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Nigeria : La maladie du chef contamine la République

Publié le lundi 8 février 2010 à 01h07min

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Depuis le 23 novembre 2009, le Nigeria, tel un avion, est un pays sans commandant de bord. En effet, cela fait près de trois mois que le chef de l’Etat fédéral, Umaru Yar’Adua, est hospitalisé à Djeddah, en Arabie Saoudite, pour des problèmes cardiaques. Selon la version officielle rapportée par des médias occidentaux, il souffrirait d’une péricardite aiguë, une inflammation de la paroi entourant le cœur.

C’est un secret de Polichinelle, seule la cause de son mal n’était pas connue, car depuis son élection à la magistrature suprême on savait le successeur d’Olesegun Obasanjo malade et ses nombreux voyages à l’extérieur pour des visites médicales faisaient déjà l’objet de beaucoup de supputations dans les salons privés de Lagos, d’Abuja ou de Kano.

Jusque-là ses absences répétées étaient dans la limite du tolérable si c’est pour quelques jours ; mais cette fois le seuil a été franchi avec son admission à l’hôpital et on a fini par tomber dans le débat public. Des voix se sont donc élevées pour exiger la vérité sur la santé du président et sa capacité à diriger le pays dans un état grabataire. Déjà en temps normal, le Nigeria est malade de ses multiples conflits sociopolitiques, ethniques et religieux.

Les derniers en date : la bataille à la hache et au coupe-coupe entre les membres de la secte islmiste Kala-Kato, pour ne pas la nommer, qui a fait 70 morts ; et les affrontements entre chrétiens et musulmans dans l’Etat de Jos, au centre du pays, au cours desquels le bilan macabre établi indique plus de 300 macchabées.

Pour ne rien arranger, les Etats-Unis décident de placer les ressortissants nigérians sur la liste des passagers à surveiller après la tentative du jeune Umar Farouk Abdulmutallab de faire exploser un vol Amsterdam-Detroit. Face à tous ces événements malheureux qui se succèdent à un rythme soutenu, on aurait voulu que le président soit là pour donner de la voix. Hélas !

Et quand enfin il se décide à se faire entendre pour rassurer ses compatriotes, il choisit la BBC plutôt qu’une radio nationale. C’est raté ! La communication politique voulue par ses conseillers n’a pas produit l’effet escompté. Les Nigérians n’ont pas été convaincus par cette voix chevrotante de leur président, et souhaitent tout simplement qu’il passe le témoin au vice-président, Jonathan Goodluck. Mais la Haute cour fédérale a rejeté le recours des avocats, arguant que le second peut assurer l’intérim sans être calife à la place du calife.

En clair, Yar’Adua ne peut démissionner. Mais face au blocage et aux tiraillements palpables entre le Nord et le Sud, la justice a fini par sommer le gouvernement de décider si le chef de l’Etat est apte à gouverner, surtout que sa maladie a des répercussions sur l’économie, dans la mesure où le président ne peut signer une loi fixant de nouvelles règles du jeu pour les compagnies pétrolières opérant au Nigeria. Conséquence directe et immédiate : celles-ci ont pratiquement suspendu leurs investissements.

C’est dans ce contexte où le 8e exportateur mondial de l’or noir subit de lourdes pertes dans les affaires que les chefs de groupes armés du Delta pétrolifère du Niger ont menacé de reprendre les armes, estimant que les autorités les traitent “comme un conquérant traite un peuple vaincu”. Quand on sait que les actions de sabotage de ces rebelles depuis 2006 ont fait chuter la production pétrolière d’un tiers, on imagine ce que cette décision comporte comme danger pour le pays.

“Trop, c’est trop”, pense-t-on dans les hautes sphères de la politique. Ce ras-le-bol a été traduit en actes concrets par la ministre de la Communication, Dora Akunyili, qui, à travers un mémorandum, demande au président de se retirer. Et selon la Constitution, pour que cela puisse se réaliser, les deux tiers de l’Exécutif doivent soutenir que le président est inapte et un comité médical nommé par le Sénat doit en apporter la preuve. Mais encore faut-il que l’Assemblée nationale approuve le projet.

Dorénavant, plus rien ne pourrait s’opposer à cette requête avec l’annonce faite par le Forum des gouverneurs des 36 Etats de saisir cette instance au regard du fait que “les gouverneurs sont les leaders de leurs partis au sein de chaque Etat. Ils contacteront les membres de leurs formations politiques qui siègent à l’Assemblée afin de les convaincre de prendre la décision de transférer le pouvoir à Goodluck”.

Au-delà du Nigeria, ce sujet préoccupe la sous-région ouest-africaine au regard du poids économique de ce pays qui fait de lui la locomotive de la CEDEAO. Yar’Adua n’est-il d’ailleurs pas le président en exercice de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest ? On peut cependant se féliciter et se réjouir de ce que cette vacance du pouvoir central n’a pas entraîné de bruits de bottes. L’armée nigériane est restée républicaine et les institutions ont fonctionné selon les règles de l’art, preuve, s’il besoin en est, que le géant aux pieds d’argile, malgré ses crises sociopolitiques à répétition, s’est accommodé des vertus démocratiques.

La Rédaction

L’Observateur Paalga

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