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Gilbert Bawara (porte-parole de Faure Gnassingbé) : "Jean-Pierre Fabre est mal entouré"

Publié le jeudi 11 mars 2010 à 03h26min

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Le 8 mars 2010, trois jours après la proclamation des résultats provisoires de la présidentielle du 4 mars par la CENI, Gilbert Bawara, ministre de la Coopération et porte-parole du candidat-président Faure Gnassingbé, nous a reçu dans son bureau du 7e étage de l’immeuble du Centre administratif des services économiques et financiers (CASEF). Il tire ici le bilan de la campagne et se prononce sur les résultats du scrutin. Tout en donnant les raisons de la victoire de son candidat, il reconnaît le score honorable de Jean-Pierre Fabre, mais réprouve les méthodes de revendication de ce dernier, qui vont à contre-courant des aspirations des Togolais, fatigués des drames postélectoraux.

Votre candidat, le président sortant Faure Gnassingbé, vient d’être élu. Quelle appréciation faites-vous de cette élection ?

• Je suis satisfait du bon déroulement de l’élection. La campagne s’est passée dans une ambiance apaisée. Le scrutin lui-même s’est déroulé dans un climat calme. Et seul le président Faure a été, au cours de toute la campagne, constant dans son attitude, en appelant les Togolais à préserver la paix et à éviter tout acte de violence.

Nous savons les conséquences désastreuses qu’ont produites ces violences dans le passé. Certains candidats ont refusé cette main tendue. Mais, fort heureusement, la majorité de la population a adhéré à ce message de paix du président Faure. Si notre candidat a été élu, ce n’est pas le fait du hasard. Il y a 3 raisons qui expliquent cela :

- Nous ne partons pas de zéro, le président Faure a un bilan. Ce bilan a des insuffisances, mais chacun admet que le Togo a fait des pas en avant en matière de démocratie, de liberté, de droits de l’homme, de cohésion sociale, de climat d’ouverture, de dialogue et de décrispation ; la réconciliation nationale est amorcée. Sur le plan économique, nous avons accédé à un certain nombre d’avantages avec les partenaires. Parce que nous avons satisfait à un certain nombre de conditionnalités : recrutement à la Fonction publique, accès à l’eau potable. Des infrastructures sont en train d’être construites ;

- deuxièmement, il y a l’expérience que Monsieur Faure a acquise au cours des 5 dernières années ;

- enfin, il y a la personnalité du président Faure, qui est perçu comme un homme d’ouverture, consensuel, qui ne fait pas de forcing dans le processus politique. Je dis donc que ces 3 éléments mis ensemble, à savoir le bilan, l’expérience et la posture consensuelle du président Faure, en faisaient le meilleur candidat pour poursuivre le changement amorcé.

En ce qui concerne les résultats, il faut regarder déjà le comportement de certains candidats avant leur proclamation officielle. Les gens se sont distribué les postes de président de la République et de Premier ministre avant l’issue du scrutin. Prenez monsieur Jean-Pierre Fabre : le lendemain des résultats, il a dit qu’il gagnait avec un score de 75 à 80%, et après, il affirmait qu’il gagnait avec 55 à 60%. Ça ne fait pas sérieux.

Le candidat Jean-Pierre Fabre argue que les résultats des CELI ont été publiés directement devant les médias, sans vérification ni validation par la CENI. C’est suspect.

• Cela est faux. Quand les présidents des CELI finissaient de lire leurs résultats, qu’est-ce qu’ils disaient à la fin : ces résultats ont été certifiés et signés par le président de la CELI, le vice-président, le rapporteur et par les membres. Est-ce que tout ce monde était pour le président Faure ?

Cela veut dire que monsieur Fabre ne fait même pas confiance à ces représentants qui sont dans les CELI, et ne fait pas confiance à ses représentants au sein des bureaux de vote. Ces représentants ont reçu copie des différents P.-V. de dépouillement, pour une question de transparence. Les urnes étaient posées sur une table, on sortait les bulletins, qu’on lisait à haute voix, chacun notait, et à la fin on totalisait et on remettait les résultats aux délégués des candidats.

Ce qui serait cohérent est que les 6 candidats aient des résultats qui ne sont pas en conformité avec ceux des CELI proclamés. Or, monsieur Fabre est le seul parmi les 7 candidats à tenir ce langage, et des candidats de l’opposition, il est aussi le seul dans ce cas. La logique voudrait qu’à ce point du fait qu’on soit minoritaire, on soit fair-play. Monsieur Fabre ne fait confiance à personne, y compris à ses propres représentants, et il voudrait que les Togolais lui fassent confiance !

Monsieur Fabre a obtenu 34% des suffrages. Ce n’est pas rien. Ne serait-il pas judicieux que Faure prenne cela en compte ?

• Bien sûr qu’il faut prendre cela en compte. 34%, c’est un bon score honorable, surtout pour quelqu’un qui, il y a un mois, ne s’imaginait pas qu’il serait candidat à une présidentielle. Malheureusement, il y a eu un certain nombre de dysfonctionnements, y compris dans son propre parti. D’abord, il n’y a pas eu d’unanimisme pour le soutenir, ni un consensus pour qu’il soit candidat. Il a forcé pour être candidat.

Ensuite, il a tenté de rallier un certain nombre de partis politiques de l’opposition, et il n’y est pas parvenu. Enfin, l’expérience, ou du moins son manque d’expérience : il est député à l’Assemblée nationale, de la commune de Lomé, mais combien de fois il est retourné dans sa circonscription ? Combien de fois il a initié des propositions à l’Assemblée pour contribuer à répondre aux aspirations des populations sur le plan socio-économique ?

Les sujets défendus par l’UFC portent sur les domaines politique, électoral et partisan. Tout cela constitue des indicateurs. Malgré toutes ces difficultés de départ, qu’il ait pu faire un score de 34% est honorable. Ce score témoigne de l’adhésion d’une bonne partie de la population à sa personne, aux idées qu’il défend. Malheureusement, il est entouré d’individus, y compris de gens qui ne connaissent pas le Togo, qui ont fait toute leur carrière à l’étranger et qui sont en train de l’induire en erreur.

Comment voyez-vous l’avenir immédiat du Togo, puisque l’UFC appelle à des manifestations de résistance jusqu’à la prise du pouvoir ?

• Je constate que les populations ne semblent pas du tout les suivre. Parce que quand on est battu par les urnes de manière claire et nette, quand on est minoritaire au sein de l’opposition en termes de réaction, on doit se remettre en cause ; quand on refuse des résultats clairs, alors que les Togolais, de façon unanime, veulent l’apaisement, il faut en tirer les conséquences.

Les Togolais veulent la paix, condition indispensable pour réaliser le développement. Il y a trop de choses à faire. Il y a encore et toujours des souffrances au Togo, des difficultés énormes. Ces difficultés doivent conduire ceux qui ont gagné à tendre la main, et c’est ce que fait le président Faure. Il fera en sorte que toutes les bonnes volontés se coalisent pour que nous travaillions dans la paix.

C’est donc peine perdue que d’appeler à la résistance. D’abord, c’est un acte irresponsable, car cela peut entraîner des dérapages. Les Togolais n’ont plus besoin de vivre des drames. Il n’y a plus besoin de provoquer des morts d’homme pour être leader politique. Monsieur Fabre et ses comparses, Agbeyomé Kodjo et Koffi Yamgname, sont en train de se tromper d’époque, de pays et de peuple.

Les Togolais en ont marre de souffrir et de voir des hommes politiques les jeter dans la rue. Est-ce que ce sont ces manifs-là qui vont apporter aux Togolais le bien-être ? Vraiment, par décence, on devrait arrêter avec ce genre de comportement.

Interview réalisée à Lomé par Zowenmanogo Dieudonné Zoungrana


Brèves de Lomé

5 mars 2010 : Faure chez Blaise

Alors que les dépouillements étaient terminés et que la CENI centralisait les résultats, le président-candidat a fait un aller-retour, semble-t-il, chez Blaise Compaoré, le facilitateur. Pour quelles raisons ? Le lendemain 6 mars, il remettait ça en se rendant en Italie. Une façon, croit savoir un analyste politique, de banaliser l’élection et de signifier qu’il est candidat à sa propre succession, mais toujours en fonction comme chef de l’Etat.

Siège assiégé

L’UFC et les partis membres du FRAC projetaient de marcher le 9 mars dans la matinée. Dès le 8 mars, son siège au quartier Bè était encerclé par les forces de sécurité. Le "Von" (6 mètres) qui conduit au QG de l’UFC grouillait de policiers et de gendarmes, casqués et armés de matraques.

4 mars 2010 : introuvable Internet

Il n’est déjà pas facile de trouver un cybercentre fonctionnel à Lomé un jour ouvrable, alors lorsque vous devez en chercher un jour férié tel le 4 mars, c’est la croix et la bannière. Tous les cybercentres étaient fermés. A l’hôtel Sarakawa, 5 étoiles en dépit du fait que c’était le pied à terre des personnalités (Obasanjo, Louis Michel...), le cybercentre était fermé ; le Wi-Fi ? Malgré le fait que nous avons payé une carte censée nous ouvrir le site de l’Hôtel, rien. Heureusement, notre confrère Morin Yamonmoin, qui avait ses quartiers à l’Hôtel, nous a permis d’envoyer nos articles à partir de sa chambre, et ce, après plusieurs essais. Merci Morin.

VSAT ou Togo Telecom ?

Les résultats à la CENI devaient être reçus par VSAT à partir des CELI. Il y avait aussi les SMS, les Fax et les feuilles originales. Malheureusement, il semble que ces appareils VSAT n’ont pas fonctionné. Alors, l’opposition accuse le RPT d’avoir installé des appareils de Togo Telecom, voie ouverte aux fraudes, selon elle. Selon d’autres personnes, en fait, un haker avait réussi à pirater le système de la CENI et consultait les données. L’intéressé a été pris, mais la CENI a préféré abandonner les VSAT.

Quand Faure torpillait Agbèyomé chez le "vieux"

"Je suis l’hériter du défunt président Gnassingbé Eyadéma" ; cette phrase, Agbèyomé Kodjo, le patron de l’OBUTS et candidat malheureux à la présidentielle du 4 mars, n’hésite pas à la lancer à la cantonade. Demandez-lui pourquoi, et il dira qu’il ne répond pas. En off, the record, il vous dira qu’il est le seul du Sud à qui le vieux avait donné sa fille en mariage. "Eyadéma me préparait pour lui succéder. J’ai des secrets de famille que même Faure ignore, le même Faure allait régulièrement masser les pieds du vieux, il aimait cela, ça le relaxait, et c’est à ces occasions que Faure m’a torpillé chez son papa, je n’ai pas voulu réagir à l’époque".

Inflation d’observateurs

A cette présidentielle togolaise, il y avait manifestement une inflation d’observateurs. "Il y avait plus d’observateurs que d’électeurs", disait ironique, un confrère. Il suffisait de faire un tour à l’Hôtel Sarakawa pour s’en rendre compte.

Yark, FOSEP et rapport de l’ONU

Yark Demahenne, tout-puissant patron de la FOSEP, est un pandore compétent. Il a été commandant de la gendarmerie togolaise, chef du service de renseignement sous Eyadéma. Il a dirigé d’une main de maître cette force de sécurité des élections. Musulman pratiquant, il se rend à la mosquée et fait ses prières journalières. Seule ombre à ce tableau, selon ses adversaires, il figure sur le rapport de l’ONU comme faisant partie de ceux qui ont participé aux exactions d’avril 2005.

Note salée pour candidats malheureux

La caution pour chaque candidat à cette présidentielle était de 20 millions. Une somme remboursable à condition que le candidat franchisse la barre des 5%. Si on y ajoute les dépenses de campagne, chacun a beaucoup mis la main à la poche. Finalement, seuls Faure et Fabre seront remboursés, les autres ont enrichi le Trésor public togolais.

FRAC : Gilchrist réhabilite Me Agboyibo

Le 10 février 2010, naissait à Paris, au domicile de l’avocat François Boko (ex-ministre de la Sécurité), le FRAC. On a accusé après Me Yawovi Agboyibo d’avoir claqué la porte à cette structure. Le 28 février, lorsque Gilchrist est revenu à Lomé, il a réhabilité le président du CAR, en affirmant que sur ce volet, lorsqu’il a reçu les différents leaders à Paris, Me Yawovi n’était pas au courant de l’objet de cette réunion, contrairement à ce qu’avait affirmé Fabre.

Kpatcha bientôt en liberté

Déjà, dès le 2 mars 2010 à 48 heures du scrutin, il se susurrait que le frère du président allait être élargi pour que Faure puisse ratisser large dans la région du Kozah, où il est populaire. Finalement il n’en fut rien. Mais il se pourrait qu’après cette victoire, Kpatcha retrouve la liberté.

Echanges d’amabilités Newton Barry/Louis Michel

Lors de la conférence de presse-bilan des observateurs de l’UE, faite le 6 mars à l’hôtel Sarakawa, notre confrère de l’Evènement, Newton Ahmed Barry, a égratigné Louis Michel, l’ex-commissaire européen au développement, en faisant allusion à un de ses fils qui aurait obtenu le marché de l’informatique de l’élection. Colère de Louis Michel, qui a dit qu’il en a assez des ragots, et que ses deux fils sont dans la politique et non dans les affaires.

Yamgname dans l’œil du cyclone

Son verbe, ces derniers jours, était devenu acéré à l’égard du pouvoir. Il était pressenti pour être le Premier ministre de J.P. Fabre. Koffi Yamgname, candidat recalé le 2 février par la Cour constitutionnelle, a des raisons d’en vouloir au RPT, qui le lui rend bien. Il se murmure qu’il est accusé de vouloir détruire le Togo, et serait donc dans la lorgnette du pouvoir.

Un représentant busy

Ountana Mansa, représentant spécial du facilitateur au Togo, est très busy à Lomé. Entre les multiples rencontres, il doit être l’œil et l’oreille de Blaise dans ce pays et lui en rendre compte. Normalement, il regagne momentanément Ouagadougou aujourd’hui 11 mars 2010.

Z.D.Z.

L’Observateur Paalga

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