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Constitutions en Afrique : Leur chirurgie perpétuelle engendre putschs démocratiques

Publié le jeudi 25 février 2010 à 01h30min

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Si quelqu’un lui disait dans la matinée du 18 février 2010, que d’ici la fin de la journée, il ne serait plus président, ou qu’il serait mort ou emprisonné, il aurait tout simplement répondu que son interlocuteur souffrait de déréglementation mentale. Si on lui disait que des militaires viendraient le prendre devant ses ministres et que sa Constitution d’août 2009 serait suspendue en moins de quelques heures, il aurait répondu que les militaires depuis le début de la crise ont adopté une position républicaine et que sa Constitution serait légitime car votée par plus de quatre millions de Nigériens à 92,5% des voix.

En tout, il aurait dit que son Niger est un pays démocratique, qu’il n’y aurait pas de crise majeure et que « certaines personnes » devraient plutôt s’accommoder de la situation parce que le « peuple » aurait opté pour…la continuité ! Ainsi, pour qu’il puisse rester à la table « desservie » mais désormais garnie d’uranium, sous l’œil clignotant de la France de Nicolas Sarkozy ! Et cela, parce qu’assis sur son trône et se disant être placé là par un dieu qui n’a d’yeux que pour lui ou ayant tout écrasé sur sa route, il s’était convaincu intérieurement : « tu as tout gagné. Maintenant bois, mange et profite de la vie » et les gesticulations des aigris s’éteindront à petit feu. Beau rêve, n’est-ce pas ?

Sapristi ! Celui dont on parle avait certainement oublié que « quand l’orgueil chemine devant, honte et dommage suivent de près ». Il avait oublié certainement que le climat de son pays est tropical semi-aride, avec une saison sèche qui s’étend généralement d’octobre à mai. Et que cette saison sèche est caractérisée par des tempêtes de sable et de poussière et des coups de vent fréquents, qui pouvaient avoir des effets très nocifs sur sa personne particulièrement.

Disons, il a échappé aux inondations qui ont causé tant de dégâts pendant l’hivernage. Et, il se disait que rien ne pouvait lui arrivé à lui, né pour « continuer tranquillement ses chantiers » pour que la pauvreté s’en aille avec toutes ses valises et la famine ne soit qu’une pure vue de l’esprit ; parce que sans lui, le monde s’arrêterait. Si seulement, il savait que le jackpot ne se gagnait pas tous les jours, il aurait… ! L’homme s’appelle Mamadou Tandja, désormais ancien président du Niger que des militaires sont partis cueillir dans son palais, lui et ses ministres, victimes de leur lubricité.
Tandja peut se convaincre d’une chose : le Niger, l’Afrique et le monde acquis aux idéaux de la démocratie applaudissent et remercient en sourdine ces militaires pour leur coup salvateur. En sourdine car les condamnations diplomatiques ne sont en réalité que des approbations déguisées.

Salvateur, pour paraphraser un chef d’Etat qui avait estimé qu’il en existe de ce genre ! Pas parce qu’ils cautionnent la prise du pouvoir par la force qui est contraire aux principes de démocratie, mais parce que, M. Tandja, a créé les conditions de sa déchéance en ne pensant qu’à votre son seul et unique intérêt.
Dans tous les cas, la situation aurait été autre, si M. Tandja avait suivi sa première intuition : « Grandir, pour moi, est de partir la tête haute. Quand la table est desservie, il faut partir. Ne pas chercher à radoter pour chercher un autre mandat. […] Et je ne le ferai jamais : demander quoi que ce soit qui m’amène à changer la Constitution nigérienne […]. » Et le Niger, et ses frères d’Afrique l’auraient porté en « triomphe ».

Du haut de ses 71 ans, il aurait dû être cette lumière qui éclaire notre cher Niger à tous. Mais, il a préféré torturer ses méninges pour trouver une formule que seuls les potentats et les démocrates prête-noms emploient désormais : « C’est le peuple qui demande cela. On ne peut pas rester insensible à l’appel d’un peuple ». Est-ce vraiment le peuple qui avait besoin de lui ou plutôt lui qui avait besoin du peuple pour… ! Sinon avec 92,5% des voix à un certain référendum, ce peuple se serait interposé pour que des gens, n’enlèvent pas le “président”. C’est triste !
C’est triste parce que et comme le souligne un confrère, « ces vingt dernières années, depuis l’immense “alléluia” de l’effondrement du Mur de Berlin, jamais un mot, en Afrique, n’a été autant galvaudé que “Constitution”. Si les textes fondamentaux avaient été des personnes humaines, elles auraient avalé de l’arsenic pour s’épargner des souffrances interminables.

Car, à peine nées, aussitôt bafouées. Violées. Les 3/4 des Constitutions africaines présentent une face défigurée. Du Maghreb à l’Afrique australe en passant par l’Afrique de l’ouest, de l’est et centrale, les Constitutions subissent une chirurgie dramatique perpétuelle, comme pour mieux les adapter aux souhaits de ceux qu’elles servent. Si elles ont officiellement tué le monopartisme, elles ont en revanche institué une technique, celle de la conservation du pouvoir ».
Et cette conservation du pouvoir est devenue un sport favori. Un président anti constitutionnel depuis longtemps en Côte d’Ivoire, une présidence en prolongation en Angola, en Algérie ; une Constitution en voie de modification au Congo Brazzaville ; une limitation des mandats considérée anti-démocratique au Burkina Faso...

Le renard passe-passe se prolonge !

On aime à dire que les régimes autoritaires n’ont pas survécu au vent de démocratie qui a balayé l’Afrique et le monde aux débuts des années 1990. Certes ! Mais les pays africains se retrouvent désormais face à des régimes anachroniques c’est-à-dire des dictatures d’un autre type, auxquels seuls les putschs démocratiques, plutôt les putschs à caractère démocratique peuvent mettre fin. Malheureusement dans certains cas, ces putschs démocratiques conduisent aussi à des impasses. Vivement que le Niger en connaisse de meilleur !

Par Bendré

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Vos commentaires

  • Le 25 février 2010 à 13:18, par Enzo En réponse à : Constitutions en Afrique : Leur chirurgie perpétuelle engendre putschs démocratiques

    Mr 
    J’ai parcouru votre analyse mais vous me semblez un griot, et non un Burkina au sens du mot.
    Pour moi le cas du Niger et Burkina est le même « blanc bonnet », « bonnet blanc ».
    Je pense, que le parti du président ( CDP ou ODP/MT) à des hommes valables, pour sa succession.
    Personnellement en tant que patriote, même une virgule ne doit même pas être changé pour l’ambition personnelle de qui que ce soit.
    Moi je suis un Burkinabé résidant en Italie, donc je ne veux que le bien du Faso.

    • Le 25 février 2010 à 15:26 En réponse à : Constitutions en Afrique : Leur chirurgie perpétuelle engendre putschs démocratiques

      Bonjour mon frère. Je voudrais savoir dans quel sens cette analyse ressemble à du griotisme. Il s’agit pas d’une comparaison entre situation nigérienne et burkinabé. L’article dit plutot que les modifications des constitutions conduisent toujours à des situations comme au Niger. Y compris le Burkina Faso. Je crois que c’est la signification de cet article. Courage à Bendré !!!

  • Le 25 février 2010 à 14:28, par diaspo NY En réponse à : Constitutions en Afrique : Leur chirurgie perpétuelle engendre putschs démocratiques

    les votes en Afrique n’ont jamais été une réalité !

    Gardons tout simplement le phénomène de l’alternance !! Si un président est réélu, il fait son second mandat et termine ! à la fin, pas besoin de dire que le peuple veut que je continue ou pas !! il faut juste partir !!
    Et on réélue une autre personne !!

    C’est simple et juste !! Avec cette politique du ventre pratiquée en Afrique, le peuple analphabète est idiot et ne s’est pas où il veut allé !

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