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LETTRE OUVERTE A MAMADOU TANDJA : Je vous avais prévenu, tonton

Publié le lundi 22 février 2010 à 00h25min

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Bonsoir ou bonjour, tonton Tandja. Tout dépend de l’heure à laquelle ma lettre franchira les portes de votre nouvelle résidence "privée" où je vous imagine à présent privé de tous les signes extérieurs du pouvoir et des honneurs auxquels vous teniez comme à vos grands boubous brodés et de classe. Dites-moi que je me trompe. J’ai bien peur que durant ces premières nuits de solitude, un moustique se soit avisé de piquer votre précieuse peau de nabab. Mais pour qui se prend-il cet insecte de malheur qui ne sait pas qu’on ne touche pas à la peau d’un président, fût-il déchu ! Mais si vous n’avez pas entendu bourdonner le moindre moustique, vous ne saurez imaginer ma joie !

Cher tonton, rassurez-moi que vous avez au moins à votre disposition air conditionné, domestiques triés sur le volet, majordomes et décor dignes de votre rang. Car, dans ce cas, je souffrirai moins de savoir que vos ravisseurs vous ont réservé ne serait-ce qu’une mini présidence. Quant à l’autre présidence, celle pour laquelle vous aurez tant lutté pour ne jamais quitter, je crois que vous devriez y mettre un trait. A quelque chose, tonton, malheur est bon comme on le dit. Vous auriez pu laisser votre peau dans cette présidence.

Et ceux qui ne vous aiment pas, contrairement à moi, auraient dit de vous : "il voulait ne jamais tourner le dos à la présidence, à présent il y laissera son fantôme, et pour toujours". Cher tonton, de la violence de l’attaque qui vous visait personnellement, j’en conclus que vous l’avez échappé belle ! Car, le pire aurait pu arriver et le Niger se serait sans nul doute passé de vous réserver des funérailles nationales. Tonton, et tout ça pour le pouvoir ! Tout ça parce que vous aurez refusé de suivre mes conseils gratuits, contrairement à ceux de vos conseillers que vous "enfeuilliez" à coups de millions pour rien finalement. Contrairement à eux, moi je vous suppliais presque, de partir pendant qu’il était encore temps. Je vous disais que l’Histoire vous revaudrait ça. Mais bref, à présent que la messe est dite pour vous, je vous le dis franchement, cher tonton : vous avez été un sacré veinard !

Où se trouve en ce moment votre prédécesseur, Ibrahim Barré Maïnassara, qui, moins ivre de pouvoir que vous, a fini par être fauché par les balles assassines de sa garde présidentielle ? Dieu soit loué, vous êtes saint et sauf et mieux, il semble que vous irez vous la couler douce au Royaume chérifien. Une fois, arrivé là-bas, de grâce, restez sage, et au besoin, faites-vous oublier. Tonton Tandja, l’envie me prend de dire : quel gâchis ! Vous aviez tout pour rentrer dans l’Histoire ; un bilan séduisant qui vous aurait valu d’être inscrit au panthéon. Hélas, vous avez manqué de sagesse et de clairvoyance. Vous avez trop fait confiance à vos marabouts qui, ne pensant en réalité qu’au fric, vous ont égaré. Vous vous retrouvez à présent seul et je ne suis pas certain qu’ils pourront changer quelque chose à votre sort. Tout cela est bien dommage ! Certes, je vous savais dur d’oreille et vous connaissais un caractère bien trempé. Mais, j’étais loin d’imaginer que, boulimique de pouvoir, vous iriez jusqu’à refermer bruyamment derrière vous, la même porte qui vous a vu accéder au pouvoir.

Et vous mettre ainsi à dos la communauté internationale. Pensant que ce qui était bon pour vous ne pouvait l’être pour les autres, vous vous êtes joué de la démocratie et vous voilà à présent groggy et humilié. Moi, en ce qui me concerne, j’aurai fait mon devoir de parent soucieux de l’avenir d’un proche qui courait à la dérive en vous prévenant à maintes reprises. Hélas, vous êtes tombé dans le même piège que bien d’autres dirigeants qui pensaient que les coups d’Etat, ça n’arrivait qu’aux autres. Tonton Tandja, à vrai dire, je ne vous en veux pas trop. J’en veux surtout à vos griots à qui vous faisiez dire que le Niger vivait sur Mars et que seul votre "peuple" à vous était à même de comprendre cela. Même si l’idée vient de vous, je suis sûr que vous auriez ralenti la folle course de votre barque s’ils avaient eu le courage de sauter par-dessus bord en guise de mécontentement.

Et Dieu seul sait s’ils vous auraient rendu service ! Ce sont les mêmes qui traîneront votre nom dans la boue en disant, nous l’avions prévenu ! Mais bref. Maintenant que le pouvoir n’exerce plus sur vous son impudique tyrannie, je vous invite à mesurer combien fut grande votre erreur. Ecoutez les cris de joie qui ont accompagné votre chute du pouvoir et vous verrez que l’idée de terminer coûte que coûte vos chantiers n’emballait, en réalité, pas grand monde, à l’exception, bien entendu, de ceux qui vous contaient fleurette. Un départ accueilli avec soulagement ! Tonton, je nourris un vœu : que vous vous fassiez une meilleure réputation et pour cela, j’ai à l’esprit une idée : trouvez-vous un nouveau cheval de bataille et menez le combat de la démocratie plus que jamais malmenée sur le continent.

Je vous en conjure, vous aurez cette fois, beaucoup plus de monde derrière vous, y compris ceux-là mêmes qui vous critiquaient hier. Ils finiront par oublier le piètre démocrate que vous fûtes. Et si jamais votre chemin croisait celui d’anciens homologues qui nourriraient des velléités de s’accrocher, comme vous, au pouvoir, faites tout pour les convaincre de renoncer à leurs folles ambitions. Car, vous au moins, vous êtes bien placé pour savoir où mène la boulimie du pouvoir. N’oubliez pas non plus de leur dire que les griots qui leur bouchent la vue de la raison, qui leur pompent l’air pour les honneurs, le rang social et les besoins du ventre, sont en réalité leurs pires ennemis.

Pour ce qui vous concerne, je suis sûr que ceux qui vous soutenaient hier, qui criaient "Tandja ou rien ! ", cherchent déjà à se repositionner et n’hésiteront pas à vous enfoncer s’il le faut, pour arriver à leurs fins. Je suis certain qu’ils ont à présent le regard tourné vers l’avenir. Cher oncle, voilà à présent que le ciel vous tombe sur la tête. Soyez en certain, aucun d’eux n’acceptera de vous soulager un instant de votre lourd fardeau de président déchu et déshonnoré. Ils sont tous ou presque ainsi faits.

Par Cheick Beldh’or SIGUE

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 22 février 2010 à 04:18 En réponse à : LETTRE OUVERTE A MAMADOU TANDJA : Je vous avais prévenu, tonton

    Et oui ! si cette lettre pouvait lui parvenir et qu’il accepte ces sages conseils ! Tandja peut, malgré tout, devenir un héros à une condition : être un messager pour les présidents africains. Il serait mieux écouté ! Ceux qui pensent que la "limitation du nombre de mandats présidentiels est anti-démocratique" sont plus que jamais avisés. Un président doit partir du pouvoir au moment où il se dit ou se croit plus utile pour son peuple. L’alternance, même intra-parti, est toujours mieux qu’une personne s’accroche au pouvoir.

  • Le 22 février 2010 à 05:58 En réponse à : LETTRE OUVERTE A MAMADOU TANDJA : Je vous avais prévenu, tonton

    Cheick Sigue, c’est tres beau, cette lettre ecrite au Tanja allegorique. Et si on remplacait Tonton Tanja par Tonton...Tripatouilleurs de Constitution ou qu’ ils se trouvent ? Est-ce que ca aurait change quoi que ce soit ? En tout cas, moi je remplace Tanja par Blaise : Tonton Bla, et Niger par Burkina. Tonton Blaise du Burkina m’ entendra afin d’eviter le fin piege de ses griots. Si ca gnifle est-ce que c’est eux qui vont etre internes la ou on ne veut pas ? Allons honnetement a la democratie. C’est meilleur pour nous tous.

  • Le 23 février 2010 à 00:22, par FGHien En réponse à : LETTRE OUVERTE A MAMADOU TANDJA : Je vous avais prévenu, tonton

    Bravo au jeune SIGUE. je ne vous connaissais pas une telle plume. Là, vous tenez de qui...
    Comme dit ce prédécesseur, remplaçons Tanja par Blaise et Niger par Burkina et se cera parfait.
    Encore bravo pour le lyrisme consommé !

  • Le 23 février 2010 à 11:25, par ZOTOMER En réponse à : LETTRE OUVERTE A MAMADOU TANDJA : Je vous avais prévenu, tonton

    DIEU merci qu’il soit en vie.Pour le moment il doit oublié son exil marocain.On doit l’interdire toute sortie hors du pays afin de voir clair dans son trésor,car il faut eviter qu’il vive dans son exil avec l’argent des honnetes et pauvres nigériens qu’il a longtemps dévalisé.Courage aux frère nigerien !

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