LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Leçon de politique nigérienne : Pouvoir à vie = coup d’Etat permanent

Publié le vendredi 26 février 2010 à 01h55min

PARTAGER :                          

Alors que certains politiciens burkinabè, notamment de la majorité présidentielle, pinaillent encore sur l’opportunité de modifier l’article 37, portant limitation du mandat présidentiel, les militaires nigériens viennent de donner une leçon de chose politique à l’opinion internationale. De quoi apporter de l’eau au moulin des anti-révisionnistes et des révisionnistes.

Le Niger, faut-il le rappeler, s’était en effet engouffré dans une impasse politique à cause de la soif de pouvoir du septuagénaire Mamadou Tandja. Celui-ci a tordu le cou à la loi fondamentale de son pays pour se maintenir au pouvoir, alors que son mandat était arrivé à expiration le 22 décembre dernier. Il a d’abord dissout toutes les institutions républicaines et s’est ouvert le boulevard d’une mascarade de référendum constitutionnel afin de se tailler une VIe République à la mesure de sa boulimie du pouvoir.

Ainsi, il s’est octroyé une « rallonge de 3 ans » en plus des 2 mandats constitutionnels de 5 ans qu’il devait passer à la tête de l’Etat. Mais son désir de « pouvoir à vie » n’aura duré que 56 jours. Sous la houlette du chef d’escadron Salou Djibo, des officiers de l’armée nigérienne ont mis fin à son règne illégitime le 18 février dernier. Et voilà un 4e coup d’Etat militaire qui a retenti sur les berges du fleuve Niger comme un avertissement sans frais à tous les dinosaures qui ne veulent pas passer la main, même lorsque la Constitution de leur pays le leur commande.
Tandja a payé le prix de ses turpitudes. Mais les mêmes causes peuvent-elles produire les mêmes effets partout ? Rien n’est moins sûr.

En cela, les partisans du révisionnisme ont peut-être raison de signaler que « la situation du Niger n’est pas celle du Burkina ». Réunis en journées parlementaires le week-end dernier à Tenkodogo, les députés du gigaparti au pouvoir n’ont pas manqué de se prononcer sur le coup de force intervenu à Niamey. Ainsi, selon l’argumentaire de l’émérite danseur de Kankalaba, Tandja aurait cherché ce qui lui est arrivé en persistant à continuer un bail sans issue. Par contre, la Constitution burkinabè n’ayant pas « verrouillé » l’article 37, la possibilité du « pouvoir à vie » ne serait pas à exclure. Soit. Mais pourquoi défoncer, à nouveau, cette porte qui avait pourtant été repérée, en 1999, par le collège des sages comme une impasse politique ?

Les idéologues du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) ne semblent pas démordre de leur désir de sauter le verrou de la limitation du mandat présidentiel. Lorsque le président Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 1987, n’ose pas encore déclarer officiellement qu’il va prendre sa retraite en 2015 comme le stipule la Constitution en vigueur, il faut donc s’attendre à une saison de longs couteaux. A moins que le Blaiso national ne soit trop aspiré par les difficiles facilitations qu’il mène en Côte d’Ivoire et au Togo pour ne plus avoir le temps de régler ses problèmes domestiques, notamment celui de la fin de son règne.
On pourrait se contenter de dire que « le Niger n’est pas le Burkina ». Mais lorsque le silence assourdissant du président candidable à la prochaine présidentielle du 21 novembre 2010 ne rassure pas ses opposants sur sa volonté de ne pas s’éterniser au pouvoir, on ne peut pas se passer de la leçon politique nigérienne.

Le pouvoir sans limitation porte inexorablement les germes d’un coup d’Etat perpétuel, donc d’une instabilité politique qui « ramène le pays en arrière » pour emprunter cette expression au porte-parole des putschistes nigériens, le colonel Djibrilla Hamidou Hima, alias Pelé. Il faut reconnaître avec ce brave officier que le coup d’Etat constitue un acte politique de régression notoire. Mais le jeu politique, tel qu’il se déroule sous les tropiques, laisse-t-il véritablement une autre alternative que celle-là ? Que fait-on pour que le coup d’Etat ne devienne plus la solution ultime pour sauver une situation politique où le peuple lui-même est pris en otage ? Peut-on vouloir « le bien » d’un peuple sans lui donner la possibilité d’essayer un autre système que celui qu’on lui a imposé depuis des décennies ?

Au-delà du cas nigérien dans lequel chaque pays peut raisonnablement mirer ses us et coutumes politiques, les acteurs politiques africains devraient s’interroger très honnêtement sur la problématique de la gestion du pouvoir, surtout dans les régimes qui se proclament démocratiques. Cette introspection est d’autant plus nécessaire et urgente que ce sont ces problèmes-là même qui sont aujourd’hui à l’origine des contradictions politiques et militaires qui ont plongé le Togo et la Côte d’Ivoire dans ces crises qui font courir aujourd’hui le président du Faso.

Pour sortir définitivement de ces imbroglios, il faut revenir à une conception plus civilisée de la politique, celle qui ouvre le jeu politique à tous, limite le nombre de mandats, instaure une culture d’élections libres, transparentes et apaisées et surtout fait de la bonne gouvernance, de la transparence et de la promotion de la démocratie des valeurs cardinales et inaliénables. Les coups d’Etat ne sont pas une fatalité, les présidences à vie non plus. Seulement, c’est la prévention de tous ces maux qui manque le plus dans les comportements de ceux qui nous gouvernent et qui devraient plutôt se dire, comme le sage adage : « Il vaut mieux prévenir que guérir. » Et arrêter de nous pomper l’air.

F. Quophy

Le Journal du Jeudi

PARTAGER :                              

Vos commentaires

  • Le 26 février 2010 à 02:34, par un burkinabe vivant a l’est des USA En réponse à : Leçon de politique nigérienne : Pouvoir à vie = coup d’Etat permanent

    salu frangin tu as tous dit rien a ajouter ...COOL

    • Le 26 février 2010 à 13:36, par kenzo En réponse à : Leçon de politique nigérienne : Pouvoir à vie = coup d’Etat permanent

      Salut un frère ! très bonne analyse. Pour ma part, Vivement une solution à la nigérienne pour ce pouvoir qui s’accroche comme une sauve-souris. On est fatigué. j’ai 35 ans et j’ai véritablement connu qu’un seul président : Blaise Compaoré ,Blaise Compaoré , Blaise Compaoré . C’est quoi ça ? Moi en tout cas une solution à la nigérienne ne me déplairait pas du tout.Quand on voit des gens du pouvoir commencer à dire que l’article 37 est antidémocratique , je pense que vers la fin on aurait pas le choix. A bon entendeur salut.

    • Le 28 février 2010 à 19:24 En réponse à : Leçon de politique nigérienne : Pouvoir à vie = coup d’Etat permanent

      Of course Blaise don’t know about the person around him. I will be surprise....

  • Le 26 février 2010 à 13:41, par hleak En réponse à : Leçon de politique nigérienne : Pouvoir à vie = coup d’Etat permanent

    Ce qui surprendra Blaise c’est le coup que va lui jouer son entourage le plus proche (comme d’ailleurs ce qu’il a fait à Thomas Sankara). Il existe des gens au CDP, et pas des moindres, qui passent à la télé pour défendre le PF et qui, en même temps se retrouve les weekends à des centaines de kilomètres au près des chefs de villages pour le dénoncer et appeler à manifester contre lui, au cas où il tenterait un pouvoir à vie. Ces gens sont les pires hypocrites qui soient. Ils trahiront Blaise et nous aussi. Monsieur le Président, vous sembler si fort et pourtant très faible. Un soulèvement populaire rendrait caduque tous vos effort de paix. Surprenez nous en quittant le pouvoir et vous mourez grand. Vous êtes si grand pour un aussi petit pays à tel point qu’il nous manque de l’oxygène. Regardez l’UA, la francophonie, l’ONU, toutes des organisations qui ne finissent de reconnaitre vos mérites. Ils vous aiment bien ! Allez donc les présider. Je suis bien naïf !!

  • Le 26 février 2010 à 16:28, par Hermann En réponse à : Leçon de politique nigérienne : Pouvoir à vie = coup d’Etat permanent

    Très belle analyse, et voilà la solution qui est très bien tracée comme un boulevard. Malheureusement, comme ce prédécesseur qui parlait de sa naïveté, c’est beaucoup trop facile comme on aime à le dire. Et pourtant, c’est vraiment très facile et pas difficile. Allez y voir au Botswana. Ca se fait et c’est trtès beau. Mais ici, nous avons "nos pompeurs d’air". Suivez mon regard

    • Le 26 février 2010 à 23:18, par Truth Hurts En réponse à : Leçon de politique nigérienne : Pouvoir à vie = coup d’Etat permanent

      Les veritables ennemis de Blaise Compaore, ce sont les deputes comme Mahaman Sawadogo, qui veulent le convraincre pour qu’il reste afin que EUX puissent preserver leur poste. Ces genres d’individus pratiquent ce que j’appelle le saprophytisme politique. Les saprophytistes politiques prechent et pretendent reconnaitre et (donc se reconnaitre) a travers le president Blaise et sa vision politique. En realite, ils savent que leur pouvoir depend de sa longevite au pouvoir. Aussitot qu’ils ne se reconnaitront plus en lui, ils l’abandonneront sans hesiter. Les saprophystistes politiques feront tout pour que celui/celle qui est au pouvoir y reste,meme a ses propres (example de Dadis ou de Tandja). Les saprophytistes politiques usent de tous les moyens a leur disposition (la radio, la television, l’internet, les journaux, les conferences, les town-meetings (comme aux USA) pour se convaincre et convaincre les gens du bien fonde de leur vision/campagne. Mais le jour ou celui/celle qui les protege (le President qui pourrait etre tout autre dirigeant), ils abandonnent leur rhetorique et changent de posture discursive. En d’autres termes, ils se contre-identifient (rejettent) l’homme au/du pouvoir qui les protegeait. En tant que fin stratege, Blaise doit le savoir plus que quiconque, que ces saprophytistes poliques sont dangereux, "ondoyant et divers". Parmi ces saprophytistes, il y a d’autres qui semblent etre indifferents a ce qui se passe autour du president/de l’homme/de la femme au pouvoir. Ils sont aussi dangereux que les saprophytistes du prototypes de Mahaman Sawadogo. On ne sait jamais qui ils sont. Le president Blaise se trouvent entoure de toutes ces categories de saprophytistes politiques (y compris des commercants, des fonctionnaires, des deputes, des ministres, des so-called "intellectuels", etc.). On peut egalement appeler ces sapro-politiques des vautours ou des prostitues (un terme pas tres recommandes peut-etre). Ils sont tous des marachands d’illusions.Mais rapelez-vous de la tragedie : illusion de succes, sommet, desillusion (chute). En ce moment Blaise est vers le sommet de l’illusion du succes (mediateur de tout bord, succes regional et international !). Erreur (changer la constitution) ! Et c’est la chute/desillusion comme c’est le cas de Dadis ou de Tandja ou bien Samuel Do, etc.

  • Le 27 février 2010 à 11:58, par élève En réponse à : Leçon de politique nigérienne : Pouvoir à vie = coup d’Etat permanent

    Que Dieu bénisse ce Journaliste et toute sa famille et ses collègues !

    J’encourage vivement ces analyses objectives ! Il prend des exemples à travers l’Afrique et on voit que partout, où le pouvoir a été confisqué, il règne insécurité (côte d’Ivoire), crise permanente (RDC), guerre civile et conclut, il faut l’alternance, un autre système, une autre vision !!!

    Si le CDP, n’a pas un autre homme en son sein, autre que Blaise, que ce parti arrête de faire du Tam-Tam.. C’est de l’esclavage humain ! Il faut avoir honte un peu !!
    Vous pouvez prendre le pouvoir autant que vous voulez, mais sachez qu’un candidat ne peut rester que 10 ans au trop (même s’il gagne avec 95% de chiffres d’affaires)..

    Peuple burkinabè, restons vigilants !

  • Le 27 février 2010 à 18:01, par H.Zongo En réponse à : Leçon de politique nigérienne : Pouvoir à vie = coup d’Etat permanent

    Well done my brother. I admire you.

    For those different comments, I have really appreciated but one thing is true : We don’t want that to happen in our poor country as many innocents will find their death if it happens. And It doesn’t not help the country in any case. However, I suggest that we find other solutions.
    I have been to several places in the country and I can ensure you that the ones who keep criticizing Blaise Compoare are the first ones to vote and even campaign for him.

    Essayons de sensibiliser nos parents villageois qui pensent que les morceaux de pains distrubues lors des campaignes seront pour tjrs.

    Harouna Zongo, etudiant en African Leadership Academy a Johannesburg.

  • Le 28 février 2010 à 00:45 En réponse à : Leçon de politique nigérienne : Pouvoir à vie = coup d’Etat permanent

    Tout est mis en oeuvre pour creer les conditions desastreuses pour notre pays. A moins que, deliberement, le CDP ne veuille detruire son systeme. Comment comprendre qu’en année electorale, la police traque les citoyens en voiture avec des controles intempestifs, que la Mairie par le canal de l’Assemblée Nationale decide de provoquer les syndicats et la population avec cette histoire de vignettes, que l’employé de Francois Compaoré soit condamné à rembourser 18 millions (affaire David Ouédraogo, Norbert Zongo,...) à son patron. Et si c’etait la solution pour faire partir Blaise ? Alors courage ! La lecon tirée de Niamey est qu’on peut corompre une partie de l’armée mais pas toute l’armée.

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : La politique sans les mots de la politique
Le Dioula : Langue et ethnie ?
Sénégal / Diomaye Faye président ! : La nouvelle espérance