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Editorial de Sidwaya : Pauvreté et pauvreté ?

Publié le lundi 29 mars 2010 à 01h49min

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Ibrahiman Sakandé, DG des Editions Sidwaya

Question saugrenue : le Burkina est-il un pays pauvre ? Est-il encore besoin de poser cette interrogation à propos d’un pays classé au 176ème rang sur 177 selon l’Indicateur du développement humain (IDH) du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) ? Avec ce classement et les critères qui le justifient, les carottes semblent bien cuites : le Burkina Faso est pauvre, très pauvre même, maudit soit celui à qui il arriverait de penser autrement.

Il y a deux manières de supporter le regard que l’anonyme « communauté internationale » porte sur nous. Premièrement, il faut voir en ce classement du PNUD une invitation ou une incitation à aller de l’avant dans nos différents chantiers de développement.

Secundo, on peut se sentir écrasés par une telle sentence venant « d’experts en développement », dont l’autorité doctrinale en impose à plus d’un et intérioriser notre infirmité : notre état de pauvre supposé, effectif ou virtuel. Dans tous les cas, de tels classements sont capables de transformer les plus crédules et les plus fatalistes en moutons de panurge.

Arrêt sur la « préhistoire » de la colonisation… C’est l’urgence de créer des marchés pour l’écoulement des produits industriels qu’un pays comme la France a finalement vu triompher ceux qui « votaient colonisation » sur ceux qui étaient contre cette aventure insensée. Jules Ferry en donne l’exemple. Un siècle plus tard la concurrence s’est diversifiée pour devenir plus rude qu’elle ne se donnait à voir à ses origines industrielles.

Le Japon, la Corée du Sud, l’Inde, la Chine… ont arraché de haute lutte, d’importants pans du marché mondial au détriment de ceux qui y régnaient en maîtres absolus. La montée en puissance de ces pays plus qu’émergents, puisque devenus superpuissances pour certains d’entre eux comme la Chine ou l’Inde crée le désarroi dans les anciens pays industrialisés qui tremblent, face à l’affolement de l’indicateur chômage au sein de leurs populations.

Les pays émergents ont découvert le pot aux roses : l’humanisme est un visa, le mercantilisme, une destination. Un proverbe moaga affirme qu’il est normal que celui qui s’est réveillé le dernier arrive le dernier à destination.

Les grandes puissances pensent-elles autrement ? Ceux qui opèrent les classements que se soit dans le système des Nations unies (PNUD, Banque mondiale), les Organisations non-gouvernementales internationales sont-ils forcément bien intentionnés ? Sont-ils prêts à voir les africains jouer les premiers rôles dans les échanges internationaux ? Accepteront-ils de voir les pays africains les devancer dans ces classements ?

Si oui, cela signifie que ce sont les produits finis africains fabriqués par des africains qui envahissent leurs marchés ! Cela implique que les africains sont auto-suffisants et n’achètent presque plus rien au Nord ! L’Afrique s’est alors émancipée des experts et assistants techniques ! Il est permis d’en douter ! Les négociations à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et particulièrement le dossier coton, sont là pour nous rappeler que certains classements, au parfum d’une subjective objectivité, peuvent cacher du néocolonialisme.

On raconte qu’une reine de Babylone, la reine Nictocris, avait fait écrire sur son tombeau une épitaphe avertissant ses successeurs de ne l’ouvrir qu’en cas d’extrême nécessité, pour puiser dans le trésor qu’il contenait. Le tombeau restera fermé pendant des années et des années. Jusqu’à l’insatiable Darius qui l’ouvrit et trouva cette inscription : « si tu n’étais pas un homme vorace et cupide, tu n’ouvrirais pas la demeure des morts ». (1)

En réalité, nous faisons pire que d’ouvrir la demeure des morts : nous dilapidons leurs biens et profanons leur sueur. Michel Serres l’a montré dans son livre Rome, « notre développement est un empilement de cadavres ». Ces classements angéliques sont le prolongement des colonisations, de l’esclavage, des guerres, de l’exploitation au fer rouge et au fouet de flamme : « un empilement de cadavres ».

Et c’est vrai, Dieu merci, que le Burkina n’est pas encore riche de cette richesse, mais plutôt de celle dont parlait un grand homme d’Etat français : « Haute Volta, terre des hommes ». Nous courons vers et pour le développement. N’oublions pas de voir de temps en temps où nous mettons les pieds. Le développement est une guerre : une guerre pour produire et amasser ; mais aussi pour se faire et exister.

En ce qui concerne, le second volet, se faire et exister, le Burkina est immensément riche. Prenons garde de ne pas brader un trésor aussi précieux contre le prix d’une sauterelle

(1) Hérodote, l’Enquête, I.

Par Ibrahiman SAKANDE (sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 29 mars 2010 à 04:23, par Patriote Lucide En réponse à : Editorial de Sidwaya : Pauvreté et pauvreté ?

    Vous faites beaucoup de confusion Monsieur. C’est pas les pays africains qu’on classe, ils ont seulement leur rang dans un classement. En quoi par exemple la France, l’Allemagne, la Suisse... pourraient se plaindre dêtre derrière la Norvège, la Suède...? Juste pour leur permettre, comme vous le soulignez si bien, de prendre conscience d’un certain retard sur un nombre de plans.

    Nous Africains devons plutôt voir dans ces classements un motif de domination de notre amour-propre et donc un appel au travail, à commencer par nos chefs d’Etat, car c’est eux qui corrompent (au sens premier) le developpement de l’Afrique. Notre coton est mal achété pourquoi ? Parce que, dans le concert des nations, nous n’avons pas de voix, dispersés que nous sommes ! C’est l’orgueil suicidaire de chacun (pays) qui se prend pour quelqu’un, comme disait BADO !Je suis pas sankariste(mais j’aurais suivi Sankara si j’étais grand avant son assassinat), reconnaissez que l’Afrique n’a connu aucun president aussi visionnaire que lui. C’est le "New Che Guevara" ou "Der Africaner Che". Juste cliquer sur youtube.Ce prophète est mieux connu del’étranger (Allemands, Italiens,Portuguais, Russes..) que de ses propres frères. Suivez son discours sur la dette au Sommet d’Addis Abeba. La voie qu’il proposait dans ce discours était la seule à même de sortir l’Afrique du trou.

    Vous citez de beaux exemples : Chine, Inde,... lisez commenet ils y sont parvenus. Ce n’est pas en fustigeant un quelconque classement. C’est juste par le travail et la volonté tenace de se rendre indépendants. Vous avez peut-être accueil avec joie et fierté les festivités comémoratives des 50 ans d’indépendance. A mon sens, on ne devait même pas les organiser !

    Pour dire, qu’à la vérité, l’Afrique n’a pas encore su bénécier de ses richesses à ce jour. Nous les avons, mais seulement dans les mains des autres, si simplement elles ne dorment pas inutilement dans le sol, soit parce que nous n’en connaissons pas la valeur, soit parce nous n’avons pas les moyens de les exploiter(puisque c’est l’argent qui appelle l’argent).

    Dans un tel contexte, le Burkina est bien un pays pauvre. N’encouragez pas les gens à se consoler d’un tel sombre classement au motif qu’il ne serait pas objectif. La pauvreté se voit à l’oeil nu. En tout cas, vous aurez du mal à convaincre que le Burkina vaut mieux que le Ghana, la Suisse,...

    Et si jamais vous pouvez, dites-nous les richesses de ce pays que semblez pouvoir brandir. Il n’y a rien. On doit seulement travailler !!!!!!!!!!

  • Le 29 mars 2010 à 12:06, par Minnayi En réponse à : Editorial de Sidwaya : Pauvreté et pauvreté ?

    Bonjour ! Je voudrais d’abord encourager l’éditorialiste pour son travail quotidien inlassable.

    Mais je pense qu’il est temps d’abandonner ce travail, certes intellectuel, mais peu honnête. Avant de contester le classement fait annuellement par le PNUD, l’éditorialiste aurait dû, pour un travail scientifique, analyser tous les critères qui ont valu ce classement à notre cher Faso. Je souligne qu’il est en retard parmi les contestataires du classement. D’autres voies du Faso l’ont dévancé dans ce travail dont eux seuls savent les objectifs visés. Si toutefois, c’est pour une fois de plus tromper la vigilance des citoyens Burkinabè, ce serait peine perdue car la réalité de la vie sociale est là pour attester.

    Acceptons sans honte et dans la plus grande humilité que nous sommes derniers et travaillons pour cela. Du travail et de la bonne gouvernance, viendra peut-être le salut mais non dans ce jeu de cache-cache qui ne saurait être éternel. Merci

  • Le 29 mars 2010 à 17:14, par lilboudo En réponse à : Editorial de Sidwaya : Pauvreté et pauvreté ?

    Chaque fois que je lis l’éditorialiste, je me demande comment il arrive avec brio à nier l’évidence ! Un pays où la moitié des personnes n’a pas un dollar (600fcfa) par jour, n’arrive pas à joindre les deux bouts de l’année (on sait comment en milieu rural le "babenda" est souvent le seul recours pour ne pas trépasser)..., un pays où palu et sida ont élu domicile, laissant des couches entières de la population desemparées... n’est-il pas pauvre, monétairement parlant ?
    Il est vrai que la pauvreté admet plusieurs facettes : pauvreté monétaire, pauvreté d’esprit, pauvreté en ressources naturelles, pauvreté "culturelle", bref, mais tout compte fait, les classements des organismes qu’il incrimine se basent sur des critères prédéfinis, en l’occurence la possession monétaire. Et sur ce point, notre fierté ne doit pas nous aveugler de l’évidence : des sociétés font mieux ! Est ce pour cela qu’on est pas "développé" ? Là se trouve la question. Je suis contre la hiérarchisation des nations en développés et sous-développés, mais pour certains des traits caractéristiques pour une humanité épanouie (parmi lesquelles la science, la philosophie, la poesie...), il est vrai que les nations ne se situent pas sur la même échelle d’évolution...

  • Le 29 mars 2010 à 23:37, par Tiraogo En réponse à : Editorial de Sidwaya : Pauvreté et pauvreté ?

    Ceux qui sous-entendent que le Burkina n’est pas un pays pauvre,autant qu’on veuille le classer ou décrire, ne doivent pas se souvenir des lignes limitrophes du pays. Ouagadougou est la Capitale du Burkina et non le pays. Je voudrais juste rappeler, qu’il y a encore des gens dans ce pays qui boivent l’eau de ruissellement ou du marigot jusqu’à ce qu’elle tarisse. Il y a une masse silencieuse qui souffre encore au Burkina. Ne vous fiez pas au téléphone portable qui raisonne dans presque tous les villages. "Si les cornes ne font pas partie des critères de beauté, n’essayez pas de présenter votre taureau, merci."
    Nous verrons la voie du développement, le jour où nous nous déferons de la féodalité et de l’autocratie dans ce pays.

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