LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Pays du Sahel : Le CILSS se rapproche de la CEDEAO par la force des changements climatiques

Publié le mardi 30 mars 2010 à 03h31min

PARTAGER :                          

Le CILSS va retrouver un souffle nouveau et de nouvelles responsabilités étendues désormais aux pays humides de l’Afrique de l’ouest, voire plus. Les chefs d’Etat de cette institution viennent de donner leur accord sur le sujet.

Le Comité inter-Etats de lutte contre la sécheresse au sahel (CILSS, 9 Etats) bénéficie de quatre grandes décisions tendant à renforcer ses capacités financières mais aussi à élargir sa sphère d’actions, à l’issue de la 15e conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’institution tenue le 25 mars 2010 à N’Djamena au Tchad, sous le thème « Maîtrise de l’eau ».

Du coup, le CILSS devra se satisfaire de tant d’égards à lui accordés suite à la déréglementation climatique, et d’un soutien politique retrouvé puis s’inquiéter dans le même temps d’un défi à faire face à d’innombrables sollicitations.

Tout a bien commencé pour cette institution sahélienne qui, à l’ouverture de la rencontre, a enregistré six chefs d’Etat présents sur les neuf attendus. C’est notamment le président du Faso Blaise Compaoré, son hôte du jour Idriss Déby Itno, les présidents Amadou Toumani Touré (Mali), Abdoulaye Wade (Sénégal), Mohamed Ould Abdel Aziz (Mauritanie) et le Premier ministre nigérien, Mahamadou Danda. La Guinée Bissau et la Gambie se sont fait représenter par leurs ministres en charge de l’Agriculture.

Les chefs d’Etat et de gouvernement se sont abrités sous une tante géante tenant lieu de salle de conférence. Les responsables politiques ont en effet « mandaté » le ministre tchadien en charge de l’Agriculture Albert Pahimi Padacké, d’entreprendre avec l’aide de notre ministre de l’Agriculture Laurent Sédogo et du secrétaire exécutif du Comité permanent Al Housséni Bretaudeau les « démarches nécessaires » en direction de la CEDEAO pour faire du CILSS une « institution spécialisée »en matière de développement rural et de lutte contre la désertification, la gestion des ressources naturelles et les changements climatiques au service des organisations d’intégration inter-africaines.

De ce fait, le CILSS pourrait être appelé à intervenir dorénavant en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Libéria, en Sierra Léone, au Nigeria, au Togo, au Bénin, et en Guinée, en tant qu’institution chargée du développement rural et de lutte contre la désertification, également chargée de la « gestion des ressources naturelles et changements climatiques ». Toute fois le Comité maintiendra son identité, son autonomie et sa spécificité. L’institution de lutte contre la sécheresse au sahel devra même se pencher sur l’érosion côtière

Par ailleurs, il s’est vu « instruit » à s’investir sur d’autres « domaines stratégiques » comme la réhabilitation et la valorisation du lac Tchad, menacé de disparition ainsi que la lutte contre la jacinthe d’eau et les plantes aquatiques envahissantes.

Le CILSS doit en outre s’occuper du développement d’un programme de type « saaga » régional sur l’augmentation des précipitations par ensemencement des nuages, la désalinisation des terres, la réalisation de la « grande muraille verte » allant de Djibouti à Dakar si chère à Me Abdoulaye Wade, ainsi que du développement des bassins de rétention et de la question de la maîtrise d’eau.

Pour donner plus de moyens financiers au CILSS ainsi sollicité, ses responsables politiques ont décidé d’augmenter de 20% le taux des cotisations. Ils ont rappelé la nécessité pour les mauvais payeurs de s’acquitter de leurs arriérés.

Ils ont aussi ramené à deux ans (contre trois auparavant) la périodicité de la tenue de la conférence des chefs d’Etat et celle du Conseil des ministres, disent-ils, « dans un souci de bonne gouvernance et d’un meilleur suivi des activités ». Une telle rencontre n’avait plus été organisée depuis 2004, soit six ans après Nouakchott. A l’avenir, il se pourrait même que le CILSS conquiert d’autres régions d’Afrique car on lui a demandé d’être « à la disposition des organisations d’intégrations interafricaines ».

D’autant que le Tchad fait partie d’institution régionale autre que la CEDEAO. Les chefs d’Etat et de gouvernement ont exprimé leur satisfaction à l’issue de ce sommet. « Je suis aujourd’hui fier d’être Africain, fier d’appartenir à la communauté sahélienne », a lâché le tout nouveau président en exercice de cette communauté, Idriss Déby. Pour lui, les Africains ont prouvé qu’ils peuvent « prendre en main » leur destin.

Quant au président du Faso, il s’est dit heureux de ce « nouveau dynamisme » insufflé au CILSS. Il estime que les décisions prises dotent le CILSS d’un meilleur dispositif. Il a alors remercié ses pairs pour avoir renouvelé leur confiance à l’institution dont le siège est au Burkina Faso. « Le CILSS est dans de bonnes mains », a-t-il dit.

Selon certaines indiscrétions, le point portant rapprochement du CILSS et de la CEDEAO a eu toutes les difficultés du monde pour être inscrit à l’ordre du jour. De sources bien introduites, il a fallu les qualités de négociateur du président Blaise Compaoré, la verve argumentatrice de l’avocat qu’est Abdoulaye Wade et l’esprit de compromis et de responsabilité d’Idriss Déby et de Mohamed Oul Abdoul-Aziz, pour parvenir à cet accord de rapprochement entre le CILSS et la CEDEAO.

Ceci expliquerait certaines nouvelles responsabilités attribuées au CILSS et destinées à rendre possible les compromis. Juste avant la clôture de la cérémonie, Me Abdoulaye Wade a exprimé son soulagement : « Nous sommes arrivés divisés à cette conférence » mais « nous repartons sur un consensus total », s’est-il réjoui.

Ce rapprochement est aussi favorisé par une position univoque et anticipative des partenaires au développement. L’Union européenne a signé avec la CEDEAO une convention de 10 millions d’euros portant sur le « lien entre l’information et la prise de décision pour améliorer la sécurité alimentaire dans les pays du CILSS et de la CEDEAO ».

L’Agence française de développement (AFD) envisage pour sa part un projet régional de sécurité alimentaire dont le maître d’ouvrage sera la CEDEAO avec une forte implication du CILSS. L’Agence américaine de développement (USAID) prépare elle aussi un programme global sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle en collaboration avec la CEDEAO. Le CILSS sera alors chargé de la mise en œuvre du volet « réduction de la vulnérabilité alimentaire et promotion de l’accès durable à l’alimentation ».

« En tant que partenaires techniques et financiers, nous avons déjà posé des actes concrets pour participer au rapprochement entre le CILSS et la CEDEAO », a indiqué le représentant des partenaires, Amos Tincani. Le discours des PTF est passé presque inaperçu malgré son ton acéré. En effet les bailleurs de fonds après avoir applaudi la convergence entre les deux institutions, n’acceptent plus dorénavant financer la presque totalité (90%) des frais de fonctionnement du CILSS.

A ce sujet ils estiment que « le mode de financement du CILSS nous semble dépassé et qu’il n’est pas viable pour des PTF de continuer à financer seuls », a laissé entendre M. Tincani de l’Union européenne. Ils souhaitent que la Commission de la CEDEOA puisse à l’avenir intervenir pour soutenir le CILSS. Dans le même ordre, les partenaires tiennent à ce que les responsables du CILSS rendent compte de leurs actions et suggèrent déjà un mécanisme d’évaluation autonome des cadres nommés par le Conseil des ministres.

Ils dénoncent par ailleurs la « prolifération » des structures de concertation ou de coordination en matière de sécurité alimentaire et d’eau. D’où leur position réservée vis-à-vis de la Coalition mondiale pour l’eau au Sahel, initiative lancée à l’occasion. « Nous avons assisté aux discussions du 24 mars concernant la Coalition mondiale pour l’eau au Sahel, mais ne sommes donc pas à mesure à ce stade de se prononcer quant à une éventuelle adhésion au cadre partenarial ».

L’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) souhaite aussi un partenariat avec le CILSS, basé sur le pragmatisme et la synergie des efforts afin de servir de locomotive au bénéfice des populations. Le président de la Commission Soumaïla Cissé était à N’Djamena pour porter la voix de son institution.

L’UEMOA enregistre pour la campagne 2009 un déficit alimentaire estimé à 2 millions de tonnes, soit 15% des besoins de consommation. Parmi les pays du CILSS, le Tchad et le Niger sont en situation de crise alimentaire. Dans la région sahélienne, le démarrage de la saison 2009 est qualifié par les experts de « chaotique » et la répartition des précipitations « préjudiciables » aux cultures. « L’eau est un élément-clé pour le développement du Sahel », a indiqué Blaise Compaoré.

De ce fait, les chefs d’Etat et de gouvernement ont profité de cette conférence pour lancer solennellement les activités de la Coalition mondiale « maîtriser l’eau pour faire reculer la faim au Sahel ». Mais aussitôt, par l’intermédiaire d’une déclaration, les partenaires ont invité le CILSS à tout mettre en œuvre pour établir les étapes d’une feuille de route qu’ils venaient de dévoiler.

Ils attendent en effet l’élaboration d’un cadre partenarial qui prendra en compte les initiatives et stratégies sous régionales et régionales. Ce cadre devra être validé au plus tard en mars 2011. C’est l’une des exigences de bailleurs pour soutenir la Coalition.

Aimé Mouor KAMBIRE (aimekambire@yahoo.fr)

Sidwaya

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique