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Personnels temporaires de la CENI : « Pardon, inscrivez-nous ! »

Publié le jeudi 11 février 2010 à 01h20min

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Du 10 au 20 février 2010, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) reçoit des candidatures pour le recrutement de personnels temporaires, à savoir 20 informaticiens pour une période de six mois et 2000 opérateurs de remplissage pour deux mois. L’opération d’inscription, qui se déroule au stade du 04-Août de Ouagadougou en vue de l’élection présidentielle de novembre prochain, connaît une telle affluence que les files d’attente sont interminables et des plus animées. Un seul but pour ce monde fou composé majoritairement d’étudiants à la recherche d’un job, même temporaire, pouvoir après avoir joué des coudes et été « rôti » au soleil, faire enregistrer son dossier par les agents.

Mercredi 10 janvier 2010, 12 h. Nous sommes à l’entrée du stade du 04-Août de Ouagadougou, où la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a décidé de recevoir du 10 au 20 février 2010 des candidatures pour le recrutement de personnels temporaires, à savoir 20 informaticiens pour une période de six mois et 2000 opérateurs de remplissage pour deux mois en vue de l’élection présidentielle de novembre prochain, notamment de l’établissement des listes électorales.

A droite de la grande porte d’entrée, de longues rangées d’engins à deux roues, qui feraient penser à un match du championnat national de football qui se joue sur la pelouse, à cette heure de loin inappropriée pour tâter du ballon rond.

Et un des gérants du parking « Wend Panga », Ousmane Nana, de battre en brèche cette hypothèse : « Même pour un match de championnat, nous ne connaissons pas une telle affluence ; c’est peut-être un match des Etalons qui pourrait rivaliser avec ce monde ! » Nul besoin donc de lui demander encore si ça marche car il avoue même ne pas pouvoir chiffrer exactement le nombre de clients qu’il a enregistrés depuis le matin et qui s’élève à plus d’un millier de personnes.

Ousmane Nana se frotte déjà les mains car les affaires promettent d’être bonnes pendant les dix jours que vont durer les inscriptions : « Vraiment, grâce à Dieu ça marche bien et on ne peut même pas compter nos clients. On ne rencontre pas de problèmes avec eux car le prix du parking, c’est 100 F CFA, mais on prend sans discuter lorsqu’on nous tend une pièce de 50 FCFA pour une raison ou une autre ».

La cour du stade, elle, est pleine à craquer. De longues files indiennes mélangées et serpentées partent du dessous de la porte 6 où sont ouverts les guichets de réception des candidatures. Le soleil, haut perché, tape dur, et la patience n’est pas la chose la mieux partagée dans les rangs. Les bousculades sont tellement fréquentes qu’il faut souvent se tenir par les coudes pour ne pas être éjecté de sa rangée.
« On ne mange pas les pardon ! »

Fusée de protestations lorsque les gendarmes replacent les barrières de sécurité à l’avant et rectifient les lignes. « Hé, chefs ! Walaï, ya panga [NDLR : c’est la force en langue nationale mooré] ! Notre rang-là était déjà bien construit », lance-t-on dans les rangs qui se voient modifiées. Dans cette cohue, point de place à « l’intégration ». « Serrez les rangs, les gars, pas d’intégration ! » entend-on de toutes parts. Ceux qui essaient malgré tout de s’infiltrer sont aussitôt vigoureusement éjectés sans ménagement. Leurs prières et excuses n’y feront rien. « On ne mange pas les pardon ! » leur répond-on.

Dans une telle ambiance, les esprits s’échauffent rapidement et même notre photo-reporter, qui s’est positionné à l’étage pour photographier la foule, a, lui aussi, droit à sa part d’invectives : « Hé, djou là, dégage de là-bas ! On a des lance-pierres pour ta vilaine tête là, hein ! » De grosses gouttes de sueur perlant sur le front, Mélanie Bouda, à bout de souffle, sort du groupe et demande à un pandore si les inscriptions se poursuivent le lendemain.

Ayant obtenu une réponse affirmative, elle prend son chemin en se frayant un passage entre les gens, serrant contre sa poitrine le cartable rouge contenant son dossier. « Je ne peux pas tenir avec toutes ces bousculades car je suis asthmatique. Si tu t’amuses ici on te tue pour rien. Tu es venu chercher du boulot et c’est la mort qui te cueille ? Non, je vais revenir très tôt demain matin pour déposer mon dossier », nous explique-t-elle avant de s’éloigner. D’autres, moins résignés qu’elle, choisissent de se reposer à l’ombre des escaliers afin de reprendre des forces en attendant leur tour.

C’est le cas d’Hélène Bondoulgou, venue postuler pour les opérateurs de remplissage. Présente sur les lieux depuis 7h du matin, elle nous confie avoir perdu tout espoir de déposer sa demande avant l’heure de fermeture fixée à 14h. Candidat au même job, Charlemagne Kambou est, lui aussi, venu de bonne heure. Il a pu ainsi voir le système de dressage de listes au début mais vite abandonnées parce que des malins inscrivaient des personnes absentes. Il a même assisté à des échanges de coup de poings dans les rangs du fait que certains ont essayé d’y intégrer des connaissances. Charlemagne se réjouit de l’ouverture, entre-temps, d’un troisième guichet, qui, selon lui, va contribuer à accélérer les inscriptions.

Harouna Sawadogo et Oumar Coulibaly ont, eux, choisi de s’installer sur les marches de la porte 9 pour remplir leur demande. Vu leur éloignement des guichets, ce n’est pas demain la veille que ces deux « chômeurs pour le moment », comme ils se qualifient eux-mêmes, pourront déposer leur candidature. Pourtant, ils se montrent des plus téméraires : « Même s’il faut dormir ici pour arriver à s’inscrire, on le fera ! »

Pour accéder au bureau des inscriptions, il faut faire le tour du stade jusqu’à la porte 10 où on montre patte blanche avant d’arpenter le couloir jusqu’au compartiment après la direction générale de l’infrastructure. Assis sur une chaise adossée au mur, le gendarme qui veille sur la porte d’entrée du local se lève pour s’enquérir de la raison de notre présence. Des journalistes à leur sempiternelle quête de l’information, une routine.

Il requiert d’abord l’avis des agents à pied d’œuvre à l’intérieur avant de nous autoriser à y pénétrer. Là, installés derrière les vitres, trois guichets sont effectivement distincts, tenus par trois agents qui se chargent d’enregistrer les dossiers. Derrière eux, deux bureaux en retrait, où se fait la vérification. A l’aide d’un avis de recrutement, Kamma Sophie Ouédraogo, informaticienne à la Commission électorale nationale indépendante et coordonnatrice de l’équipe sur place, nous explique le processus : « Nous recevons les dossiers de 9h à 14h.

Après la réception d’un dossier, on vérifie qu’il contient toutes les pièces demandées à savoir une demande manuscrite signée, adressée au président de la CENI ; une copie de la pièce d’identité ; une copie du diplôme requis (au minimum le bac) ; une copie d’attestation ou de certificat. On vérifie s’ils appartiennent bien au candidat et s’ils sont conformes. » Manque de boulot oblige, l’engouement est tel qu’à 12h30, les agents avaient déjà enregistré 985 dossiers.

Dehors, au fur et à mesure que le temps s’écoule, on commence à s’inquiéter, dans la foule, de ne pas être inscrit avant la fermeture. Des « Pardon, inscrivez-nous ! » fusent de partout. Ceux qui ne semblent pas pressés de quitter les lieux, ce sont les vendeurs ambulants. Profitant de l’occasion, ils proposent leurs articles, allant de l’eau fraîche en sachets aux gâteaux en passant par les cartes de recharge et les cigarettes…, aux candidats. Alignés derrière les chercheurs d’emploi, ces vendeurs attendent patiemment que l’un d’eux se détache pour leur demander une quelconque marchandise.

Le soleil aidant, c’est l’eau qui est vendue le plus avec la cigarette. Les cartes de recharge, elles, ne sont pas du tout achetées, à en croire Issa Kouraogo, pour qui la demi-journée d’attente ne lui aura permis d’écouler que 2000 F d’unités. Il entend persévérer jusqu’à la fermeture des guichets avant d’aller continuer sa vente en ville. Demain, c’est sûr, il sera posté au même endroit, et qui sait, peut-être que cette fois la clientèle sera au rendez-vous de ce rituel d’inscription qui va durer jusqu’au 20 février prochain.

Hyacinthe Sanou

L’Observateur Paalga

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