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LOTISSEMENT AU SECTEUR 28 : La colère et les larmes des non-attributaires

Publié le lundi 15 février 2010 à 00h44min

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Jeudi 11 février 2010, tôt le matin, deux dames se sont rendues à notre rédaction, cherchant à entrer en contact avec le rédacteur en chef du journal. Elles sont venues exposer un problème : celui des attributions de parcelles auxquelles le maire de l’arrondissement de Bogodogo, Henri Kaboré, et l’équipe de la commission d’attribution s’attellent depuis quelques jours. Une équipe de reportage a aussitôt été envoyée sur les lieux pour constater les faits et avoir de plus amples informations.

C’est aux environs de 9h30 mn que notre équipe de reportage est arrivée sur les lieux du rendez-vous où l’attendait Mme Marie Xavier Kiendrébéogo / Zabramba, chargée de la conduire dans cette zone non lotie du secteur 28 où avaient lieu les opérations d’attributions de parcelles. Un coup de fil passé auparavant a permis à Mme Kiendrébéogo de nous attendre sur place. Elle était bien ponctuelle ce jour-là. Après avoir échangé les "bonjour" d’usage, la dame nous a conduits effectivement sur les lieux. Notre premier pied-à-terre fut son domicile où, à l’arrivée, nous avons eu le temps de constater que nombre de ses voisins, en majorité des femmes, nous attendaient impatiemment. Et comme si quelqu’un avait donné l’alerte, tous se dirigèrent vers notre véhicule garé devant la porte de la famille Kiendrébéogo. Monsieur étant absent, c’est madame qui avait donc les choses en mains. De leur côté, les voisins étaient venus vers nous, son reçu en main comme preuve qu’ils ont le droit de résider là où ils sont. Subitement, chacun se donna lui-même la parole si bien qu’au bout d’un moment, il était difficile, voire impossible de comprendre qui que ce soit. Tout était confus.

Révolté, découragé, chacun voulait se faire entendre. C’est alors que nous nous sommes retirés dans une cour où nous avons tendu notre micro à Mme Kiendrébéogo, lui demandant de nous expliquer clairement quel était le problème. Et Mme Kiendrébéogo de déclarer : "Notre problème concerne l’attribution des parcelles. L’équipe est venue commencer le travail le lundi et elle est arrivée à notre niveau le mardi. Auparavant, on nous avait recommandé d’aller verser les frais si toutefois nos noms figuraient sur la liste de ceux qui ont été recensés et qui ont eu le numéro. Nous sommes allés vérifier et à notre surprise, nos noms étaient sur la liste de la catégorie NCH : Nouvelle construction habitée. Nous avons pourtant construit depuis 2001 et pour cette catégorie, on ne peut rien payer pour le moment.

A leur arrivée, ils ont réclamé nos reçus, je leur ai fait comprendre que l’on nous a fait savoir qu’étant dans les NCH, nous ne pouvions rien payer pour l’instant. C’est ainsi que la maison a été sur place attribuée à un vieux qui est revenu hier nous faire savoir qu’il venait construire et qu’il lui faut son espace. Le jour de l’attribution, j’ai demandé au maire ce qu’il fallait faire si le nouveau propriétaire venait à réclamer sa parcelle et il m’a répondu : "Si cela arrivait, vous allez simplement déguerpir et lui laisser les lieux". Déguerpir pour aller où ? je n’en sais rien. Nous n’avons nulle part où aller et nous nous remettons entre les mains des bonnes volontés pour nous aider. L’équipe nous a fait savoir qu’il fallait être résident réel (RR) pour avoir droit à une parcelle. Et nous, nous habitons cette maison depuis 2001. Parmi tous nos voisins, il n’y a que quelques- uns qui ont eu une parcelle.

Pour les propriétaires non résidents qui n’avaient pas payé les 100 000 F CFA, on leur a dit d’aller verser la somme pour qu’on puisse leur attribuer des parcelles. A quoi répond donc ce raisonnement ? Pourquoi nous qui dormons déjà sur place n’avons pas droit à des parcelles ? Je n’ai jamais vu ça. Même dans le cadre du projet Zaca, on a délogé des gens, mais auparavant on leur a montré où aller. Nous, nous nous considérons comme des résidents réels. C’est celui qui a fait le recensement qui nous a mis dans ces problèmes et nous sommes nombreux dans ce cas. Mon mari a entrepris des démarches en vain. Aujourd’hui, nous ne savons pas vers qui nous tourner. Mon mari s’est sacrifié des années durant pour cette parcelle et voilà que tout est tombé à l’eau".

Madame Kiendrébéogo, d’une voix triste, demande que tout le monde soit traité sur le même pied. "Nous sommes tous des Burkinabè ; nous avons donc les mêmes droits", dit-elle. A ses côtés, Odette Ouédraogo, une jeune restauratrice. Odette est orpheline. Elle entretenait une relation qui n’a pas marché. Ce qui l’a poussée à revenir vivre dans la cour parentale avec son enfant en compagnie de ses sept frères et soeurs. Aujourd’hui, la mairie demande à tous ces orphelins de libérer la cour au profit du nouveau propriétaire. "Où diable irons-nous ? se demande Odette. Nous sommes tous orphelins de père et de mère mais au moins, nous avions un toit. Et maintenant ? Le nouveau propriétaire nous a donné sept mois. C’est une dame qui dit être en train de construire et dès qu’elle finira là-bas, elle viendra commencer ici. Tous ces gens ne peuvent-ils pas avoir pitié des orphelins que nous sommes ?"

La version du maire Henri Kaboré

Non loin de là, le maire de l’arrondissement de Bogodogo, Henri Kaboré, encerclé par des policiers armés de gaz lacrymogène et de fouets, continue l’opération. Impossible d’entrer en contact avec lui. Tout autour, la foule se déchaîne, vieux, vieilles, jeunes hommes et femmes confondus. Tous sont là, même les tout-petits qui n’y comprennent pas grand-chose. Les visages sont blancs de colère, les lèvres sèches. On crie, on dénonce, on réclame justice et parcelles. Les policiers essaient autant que faire se peut de calmer les ardeurs. Entre-temps, nous avons contourné la foule pour rejoindre le maire et son équipe qui continuaient l’opération. Enfin, nous voilà en face de Henri Kaboré qui nous a remercié tout d’abord d’être venus à la source pour avoir les vraies informations. Il nous confie ensuite ceci :

"Il s’agit en effet d’une zone où nous avons recensé plus de 53 000 personnes alors que la superficie disponible ne nous permet d’attribuer que 18 000 parcelles. L’écart est très important. Trente-cinq mille personnes au moins n’auront pas de parcelles. Mathématiquement, ça pose déjà problème. Nous avons fait le travail de façon scientifique. On a d’abord confié le recensement à un cabinet privé qui l’a fait. Ensuite, une commission ad hoc a été mise en place. Cette commission est passée, il y a plus d’un an de cela, de porte en porte, pour constater la résidence ou pas de chaque habitant. Je vous assure qu’en 2003, la zone était déserte, il n’y avait pas de gens, mais sept ans plus tard, même ceux qui n’habitaient pas ont intégré leurs maisons et aujourd’hui, à voir l’état des concessions, on a l’impression que les gens y vivent depuis longtemps. Ceux qui ont été retenus parmi les 18 000 sont bel et bien au courant que ce sont eux qui sont concernés. On a affiché les listes partout dans les écoles et tout le monde est allé consulter. Il y a trois catégories qui ont été retenues.

La première catégorie est ce qu’on appelle les RR (Résidents réels). Ce sont ceux qui ont construit et qui résident. La seconde catégorie, ce sont les PNR (Propriétaire non résidents). Ceux-là ont construit il y a très longtemps, mais ça a toujours été occupé par soit un frère, un cousin, un ami, etc. Vous savez qu’en matière de terrain, lorsque chacun apprend qu’on est en train de lotir, tout le monde s’active pour venir intégrer. Les gens font des simulations de résidence pour avoir la parcelle. Il y en a qui ont donc déménagé précipitamment par charrette ou par taxi, la nuit.

En son temps, nous avons constaté que ces gens venaient d’intégrer leur maison et nous les avons recensés en troisième position comme Nouvelle construction habitée (NCH). Ceux-là constituent la troisième catégorie. En plus d’eux, il y a ceux qui n’ont pas été retenus. Si nous devons confondre les trois catégories, on se retrouve avec plus de 25 000, alors qu’il faut retenir seulement 18 000. On s’est dit qu’on commencerait donc avec les deux premières catégories tout en négociant avec les communes voisines. Et si toutefois, on a la possibilité de dégager d’autres parcelles, on va satisfaire encore quelques-uns. Ce sont donc les attributions du secteur 30 que nous avons commencé, ensuite le secteur 29 avec les mêmes critères. Aujourd’hui, c’est au tour du secteur 28 où certains habitants s’opposent à l’attribution de leur parcelle soi-disant qu’ils sont là depuis longtemps".

Faisant allusion aux plaintes de certaines personnes qui ont affirmé que le maire a déguerpi des gens dans d’autres zones et qu’il veut les réinstaller dans celle concernée par les attributions plutôt que de les envoyer sur un terrain vide, le maire de Bogodogo dira : "Nous n’avons déguerpi personne dans une autre zone pour la réinstaller là. C’est dans ce même secteur 28 que tout se passe. Nous avons, dans le cadre du budget 2009, programmé la construction de trois écoles à six classes dans les trois secteurs : une au 28, une au 29 et l’autre au 30 dans les zones concernées par le lotissement, avec les mêmes moyens. Nous avons déguerpi ceux qui occupaient l’espace des réserves prévues pour la construction de ces écoles et aussi les voies d’accès à ces écoles. Nous avons également, de concert avec le Conseil régional, décidé d’ouvrir la voie des cimetières ; une grande voie qui nous relie à Saaba. Les gens qui sont sur ces voies ou réserves, il faudra les recaser là où il y a des parcelles. En 2005, nous sommes venus casser des maisons inachevées pour laisser le vide, sinon il n’y aurait pas d’espace vide en ce moment".

"Nous ne pouvons pas satisfaire tout le monde"

Pour ce qui est des mécontents qui n’auront pas eu de parcelles, M. Kaboré a déclaré : "En matière d’attribution de parcelles, c’est comme ça. On ne peut pas satisfaire tout le monde. Si on a la possibilité de les recaser ailleurs, on le fera sinon, à l’impossible, nul n’est tenu. Et c’est comme on le dit : "Celui qui construit en zone non lotie pense avoir un jour une parcelle ou pas". Je ne vois pas un seul endroit où on a pu satisfaire les résidents à 100%. Je vous assure seulement que nous disposons d’un écart très important. Tout ce que je sais, c’est que nous avons attribué des parcelles où logent des gens qui n’étaient pas résidents au moment du numérotage. Nous avons échangé avec les porte-parole des populations sur place pour trouver des voies de solution. J’invite tout le monde au calme afin qu’on puisse négocier parce que nul n’a le droit de faire la force".

A peine avons-nous quitté le maire que le groupe de personnes qui se plaignait sans cesse, se rua vers nous en criant "Hey, vous ne pouvez pas faire parler le maire seul sans chercher à nous entendre". Savaient-ils seulement depuis quand nous étions sur les lieux et qui nous avions interrogé ? Non. Toujours est-il qu’en pareilles circonstances, il faut éviter d’enfoncer le couteau dans la plaie. Les policiers, voyant l’attroupement qui s’était subitement fait autour de nous, sont venus nous demander d’aller les interroger ailleurs, hors de la zone d’attribution, pour permettre à l’équipe de continuer son travail. Notre prochain intervenant a été un pasteur de l’Eglise du Christianisme céleste du nom de Johnson Lemec. M. Lemec est Béninois de nationalité, marié à une Burkinabè avec laquelle il a eu des enfants. Sur tous les papiers des deux parcelles qu’il poursuit, figure le nom de sa femme. "J’ai vu des opérations de lotissement ailleurs, mais cela ne se fait pas comme au Burkina Faso, dénonce le pasteur. Dans les autres pays, quand on attribue des parcelles dans un secteur, tout le monde trouve son compte avant qu’on ne passe à un autre secteur mais ici, ce n’est pas ainsi. Nous avons vécu ici pendant dix ans, nos enfants ont étudié à la lumière des bougies, nous souffrons pour avoir l’eau à 400 F CFA la barrique et aujourd’hui, des gens débouchent avec des fouets, des armes, pour nous frapper parce que nous demandons un toit. Que les autorités fassent quelque chose pour nous. L’équipe d’attribution a désigné une zone dite commerciale et nous savons que dans cette zone, il n’y aura que des riches. Et nous les pauvres alors ? Où voulez-vous qu’on aille ? Dans ce cas, il est préférable pour nous d’aller vivre à l’étranger".

Awa Tiendrébéogo, une femme âgée demande, quant à elle, au maire de leur permettre de rester dans leurs maisons. "Ils ne peuvent pas, dit-elle, nous déloger pour loger d’autres personnes qui ont déjà où dormir. Ce n’est pas juste. Où voulez-vous qu’on aille ? Dans nos familles, nous avons des vieilles personnes, des hommes, des femmes et des enfants. Si nos enfants n’ont pas où dormir, comment vont-ils pouvoir travailler pour nous entretenir ? Trouvez-vous normal qu’à mon âge je vive chez mon beau-fils ? C’est pourtant ce que j’ai été contrainte de faire. Où est donc ma dignité" ? A ces mots, elle éclate en sanglots et entraîne avec elle certaines femmes qui l’entouraient. L’émotion était plus forte que nous mais il fallait résister. Qu’en serait-il si nous nous mettions à pleurer avec ces femmes ? D’un pas décidé donc, nous nous sommes dirigés vers une autre cour où les résidants ont eu la chance de se voir attribuer une parcelle. Là, le maître de maison étant absent parce que parti travailler, sa femme refusa de prononcer un quelconque mot, préférant s’abstenir de tout commentaire.

Par Christine SAWADOGO

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 15 février 2010 à 10:19, par Yam nèré En réponse à : LOTISSEMENT AU SECTEUR 28 : La colère et les larmes des non-attributaires

    Christine, c’est un bon travail que tu as produit. Tu me fais penser que les journalistes devraient être tous des femmes.
    Tu vois, l’affaire des lotissement dans le Bayiri, c’est compliqué. C’est toute la politique foncière du pays qui doit être repensée. Un simple constat : Sais-tu qu’à 3 trois kilomètres seulement de la zone non lotie commence la zone rurale ? Où joncent des cases habitées par de pauvres personnes qui ne demandent qu’à avoir des voisins qui peuvent leur donner des restes de nourriture ?
    On me dira tout de suite :"Monsieur, on ne peut pas étendre indéfiniment la ville". Je repondrai : oui, aujourd’hui la ville a une limite, si vous voulez. Mais pas demain. La preuve est que Ouaga de 1980 n’est pas Ouaga de 2010. Nous devons regarder, penser à long terme.
    Christine, ne pleure pas avec ces femmes. Prie pour elles et formule des propositions aux autorités.
    Que le Seigneur nous éclaire ! Amen.

  • Le 15 février 2010 à 12:22 En réponse à : LOTISSEMENT AU SECTEUR 28 : La colère et les larmes des non-attributaires

    Ce n’est pas fini. Il y a quelques temps il y des gens qui ont demandé à ce que les services de cette mairie soient audités. Allez voir ce qui se passe. Il y a beaucoup d’informel. Demandez à rencontrer à rencontrer le Maire pour savoir la difficulté.

    Je vous assure qu’il a bien des gens qui pleurent encore et encore.

    Je voudrais donc inviter le Ministère de l’administration territorial à suspendre ce conseil municipal et de voir ce qui s’y passe.

    Pour confirmer ou infirmer ce que je dis, il va falloir commanditer un audit et c’est tout.

    J’allais oublié, pourquoi il y a tout le temps des attroupements devant cette Mairie ? Personne ne s’occupe de la misère de ces pauvres gens. C’est douloureux.

  • Le 15 février 2010 à 15:01 En réponse à : LOTISSEMENT AU SECTEUR 28 : La colère et les larmes des non-attributaires

    Quand vous vous plaignez de quelque chose a la Mairie, de Bogodogo, on vous d’écrire. Vous écrivez, on ne vous répondra jamais, surtout,, n’aller pas demander pourquoi ça dure.

    Tout le monde sait qu’il y a des choses pas très claires dans cette mairie mais le ministre de l’administration territoriale.

    Les gens vont pleurer encore longtemps, personne ne les entendras jusqu’au jour ou les plaignants eux mêmes vont prendre leurs responsabilités.

    Je vous assure que c’est plus facile de voir le Maire SIMON COMPAORE que le maire de Bogogogo.

  • Le 15 février 2010 à 16:41, par kindamoussa En réponse à : LOTISSEMENT AU SECTEUR 28 : La colère et les larmes des non-attributaires

    Bonjour et bravo à tous ceux qui travaillent au journal le pays.
    Moi,j’etais resident à la zone non lotie du 28 mais mon nom n’est jamais sortie,mon histoire :
    J’ai eût le terrain en 98 par l’intermidiaire de ma maman,vers fin 99 j’avais pu me construire un huit(8)et suis renter sans sape ni crepissage,les gens qu’ils ont prit pour le recensement n’etait autre que ceux du CDP et soit disant proprietaire terrien faux histoire puisque nous tous etant des Burkinabé,soit tu fais l’affaire des politicien ou en bon entente avec nos amis recenseurs et tu avais ton nom sur leur liste ;sinon tu ne vera jamais ton nom.A pres la publication de la liste noir,ils sont passer recuperai les papiers de ceux qui n’ont pas vu leur nom et jusqu’a present aucun autre liste n’est sortie.Le vrai probleme du Bogodogo ses que tous ceux qui sont devant etaient des CDR au temps de la revolution donc(soit tu es avec eux ou contre et tu n’aura rien).Femmes ne pleurez pas ils sont sourds-muets,battez vous ca va aller un jours.
    Ses ca la realité du pays des hommes intègres.
    Merci au pays et si vous avez besoin de n’importe quel information concernant ce lotissement,je suis à votre ecoute

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