pas trouvé nécessaire de battre campagne. Deuxièmement, il n’avait pas une bonne image aux yeux de l’électorat. En revanche, son adversaire a fait une vraie campagne. Le résultat de l’élection peut être interprété doublement. On peut considérer que c’est une défaite pour Obama, mais on peut aussi le concevoir comme une défaite du candidat démocrate qui était moins méritant à tout point de vue que son adversaire.

La plupart des analystes sont d’accord qu’il y a un peu des deux aspects. Ce qui est sûr, tout le monde savait que l’état de grâce dont bénéficiait Obama n’allait pas durer éternellement. Je pense que c’est plus son charisme personnel qui a milité en sa faveur. Après ses élections, ce sont les idées, les programmes, les politiques mis en œuvre avec les résultats qui permettent à l’électorat de se reconnaître en l’élu. Depuis que Barack Obama est élu, il y a eu certes, des avancées telles que les changements intervenus au plan international. Il y a eu un redressement positif de l’image des USA. Au niveau du chômage, les résultats sont aussi moins mauvais.

Les effets de la crise économique se sont estompés La plus grande réforme, celle de la sécurité sociale, est en chantier. Le fait d’avoir perdu la majorité au Senat n’est pas de nature à faciliter l’adoption de cette politique sociale. Le président Obama tient énormément à cette sécurité sociale parce que c’est l’un de ses plus grands engagements envers les Américains. Le système de gouvernance aux USA est tellement complexe qu’il est difficile d’obtenir des résultats extraordinaires en si peu de temps.

S. : Comment sauver la Somalie selon vous ?

L.S. : Malheureusement, il n’y a aucun moyen pour sauver la Somalie. C’est le seul Etat en Afrique où il n’existe pas d’Etat. Quand un pays arrive à un stade où il n’y a plus d’Etat, on ne peut plus rien faire pour ce pays. Tout le monde est d’accord : l’Etat peut être communiste, libéral, fasciste, il peut être dictatorial, mais l’Etat est indispensable. L’absence d’Etat est très catastrophique pour un pays, pour une société. Or cela fait maintenant près de vingt ans que la Somalie fonctionne sans Etat. Il y a un vide.

On devait même rayer le nom de la Somalie sur la carte de l’Afrique ou du monde. Pour être un Etat, il y a trois conditions qu’il faut remplir. D’abord avoir un territoire, ensuite avoir une population et enfin avoir une autorité politique qui exerce la souveraineté sur la population qui habite sur le territoire. En Somalie, seules deux de ces conditions sont remplies à savoir le territoire et la population. Là-bas, il n’y a pas d’autorité unique, centralisée et souveraine. Alors que si un seul élément manque, on n’a plus d’Etat. La Somalie est devenue une zone où agissent des mouvements et des bandes armées de toute nature.

La communauté internationale devrait donc savoir quelles sont les actions à mener devant une telle situation. Quand on continue à penser qu’on peut mettre en place un Etat artificiel qui ne dispose d’aucun pouvoir réel sur le territoire somalien et sur les populations somaliennes, cela est déplorable. Je pense qu’il est temps pour l’Union africaine de tenir une rencontre spécifique sur le cas de la Somalie et qu’on tire les conséquences de cette réalité. La prix à payer pour un retour à la normale en somalie sera très lourd. La communauté internationale à l’obligation d’y faire face.

S. : Comment analysez-vous le rapprochement des présidents tchadien, Idriss Deby et son homologue soudanais, Omar El Bechir ?

L.S. : Je crois que c’est un rapprochement de bon sens. Depuis longtemps, il semble qu’entre les présidents Deby et El Bechir, il devait avoir une concertation sérieuse et honnête, sans médiateur. Cela leur permettrait de poser sur la table tous les problèmes, toutes leurs divergences et travailler ensemble à trouver les solutions.

Cette évolution a été rendue possible pour deux raisons. Premièrement, le président El Bechir s’est engagé à organiser un référendum au Sud-Soudan. Il a dit qu’il va s’en tenir au résultat de ce référendum. Si le référendum débouche sur la volonté des soudanais du Sud de devenir indépendants, le Soudan va leur accorder cette indépendance. Du coup, si cela arrive, le Soudan n’a plus de frontière avec le Tchad. Deuxièmement, le président soudanais est poursuivi par la Cour pénale internationale ( CPI). Donc, il a intérêt a apaisé les tensions partout où il peut le faire. Du côté du Tchad, le président Deby doit organiser au mois de novembre prochain, des élections législatives et plus tard des élections présidentielles.

Vous savez que chaque fois qu’il y a des élections au Tchad, c’est d’abord les armes que les gens pointent. C’est possible que les mouvements rebelles commencent à s’activer parce que les élections sont programmées. Et comme ces mouvements rebelles ont comme base le Sud-Soudan (vers le Darfour), c’est à juste titre que le président Déby se rapproche de son homologue soudanais pour le contrôle de ces mouvements rebelles. C’est la “real politik” qui a guidé les deux (2) hommes d’Etat.

S. : L’Afrique du Sud a commémoré le 11 février dernier, les 20 ans de libération de Nelson Mandela. Quelle appréciation faites-vous de l’homme et que vous inspire cette libération ?

L.S. : J’ai eu la chance de rencontrer le président Nelson Mandela. Tout comme j’ai eu la chance de rencontrer son successeur, Tabo M’béki. Le fait que je sois membre du parlement panafricain dont le siège se trouve en Afrique du Sud m’a permis de toucher du doigt, certaines réalités de la société sud-africaine. Je retiens du président Nelson Mandela que c’est un homme à part entière. Je veux dire que c’est un homme assez particulier. Plusieurs personnes le considèrent comme l’un des plus grands hommes d’Etat au monde.

Quand le président Mandela sortait de la prison en 1990, beaucoup de gens pensaient qu’il allait essayer de rattraper ce que la prison lui a empêché de faire. On pensait également qu’il allait mettre en place un système de vengeance contre tous ceux qui l’ont fait souffrir et maltraiter son peuple. Mais tout le monde a été surpris par la sagesse, la hauteur de vue de cet homme.

Il a mis en place les bases d’un Etat arc-en-ciel en Afrique du Sud, un Etat où toutes les communautés raciales ont leur place. Ensuite, il a créé les conditions pour éviter qu’il y ait des affrontements entre les différentes composantes de la société sud-africaine, notamment des conflits entre les Noirs et les Blancs. Troisièmement, il a travaillé pour ne pas durer au pouvoir. Il a fait cinq (5) ans et après, il s’est retiré et a cédé le fauteuil à l’un de ses filleuls, Tabo M’béki. Cela témoigne du fait qu’on a affaire à un personnage hors du commun.

J’ai été à Sowéto, j’y ai vu la maison dans laquelle Nelson Mandela vivait avec sa famille, avant son emprisonnement. C’est une maison très modeste. Elle est constituée d’une seule pièce. La seule chose dans la maison qui peut paraître comme un signe de noblesse, est la peau d’un animal, un léopard. C’est le symbole de la royauté. Il paraît que quand on est prince, on dort sur cette peau d’animal. Concernant ce qui se passe en Afrique du Sud actuellement, il faut dire que c’est une révolution inachevée. Aucun problème n’a été fondamentalement résolu en Afrique du Sud.

Tout comme au Zimbabwe, en Afrique du Sud, les terres sont possédées par les Blancs et les Noirs n’en disposent pas. En Afrique du Sud, jusque-là, rien n’est fait pour résoudre le problème. Le problème se pose et continuera à se poser tant qu’il n’y aura pas une volonté de rechercher des solutions. Il faut un minimum de justice sur la question de l’occupation des terres.

Sur le plan économique, les Noirs sont devenus des consommateurs. Il y a une classe moyenne de Noirs qui s’est constituée en Afrique du Sud mais grosso modo, toute l’économie est toujours entre les mains des Blancs. Il y a de vrais problèmes qui persistent en Afrique du Sud ; et il faut que les successeurs de Mandela aient le courage de la libération économique et sociale.

S. : Les Blancs peuvent-ils reprendre le pouvoir en Afrique du Sud ?

L.S. : Je pense que votre question revient à savoir si un blanc peut être porté aux fonctions de Président de la république sud africaine. Ma réponse est oui. Il faut également noter qu’avec le départ de Thabo M’Béki, il y a des fissures qui ont commencé à apparaître au sein de l’ANC.

Aussi, le départ de Tabo M’Béki est perçu plus ou moins comme étant le résultat d’un clivage ethnique entre Zoulou et Xosa. Il y a donc un débat qui prend des accents ethniques. Mandela a pesé dans ce débat. Il a affiché devant tout le monde qu’il est ANC et qu’il soutient Jacob Zuma. Cela a beaucoup joué pour les résultats des élections. Sur la scène politique sud-africaine, j’imagine qu’il y aura plus d’équilibre politique.

S. : Quelles sont les étapes de votre parcours professionnel qui peuvent être classées dans le lot de bons souvenirs et que retenez-vous comme mauvais souvenir ?

L.S. : s’il s’agit de mon parcours professionnel proprement dit, l’évènement qui m’a le plus marqué est certainement ma nomination comme membre du gouvernement. Dans le registre des mauvais souvenirs, je soulignerais l’echec de ma candidature à la présidence du Parlement panafricain alors que jusqu’à la dernière minute, j’en étais le favori. Mais tout compte fait, la vie est un ensemble et une continuité. On ne peut pas la réduire en pièces détachées entre ce qui est bon et ce qui est moins bon.

S. : Pour avoir été ministre de la Fonction publique, comment jugez-vous les mesures prises cette année pour mieux réussir l’organisation des concours de la Fonction publique ?

L.S. : C’est une continuité. La déconcentration des concours de la Fonction Publique a commencé il y a déjà longtemps de même que la lutte engagée contre les fraudes. Des initiatives et des mesures concrètes avaient déjà été édictées à cet effet. Cela dit, la lutte contre la fraude doit engager toute la société pour réussir et nécessite une vigilance constante et permanente.

S. : Vos nombreuses occupations vous laissent-elles du temps pour des loisirs ?

L. S. : mon principal loisir, c’est la lecture. J’ai le temps pour cela

S. : Qu’est-ce qu’il faut aux médias pour être meilleurs à ce qu’ils sont aujourd’hui ?

L. S. : Il y a beaucoup de choses qui doivent être faites. Je pense que notre presse aujourd’hui est une presse de qualité. Je ne dis pas cela pour faire plaisir à qui que ce soit. Je compare. La presse a contribué pour beaucoup à l’animation de la crise politique que traverse la Côte d’Ivoire. On a une presse d’opinion et non une presse d’information. Souvent quand vous lisez les journaux et que vous n’êtes pas un lecteur averti, vous pouvez faire la confusion. Au Niger, c’est pratiquement la même chose. Vous avez affaire à des journaux d’opinion.

Au Mali, j’ai discuté avec le président Ibrahim Boubacar Keita qui m’a confié qu’il respecte la presse burkinabè. Il a dit en substance que dans la presse burkinabè, au moins quand on vous insulte, on le fait en bon français. Je pense qu’il y a un effort qui est fait pour améliorer la qualité de la presse dans notre pays et cela se ressent. Ces efforts doivent être poursuivis en matière de formation. Le journalisme est une profession et j’estime que la formation est indispensable.

La bonne image de la profession en dépend et je pense qu’avec le temps on aura toujours des journalistes professionnels mais aussi, des journalistes véritablement spécialisés. Notre presse a atteint un niveau de maturité qui doit l’amener à travailler à l’émergence d’une race de journalistes spécialisés dans des domaines précis.

S’agissant de Sidwaya particulièrement, je ne sais pas comment vous arrivez à vous en sortir mais vous arrivez à défendre votre ligne éditoriale sans tomber dans les travers du journalisme partisan. Etre un journal de service public c’est extrêmement difficile et je vous exhorte à professionnaliser davantage votre contenu et à toujours aller de l’avant.

S. : Quel sens donnez-vous à l’amitié ?

L. S. : L’ami c’est la personne avec laquelle je ne me pose pas des questions à son sujet. L’ami est une autre partie de moi-même. Quelqu’un à qui je peux tout dire et faire confiance. J’ai beaucoup d’amis dans la politique et en dehors de la politique.

S. : Comment avez-vous trouvé votre entretien avec les journalistes de Sidwaya ?

L.S. : L’entretien a été convivial, très pertinent. J’oublie souvent que je suis avec des journalistes. La forme que vous avez choisie pour discuter avec vos invités me semble appropriée pour arriver aux objectifs que vous vous assignez à travers l’animation de la rubrique “Invité de la Rédaction”. Je vous dis merci et je formule tous mes encouragements à votre Directeur général, Monsieur Ibrahiman SAKANDE et à l’ensemble de son équipe. Je suis convaincu qu’avec cet esprit professionnel, Sidwaya gravira des sommets. Encore une fois, merci.

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 31 mars 2010 à 11:36, par Paris Rawa En réponse à : Lassané Savadogo, député à l’Assemblée nationale : “Il ne faut pas focaliser les débats sur l’article 37”

    "Une telle relecture de la Constitution doit conduire à un meilleur agencement des pouvoirs, entre les pouvoirs et au sein des pouvoirs."

    - L’alternance est une première étape nécessaire pour équilibrer les pouvoirs. Pourquoi la tête de l’exécutif serait la seule à ne pas changer depuis plus de 2 décennies ? Pourquoi l’alternance qui vaut pour le législatif et le judiciaire ne s’appliquerait pas à l’exécutif selon la constitution ? Pourquoi vouloir réformer avant même d’avoir appliqué la constitution jusqu’au bout ? Comment pouvez-vous évaluer avec justesse et honnêteté les résultats des dispositions constitutionnelles (article 37 par exemple) qui n’ont pas été mises en oeuvre ? Pourquoi et comment juger la constitution sans l’avoir expérimentée avec un autre chef d’État que Blaise C. comme cette constitution le veut ? Pratiquez d’abord l’alternance et ensuite on verra mieux si nos problèmes viennent de notre constitution ou du système Compaoré-CDP. Après, il ne sera jamais trop tard pour le peuple souverain du Burkina de faire les réformes s’il le fallait.

    - Mais vous voulez réformer à l’aveuglette ou bien modifier les choses à votre guise, sans tenir aucun compte de l’étape et de la réalité de l’expérimentation de la démocratie dans notre pays. En fait, la relecture que vous du CDP envisagez a pour unique but d’obliger encore une fois le peuple souverain du Burkina à mettre la charrue avant les bœufs ; tout comme vous l’avez fait pour qu’il adopte la constitution en 1991 sans passer par la conférence nationale souveraine qu’il réclamait. On le voit très bien : à chaque étape importante de l’histoire politique de notre pays, les communistes et les militaires qui ont dirigés les régimes d’exception font tout ce qu’ils peuvent pour empêcher une vraie transition vers une démocratie d’alternance. Et jusque maintenant, ils ont réussi. Conséquence : les mêmes personnes gouvernent notre pays depuis près de 30 ans.

    - Le problème pour vous, c’est que ce jeu de cache-cache doit prendre fin un jour ou l’autre, simplement parce qu’il épuise ses ressources et est de plus en plus démasqué par l’opinion. Vous semblez ne pas vous faire à la fin des idéologies du passé telle que le communisme, mais le propre de l’histoire est d’avancer sans jamais reculer.

    • Le 31 mars 2010 à 14:55, par yeral dicko En réponse à : Lassané Savadogo, député à l’Assemblée nationale : “Il ne faut pas focaliser les débats sur l’article 37”

      Nous devons nous battre pour une élection des plus incontestables possible. Nous devons en outre éduquer les populations sur leurs droits de citoyen. Une fois que toutes les conditions sont réunies, on laisse le peuple jouer son rôle d’arbitre. Je ne pense pas qu’il faille établir un lien mathématique entre la durée au pouvoir et les crises que certains pays traversent. Cela me paraît être très réducteur. Les révolutions démocratiques des années 90 ont charrié beaucoup d’opportunistes à la tête de nos Etats avec les résultats que nous connaissons. Ce ne sont pas des modèles qu’il faut imiter.Voilà en substance ce que l’honorable a dit et j’avoue que nombreux seront ceux qui ne vont pas lire entière l’article avant d’envoyer des flèches. C’est dommage si non tout est dit.

  • Le 31 mars 2010 à 14:20, par yeral dicko En réponse à : Lassané Savadogo, député à l’Assemblée nationale : “Il ne faut pas focaliser les débats sur l’article 37”

    J’apprécie hautement l’interview du députe Lassanné Savadogo et même, peut le qualifier du document de référence pour les jeunes générations incultes à la quête de savoir vu son contenu historique même si le député a omit d’évoquer son appartenance l’Association Radicale pour un état de Droit en Afrique(AREDA) dont je suis un militant.Pour un éclairer,vraiment ça n’ai un.

  • Le 31 mars 2010 à 15:29 En réponse à : Lassané Savadogo, député à l’Assemblée nationale : “Il ne faut pas focaliser les débats sur l’article 37”

    C’est du Sudwaya tout craché. Enfin Sidsaya !

  • Le 31 mars 2010 à 17:56 En réponse à : Lassané Savadogo, député à l’Assemblée nationale : “Il ne faut pas focaliser les débats sur l’article 37”

    Monsieur Lassané, aime tu la monarchie ? soit d’accord au moins que les longs règnes créent des problèmes partout. il faut nous donner un seul exemple contraire.

  • Le 31 mars 2010 à 18:04, par Sidbebe New York En réponse à : Lassané Savadogo, député à l’Assemblée nationale : “Il ne faut pas focaliser les débats sur l’article 37”

    Meme si je n’epouse pas la position par rapport à l’article 37, je suis seduit par sa souplesse intellectuelle qui vous impose le respect meme si vous etes d’avis opposé. Contrairement à Mahama Sawadogo ou au Rocko qui insulte l’intelligence de tout le monde y compris de la sienne en declarant que l’article 37 est "anti democratique" ce monsieur me fait moins peur que les autres cranes brules qui veulent mettre le BF en ruine : Mahama, Rocko, Simon....L’histoire du BF se souviendra d’eux

  • Le 31 mars 2010 à 19:42 En réponse à : Lassané Savadogo, député à l’Assemblée nationale : “Il ne faut pas focaliser les débats sur l’article 37”

    Tout à fait d’accord avec le précédent intervenant. L’interview de Lassané est d’une élégance intellectuelle sans commune mesure avec les grossieretés de certains révisionnistes. Côté forme RAS !
    Quant au fond, beaucoup de choses intéressantes également. Mais je retiens en fin de compte que M. le député n’est pas contre une révision de l’article 37 n’est-ce pas ?

  • Le 31 mars 2010 à 22:36 En réponse à : Lassané Savadogo, député à l’Assemblée nationale : “Il ne faut pas focaliser les débats sur l’article 37”

    Le député semble favoriser une "solution" à la Salif Diallo. C’est à dire reviser totalement la constitution et pouvoir ainsi dire qu’il s’agit d’une nouvelle constititution dont les dispositions sur la limitation des mandats ne s’appliqueraient pas à Blaise - Soyons vigilant...

  • Le 1er avril 2010 à 00:20 En réponse à : Lassané Savadogo, député à l’Assemblée nationale : “Il ne faut pas focaliser les débats sur l’article 37”

    "Ce sont des histoires, il n’y a rien de tout cela. Ce sont des mensonges et ceux qui soutiennent cette thèse sont très mal informés. J’ai été ministre, mon épouse n’a jamais reçu un centime de l’Etat. Notre budget est transparent. Pour ceux qui savent le lire, ils peuvent le vérifier. Tout est clair. Nous ne sommes pas dans un système de gestion mafieuse."

    Mr. Le Depute, moi je fais pas partie de ceux qui ont perdu la confiance de nos chers gouvernants. Et je sais lire aussi, mlaheureusement pour les dirigeants qui aiment un peuple d’ illetres. Ou peut- on verifier vos dires ? Moi je suis avide de verifier puisque entre vous et le peuple qui trime, ya plus confiance. Vous comparez les deputes kenyans au deputes burkinabe ?
    Et depuis la devaluation, vous avez compare les augmentations de salaires iuci par rapport aux ogmentations de salaires ailleurs ? Savez vous aussi que le Kenya est au moins devant le Burkina de pres de 50 pays dans le classement que vous raignez tant ? Si le boulot de depute n’est pas une sinecure, pourtant vous vous battez toujours pour etre depute apres avoir essaye une fois et compris que c’est ausis dur que creuser des trous ?

  • Le 1er avril 2010 à 16:28, par concitoyen En réponse à : Lassané Savadogo, député à l’Assemblée nationale : “Il ne faut pas focaliser les débats sur l’article 37”

    Vous me rassurez qu’au CDP, il n y a pas que des opportunistes mais qu’il y a aussi des hommes plus ou moins honnetes et inttellectuellement respectables. Il ne vous reste qu’à franchir le pas de dire souvent la vérité à certains de vos camarades qui ne voit dans la politique des opportunités de positionnement personnel. L’alternance me parait également un gage indispensable à la bonne gouvernance.

  • Le 6 avril 2010 à 23:09 En réponse à : Lassané Savadogo, député à l’Assemblée nationale : “Il ne faut pas focaliser les débats sur l’article 37”

    Voila un monsieur qui fait des efforts terribles pour nous convaincre que la morale ne devait pas etre de mise quand on parle politque. Monsieur, qu’est-ce que la politique ? Quelles sont ses finalites ? N’est-ce pas l’art de gerer la cite, la chose publique, la res publica, la republique ? Comment peut- on gerer cette chose publique sans y injecter la morale ? La morale politique est indissociable de la politque. Elle est meme tautologique car sans morale, pas de politique. Mais cela ne veut pas dire que la morale et la religion se confondent. Il y a des gens qui n’ ont pas de religion mais sont- ils sans morale ? Un dirigeant sans morale est un criminel, un loup qui a reussi a se glissser dans la bergerie. Donc, nous demanderont toujours a nos homme politiques plus qu’ aux citoyens ordinaires. Parce que la femme de Cesar doit etre au dessus de tout soupcon. Arretez vos sophismes plats. Si c’est ca, votez les repris de justice comme presidents, les coupeurs de route comme deputes. C’est vrai que ces gars tombent sous le coup de la loi mais ils tombent avant tout sous le coup de la morale. Indissociable, presque.

    Kaa ya Wooto.

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