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Editorial de Sidwaya : L’ère des nouveaux mendiants

Publié le lundi 15 février 2010 à 00h44min

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Ibrahiman Sakandé, DG des Editions Sidwaya

L’espace social burkinabè grouille de mendiants. Autour des édifices publics, des mosquées et des églises, juste aux stops ou près des feux tricolores, nous les rencontrons.

Ils sont de plus en plus nombreux, de plus en plus aguichants, l’air toutefois, de moins en moins misérables. Sont-ils seulement le résidu de notre pauvreté, ou exercent-ils, à notre grande surprise, un nouveau métier leur permettant parfois de vivre décemment, eux et leurs mentors ?

Traditionnellement, le mendiant ou la mendiante est une personne « tombée du général ». Tombée, mais qui résiste en demandant grâce à la société au nom de Dieu. En milieu traditionnel, c’est la calebasse tendue qui symbolise et exprime à la fois la condition du mendiant. C’est toujours contre soi-même, en dépit de son amour propre, qu’on prend la calebasse tendue qui symbolise et exprime à la fois la condition du mendiant.

Autrement dit : l’homme ou la femme qui n’a plus que la sébile à tendre a tout perdu sauf la vie. Dans les deux religions révélées qui sont aujourd’hui les nôtres, l’islam et le christianisme, la mendicité participe à l’exercice du sacré. Ainsi, au moyen âge, il existait en Europe des ordres mendiants.

Nous connaissons, au Burkina, des ordres (des congrégations religieuses) dont le charisme est d’enseigner ou de soigner des malades. La spécificité des ordres mendiants était de mendier pour faire voir en ce geste d’extrême humilité, en quoi la vie humaine, considérée sous l’angle de leur foi, est un don gratuit de Dieu. La mendicité était donc vécue comme un exercice de piété auquel participait aussi le donateur.

Aujourd’hui, cette pratique religieuse est encore vivace « en islam » par exemple. La formation de l’élève coranique intègre la mendicité. Traditionnellement, l’élève vit de cette pratique tout en formant son esprit à l’humilité, vertu cardinale de tout homme de Dieu. Et après tout, qui ne se réjouirait de mettre une piécette dans la grosse boite de tomate éventrée, pour participer à la formation d’un homme de Dieu.

Mais considérons, l’armée inattendue des nouveaux mendiants ! En voici un : courbé en deux, s’aidant d’un long bâton, il parcourt très très péniblement la distance qui sépare son quartier du centre-ville. Tous les matins se joue cette scène à vous fendre le cœur. Mais rassurez vous, le soir il se dresse net pour compter le gain de la journée. Monsieur le courbé, dit-on, a un troupeau de bœufs et de moutons dans son village.

Un deuxième : une ordonnance des plus fournies, une mine complètement démolie, des haillons pitoyables et un discours à dompter le plus indomptable des hommes. Un troisième : c’est un jeune homme qui a décidé de faire le tour de Ouagadougou en poussant sa mobylette sous le prétexte d’une panne sèche, et ayant 300F en main. A toutes les bonnes âmes qu’il rencontre, il demande très gentiment de l’aide pour prendre du "jus".

Et puis, remarquons-le bien. Dès cinq heures du matin, la ville de Ouagadougou est déjà quadrillée. Les mêmes enfants aux mêmes postes. Les enfants aux boîtes rouges ne sont pas des délinquants au sens propre du terme puisqu’ils ont des tuteurs et des maîtres. Ils habitent en général les quartiers périphériques. Comment peuvent-ils être en centre-ville à 4h du matin ? Viennent-ils d’eux-mêmes après s’être levés à une heure impossible, ou quelqu’un les déposent-ils là, en attendant, peut être, de revenir les chercher ? Ces enfants, tout compte fait ne travaillent-ils pas pour quelqu’un ?

Auquel cas la boîte rouge, prétexte à une pratique religieuse, ne serait rien d’autre qu’une couverture pour signifier que ce qui se passe n’est pas un travail d’enfants, mais une formation à l’humilité. Ceux qui ont institué la mendicité religieuse disaient : « à qui donne au pauvre prête à Dieu ». Aujourd’hui, cela n’a plus tellement de sens car ils sont nombreux à avoir appris à ne rien mettre au dessus de l’argent...

Par Ibrahiman SAKANDE (sakandeibrahiman@yahoo.fr)

Sidwaya

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Vos commentaires

  • Le 15 février 2010 à 01:19, par Mc Coy En réponse à : Editorial de Sidwaya : L’ère des nouveaux mendiants

    aujourdhui on retrouve meme des enfants chretiens parmis ces mendiants supposes etre des talibes. en fait la plus part sont simplement des enfants de la rue

  • Le 15 février 2010 à 09:40, par Traore En réponse à : Editorial de Sidwaya : L’ère des nouveaux mendiants

    Et pourtant il faut continuer à être charitables. Car certains sont vraiment dans le besoin. Et, au lieu de "tuez-les, Dieu saura reconnaitre les siens", disons : "Donnez à tous ceux que vous pouvez donner, Dieu saura reconnaitre les siens". Car quiconque amasse ce tresor là, le fait contre lui-même. N´endurcissez donc pas vos coeurs. Donnez même à ceux qui trichent. Ils le paieront. Tôt ou tard.

  • Le 15 février 2010 à 13:05, par LeBurkidePuteau En réponse à : Editorial de Sidwaya : L’ère des nouveaux mendiants

    Et puis cet autre monsieur, bien habillé, rencontré un matin vers 9 heures au pont Kadiogo, se disant arrivé de Bobo, licencié par son entreprise et qui est en "jugement" à l’inspection du travail avec son ex employeur. Qui me demande après un long verbiage douteux, une pièce de 500 francs pour prendre un taxi et qui me rechante la même litanie à Zogona, av babangida le même soir vers 17h sans même se rendre compte qu’il avait eu affaire à moi dans la matinée.
    Ce mec, je l’ai encore croisé d’autre fois dans la ville en train de faire le coup à d’autres personnes, je n’ai pas manqué de lui faire la leçon.
    ça, c’était pour rire et pour dire qu’il y a effectivement des gens qui refusent de travailler et s’adonnent à ces pratiques peu honorables de la mendicité professionnelle.
    Mais j’ose croire que ces personnes sont très minoritaires.

    Venons en à La mendicité endémique sous nos chaudes latitudes, celle des adolescents avec des boites de tomates "salsa", celle des enfants aux dents de lait qui tirent des malvoyants, celle des handicapés qui font dorénavant partie du triste décor ouagalais.

    J’ai une seule question : le gouvernement et son ministère de l’action sociale, n’a t il pas mené suffisamment d’études à date pour être en mesure de proposer des solutions à ces formes de mendicité impliquant particulièrement des enfants qui devraient être à l’école ?

    Est ce vraiment concevable que depuis si longtemps, aucun gouvernement (soit dit en passant, c’est le même pouvoir depuis 23 ans...) n’ait pu proposer un début de solution ?

    Ah ! ces damnés de la Terre aride du Burkina font tellement partie du décor Ouagalais qu’on ne les voit même plus. Comment être bien dans sa tête quand de sa 4*4 offert pour sa fonction par le budget de l’Etat, on voit aux feux tricolores chaque matin ces scènes ? Comment être insensible à ce point ? En particulier quand on est ministre de l’action sociale ?

    Je crois sincèrement que le ministère de l’action sociale devrait s’expliquer sur ce qu’il fait vraiment pour regler cette question. Vivement que nos députés l’interpelle !!!

  • Le 15 février 2010 à 18:00 En réponse à : Editorial de Sidwaya : L’ère des nouveaux mendiants

    merci à tous ces intervenants sur la question de la mandicité à Ouagadougou.J’interpelle le chef de l’Etat en personne de s’organiser pour avoir certaines réalité à Ouagadougou.Des sorties camoufflées comme tout citoyen, s’arrêté au feux tricolores comme tout le monde et constaté ce qui se passe, car chaque fois en excorte les voies vidées pour le cortège presidentiel fait ignorer les réalités que le peuple vit ; Tous ces ministres font de bon rapport au risque de perdre le fauteuille montrant toujours que tout va bien, helas.Mon cher president j’aime bien vos actions seulement raprochez vous davantage de la population vous même car c’est vous qu’on à voter.

  • Le 15 février 2010 à 18:36 En réponse à : Editorial de Sidwaya : L’ère des nouveaux mendiants

    le principe de l Etat est de creer des conditions où chaque citoyen peut trouver son chemin et se developper. Si la condition disponible pour cette categorie de citoyens est le feu rouge où il negocie une piecette, alors basta !!On ne peut rien lui reprocher en dehors de gener la circulation. Chasse les de cette zone et il commencera à braquer pour sa survie ? Quelle propositionfait Sidwaya à l Action Sociale pour la resolution de ce cas ? Les Cour de solidarité encore ?

  • Le 15 février 2010 à 19:16, par IBRA En réponse à : Editorial de Sidwaya : L’ère des nouveaux mendiants

    bonjour le DG
    je suis parfaitement d accord avec vous sur les definitions et repartitions de differents mendiants. Cependant , jai une repartion autre. Il y a en
    - 1ere position des mendiants qui sont des personnes invalides non assistees par la famille ou trouvant insuffisant laide de celle ci(vue que largent n a jamsis suffi , e temoigne les quetes permanents a leglise et a la mosquee)
    - 2eme position ;les mendiants talibets .leur education est axee sur la devotion a servir en tout temps et en tout lieu , un peu comme un saint ,ils doivent se doter d un charisme exemplaire,et comment mesurer la souffrance de quelqu un si on a pas soi meme souffert ? alors, l humiliation et les difficultes de la vie sont une ecole ou passent tous les enfants de Dieu selon la noble religion qui est lislam,
    - 3eme position ,il ya les mendiants volontaires. comme dit un peu plus haut l argent n a jamais suffit ,(poser la question a Bill Gate). Alors que certains soient doter de richesse dans leur village ou pas ils ont lavantage de mendier pour accroitre leur revenu. cela je crois est dautant mieu que de "couper la route". ils en ont les moyens.
    - 4eme position : les mendiants qui sont des cas sociaux. le systeme capitaliste est un systeme ou les ruses volent en couverture de certaines lois qui protegent les mieux nantis.Plus une nation a des voleurs en haut niveaux plus les mendiants pilluleront.

    en conclusion , on ne pourra pas regler ce probleme de mendiant tant que le systeme de lexploitation ne deroge pas. le mendiant napas demande a naitre ni approuve un systeme qui lexclut ou les des sont jetes avant sa naissance.regarder un peu les animaux , ils ne font ni stockage , ni moisson , mais ils se nourrissent convenablemnt. Bonne journee et bonne redaction

  • Le 15 février 2010 à 20:03, par Liberté pour tous En réponse à : Editorial de Sidwaya : L’ère des nouveaux mendiants

    L’arbre des mendiants professionnels ne doit pas caher la forêt de pauvreté ou de la misère qui sévit au FASO ; ne nous voilons donc pas la face fac à cette triste réalité. Contrairement à ce que bcp pensent, ces "damnés de la société (je n’aime pas trop le terme de mendiant) ne sont forcément pas issus de familles musulmanes. Ils sont donc chrétiens, musulmans, animistes etc. Et leur dénominateur commun est la misère. Kel est la proportion des familles ou personnes qui ont trois repas par jour à ouaga ? n’en parlons pas des villages. A ce que je sache, l’ecole est désormais obligatoire pour les enfants jusqu’à l’age de 16 ans au Faso. Que fait le ministère de l’action sociale pour ces enfants dits de la rue ? Car leur place devrait être à l’école. Je pense que cette question est d’autant plus importante que celle relative à l’excision pour laquelle les autorités de ce pays se mobilisent... Leur train de vie nous laisse croire véritablement qu’elles ont les moyens d’y faire face.
    En attendant qu’ une hypothétique solution vienne d’en haut pour le bonheur de ces enfants, aussi "avenir du pays", laissons parler toujours nos coeurs( et ne pas les durcir davantage et qu’ils restent tjours sensibles). Sachons que nos sociétés traditionnelles n’ont jamais accepté laisser mourir ses femmes, ses enfants, ses handicapés...bref les plus fragiles de faim ou de soif, même au temps des calamités.

  • Le 18 février 2010 à 09:31, par sidawaya En réponse à : Editorial de Sidwaya : L’ère des nouveaux mendiants

    Merci au DG pour l’article, mais je trouve qu’avec sa photo, il en fait trop au point d’éclipser son journal et ses collègues. Ce n’est de sa faute si tous les autres ne peuvent et/ou ne savent pas écrire. Mais en bon manager, il faut parfois aussi écrire juste avec le nom de la rédaction pour partager le fruit du succès, c’est en cela que vos hommes vous seront reconnaissant et vous accompagnera dans le succès du journal qui sera aussi le tien..a moins que tu ne sois pressé d’arriver quelque part.

    Pour revenir à l’article, M. le DG vous aviez fait un article non équilibré car dans la mendicité tu as au moins 4 acteurs :
    ==>le mendiant : son âge, sa personnalité, le milieu, son degré d’indépendance ou de maniabilité ou la chance qu’on lui offert fera de lui un acteur volontaire ou subit de la mendicité. ne lui jette pas la première pierre
    ==>les parents directs : sont-ils vivant ?sont-ils pauvres ? sont-ils conscients...sont les autres co-auteurs
    ==> la société qui peut être productrice de part ses systèmes social et religieux producteurs de mendiants
    ==> l’état qui devrait assurer un minimum : le fait-il ? l’égalité des sens ? la responsabilité ? la redistribution de richesse ?

    De ces 4 types d’acteurs, chacun peut plus ou moins avoir une responsabilité. Chaque cas est un cas, alors et vous le savez bien, il faut éviter de globaliser. Quelles sont les solutions que vous proposez en temps que journaliste averti puis en tant que pure produit de la société. C’est vrai qu’il existe des situations que vous n’aviez pas vécu et donc vous comprendrez moins certains cas..mais je me passionne si vous aviez consulté les agents de lù,action sociale ou un sociologue pour approfondir la question ou si juste vous fait l’écho des mêmes constats que nous tous avions fait...Il faut éviter de jeter l’opprobre sur tous ces gens, qui ne sont pas à la même enseigne et déclencher ainsi une haine sociétale sur certains braves gens qui ne demandent tout juste que l’on puisse redistribuer les richesses de ce pays dont certains ne se gênent pas pour accaparer à coût de marché gré à gré tout azimut en dépit de la règlementation nationale des marchés publiques.

    Bon vent M. le DG (nous nous connaissons, raison pour laquelle je commence par le chapeau qui est tout à fait personnalisé)

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