LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Colonel Djibrilla Hima Hamidou, membre de la junte militaire nigérienne : “Nous comptons organiser des élections”

Publié le lundi 22 février 2010 à 00h27min

PARTAGER :                          

Colonel Djibrilla Hima Hamidou dit pelé

Le Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD) au pouvoir au Niger depuis le coup d’Etat du jeudi 18 février dernier a dépêché à Bamako un de ses membres, en la personne du colonel Djibrilla Hima Hamidou pour traduire aux chefs d’Etat et de gouvernement de l’UEMOA les motivations de la junte militaire, ainsi que sa gestion du pouvoir. Après être admis pendant quarante-cinq (45) minutes au huis clos, l’émissaire des hommes forts de Niamey s’est confié à cœur ouvert : le putsch s’inscrit dans une volonté de mettre fin à une entorse à la démocratie.

Qu’est-ce qui a motivé le groupe de militaire dont vous faites partie à s’accaparer du pouvoir jeudi dernier à Niamey ?

Cette intervention militaire vise avant tout à assainir la situation politique. Tout le monde sait que le Niger traversait une crise depuis longtemps. Cela a fait beaucoup d’interventions et d’appréhensions de la communauté internationale, ainsi que de certaines institutions telle la CEDEAO dont le Niger est membre.

Après avoir assaini le paysage politique et réconcilié les Nigériens entre eux, nos intentions seront essentiellement de veiller au rétablissement de la démocratie.

Comptez-vous organiser des élections et vous retirer après ? Si oui, dans quelle échéance ?

Absolument ! Nous comptons organiser des élections. Dès le premier jour, nous l’avons affirmé. Nous vivons aujourd’hui cette situation parce que les textes fondamentaux du Niger ont été bafoués. Il faut donc réunir tout un arsenal juridique afin d’organiser des élections libres et transparentes. Cela permettra de remettre le pouvoir à un régime civil démocratiquement élu.

Quant à une éventuelle échéance, elle sera sue au moment venu. Il y a quarante huit heures que nous avons accédé au pouvoir. Il y a lieu de rassembler tout le monde, d’entendre toutes les voix. C’est après avoir entendu toutes les composantes de la société nigérienne pour créer les conditions selon lesquelles celles-ci peuvent s’entendre sur des bases saines pour pouvoir démarrer une nouvelle vie constitutionnelle et démocratique.

Vous venez de rencontrer les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UEMOA. Qu’est-ce que vous leur avez dit et qu’est-ce qu’il vous ont répondu ?

C’est le lieu de remercier nos aînés qui ont eu la gentillesse de nous recevoir. Ils nous ont écoutés avec toute l’attention possible. Les chefs d’Etat et de gouvernement ont également demandé d’exposer nos perspectives d’avenir après cette prise de pouvoir. Nous leur avons expliqué toute notre démarche. Mais ce qui nous a rassurés, c’est qu’ eux-mêmes étaient déjà au parfum de la crise politique que le Niger connaissait.

Tous n’étaient pas surpris de ce qui est arrivé d’ailleurs. Ils ont seulement insisté sur la tenue de nos promesses afin de rétablir la démocratie dans notre pays. Les chefs d’Etat et de gouvernement nous ont prêté une oreille attentive. Ils nous ont compris et assurés de tout leur soutien pour pouvoir mener le processus à terme.

Comment se porte aujourd’hui le président Mamadou Tandja et quel est le sort réservé aux ministres arrêtés ?

Comme se sont également inquiétés les chefs d’Etat et de gouvernement sur son état, nous rassurons que le président Tandja se trouve dans des conditions de sécurité excellentes. Il bénéficie de la présence de son médecin particulier à ses côtés.

Sa famille est également en sécurité dans sa résidence. Il n’y a donc aucun problème en ce qui concerne la sécurité et la santé du président Tandja. C’est d’ailleurs notre souci de veiller à ce qu’il soit gardé en lieu sûr. Quant aux membres du gouvernement, ils ont été élargis dès le lendemain de leur arrestation.

Le président Tandja sera-t-il jugé ?

Non, nous n’allons pas arriver à ces extrémités-là. Nous ne pensons pas que toutes les actions de Tandja ont été mauvaises. Tout le monde commet des erreurs et il en a commis lui aussi. Notre désir, c’est d’œuvrer pour que le Niger revienne dans le droit chemin.

Comme on l’entend sur certaines ondes, il faut que les gens arrêtent de penser que l’armée nigérienne est une armée à tradition putschiste. Ce n’est pas le cas. Les gens doivent prendre le temps d’analyser avant de porter tout jugement sur le Niger. Les acteurs politiques provoquent des situations qui conduisent à une telle réaction de l’armée. Ils auraient respecté la constitution et joué le jeu démocratique de la manière la plus correcte, il n’y aurait eu aucun problème.

Chaque fois que l’armée est intervenue, c’est que le jeu démocratique est en péril. En 1997, cela a été le cas et deux ans plus tard, en 1999, tout le monde a vu comment l’armée a remis le pouvoir à un régime civil après avoir organisé des élections libres et transparentes. Il y a eu dix ans de stabilité parce que les textes et les lois ont été respectés. Mais quand ils se trouvent foulés au pied, bafoués, c’est normal que de telles situations surviennent.

Le fait d’ouvrir les frontières du pays vingt-quatre heures seulement après le putsch signifie-t-il que la situation est redevenue normale ?

Effectivement, tout est rentré dans l’ordre. Il suffit d’aller se promener au Niger et d’interroger la population pour s’en convaincre. Elle salue ce coup de force tout simplement parce que le Nigérien n’aime pas et ne tolère pas l’injustice. Encore moins, l’armée nigérienne. Actuellement, la situation sécuritaire est normale. La population vaque à ses occupations dans les villes et les campagnes. Face à cette adhésion populaire, nous n’avons pas jugé utile de maintenir les mesures préventives.

Vous avez parlé tantôt de larges consultations de la classe politique pour asseoir un consensus. Des militaires ont pris le pouvoir avant vous et observé des attitudes différentes. Qu’est-ce qui prouve que vous n’allez pas essayer de vous maintenir au pouvoir à la Dadis en Guinée-Conakry ou souhaiteriez-vous suivre le chemin de ATT du Mali ?

A l’endroit de la communauté internationale et de toutes les attentions, nous voudrions rassurer que nous ne sommes pas des Dadis. Loin de là. Par contre, nous vouons une admiration à ATT. C’est un aîné à qui nous rendons tous les hommages. Il nous a reçus de la manière la plus correcte.

En 1997, le Niger a connu une situation similaire dans laquelle nous avons été personnellement acteur mais cela n’a pas empêché de rendre le pouvoir. Dix ans après, les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous en sommes encore là. Les acteurs sont les mêmes qu’en 1997. Ils sont intervenus seulement parce que les textes ont été bafoués et n’hésiteront pas à remettre le pouvoir en bonne et due forme à un régime démocratiquement élu.

L’intervention militaire a-t-elle finalement causé combien de morts au total ?

En tout et pour tout, nous n’avons enregistré que trois morts dans nos rangs.

Comment appréciez-vous les mouvements de soutien spontanés qui se sont constitués à Niamey ?

Ces appuis venant des populations démentent ce que l’on veut faire croire à travers les manipulations des médias que l’opinion nationale n’approuve pas cette intervention de l’armée. Les Nigériens n’aimant pas l’injustice sont aujourd’hui soulagés. Parce que c’est un peuple épris de démocratie, de réelle démocratie et non celle de façade. Voilà pourquoi la population est sortie saluer l’action de l’armée qui met fin à la dérive et replacer le pays sur le droit chemin.

Avez-vous déjà eu des contacts avec les autorités françaises après le coup d’Etat ?

Pour l’instant, les camarades m’ont mandaté pour être à Bamako. Je ne sais pas ce qui s’est passé après moi. Mais ce qui est sûr, des contacts sont établis. La France est un partenaire privilégié du Niger. Pour ce faire, nous savons compter sur la compréhension de ses autorités. Celles-ci sont très bien imprégnées de la crise politique au Niger et nous apporteront sans doute, leur concours pour la résoudre après cette situation.

Propos recueillis à Bamako par Jolivet Emmaüs (joliv_et@yahoo.fr)

Sidwaya

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique