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Conflits en Afrique : Le cycle infernal

Publié le jeudi 19 août 2004 à 08h09min

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Alors que l’on est en passe d’apercevoir des lueurs d’espoir en Côte d’Ivoire avec le Sommet d’Accra III dont les résolutions sont tant bien que mal mises en pratique, ainsi qu’au Darfour avec l’implication plus ferme de la communauté internationale, voilà que la résurgence du conflit des Grands Lacs vient nous "rappeler" que l’Afrique est "abonnée" aux guerres cycliques.

De la sécession Katangaise de 1964 (avec Moïse Tschombé) à la "fronde" ivoirienne de septembre 2000, le continent n’a pas fini d’égrener son chapelet de malheur.

Le deuxième trimestre de l’année 2004 a donné à voir une Afrique résolue à prendre à bras le corps, les nombreux conflits qui l’ensanglantent et, à défaut de les prévenir, de les circonscrire et de les résoudre. Cette nouvelle volonté qui a "accouché" du Conseil de paix et de sécurité (CPS) en juillet 2004 lors de la 3e session de l’UA à Addis-Abéba, a permis de prendre des mesures qui ont abouti, sinon à la résolution des conflits de l’heure (Soudan, Côte d’Ivoire, Ethiopie-Erythrée) du moins à leur apaisement. Sur la Côte d’Ivoire par exemple, le Sommet d’Accra III a permis de mettre en chantier, l’Accord de Marcoussis dans son volet politico-juridique. Non sans mal il faut en convenir, notamment sur la modification de l’article 35 de la Constitution, querellé par une partie de la classe politique et de l’opinion. Mais, la ferme volonté de la communauté internationale de voir la déclaration d’Accra III devenir une réalité palpable, permet de garder l’espoir. Un signe qui ne trompe pas, Laurent Gbagbo et Guillaume Soro, les deux "ennemis intimes" se sont rencontrés mardi dernier à Abidjan.

Au centre des discussions, probablement le modus-vivendi à trouver pour surmonter la fracture politique et sociale.

L’ethnicité, la nouvelle menace

Au Darfour cependant, et nonobstant les "razzias" sporadiques opérées par les Jenjawides à l’encontre des populations de la région (Fur, Zagawas), l’implication de l’UA aidée de l’ONU a permis de tempérer les ardeurs. C’est ainsi que Khartoum a rappelé à "l’ordre" les Jenjawides, ces cavaliers arabes suspectés d’être ses supplétifs.

Et, Olusegun Obasanjo, le nouveau "boss" de l’UA est en train de donner l’exemple, en demandant à son parlement de ratifier une loi autorisant l’envoi des soldats nigérians au Soudan. Mais, ni la Côte d’Ivoire, ni le Soudan ne sont à l’abri d’une rechute.

En Côte d’Ivoire pour cause "d’incompatibilité d’humeur" avancée et au Soudan du fait que, sous la poussé des "durs" du régime, Omar El Béchir est plus ou moins contraint d’appliquer la politique du bâton au Darfour. Coincé donc par la tendance islamiste de son régime, laquelle est dépitée depuis la mise à l’écart d’Hassan el Tourabi, qui était "l’éminence islamique" du pouvoir, jusqu’à sa chute, il y a un lustre.

C’est qu’en effet, le conflit du Darfour, tout comme celui de la Côte d’Ivoire, "charrie" des problèmes ethno-réligieux quasi insolubles. L’honnêteté commande de dire qu’il n’existe pas beaucoup "d’accointances culturelles" entre les populations arabes du Nord du pays et celles, noires, du Sud.

La faute là aussi est à la colonisation qui a "dépecé" un continent sans tenir compte de ses réalités ethno-culturelles. Mais, il y a pire, avec la RD-Congo, le cœur malade du continent qui connaît à nouveau des "palpitations" dangereuses. Le conflit des Grands Lacs est en effet en passe de se réveiller avec le récent massacre de 160 Banyamulengués (Congolais d’origine tutsi) à Gatunda dans le Kivu congolais. Kigali et Bujumbura ont, en effet, menacé d’exercer leur droit de poursuite contre les "massacreurs", qui sont pour eux, les Hutus "génocidaires" réfugiés au Kivu. Kinshasa voit derrière ce prétexte une volonté de prendre à nouveau pied dans cette région riche en minerais et pierres précieuses pour "l’exploiter" à nouveau.

Derrière ces "bisbilles" politico-diplomatiques (lesquelles ont tout de même valu la convocation d’un Sommet à Dar-es-Salam mardi dernier), se cache là aussi l’insoluble "équation" ethnique.

Le Kivu congolais est en effet majoritairement peuplé de Tutsis rwandais, réfugiés dans cette région, après le premier génocide rwandais de 1959-1960. Ce sont les descendants de ce premier drame qui avait fait plus de 500 000 morts qui sont les "Banyamulengués". Ils ne peuvent plus rentrer au pays pour des raisons économiques, mais surtout parce que la "petitesse" de leur mère-patrie (le Rwanda fait à peine 30 000 km2) ne les y autorise pas. "L’ethnocentrisme" apparaît comme la nouvelle menace qui pèse sur un continent qui n’a jamais connu une accalmie totale de plus d’un lustre.

L’explication de son retard au plan économique est peut-être à rechercher là, si tant est que le développement ne peut être pensé et réfléchi qu’à partir de nos réalités culturelles. Or, celles-ci sont travesties, "morcelées" avec pour conséquence des hommes "hybrides" perdu dans leurs propres contradictions. C’est dire que le continent est en retard d’une révolution : celle culturelle qui ne peut se faire que par une relecture endogène de son histoire.

Boubacar SY
Sidwaya

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