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FILLES MERES EN DIFFICULTES : Victimes innocentes de l’injustice sociale

Publié le mercredi 24 mars 2010 à 02h48min

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On les appelle « filles mères ». Elles sont au ban de la société parce
qu’elles ont osé goûter au fruit défendu et « attraper » une grossesse
alors qu’elles étaient encore sous le toit parental. Certaines y ont été
contraintes. D’autres en sont arrivées là par naïveté ou par
inadvertance. Dans tous les cas, la sentence est toujours la même,
lourde et sans appel. Elles doivent renoncer au cadre et à l’assistance
de la famille. Les plus chanceuses arrivent à trouver demeure chez
l’auteur de leur grossesse. Les moins chanceuses, les plus nombreuses
sans aucun doute, devront affronter la rudesse de la vie toutes seules,
loin de tout soutien de leurs parents ou du charmeur d’un soir qui se
sera volatilisé dans la nature dès qu’il a senti le danger.

Elles sont nombreuses à voir leur vie ainsi chavirer du rêve au cauchemar dans la fleur de l’âge. Abandon brusque d’études, traumatismes psychologiques et même suicides, sont les tristes sorts de ces filles. Le phénomène est préoccupant mais on en parle très peu.

Des oranges pourries qu’il ne faut pas mélanger aux bonnes, au risque qu’elles ne pourrissent toutes. C’est
ainsi que les puristes de la morale sociale caricaturent les filles
mères. Ces jeunes qui, dans la fleur de l’âge, ont connu l’expérience de
la grossesse avant leur mariage et en étant toujours sous le toit de
leur parents. Aucune pitié vis-à-vis de ces « malpropres » qui font la
honte de leurs parents. Elles doivent immédiatement quitter la maison
familiale dont elles sont désormais indignes, et affronter la vie toutes
seules. Elles sont de plus en plus nombreuses à vivre cette bien
douloureuse expérience qui en traîne nombre d’entre elles à des fortunes
saumâtres. Rejetées par leurs familles, elles seront ensuite abandonnées
par leur séducteur d’un soir qui disparaît dans la nature à l’annonce
de la grossesse. Les unes ne peuvent supporter un tel sort et mettent
fin à leurs jours. Les autres s’en remettent aux structures sociales
œuvrant dans le domaine du soutien aux filles en difficultés. Malgré
leur nombre en croissance exponentielle, ces structures ne désemplissent
pas.

Ouvert en 2007, l’Hôtel maternel, situé dans
l’enceinte de la direction régionale de l’action sociale du centre, à
Ouagadougou, fait partie de ces structures. Spécialisé dans l’accueil
et la prise en charge des enfants et des adolescentes en difficultés, il
se veut, selon le mot de sa première responsable, Raymonde pauline
Traoré, une réponse aux problèmes d’exclusion sociale des adolescentes
en difficultés. De 2007 à 2009, la structure a accueilli au total 73
filles mères ou en grossesse et 15 filles victimes de mariage forcé. En
plus de la prise en charge au niveau alimentaire et sanitaire, les
filles bénéficient de formation en couture, tricotage, broderie,
fabrication de savon, etc. Le centre d’accueil et d’hébergement des
filles en difficultés de l’Association Managré Nooma pour la protection
des orphelins (AMPO/MIA), situé au secteur 30 de Ouagadougou, a des
objectifs similaires. 20 pensionnaires occupaient les locaux au moment
de notre passage. Les filles sont formées dans les mêmes filières qu’à
l’Hôtel maternel.

Des anciennes pensionnaires, installées en ville,
s’en sortent assez bien et reviennent souvent prêter main forte au
centre dans la formation des nouvelles venues. Selon Souleymane Nana,
responsable du centre, les filles y arrivent souvent au bord du
désespoir, certaines envisagent même le suicide. Au bout de la
persévérance, elles finissent par se faire une place au soleil. Et M.
Nana de nous raconter l’histoire de cette jeune fille, bannie de sa
famille pour raison de grossesse. Admise au centre, elle renouera avec
ses études qu’elle avait été contrainte d’abandonner par la force des
choses. Aujourd’hui, élève sage-femme à l’Ecole nationale de santé
publique, elle s’apprête à embrasser une prometteuse carrière
professionnelle. C’est en ce moment que sa famille revient sur ses pas
pour chercher à la reconquérir. Son grand frère qui était « le chef de
file » de ceux qui ont milité pour son bannissement, lui a même acheté
une motocyclette et la supplie de revenir dans la famille.

Ce revirement
subi, le responsable de AMPO/MIA l’explique par le fait que les parents
se sont rendu compte de ce que la fille va bientôt réussir et la famille
aura forcément besoin d’elle. Ramata Balima a une histoire saisissante.
Handicapée des deux membres inférieurs et issue d’une famille pauvre, à
Tenkodogo, son existence était déjà loin d’être rose. Elle verra sa vie
totalement basculer au cauchemar lorsqu’un jeune homme l’enceintera.
Mise à la porte par ses parents, elle essaie, dans un premier temps, de
rejoindre l’auteur de la grossesse. Ce dernier se « disparait » dans la
nature. On apprendra plus tard qu’il a élu domicile au Togo. Ne sachant
où aller, Ramata décide de rallier Ouagadougou où elle a une vague idée
d’un oncle qui serait commerçant au marché de « Zabre Daaga ». Elle n’a
toutefois pas l’adresse exacte de ce dernier. C’est ainsi qu’elle
débarque dans la capitale.

Au bout de plusieurs jours de recherche, elle
ne parviendra pas à retrouver son oncle. Elle fera le tour de la ville
dans l’espoir de trouver une âme charitable qui voudra bien lui accorder
un logis, en vain. C’est au bord du désespoir qu’elle rencontrera une
dame un matin au quartier « Ouidi », qui la conduira à AMPO. Depuis, elle
est dans cette structure où elle dit s’épanouir convenablement. Elle dit
avoir retrouvé l’espoir de revivre et son rêve est de parvenir au bout
de sa formation en couture et sortir s’installer à son propre compte
afin de construire sa vie.


Somnifères injectés à des bébés

souleymane nanaLe phénomène des filles mères, de l’avis de nombreux
travailleurs sociaux, est préoccupant. Il est accentué par certains
comportements et attitudes sociaux. C’est le cas de certaines pratiques
policières. Par exemple, témoigne un agent social, bon nombre de filles
ont vu leur vie chavirer à partir du moment où elles ont été raflées par
la police. N’ayant pas d’argent pour payer la contravention, elles
seront « sauvées » par des patrons de chambres de passe. Ces derniers,
après avoir payé à la police pour les retirer, placent ces filles dans
leurs chambres noires pour qu’elles « travaillent » pour rembourser
l’argent de la contravention.

Cela donne lieu bien souvent à de
véritables situations d’exploitation de l’homme par l’homme. C’est ainsi
que, pour 10 ou 15 000 FCFA payés à la police pour récupérer une fille,
ces « négriers des temps modernes » peuvent la faire payer 100 à 150 000
FCFA. Certaines filles finissent par demeurer dans ces circuits obscurs
de la prostitution pour survivre. Celles qui ont des enfants ne se
laissent pas « perturber » par la présence de leur rejeton. La nuit venue,
pour pouvoir vaquer librement à leur besogne, elles n’hésitent pas à
user de procédés des plus invraisemblables. Aux pauvres enfants, on
administre de fortes doses de somnifères, souvent du valium ou du
« bleu-bleu » pour qu’ils dorment toute la nuit. Certains succombent à
l’overdose.

Pour Souleymane Nana, il faut que la société ait un autre regard sur le
phénomène des filles en difficultés. Beaucoup d’actions en faveur des
femmes, dit-il, ont été annoncées. Mais il déplore le fait que ces
actions sont soit mal orientées, soit ne parviennent jamais aux
concernées, ou ne dépassent jamais le stade des vœux pieux. Les femmes
en difficultés sont ainsi abandonnées à leur sort dans l’arrière
société, confrontées aux pires formes de la misère humaine.

Les médias ne sont exempts de tout reproche dans cette affaire. Dans les
rangs des travailleurs sociaux, ils sont nombreux à croire que ceux-ci
contribuent, en bonne partie, à rendre l’existence rude pour les jeunes
filles. A 18 ans, explique l’un d’eux, la fille est comme une folle.
Elle a des fantasmes, des folies qu’elle veut expérimenter. C’est en ce
moment que l’influence de médias telle la télé devient très vive et
souvent fatale pour la jeune fille qui à tendance à imiter
systématiquement ce qu’elle voit à la télé.* *Quant on sait le degré de
nocivité de certains programmes de la télé, conclut-il, on peut
comprendre pourquoi tant de déchéances au sein des filles. C’est
pourquoi appelle-t-il à plus de rigueur dans les choix des programmes de
télévision.

L’histoire de Rouky, 18 ans, n’est pas moins pathétique.
Originaire du village de Boulkon, à une trentaine de kilomètres de Yako,
dans la province du Passoré, cette adolescente avait jusque-là vécu des
jours paisibles aux côtés de sa grand-sœur à Ouagadougou. Ses malheurs
commenceront juste après le décès de son père. En effet, lorsque le père
de Rouky s’en est allé, à peine a-t-elle eu le temps de digérer son
deuil, qu’une délégation débarque du village pour lui annoncer que son
futur époux, un septuagénaire à qui son père l’aurait promise, de son
vivant, demande qu’elle rentre au village pour la célébration du
mariage. Son opposition et celle de son aînée seront très vite anéanties
par des menaces de mort, si toutefois elles n’obtempéraient pas. « Vous
osez contester une décision des ancêtres ?

Pourrez-vous en supporter les
conséquences ? », leur a-t-on envoyé comme missive du village. Face à la
détermination des gens du village à l’obliger à ce mariage qu’elle ne
voulait pas, elle s’enfuira du domicile de sa sœur pour se confier à une
amie qui la conseillera d’aller se confier à AMPO. Conseil qu’elle
suivra. Lorsque les responsables de AMPO se sont déplacés à Boulkon pour
s’enquérir de ce qui se passait, c’est un chef de village et des
notables très courroucés qui les ont accueillis. A ces responsables, le
message du village a été sans ambages. On leur a demandé de rendre la
fille au plus vite pour que le mariage soit célébré. « C’est un vœu des
ancêtres que nous ne devons, pour aucun prétexte au monde, éviter de
satisfaire », leur a-t-on signifié, avant de les inviter à se magner de
rendre la fille, au risque de subir des conséquences très fâcheuses.

A
l’adresse de Rouky, on a présenté une tombe encore fraîche. Elle serait
celle d’une jeune fille qui aurait refusé de se plier à la « volonté
ancestrale » de se marier à l’homme à qui elle était destinée. Une folle,
assise sous un arbre au milieu du village sera aussi présentée comme une
autre de ces récalcitrantes qui osent s’opposer à la volonté des aïeux.
Rouky ne serait pas loin de l’un ou l’autre des deux sorts si elle
persiste dans son entêtement. C’est dans des circonstances aussi
troubles que Rouky continue sa vie à AMPO, l’esprit confus et hantée
par l’incertitude du lendemain. Plus tard, on apprendra que le
septuagénaire de mari, un ancien agent vétérinaire à la retraite au
village, vaccinait les poussins du père de Rouky. Ce serait en
reconnaissance à ses services rendus que le père lui aurait fait don de
Rouky.

Par Abraham TOURE


Une fillette de 13 ans mariée à un homme de 72 ans !

Cynthia Traoré est une autre incarnation des misères de jeunes filles. A
12 ans, elle se retrouve à la Maison d’arrêt et de correction de
Ouagadougou (MACO) pour avoir volé un sac de pomme de terre. A 13 ans,
elle se retrouve avec un homme de 72 ans comme mari. Tout commence,
selon son propre témoignage, avec le décès de sa mère. Elle n’avait que
11 ans. Ne connaissant pas son père, elle se retrouve toute seule à
affronter la vie. Sans la moindre ressource, ce sont les circuits de
prostitution qui l’accueilleront dans un premier temps. Elle ne
parviendra pas à tirer son épingle du jeu dans ce domaine, tant le
milieu est rude, surtout pour les filles de son âge.

Elle se retrouve
ainsi à la MACO pour un sac de pomme de terre qu’elle avait volé pour se
nourrir. A sa sortie de prison, sa situation ne s’améliore guère.
Toutefois, elle prend l’engagement sur elle-même de changer de vie. Plus
de vol ni de prostitution. Dans sa recherche de logis, son chemin
croisera celui d’un vieillard de 72 ans qui se porte d’abord volontaire
pour l’héberger avant de se convertir par la suite en époux. Bien que ne
le supportant pas en tant que mari, elle n’osait pas quitter. Avec lui,
elle pouvait au moins bénéficier chaque matin de 100 FCFA pour manger.
C’est dans cette situation qu’elle découvrira AMPO qui la retirera des
griffes du vieil homme. Aujourd’hui, elle dit vouloir se former à un
métier pour entamer une nouvelle vie.

A.T


Ces enfants qu’on veut éliminer !

Certaines des filles mères présentes à AMPO/MIA ont mis au monde des
enfants problématiques. Des enfants qu’on cherche à éliminer coûte que
coûte. C’est le cas de cette jeune fille qui vivait chez sa tante dont
le mari est un officier de l’armée. A l’insu de sa femme, ce dernier
avait des relations sexuelles avec la jeune fille. Il a fini par
l’enceinter, et lorsque la femme s’en est rendu compte, cela a engendré
un vif conflit dans le foyer. L’officier de mari a nié être l’auteur de
la grossesse. Toujours est-il que la jeune fille sera répudiée de la
maison. AMPO l’accueille. A la naissance de l’enfant, l’on se rend à
l’évidence que c’est bel et bien l’œuvre de l’officier, tant l’enfant
lui ressemblait trait pour trait. Ce genre d’enfant est à surveiller de
très près. Ce sont des enfants à problèmes dont les géniteurs veulent se
débarrasser, même s’ils sont à l’orphelinat, pour mettre fin, une fois
pour toutes, aux problèmes.

Ils peuvent être victimes d’enlèvement sur
le chemin de l’école, victimes d’assassinat ou d’empoisonnement. Les
responsables de AMPO en sont conscients. Ils n’osent pas inscrire
certains enfants à l’école. L’enfant de l’officier est de ceux-là. Même
s’il a l’âge d’aller à l’école, il ne peut y aller. L’on redoute les
intentions de l’officier. Du reste, l’ensemble des enfants que AMPO
envoie à l’école sont l’objet d’une surveillance particulière. Le matin,
ils sont accompagnés jusqu’à la porte de l’établissement et obligation
leur est faite de ne boire ni manger quoi que ce soit à l’école. Leur
goûter leur est apporté à la recréation. A la descente, ils sont
attendus à la porte de l’école pour être conduits à AMPO.*

A.T


Le miracle de Marie

Au centre d’accueil AMPO/MIA, les filles ont, chacune, une histoire bien
singulière. Elles ont toutefois en commun leur invraisemblance. Celle de
Marie tient, à la limite, du miracle. Née à Namounou, vers la frontière
du Niger, Marie est confiée, à l’âge de 9 ans, à son oncle, enseignant à
Manga. Sa vie chez ce dernier et sa femme est, selon elle, un véritable
supplice. Corvées domestiques de tout genre, privation de nourriture et
autres sévisses corporelles sont son lot quotidien. Exténuée par un
traitement que l’épouse lui réservait, elle décide de s’en aller du
domicile. Mais ne sachant où se trouvent ses parents, elle ne sait vers
où se diriger. Elle finit tout de même par s’enfuir du domicile de son
oncle et se retrouve à Ouagadougou. Ne connaissant personne dans cette
ville, elle se confie à une dame tenant un restaurant au quartier
Gounghin.

Celle-ci, intriguée par la situation de la jeune fille, se mit
à en parler à son entourage et à ses clients du restaurant. Finalement,
on lui conseillera de remettre la fille à la police pour éviter
d’éventuels ennuis. Ce qu’elle fera. Reprise par la police, Marie est
confiée à AMPO. Plusieurs mois après, un client du restaurant qui avait
entendu la restauratrice de Goughin parler du cas de Marie, de passage à
Namounou, par pure coïncidence, tombe sur une conversation où c’est le
père de la jeune fille qui parle de la disparition de sa fille de chez
son oncle à Manga. Et le voyageur de dire à l’infortuné père qu’il avait
entendu parler d’une fille du même nom qu’une dame avait hébergée à
Ouagadougou. Le père de Marie, conduit chez la dame, puis à la police,
retrouvera sa fille à AMPO/MIA. Après vérification, la miraculée sera
remise à ses parents.

A.T


Aidez-moi à retrouver mes parents !

Confié au centre AMPO par la Brigade des moeurs et des mineurs
(BMM), Abdoul, ce môme de 6 ans, aurait été retrouvé dans un restaurant
de Ouagadougou, abandonné par sa mère. Selon les informations reçues, la
mère serait venue dans le restaurant avec son fils et lui a acheté à
manger. Pendant que l’enfant mangeait, elle se serait retirée du
restaurant comme si elle devait faire une course à côté et revenir. Elle
n’est plus jamais revenue. Après plusieurs heures d’attente, les
propriétaires du restaurant se sont rendus à l’évidence qu’elle ne
reviendra pas.

Ils ont alors alerté la police qui est venue chercher
l’enfant pour le confier à AMPO. Aujourd’hui, c’est un véritable SOS que
les responsables du centre lancent à toute personne qui reconnaîtrait
cet enfant ou ses parents de prendre attache avec eux afin que
l’infortuné garçonnet puisse sortir de là.

*Contact : 50 50 12 71*

Le Reporter

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