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Deuxième Semaine de solidarité avec les malades : “C’est l’humain qui nous intéresse avant tout,” dixit Luc Zongo, aumônier de Yalgado

Publié le vendredi 12 février 2010 à 01h21min

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La communauté catholique, à travers l’aumônerie catholique du Centre hospitalier universitaire Yalgado Ouédraogo, commémore depuis le dimanche 7 février 2010 (jusqu’au samedi 13), la deuxième « semaine de solidarité avec nos frères et sœurs malades ». Nous sommes allés à la rencontre de l’Abbé Luc Zongo, religieux camilien, aumônier catholique de l’hôpital Yalgado Ouédraogo, histoire de comprendre les objectifs de cette semaine et faire connaissance avec une aumônerie œuvrant au sein d’un CHU.

Sidwaya (S). : Vous avez lancé le dimanche 7 février dernier, la semaine de solidarité avec les malades. A quoi répond une telle manifestation ?

Père Luc Zongo (P.L.Z.) : Cette semaine de solidarité avec les malades s’inscrit en droite ligne de notre vie de foi. Quand on ouvre les quatre évangiles, on voit Jésus Christ, soit en train de soigner un malade, soit en train de rendre grâce à son Père par rapport à l’action qu’il vient de mener. Nous nous inscrivons dans l’action missionnaire du Christ : accompagner, soulager les malades.

D’ailleurs, c’est ce qu’il nous demande comme épreuve de passage au jour du jugement. Il est écrit « J’ai été malade et vous m’avez visité », dans l’Evangile selon Saint Mathieu. C’est pourquoi le thème de l’année, donné par le Pape, thème de la semaine aussi, est « Passer du temps auprès de qui est dans l’épreuve ». Elle a aussi un rapport avec la journée mondiale de solidarité avec les malades instituée depuis 1992 par le Pape Jean Paul II.

Nous célébrerons le 11 février prochain, la 18e édition de cette journée. Depuis l’institution, ici à Yalgado, nous l’avons toujours célébrée. Voilà deux ans que nous organisons la semaine de solidarité avec les malades. Nous nous sommes dit qu’en une journée, nous ne pouvons pas couvrir toutes les formations sanitaires de Ouagadougou. Alors, nous avons choisi d’étendre la journée pour prendre la semaine.

S. : Comment cette semaine se déroule concrètement ?

P.L.Z : Cette semaine est avant tout une semaine de prière. Toutes les actions que nous allons mener se veulent être présentes dans les CMA (Centre médicaux avec antenne chirurgicale) de Ouagadougou qui sont au nombre de quatre et dans les centres hospitaliers universitaires, qui sont au nombre de deux.

Nous les couvrons donc en 6 jours avec des activités spécifiques comme la visite aux malades et les célébrations de messes. Nous avons fait la célébration officielle pour l’ouverture avec Mgr Jean-Marie Untaani Compaoré, archevêque émérite de Ouagadougou, le dimanche passé, à 18 h à la paroisse Saint Camille.

Lundi, nous étions au CMA Paul VI où nous avons fait la messe, après avoir rendu visite aux malades à 16 heures. Cette messe a été présidée par le curé de la paroisse de Kologh-Naba dont relève la zone du CMA. Cela pour dire que nous avons voulu impliquer tous les curés, et les évêques aussi. Ce sont les premiers responsables de notre Eglise-Famille. La messe de clôture sera dite ici à Yalgado sous la présidence de l’archevêque Philippe Ouédraogo.

S. : Vous avez évoqué tantôt une semaine de prière. Sera-t-elle marquée par un autre type d’actions au profit des malades ?

P.L.Z : Bien évidemment, on ne saurait parler du spirituel sans parler du corporel. Alors, nous avons pensé à prendre en compte ces deux réalités qui composent l’être humain.

Il faut aller vers ces personnes en tant qu’humains d’abord. Nous leur rendons visite, nous les exhortons, nous les réconfortons, en somme, nous leur manifestons, un tant soit peu, l’affection et l’amitié de toute la communauté. Dire bonjour à un malade, lui souhaiter meilleure santé et courage, surtout quand ça vient de quelqu’un qu’il ne connaît pas, ça remonte.

Quand on rend visite à un malade, on apporte avec soi un petit cadeau, pour matérialiser cette visite. Il faut dire que pour arriver à faire ces petits cadeaux-là, nous avons déposé des demandes d’aide ici et là. Nous avons reçu des réponses favorables, mais eu égard à la crise économique, il ya beaucoup de nos sollicitations qui sont restées sans suite. Mais nous demeurons dans l’attente de bonnes volontés pour pouvoir réaliser cette œuvre. Même au-delà de cette semaine, nous attendons toujours des aides. Notre activité ne s’arrête pas dans la limite de cette semaine.

Vous êtes ici et vous voyez le petit monde que nous avons (NDLR : des patients attendaient dans la cour de l’aumônerie, sur des bancs avec leurs ordonnances ou bulletins d’analyses). Au CMA de Paul VI par exemple, nous avons pu donner symboliquement à chaque malade, une pomme, deux oranges, une boule de savon et deux sachets d’Omo, des biscuits, une boîte de sardine et une demi-miche de pain.

Dans chaque CMA, nous pensons pouvoir faire les mêmes gestes, toujours en fonction de nos moyens. Nous comptons sur la Providence, si bien que nous nous endettons même pour mener cette activité. Nous pensons toujours que de généreux donateurs laisseront parler leur cœur et nous aideront à couvrir ces charges.

S. : Vous êtes à la tête d’une aumônerie, et dans un CHU comme Yalgado. En quoi consiste votre mission ici ?

P.L.Z : Notre mission s’exécute autour de trois axes. Le premier axe et le principal, c’est l’accompagnement et l’assistance spirituels des chrétiens catholiques malades admis dans ce centre hospitalier.

En matière d’accompagnement et d’assistance, nous célébrons les sacrements de la foi, c’est-à-dire, administrer la confession, l’onction des malades, célébrer l’Eucharistie les dimanches, et comme il y a des catéchumènes non baptisés qui viennent ici, (ils étaient déjà sur le chemin), nous procédons à leur baptême quand il le faut. C’est ce qu’on appelle le baptême in extrémis. Je puis vous dire en passant que depuis 1967, date de la création de cette aumônerie, nous sommes à plus de 980 baptêmes in extrémis.

Dans cette assistance toujours, nous avons ce qu’on appelle la visite pastorale. Nous passons dans les différentes chambres d’hospitalisation, les différentes unités de soins pour rendre visite, réconforter, exhorter, encourager les malades et leurs accompagnants et, pourquoi pas, le personnel soignant. Ce n’est pas simple d’être jour et nuit, au chevet des malades.

Nous apportons ainsi notre soutien. Après cette première mission que je viens d’évoquer, il y a une deuxième : la question sociale. On ne peut pas se préoccuper de l’esprit tout en oubliant le corps. Alors, nous écoutons et nous intervenons quand nous le pouvons afin de soutenir économiquement et matériellement les malades. Le troisième axe consiste à donner des orientations et des conseils pratiques à tous ceux qui viennent vers nous.

S. : On imagine que de telles missions ne peuvent s’assumer sans difficultés ?

P.L.Z : Dans ce type d’action, en effet, on ne peut pas ne pas avoir affaire à de petits malins qui viennent pour arnaquer. On a souvent affaire à des « faux types » comme on dit. Et moi j’explique à certains que j’ai fait un stage technique à la MACO, en tant que diacre. Donc, j’arrive à me rendre compte de certaines situations pas claires. Mais par moments, on arrive à me tromper. C’est ainsi que nous avons pour principes de ne pas donner de l’argent liquide. Nous faisons en sorte de bien cerner la situation du malade avant d’intervenir.

De préférence donc, nous lui achetons ses médicaments si nous n’en avons pas dans notre stock. Malgré tout, il y a des gens qui prennent le médicament et qui vont le vendre. Nous avons à la longue, développé des techniques pour débusquer les supercheries. Par exemple, appeler dans l’unité de soins où le médecin ou l’infirmier peuvent nous renseigner.

Il nous faut préciser que ce type de soutien, couvre tous les malades de l’hôpital, sans distinction de race, de religion. C’est l’humain qui nous intéresse avant tout. Nous ne faisons pas du prosélytisme. Nous voulons seulement aider des gens qui ont du mal à gérer leur situation. Vous avez sans doute, vu la composition des malades qui attendent dehors, et vous pouvez vous faire une idée.

S. : Comment se passe la collaboration avec le personnel de santé à l’hôpital ?

P.L.Z : Vraiment avec les agents de santé, nous avons une bonne collaboration. Vraiment il n’y a rien à dire. D’ailleurs, bien souvent, ils nous envoient des malades. Vraiment, nous travaillons en synergie. Avec les internes par exemple, nous avons développé de bons rapports de travail. Nous avons des relations personnelles avec des médecins, infirmiers, etc.

Et nous rendons grâce à Dieu parce que ces bons rapports nous permettent d’aider les cas sociaux. Nous avons également de bons rapports de partenariat avec les pharmacies. Même quand nous n’avons pas de liquidité, les pharmacies mettent les produits à notre disposition, au profit des malades qui sollicitent notre aide, le temps que nous puissions payer. Ce sont des structures de confiance et les gens accordent de l’importance à ce que nous menons comme activité.

S. : Peut-on se faire une idée du nombre de malades que vous assistez par an ?

P.L.Z : L’année passée, nous avons été secoués par l’inondation du premier septembre qui a emporté nos documents. Mais les chiffres de l’année précédente, (2008) indiquent que nous avons atteint une moyenne de 800 à 900 malades par mois.

Presque tous les jours, les gens passent nous solliciter. Par rapport aux années passées, nous pouvons dire que les sollicitations n’ont pas augmenté de façon sensible. En revanche, leur coût a connu une hausse. Actuellement, il est fréquent qu’on demande aux malades de faire beaucoup d’examens dont le scanner pour pouvoir établir convenablement le diagnostic.

Et cet examen coûte entre 45 000 (quand c’est un patient hospitalisé) et 70 000 hors de l’hôpital. Dans l’année, nous atteignons un budget global de 50 millions de francs CFA, pour l’aide aux malades. Heureusement, tout ce budget est essentiellement supporté par des dons en nature et parfois en espèces venant de partenaires. Nous avons par exemple la Fondation Raoul Follereau qui nous soutient énormément.

J’en profite d’ailleurs pour leur exprimer notre reconnaissance pour ce qu’elle fait pour nous. Nous avons aussi des amis de l’extérieur du Burkina qui nous aident. Mais il faut malheureusement, dire que cette source-là est en train de tarir, avec la conjonction des crises sociale, économique et ce que j’appelle crise religieuse.

S. : Mon père, quel est le meilleur des souvenirs que vous gardez de toutes ces interventions au profit des malades ?

P.L.Z : En effet, nous vivons des expériences difficiles mais il arrive que nos efforts soient vraiment récompensés. Il y a une expérience qui m’a vraiment marqué et que je ne peux oublier. Un jour, c’était un samedi, et j’étais dans mon bureau. Je reçois un jeune homme d’environ 25 ans, accompagné de sa maman et d’une autre personne. Il était si désemparé qu’il en avait perdu la parole. La mère m’explique qu’ils ont amené un malade dans un état difficile.

C’était le père du jeune homme et ce dernier avait été agressé par des brigands qui l’avaient abandonné à moitié mort comme dans l’histoire du bon samaritain dans la Bible. Le bonhomme avait été transporté à l’hôpital Yalgado, via le CHR de Manga par ambulance. Déjà, le transport à lui seul avait coûté 20 000 F à la famille, et c’est tout ce qu’elle avait comme argent.

Il ne lui restait même plus cinq francs dans leurs mains. Je me suis rendu au chevet du malade. Comme j’ai de bons rapports avec les internes, j’ai abordé l’un d’eux et je lui ai demandé s’il pouvait établir un diagnostic. Le monsieur était dans un coma très avancé. Le pronostic n’était pas fameux. L’interne nous dit qu’au stade comateux où il se trouvait, même si on arrivait à le récupérer, il serait dans une vie végétative.

Face à ça, moi-même je me suis demandé s’il fallait dépenser pour un mourant alors qu’avec cette somme on pouvait répondre aux besoins de plusieurs malades. Vous comprendrez que parfois, avec le peu de moyens qu’on a et la forte demande, nous soyons parfois obligés de raisonner ainsi. Mais qu’à cela ne tienne, nous nous sommes dit que rien n’était impossible à Dieu.

Nous avons fait ce qu’il fallait faire et le monsieur a pu passer un scanner. Après ça il a été soumis à des soins intensifs. Trois jours après, je lui rends visite et je suis agréablement surpris de l’entendre parler. Nous avons rendu grâce à Dieu parce qu’il s’est trouvé qu’il y avait quelque chose dans nos caisses pour aider ce monsieur. Il y a des jours où il n’y a rien. Je crois même qu’il n’a pas beaucoup duré à l’hôpital.

Un mois plus tard, je reçois la visite d’un homme. Il a fallu qu’il me rappelle son histoire pour que sa tête me revienne. Moi je ne l’aurais pas reconnu. Il était revenu pour un contrôle et m’avait apporté deux plaquettes d’œufs pour me remercier. Ce sont des situations comme celle-là qui nous réconfortent et nous encouragent. Sinon ce n’est pas simple.

S. : Au regard de vos besoins et charges, vous avez certainement un appel à lancer ?

P.L.Z : Nous voulons avant toute chose dire merci à nos généreux donateurs, à tous ceux qui donnent de leur temps pour les malades. Nous disons merci à tous les lecteurs qui vont prendre connaissance de nos activités, pour l’intérêt qu’ils vont accorder à nos missions. Si au-delà de la sympathie et de la compassion, ils peuvent faire quelque chose au profit de toutes les personnes qui ont besoin de notre soutien, leurs gestes sont attendus. Un seul individu ne peut rien faire.

C’est l’union qui fait la force. Nous informons qu’il existe quatre associations de soutien que sont : l’Union catholique des agents de santé et de l’action sociale de Ouagadougou (UCASO) l’Association catholique des amis des malades (ACAM), le Flambeau de la charité, une association d’inspiration camilienne, et il y a la famille camilienne laïque, la grande famille des fidèles.

Les gens peuvent y adhérer, pour vivre leur foi et apporter du soutien à des personnes qui en ont besoin. Pour ceux qui n’ont pas le temps, il y a toujours quelque chose qu’on peut faire, soit spirituellement, soit matériellement ou financièrement.

Interview réalisée par Hortense ZIDA

Sidwaya

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