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ACCORD DE PAIX AU DARFOUR : Le triomphalisme suspect de El-Béchir

Publié le vendredi 26 février 2010 à 01h54min

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Un encens de paix embaume en ce mois de février à la fois le Tchad et le Soudan et leur zone de turbulence commune qui demeure la frontière héritée de la colonisation. Le ton a été donné les 8 et 9 février derniers par la visite historique du président tchadien Idriss Déby Itno à son homologue et ennemi juré, Omar El-Béchir. Arrivé avec un rameau d’olivier en main, le numéro un tchadien est reparti avec un accord de paix en poche.

A l’époque, on se demandait si celui-ci n’allait pas être froissé et jeté à la poubelle. Jusque-là, la trêve tient. Et mieux, elle semble même avoir eu un impact positif. En effet, c’est ce que l’on serait tenté de dire avec l’accord pour la résolution du conflit au Darfour signé le 23 courant à Doha, au Qatar, entre le gouvernement soudanais et le Mouvement pour la justice et l’égalité (MJE).

Lequel accord a entraîné par exemple la libération d’une cinquantaine de membres de ce principal groupe rebelle qui étaient détenus par les autorités de Khartoum. Et contrairement à ses habitudes, le président soudanais s’est même empressé de déclarer haut et fort que la guerre au Darfour était finie. Plus qu’un empressement, on peut dire qu’il a décrété la fin de la guerre qui a cours depuis 2003 dans cette vaste partie désertique du pays et qui a déjà fait, selon les sources, environ 300 000 morts. D’où d’ailleurs le mandat d’arrêt international lancé en mars 2009 par la Cour pénale internationale (CPI) contre Omar El-Béchir pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Certes, nous sommes de ceux-là dont le voeu ardent est le retour de la paix définitive au Darfour. Mais l’on ne peut s’empêcher d’être circonspect par rapport au triomphalisme hâtif, prématuré et, pour tout dire, suspect du numéro un soudanais. La guerre est-elle vraiment finie comme il le proclame ? La paix régnera-t-elle pour de bon dans cette zone troublée ? On hésitera beaucoup à répondre par l’affirmative. Au Darfour, il n’y a pas qu’un seul groupe rebelle. Même si le MJE est présenté comme le plus important, on ne peut pas s’assurer d’une paix véritable en signant un accord de paix avec ce mouvement seul.

Mais pour les autorités de Khartoum en général et Omar El-Béchir en particulier, cela est suffisant. C’est ce qui explique la jubilation du numéro un soudanais. C’est oublier qu’une hirondelle ne fait pas le printemps et, donc, que le MJE ne saurait faire la paix à lui tout seul. Déjà, l’accord de cessez-le-feu est rejeté par un autre groupe rebelle darfouri qualifié lui aussi d’important : l’Armée de libération du Soudan (SLA) d’Abdehwahid. Une offensive a même été lancée par l’armée soudanaise en guise de représailles contre ce trublion qui empêche de décréter la paix dans la zone.

El-Béchir a donc été démenti avant même qu’il ait fini de parler. S’il s’est permis une déclaration sur la fin de la guerre au Darfour, il y a bien d’autres raisons qui n’ont rien à voir avec ce que tout le monde voit sur le terrain. Par ce triomphalisme, le président soudanais veut montrer à l’opinion internationale qu’il est un faiseur de paix. Peut-être que cela peut lui valoir des sympathies et ne pas laisser insensible le procureur Moreno Ocampo de la CPI. Au niveau national, des élections générales se profilent à l’horizon ainsi qu’un référendum d’autodétermination du Sud Soudan. Dans un tel contexte, réussir à ramener la paix au Darfour et surtout le faire savoir est un argument électoral qui fait forcément mouche. Et nulle part au monde, il n’y a ce citoyen, cet électeur qui refusera d’accorder sa voix à un faiseur de paix.

A regarder de près donc, ce sont en fin de compte ces considérations qui expliquent le triomphalisme du président soudanais. Sinon, il aurait attendu de signer un accord avec tous les mouvements rebelles avant de faire une telle déclaration. D’ailleurs, celle-ci aurait eu plus de poids dans le contexte actuel si elle émanait du premier responsable du MJE. Mais venant de Khartoum, ce triomphalisme ne peut être que suspect.

Par Séni DABO

Le Pays

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