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Le Kombi-Naam ou le pouvoir des jeunes : Quand la tradition et la démocratie font bon ménage

Publié le mercredi 10 février 2010 à 01h55min

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La société traditionnelle n’a pas toujours été aussi féodale qu’on voudrait le faire croire. Le Kombi-naam, une forme traditionnelle d’organisation sociale était connu pour sa capacité à mobiliser démocratiquement les habitants des villages pour des actions de développement. Ressuscité par la fédération nationale des groupements Naam, cette philosophie ancestrale a su redonner espoir aux population de la région du Nord confrontées à une nature ingrate.

Le Kombi-Naam qui signifie en langue nationale mooré, le pouvoir des jeunes, est une forme traditionnelle d’entraide villageoise de jeunes hommes et de jeunes filles d’une même génération.

Il représente en miniature la structure politique de la société traditionnelle mossi, son objectif étant l’intégration sociale des jeunes par le travail participatif et par l’enseignement des valeurs fondamentales comme la solidarité, l’égalité, la justice, l’équité et la démocratie.

Le kombi-naam est organisé de la façon suivante. Des jeunes du même village ou du même de quartier, âgés de 11 et 35 ans pour les garçons et 8 et 20 ans pour les filles, se mettent d’accord pour travailler. En général, pendant la saison des pluies. Toute personne répondant à ces critères d’âge peut y adhérer sans distinction d’ethnies et de classes sociales.

Tout le monde est sur le même pied d’égalité tant au niveau des droits que des devoirs. Les membres du Kombi-naam apprennent à connaître les règles qui les régissent et s’y plient volontiers pour la bonne marche de l’ensemble. Les fonctions et tâches sont attribuées pour assurer la cohésion du groupe. Les qualités comme la maîtrise de soi, la patience, le courage, le respect des institutions sont développées au sein du groupe.

Toute l’organisation des Kombi-naam est conditionnée par des élections des différents responsables. Pour le fondateur des groupements Naam, le Dr Bernard Lédéa Ouédraogo, le Kombi-Naam est l’une des associations traditionnelles qui ne souffrent pas d’inégalités sociales : « Les minorités privilégiées, les minorités discriminées et les majorités psychologiques y sont admises. La discrimination y est formellement interdite, compte tenu de la diversité culturelle intégrée ».

Les membres sont tous éligibles aux postes de responsabilités. Ni la fortune, ni la naissance, ni le sexe n’interviennent dans les élections. Seuls comptent le caractère, le tempérament, l’esprit de sociabilisation et la compétence du candidat. La démocratie qualitative, la régulation des statuts sociaux, l’exercice collectif de la responsabilité font l’essence des groupements Naam.

La démocratie au sein des Naam

Les ancêtres ont défini quatre critères d’éligibilité. Tout bon responsable du Kombi-naam devrait être capable, en premier lieu, de maîtriser “sa langue”, c’est-à-dire parler peu mais pouvoir convaincre son interlocuteur et ne jamais le heurter. La délation, le mensonge et la calomnie lui sont formellement interdits. En deuxième lieu, il faut être d’humeur égale, capable à tout instant de réguler les impulsions de son cœur, ses colères et ses envies amoureuses.

Ces dernières en particulier, trop étalées, le positionneraient mal au sein de son groupe et de la société. Il perdrait par conséquent autorité et fermeté. Troisièmement, le membre du Naam doit maîtriser “son ventre”en ce qu’il doit être altruiste, savoir partager, savoir-faire et savoir-être. En un mot, être un modèle. Pour Bernard Lédéa Ouédraogo, le Kombi-Naam ainsi défini est une forme de démocratie qui régule les élections dans les associations depuis plusieurs siècles. Du Kombi-Naam au Groupement Naam

Le Groupement Naam est le Kombi-Naam amélioré. On y constate une intégration des générations. C’est une association traditionnelle de travail communautaire et à forme coopérative qui servira de structure d’appui. Elle respecte les conditions exigées par les principes directrices de l’action de la structure. « Développer sans abîmer », à partir de ce que le paysan est (sa nature), de ce qu’il vit (sa culture), de ce qu’il sait (ses savoirs), de ce qu’il sait faire (des technologies qu’il maîtrise) et de ce qu’il veut (ses aspirations).

Ainsi, en application de ce principe, il résulte une amélioration d’une association coopérative construite par et pour les intéréssés à partir d’une association traditionnelle de jeunes dont les qualités n’envient en rien celles d’une coopérative moderne : égalité entre les membres des deux sexes, démocratie, répartition des tâches en fonction des compétences de chacun, équité dans les partages, sécurité du groupe, exercice collectif de la responsabilité, self-control, etc.

La philosophie des Naam est très simple selon M. Ouédraogo car elle poursuit un seul objectif : rendre l’Homme, le couple, le quartier, le village, etc., responsables de leurs destins. Ainsi, le Naam donne une place importante à la recherche. Que ce soit à Koumbri ou à Niningui, villages situés à une quarantaine de kilomètres au Nord de Ouahigouya, les paysans se prennent eux-mêmes en charge.

Le 16 janvier 2010 à Niningui, les membres du groupement Naam qui exploitent le périmètre maraîcher du village se sont retrouvés pour ramasser des moellons. Ces moellons serviront, entre autres, à freiner l’ensablement du barrage qu’ils exploitent.

La Fédération nationale des groupements Naam s’illustre dans la protection de l’environnement et la lutte contre la désertification. Cela passe par la construction de diguettes antiérosives et antiravines, de tapis herbacés, le zaï, d’ouvrages de retenue d’eau pour des cultures de contre-saison, etc. Dans la foulée, des microcrédits sont octroyés aux paysans.

Souleymane Sawadogo


Les modes opératoires pour approcher les producteurs

Les groupements Naam, sur le terrain ont adopté plusieurs approches pour toucher les paysans. Ces approches sont dénommées modes opératoires. Parmi ceux-ci, le mode des poquets. Ceci suppose deux poquets distants d’un mètre dans le même contexte physique, sur un sol suffisamment fertile… On dépose deux graines de maïs au pouvoir germinatif contrôlé dans le premier et six autres de même qualité dans le second.

Ces poquets ainsi ensemencés reçoivent les mêmes soins en quantité et en qualité : eau, fumier, air, soleil, binage, etc. en doses convénables. Les germes poussent régulièrement et bénéficient des mêmes chances pour se développer. A leur maturité, on apprécie la qualité des épis et celle de leurs graines.

Les épis du premier poquet ont une forme normale. Ils évoluent normalement, mûrissent sans gêne, leurs graines sont pleines et farineuses. Les épis de l’autre, mal nourris, portent des graines fanées et peu farineuses. Dans une deuxième étape de ce mode opératoire, les poquets sont remplacés par deux familles de deux et six enfants. Ces ménages ont le même revenu mensuel de 50 000 f CFA.

Il suffit tout juste pour nourrir les membres de la famille. Comment satisfaire les autres besoins en études, habillement, santé, etc. des enfants ? Les paysans ont alors à répondre à cette interrogation : les enfants de quelle famille seront mieux traîtés et suffisamment outillés pour affronter les durs combats de la vie actuelle ? Ce mode opératoire qui parle de planning familial dont les notions « sont plus compréhensibles par les paysans si elles sont imagées », précise Dr Bernard lédéa Ouédraogo, fondateur des Groupements Naam.

S.S


Apprendre à dialoguer au sein du ménage

L’Union Naam de Koumbri a mené une recherche sur la vie des ménages. Cette étude a fait ressortir un certain nombre de problèmes que rencontrent les ménages pour « joindre les deux bouts ».

Avec l’approche Naam les populations apprennent à résoudre harmonieusement ces difficultés en s’appuyant sur le dialogue au sein des familles. Moustapha Ouédraogo, le secrétaire général de l’union Naam de Koumbri témoigne : « Nous avons remarqué que dans les familles, il manque l’entente et la cohésion.

Ci fait qu’elles ne prospèrent pas bien. Les saisons des pluies ne sont pas toujours bonnes. Si les récoltes ne sont pas bonnes, le chef de famille a tendance à fermer le grénier familial à clé, laissant les femmes se débrouiller pour nourrir les enfants.

Il ne l’ouvrira que pendant la nouvelle saison des pluies afin que la famille puisse manger et travailler. C’est une très mauvaise démarche parce que les femmes et les enfants, qui sur une très longue période de l’année ne profitent pas des fruits de leur labeur, ne cultiveront plus convénablement le champ familial.

Et c’est toute la famille qui est perdante. Nous avons par conséquent conseillé aux chefs de famille de ne plus fermer les gréniers. Pour se faire, tous les membres de la famille doivent se concerter. Par exemple, si elle doit consommer 5 sacs de mil sur toute l’année, alors qu’elle n’en dispose que de trois, il faut qu’elle cherche où trouver les deux autres sacs.

Va-t-elle élever des animaux ou mener des activités rémunératrices de revenus pour combler le manque ? Une fois l’activité à mener arrêtée, la famille désigne les personnes à assigner à cette tâche. Pendant ce temps, le contenu du grénier est mis à la disposition de tous. Bien d’autres préoccupations familiales peuvent se résoudre de la sorte. Toutes les familles du village de Koumbri procèdent par la concertation avant d’entamer toute action au bénéfice du groupe.

Les villageois mènent eux-mêmes des études pour trouver leurs propres voies. C’est ainsi qu’à Koumbri, ils sont parvenus à la création d’une Caisse d’assurance et d’autonomisation des familles où chaque individu cotise selon ses moyens et peut bénéficier de prêts.

S.S

Carrefour Africain

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