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Intrusion de l’Armée en politique : “Même chez nous, le débat sort du cercle intime” (Me Hermann Yaméogo, président de l’UNDD)

Publié le mercredi 24 février 2010 à 02h47min

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Célébration tournante du 11-Décembre, 50 ans d’indépendance des pays de l’Afrique francophone, révision de l’article 37 de la Constitution, unité de l’opposition et alternance, situation au Niger et en Côte d’Ivoire…, nous avons posé en tout 23 questions à Hermann Yaméogo, patron de l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD). C’était le samedi 20 février 2010 à son pied-à-terre du secteur 1 de Koudougou. Entretien avec un homme politique dont le propos ne manque jamais d’aspérités.

Avant toute chose, confirmez-vous la rumeur selon laquelle vous avez désormais installé vos quartiers à Koudougou d’où partiront vos actions et entreprises politiques ?

• Si je pense souvent à l’époque où les actions de l’UNDD se menaient à partir de Koudougou, je n’en suis pas encore là aujourd’hui.
Koudougou va abriter en 2011 les festivités des 51 ans de l’accession de notre pays à l’indépendance.

Quelle appréciation en faites-vous ?

• Je souhaite que ce soit l’occasion de nous retremper dans de nouvelles solidarités pour aider la région à surmonter nombre de ses handicaps.
Certaines voix auraient aimé que Koudougou abritât plutôt la célébration du 50e anniversaire cette année.

Qu’en dites-vous ?

• J’étais de ces voix, et ce ne sont pas les arguments qui manquaient. Mais nous faisons contre mauvaise fortune bon cœur en souhaitant qu’à travers l’option de la célébration éclatée de ce cinquantenaire, on prenne en compte certaines de nos préoccupations, relatives notamment à une évocation réajustée de notre Histoire.

Vous êtes l’un des fils de celui qui fut le premier président de ce pays, celui-là même qui a prononcé le discours d’indépendance. Quelle réflexion faites-vous de ce regain d’intérêt pour la commémoration du 11- Décembre ?

• Je ne suis pas dans le secret des dieux pour en connaître les motivations secrètes ni pour dire si c’est une solution de diversion ou non par rapport à la commémoration du 13- Décembre comme certains l’avancent. Mais, pour sûr, je ne considère pas ces manifestations tournantes comme une mauvaise chose en soi. Elles contribuent, par le souci de proximité, à inculquer nos valeurs citoyennes et républicaines. Elles favorisent aussi un développement plus équilibré par les investissements qui en résultent pour les régions célébrantes. Je regrette seulement que l’on fasse encore trop de place aux chants, aux danses, aux défilés, aux opérations de récupération politique, et que l’on ne mette pas plus l’accent sur les bilans, les restitutions historiques et sur les investissements structurants. Avoir un jour le même esprit rotatif pour les conseils des ministres, certaines grandes cérémonies et en faire profiter jusqu’aux départements pourrait encore mieux faire partager le développement.
Avez-vous été consulté pour le choix de Koudougou pour abriter cette commémoration ?

• Non et je ne vois pas à quel titre je l’aurais été.

Pour sa mise en œuvre et pour une organisation réussie de cet anniversaire, quels conseils et suggestions pouvez-vous donner au futur comité d’organisation ?

• C’est de favoriser une célébration qui permette que chacun ait le cœur à la fête. Il y a, pour cela, des mesures d’apaisement, de réconciliation individuelle ou collective à prendre. C’est aussi tendre à désenclaver Koudougou et à favoriser, non pas des éléphants blancs mais des investissements porteurs, absorbeurs de chômage et spécialement de celui des jeunes.

De façon générale, quel commentaire faites-vous sur la commémoration des 50 ans d’indépendance par les pays de l’Afrique francophone, cette année ?

• Cette commémoration aurait gagné à se faire collectivement et dans un esprit de rétrospection, de prospection pour sceller un nouveau départ au plan économique, environnemental, démocratique… Au lieu de cela, elle se fait dans la dispersion avec comme point dominant, et polémiqué, une évocation concertée voulue par la France. Cette initiative, par la force des choses, tend à damer le pion aux célébrations nationales et ce n’est pas la chose la mieux indiquée. Il n’est pas trop tard, en ce qui nous concerne en tout cas, pour rattraper le coup. Nous pouvons privilégier la thérapie nationale sans rejeter l’invitation française. Il suffit, pour cela, de prioriser notre démarche interne et d’aller à Paris, non pas pour parader et dans l’esprit du soldat qui répond présent à son commandant qui bat le rappel du ban et de l’arrière-ban, mais dans le souci de faire un bilan accompagné de propositions qui servent mieux une coopération gagnant/gagnant.

Quel souvenir gardez-vous de l’époque des années d’indépendance ?

• Beaucoup ne voient que des excès, des chefs d’Etat dansant et chantant comme la cigale de la Fable , des timoniers plus soucieux d’embrigader leurs peuples dans des partis uniques que de leur donner les vrais moyens d’expression, de contrôle du pouvoir et de développement. C’est vrai qu’on ne peut pas parler des indépendances sans mettre ces réalités en perspective, mais il y a à tenir compte de deux excuses : celle devenue historique, de minorité, et celle qui conduisait, à défaut d’autre expertise, à se comporter comme les anciens colonisateurs, ne mesurant pas encore que les temps ayant changé, l’intendance ne suivrait pas. Pour ce qui me concerne, ces années représentent aussi un moment d’accélération historique où les évènements se succédaient, s’enchevêtraient et parfois dans l’angoisse. La proclamation de la République est un fait d’audace qui n’était pas évident. La signature de l’indépendance sans les accords négociés proposés par la France typait notre accession à la souveraineté étatique. Il en est de même du départ des bases militaires françaises intervenu dans une atmosphère à couper au couteau. Je retiens aussi la fraternité qui unissait les chefs d’Etat, notamment de la sous-région, et qui aidait à résoudre bien des problèmes. Enfin, quand je pense à cette époque, je regrette que la double nationalité n’ait pas connu un meilleur sort.

Quelle appréciation Maurice Yaméogo aurait-il faite de la situation d’ensemble de notre pays s’il vivait encore ?

• Ce qui est certain, c’est qu’il aurait apprécié le rayonnement international du pays. Il s’y est lui-même investi tant bien que mal quand il était en responsabilité. De la même façon, il n’aurait pas renié la politique des grands travaux actuellement menée ni le resserrement des liens avec la Côte d’Ivoire. Il avait en effet de grandes ambitions pour son pays et cela se manifestait à travers des projets estimés gigantesques comme on estime certains de ceux actuellement en chantier. Je n’ai pas non plus besoin d’insister sur l’importance qu’il accordait à l’axe Ouagadougou/Abidjan. Maintenant, il aurait peut-être demandé plus d’équilibre régional dans la politique de développement et moins d’immixtion corporative dans la gestion de l’Etat. Enfin, il n’aurait certainement pas eu recours à certaines politiques faisant place à la violence extrême, comme on en a vu à partir du CNR.

Cette année, on connaîtra la quatrième élection présidentielle qu’organisera notre pays. Hermann Yaméogo fera-t-il enfin l’expérience d’une participation à cette compétition démocratique ?

• La participation à l’élection présidentielle, pour moi, n’est ni ne sera jamais une fin en soi. Toute ma vie ne se résume pas à une tension permanente pour être président. On peut peut-être dire « Voir Venise et mourir », mais moi, je ne dirai pas « Etre président un jour et mourir » ! C’est une question d’éducation, de conviction, de valeurs. Les raisons que j’ai invoquées en 2005 pour retirer ma candidature sont encore valables à la veille de ce scrutin qui, pour moi, tient beaucoup plus du non-évènement sinon du djandjoba inutile et dispendieux ; et comme eau à mon moulin, j’ajouterai les propos suivants de Salif Diallo, personnalité incontournable du CDP, dans les colonnes de votre journal : « …Si on veut réformer et œuvrer dans une perspective de paix et de progrès pour notre pays, on peut bel et bien repousser la date de l’élection présidentielle afin de : - avoir un fichier électoral transparent et consensuel … ». C’est suffisamment clair.

Avec cette échéance électorale, se poseront encore l’unité de l’opposition et le vœu d’un candidat unique de l’opposition. Cela est-il enfin possible pour une opposition minée par des dissensions et des haines intestines et interpartis ?

• Votre question est comme une ogive à têtes multiples comportant des présupposés, des clichés. La question de l’unité de l’opposition, présentée comme une nécessité vitale de sa réussite, me hérisserait presque le poil. C’est un pur produit des autocrates africains et de leurs soutiens médiatiques et internationaux pour justifier le maintien des pouvoirs en place en incriminant de prétendues incapacités des oppositions. Elle n’est pas une condition de bonne marche de la démocratie si tout le monde est respectueux (majorité comme opposition) des lois de la démocratie. D’ailleurs, la question ne se pose vraiment chez nous que depuis la IVe République. L’unité de l’opposition, la candidature unique, ce sont des leurres pour marginaliser les oppositions. Le parti pris de n’incriminer que les oppositions ne rend pas service à la bonne gouvernance. Quant aux haines intestines, vous m’en direz tant ! Elles ne sont pas le monopole de l’opposition.

Pour vous donc, il n’y a pas lieu de s’unir dans le souci d’avoir la chance pour un second tour ?

• Ne me faites pas rire à propos d’une question qui invite plutôt à user de gros mots tellement elle est injurieuse pour l’intelligence des Burkinabè. C’est d’une feintise consommée que d’envisager un deuxième tour quand le premier tour lui-même est plié et livré. Je comprendrais mieux qu’il y ait une mobilisation de tous pour en revenir aux fondamentaux de la démocratie, qu’au lieu de faire avec ce recensement électoral abracadabrantesque, on fasse sinon comme en Côte d’Ivoire, comme au Bénin : une opération de recensement électoral national approfondi ; qu’on lutte pour la libération des médias d’Etat de l’emprise monopolistique du pouvoir, la mise à plat de la CENI dans sa composition et ses attributions, la carte biométrique, le vote des Burkinabè de la Diaspora, un financement équitable aux partis politiques avec le principe de la discrimination positive, le paiement direct des perdiems aux partis 15 jours avant les scrutins, la mise à l’écart des chefs coutumiers dans les processus électoraux…, et j’en passe. Tout ça, vous en conviendrez, ne peut se faire tant qu’on continuera dans la fuite en avant. Il faut privilégier le réaménagement du calendrier électoral dans un souci de rationalité et d’économies, mais surtout dans un souci de réelle prise en compte du primat de la souveraineté populaire.

Le débat qui anime les chaumières actuellement se focalise sur la révision de la Constitution, principalement l’article 37. Quelle est votre analyse sur ce sujet ?

• On ne peut pas vouloir des réformes pour remettre notre démocratie d’aplomb et sanctuariser l’article 37 sans toucher à la Constitution et notamment audit article. Au contraire, il faut toucher à la première des lois pour, par exemple : constitutionnaliser le fichier électoral ; revoir le régime présidentiel hybride qui est le nôtre au profit d’un autre plus internalisé ou relevant du régime parlementaire classique ou du régime présidentiel de type américain ; supprimer certains anachronismes comme les conditions sectaires de nationalité pour pouvoir être candidat à la présidence du Faso, les références révolutionnaires dans l’hymne national alors que nous ne sommes plus en Révolution. Je pense qu’il faut ouvrir plus largement la saisine du Conseil constitutionnel, notamment aux citoyens ; faire en sorte que la politique des emprunts soit constitutionnellement balisée, contenue dans des seuils qui ne compromettent pas les grands équilibres nationaux et donc, l’avenir des générations futures ; renforcer l’article 37 pour qu’il soit définitivement entendu que personne ne peut prétendre jouir de plus de 2 mandats présidentiels. Pour tout cela, la Constitution doit subir quelques liftings.

Quel avantage et quel danger résident dans la révision de cet article focal de notre Constitution ?

• L’avantage, c’est d’ajouter à l’alinéa qui dispose que le mandat est de 5 ans, renouvelable une fois, un autre précisant, comme c’est le cas au Bénin qu’ « en aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels ». On pourrait, dans la foulée, renforcer les dispositions de l’article 37 en prévoyant même, pourquoi pas, que la limitation du mandat à deux termes soit classée dans l’article 165. Elle serait donc insusceptible de révision comme c’est le cas pour la nature et la forme républicaine de l’Etat, le système multiparti, l’intégrité du territoire national. L’inconvénient, c’est que la révision amène le pouvoir, comme lors de la première révision constitutionnelle de 1997, à déverrouiller totalement la limitation du mandat présidentiel. Mais si la communauté internationale continue à se montrer opposée au charcutage des Constitutions, que la leçon Tandja est retenue et si l’on prend en considération les recommandations de l’Union africaine, de la CEDEAO, du Mécanisme africain d’évaluation par les pairs, les prescriptions de la Charte de l’Union africaine sur la démocratie, les élections et la bonne gouvernance … qui recommandent de recourir au consensus pour les révisions constitutionnelles, une telle option peut apparaître périlleuse ; et si en dépit de tout elle intervenait, elle pourrait crédibiliser les forces d’opposition qui se retrouveraient dans la situation de l’opposition nigérienne à laquelle la communauté internationale n’a pas marchandé son soutien.

Dans la configuration actuelle, une alternance est-elle envisageable face à un Blaise Compaoré et à un CDP au sommet de leur force ?

• On peut d’abord discuter de cette force quand on sait qu’elle est le fruit d’une surmonopolisation, d’une surconcentration des pouvoirs ; ensuite, elle peut apparaître beaucoup plus illusoire qu’effective, à en juger par les doutes et les contestations émis à l’encontre de celui-ci. Quand des partis politiques, des mouvements de droits de l’homme, des confessions religieuses, des journalistes, des partenaires… remettent en cause la gouvernance du pays, demandent des réformes au vu de la corruption galopante et des déviances démocratiques et soulignent, comme la Banque mondiale, le « paradoxe burkinabé » qui réside dans le fait que notre pays, dans la sous-région, réalise des résultats économiques performants mais qui ne se traduisent pas par une amélioration du niveau de vie de la population, on devrait relativiser cette notion de force ; encore et surtout que ce pouvoir n’est bâti que sur un seul homme, ce qui, en soi, en montre toute la fragilité. S’agissant de l’alternance, encore une fois, je soutiens qu’elle ne peut s’inscrire dans l’ordre du possible qu’une fois revenu à la normalité démocratique, après un travail de réformation de nos institutions. En parler et la rechercher avant, c’est un piège à cons.

Quel bilan pouvez-vous faire de l’action de l’UNDD depuis sa création ?

• L’UNDD, depuis sa création en 2003, et comme je l’ai dit dernièrement à un de vos confrères, bien que polytraumatisée après ses prises de position dans la crise ivoirienne et exclue des organes de l’Etat de même que des structures représentatives, a continué ses activités, exaltant toujours une certaine forme d’opposition par des critiques mais aussi par des contre-propositions. Le parti n’a jamais manqué de réactivité face aux évènements majeurs en interne comme en externe, ni d’expression de solidarité au niveau notamment de la santé. Mais le parti, comme je l’ai dit, pourrait mieux se porter au sortir d’un dialogue inclusif réformateur qui rende plus sain le cadre d’expression politique et recadre la gouvernance en la soumettant aux contrôles véritables et en la fondant surtout sur une légitimation populaire sans entrave d’aucune sorte.
Le débat sur la refondation a mobilisé l’attention ces derniers temps. Est-il toujours d’actualité ?

• S’il a encore mobilisé l’attention ces derniers temps, c’est parce qu’il est bien d’actualité.

Les armes ont encore tonné et le treillis a encore fait irruption au Niger avec le coup d’Etat réussi de ce jeudi 18 février. Cela était-il prévisible avec la situation dans laquelle se trouvait le pays ?

• C’était prévisible. Le président déchu, Mamadou Tandja, a charcuté la Constitution pour se donner un « rab » de trois ans au pouvoir et en profiter pour déverrouiller la limitation du mandat à deux termes. Il a aussi dénaturé la démocratie en la formatant à son goût. Avec en face une opposition plurielle, transversale, composée de partis politiques, de syndicats, de mouvements de droits de l’homme, unis dans le combat sans concession pour la restauration de la Constitution et de la démocratie, tout le monde s’attendait à ce que l’Armée entre dans la danse puisqu’en face, dans l’isolement général, le pouvoir n’a cessé de montrer une intransigeance de roc.

Condamnez-vous ou cautionnez-vous ce coup de force de l’armée nigérienne ?

• On ne peut pas considérer avec hostilité une armée qui, devant des mécanismes de protection constitutionnels inopérants, et face à l’inefficacité des secours de la communauté internationale, intervient dans le jeu politique pour rétablir l’ordre démocratique. C’est vrai que dans l’unanimité habituelle, la communauté internationale condamne le coup d’Etat mais il y a ici comme une surdose d’hypocrisie, tellement ce changement est le bienvenu pour beaucoup. Mais ce que j’en dis aussi, c’est que l’armée nigérienne a maintenant une singularité dans ce domaine. Sur un total de 4 coups de force, il y en aura eu, si tout se passe bien avec le « Conseil suprême pour la restauration de la Démocratie », 2 aux fins de rédemption démocratique. On ne peut pas en dire autant de bien d’autres coups d’Etat en Afrique.

Y a-t-il risque de contagion ?

• Le Niger lui-même répète ce qu’il a fait avec Barré Maïnassara et se situe dans la tradition d’Amadou Toumani Touré et d’Ely Ould Vall. Vous savez, avec l’état calamiteux de la démocratie en Afrique, celui qui vous dira que l’appel à l’armée n’est pas une donnée permanente dans les alternatives politiques, aura menti. Et même chez nous, le débat sort souvent du cercle intime pour opposer ceux qui, en désespoir de cause, n’y voient que la seule issue de secours à notre panne démocratique et ceux qui soutiennent qu’il ne faut pas chercher guérir un mal par un plus grave. Nous ne sommes pas, à l’UNDD, de ceux qui magnifient les coups d’Etat parce que, non seulement ils sont porteurs de régression, mais aussi parce que dans notre pays, sur un total de 7 coups de force, nous n’en comptons pas un seul (sauf peut-être celui du CSP et encore !) qui, visant la refondation démocratique, ait eu l’éthique des interventions nigériennes. C’est pour cela que nous privilégions le consensus, le dialogue inclusif pour forcer les changements qui nous évitent les scléroses institutionnelles à fort risque.

Un mot sur la Côte d’Ivoire qui connaît encore des troubles suite à la dissolution du gouvernement et de la CEI par Laurent Gbagbo ?

• Je souhaite que malgré ces soubresauts prévisibles, le Burkina Faso garde toujours la main en tant que Facilitateur car quand tout sera réglé, et tout sera réglé, je préfèrerais nettement qu’on garde de nous l’image de ceux qui ont aidé à la pacification totale plutôt que celle de ceux qui ont soutenu la rébellion et qui n’ont pas arrêté de jeter de l’huile au feu.

Quelle « race » de président faut-il à l’Afrique pour qu’enfin nous tournions la page de ces cafouillages, de ces pseudo-démocraties, de ces coups de feu des armées, et emprunter la voie d’un développement vrai et profitable au peuple ?

• Je vais paraître un peu atypique mais s’il est vrai que le leadership est déterminant dans la mobilisation des peuples pour la défense de leurs intérêts, il y a aussi que, très souvent, les peuples n’ont que les leaders qu’ils méritent. La plupart du temps, quand des peuples se sont mobilisés spontanément contre l’injustice, ils ont démontré qu’ils avaient le pouvoir de donner un cours nouveau à leur destin. L’Afrique, il est vrai, souffre d’un manque de leadership éclairé, pas au seul niveau des politiques mais aussi à celui de la société civile, des médias, des organisations religieuses et coutumières…, mais plus encore, on ne doit pas oublier que l’état de pauvreté assèche les valeurs de courage, d’intégrité dans beaucoup de peuples du continent, les rendant comptables, au même titre que les leaders, du retard accusé dans le développement. C’est dire que la réponse à votre question en appelle à un sursaut tant de la base que des leaders.

Un mot sur la manifestation annoncée pour le 24 février contre la taxe de développement communal (TDC) ?

• Cette TDC, qu’on n’a pas osé appeler vignette, est remise aujourd’hui sur le tapis par un pouvoir qui se sent plus que jamais fort. Elle aurait pu être acceptée car la décentralisation a besoin de transferts fiscaux et que les Burkinabè doivent contribuer par l’impôt au développement du pays mais il aurait fallu beaucoup de sensibilisation à la question, d’explication sur son bien-fondé, de justice dans sa mise en oeuvre et la mise en place d’un mécanisme de contrôles de l’utilisation de l’argent qui en résulterait. Elle aurait moins rebuté si on n’avait pas fait d’exonération au niveau des opérateurs économiques, si on ne l’avait pas élargie aux engins à deux roues car ce sont les Burkinabè d’en bas, comme on dit, qui vont surtout ressentir la douche écossaise avec cette taxe. Il eût été préférable de taxer autre chose comme les propriétaires de 4/4, la vente d’alcools, les multipropriétaires de biens immobiliers…

Aussi sommes-nous solidaires de la lutte engagée par les syndicats et nos militants seront en grand nombre de la partie ce 24 février pour dire NON à cette taxe. Il faut espérer que le pouvoir fera marche arrière en entrant en dialogue pour éviter notamment les dérapages prévisibles. Pas plus qu’hier avec la loi sur le port du casque qui a fait long feu, la TDC ne passe aujourd’hui dans l’opinion. Il faut en tirer les conclusions et rectifier le tir

Entretien réalisé par Cyrile Zoma

L’Observateur Paalga

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